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29/12/2020 | FRANCE | N°19DA02701,19DA02718

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1ère chambre, 29 décembre 2020, 19DA02701,19DA02718


Vu la procédure suivante :

I - Par une requête, enregistrée le 10 décembre 2019 sous le n° 19DA02701, et un mémoire, enregistré le 10 septembre 2020, la société par actions simplifiée Lebul, représentée par Me E... J..., demande à la cour :

1°) d'annuler l'arrêté du 11 octobre 2019 par lequel le maire de La Madeleine a délivré un permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale à la société civile de construction vente La Madeleine Rue Scrive ;

2°) de mettre à la charge de la commune de La Madeleine et de la société civile de c

onstruction vente La Madeleine Rue Scrive la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'ar...

Vu la procédure suivante :

I - Par une requête, enregistrée le 10 décembre 2019 sous le n° 19DA02701, et un mémoire, enregistré le 10 septembre 2020, la société par actions simplifiée Lebul, représentée par Me E... J..., demande à la cour :

1°) d'annuler l'arrêté du 11 octobre 2019 par lequel le maire de La Madeleine a délivré un permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale à la société civile de construction vente La Madeleine Rue Scrive ;

2°) de mettre à la charge de la commune de La Madeleine et de la société civile de construction vente La Madeleine Rue Scrive la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

II - Par une requête, enregistrée le 11 décembre 2019 sous le n° 19DA02718, et un mémoire, enregistré le 11 novembre 2020, la société Supermarchés Match, représentée par Me I... K..., demande à la cour :

1°) d'annuler l'arrêté du 11 octobre 2019 par lequel le maire de La Madeleine a délivré un permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale à la société civile de construction vente La Madeleine Rue Scrive ;

2°) de mettre à la charge de la commune de La Madeleine et de l'Etat la somme de 5 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- le code de commerce ;

- le code de l'urbanisme ;

- la loi n° 2020-1379 du 14 novembre 2020 autorisant la prorogation de l'état d'urgence sanitaire ;

- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Jean-Pierre Bouchut, premier conseiller,

- les conclusions de M. Aurélien Gloux-Saliou, rapporteur public,

- et les observations de Me E... J..., représentant la société Lebul et la société Leatwo, de Me I... K..., représentant la société Supermarchés Match, de Me H... D..., représentant la commune de La Madeleine, de Me C... F..., représentant la société civile de construction vente La Madeleine Rue Scrive, et de Me B... G..., représentant la société Coopérative U Enseigne.

Considérant ce qui suit :

1. Les requêtes n° 19DA02701, présentée par la société Lebul, et n° 19DA02718, présentée par la société Supermarchés Match, sont relatives à un même permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale et présentent à juger des questions semblables. Il y a lieu de les joindre pour y être statué par un seul arrêt.

Sur l'objet des requêtes :

2. Par arrêté du 11 octobre 2019, le maire de La Madeleine a délivré un permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale à la société La Madeleine Rue Scrive, après l'avis favorable rendu le 12 septembre 2019 par la Commission nationale d'aménagement commercial. Les sociétés Lebul et Supermarchés Match demandent l'annulation de cet arrêté.

Sur les interventions :

En ce qui concerne la société Coopérative U Enseigne :

3. Par une promesse synallagmatique de vente en l'état futur d'achèvement du 26 décembre 2019, la société La Madeleine Rue Scrive s'est engagée à réaliser, sur les terrains qu'elle possède rue Scrive, des bâtiments de supermarchés, d'autres surfaces commerciales et des parkings au bénéfice de la société Coopérative U Enseigne, laquelle a mis sous séquestre la somme d'un million d'euros. Le futur exploitant prévu par le permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale en litige sera un magasin à l'enseigne Super U. Dans ces conditions, la société Coopérative U Enseigne a intérêt au maintien de la décision attaquée. Ainsi ses interventions sont recevables.

En ce qui concerne la société Leatwo :

4. D'une part, il ressort des pièces du dossier que la société Leatwo a formé un recours préalable devant la Commission nationale d'aménagement commercial, ce qui lui donnait qualité pour contester le permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale devant la cour. Ses mémoires en " intervention " doivent dès lors être regardés comme des requêtes.

5. D'autre part, si la société Leatwo exploite un magasin à dominante alimentaire, celui-ci n'est pas situé dans la zone de chalandise du projet et il ne ressort pas des pièces du dossier qu'en raison du chevauchement de la zone de chalandise de cette société et de celle du projet, celui-ci serait susceptible d'avoir sur cette activité une incidence significative.

6. Dans ces conditions, et en admettant même que la requête de la société Leatwo ne soit pas tardive au regard de l'article R. 600-2 du code de l'urbanisme, cette société ne justifie pas d'un intérêt suffisant à l'annulation de la décision attaquée et ses requêtes sont donc irrecevables.

Sur la complétude du dossier de la demande :

7. Aux termes de l'article R. 752-6 du code de commerce, dans sa version alors applicable : " La demande est accompagnée d'un dossier comportant les éléments suivants : / (...) 2° Informations relatives à la zone de chalandise et à l'environnement proche du projet : / a) Une carte ou un plan indiquant les limites de la zone de chalandise, accompagné : / - des éléments justifiant la délimitation de la zone de chalandise ; / - de la population de chaque commune ou partie de commune comprise dans cette zone, de la population totale de cette zone et de son évolution entre le dernier recensement authentifié par décret et le recensement authentifié par décret dix ans auparavant ; / - d'une description de la desserte actuelle et future (routière, en transports collectifs, cycliste, piétonne) et des lieux exerçant une attraction significative sur la population de la zone de chalandise, notamment les principaux pôles d'activités commerciales, ainsi que du temps de trajet véhiculé moyen entre ces lieux et le projet ; (....) c) La description succincte et la localisation, à partir d'un document cartographique, des principaux pôles commerciaux situés à proximité de la zone de chalandise ainsi que le temps de trajet véhiculé moyen entre ces pôles et le projet ; (...) / 4° Effets du projet en matière d'aménagement du territoire. Le dossier comprend une présentation des effets du projet sur l'aménagement du territoire, incluant les éléments suivants : (...) a) Contribution à l'animation des principaux secteurs existants ; (...) c) Evaluation des flux journaliers de circulation des véhicules générés par le projet sur les principaux axes de desserte du site, ainsi que des capacités résiduelles d'accueil des infrastructures de transport existantes ; / d) Evaluation des flux journaliers de circulation des véhicules de livraison générés par le projet et description des accès au projet pour ces véhicules ; (... ) 5° Effets du projet en matière de développement durable. Le dossier comprend une présentation des effets du projet en matière de développement durable, incluant les éléments suivants : (...) / d) Description des mesures propres à limiter l'imperméabilisation des sols ; / e) Description des mesures propres à limiter les pollutions associées à l'activité, notamment en matière de gestion des eaux pluviales et de traitement des déchets ; (...) / g) Le cas échéant, si le projet n'est pas soumis à étude d'impact, description des zones de protection de la faune et de la flore sur le site du projet et des mesures de compensation envisagées ; (...) 6° Effets du projet en matière de protection des consommateurs. Le dossier comprend une présentation des effets du projet en matière de protection des consommateurs, incluant les éléments suivants : (...) b) Le cas échéant, contribution du projet à l'amélioration du confort d'achat, notamment par un gain de temps et de praticité et une adaptation à l'évolution des modes de consommation ; (...) ".

En ce qui concerne les informations relatives à la zone de chalandise et à l'environnement proche du projet :

8. La société Lebul reproche à la délimitation de la zone de chalandise par la pétitionnaire de n'avoir pas pris en compte, en excluant le secteur situé au-delà de la Deûle qui constitue une barrière physique, le quartier Lazaro-Haut Touquet situé au nord du canal de la Marque et les quartiers situés à l'ouest de la Deûle canalisée alors que ces quartiers vont être prochainement reliés au site par un pont sur la Deûle.

9. Toutefois, il ressort des pièces du dossier, et notamment du rapport d'instruction de la Commission nationale d'aménagement commercial, que la commission nationale a analysé la pertinence de la zone de chalandise ainsi retenue et a elle-même élargi cette zone pour prendre en compte plusieurs autres équipements commerciaux dont la zone d'aménagement concerté du Haut-Touquet et les parcs d'activité de Marquette-lez-Lille. Les informations relatives à la zone de chalandise et à l'environnement proche du projet produites par la société pétitionnaire n'ont ainsi pas été de nature à fausser l'appréciation par l'autorité compétente des effets du projet sur la réalisation des objectifs énoncés par l'article L. 752-6 du code de commerce.

En ce qui concerne les effets du projet en matière d'aménagement du territoire :

10. Si les sociétés requérantes soutiennent que le dossier de demande d'autorisation était incomplet en ce qui concerne l'étude des flux de circulation, il ressort des pièces du dossier que deux études de trafic et de circulation ont été réalisées le 19 juillet 2018 et le 2 septembre 2019 et que cette dernière étude a tenu compte des projets immobiliers en cours de réalisation à proximité du site du projet.

En ce qui concerne les effets du projet en matière de développement durable :

11. Alors qu'il ressort de l'étude bibliographique et de l'inventaire écologique réalisés en juillet 2017 à l'occasion de la demande de permis d'aménager que la faune, l'avifaune et la flore présentes sur le site ne présentent aucun caractère remarquable, les sociétés requérantes n'établissent pas que la demande était insuffisante en ce qui concerne l'état actuel du site, une ancienne friche industrielle, au regard de la préservation de l'environnement et de la pollution.

En ce qui concerne effets du projet en matière de protection des consommateurs :

12. D'une part, si les sociétés requérantes reprochent au dossier de demande ne pas avoir compris des éléments relatifs à la contribution du projet à la revitalisation du tissu commercial du centre-ville de la commune, à la vitalité des autres pôles commerciaux et au taux de vacance commerciale, il résulte de l'article R. 752-6 du code de commerce que de tels éléments ne sont pas au nombre de ceux exigés par cette disposition.

13. D'autre part, le dossier de demande a mentionné la réalisation de 550 nouveaux logements sur le site des jardins Saint-Charles, sur l'ancien site des services techniques de la commune, sur un site disponible de la rue Pardoen et sur l'avenue Joffre ainsi que l'existence d'un projet dénommé " Les Portes de l'Abbaye " sur le territoire de la commune de Saint-André-lez-Lille, de l'autre côté de la Deûle, comportant la réalisation de 700 à 800 logements. Le dossier permettait ainsi, conformément au b) du 6° de l'article R. 752-6 du code de commerce, d'apprécier la contribution du projet à l'amélioration du confort d'achat de ces nouveaux habitants.

14. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de l'incomplétude du dossier de la demande manque en fait et doit, par suite, être écarté.

Sur la compatibilité avec le document d'orientation et d'objectifs du schéma de cohérence territoriale :

15. Aux termes de l'article L. 752-6 du code de commerce, dans sa version alors applicable : " I. - L'autorisation d'exploitation commerciale mentionnée à l'article L. 752-1 est compatible avec le document d'orientation et d'objectifs des schémas de cohérence territoriale ou, le cas échéant, avec les orientations d'aménagement et de programmation des plans locaux d'urbanisme intercommunaux comportant les dispositions prévues au deuxième alinéa de l'article L. 151-6 du code de l'urbanisme (...) ".

16. Le document d'orientation et d'objectifs du schéma de cohérence territoriale de la Métropole Européenne de Lille, approuvé le 10 février 2017, dispose : " Au sein du tissu urbain mixte, les centralités commerciales urbaines sont les lieux privilégiés d'implantation des activités commerciales (dont l'artisanat commercial). La priorité est donnée au renforcement du maillage commercial de proximité. / Pour cela, une armature commerciale doit être construite (...). Elle est composée de 5 catégories de centralités commerciales urbaines, à savoir : la centralité métropolitaine ; les centralités d'agglomération ; les centralités d'appui ; les centralités relais ; les centralités de proximité (...) Les centralités commerciales d'appui, situées à la fois dans les villes de l'agglomération et dans la couronne métropolitaine (...) doivent répondre à des besoins hebdomadaires, principalement alimentaires. L'offre attendue réunit un ensemble de commerces de petite taille (commerçants et/ou artisans) et/ou une moyenne surface généraliste (jusqu'à 5 000 m² de surface de plancher), éventuellement complétée par des magasins spécialisés (jusqu'à 5 000 m² de surface de plancher) ".

17. Il ressort des pièces du dossier que le projet a une superficie de vente de 4 087 m² outre un point de retrait de 92 m², qu'il se situe à un peu plus de 700 mètres du centre-ville, qu'il prend place dans un secteur en mutation, encore traversé de nombreuses friches, où des centaines de logements doivent être construits et qu'il s'implante à proximité d'un hameau commercial, dont l'offre serait complémentaire au projet, entre un projet de réalisation de cellules artisanales situées à l'ouest et un immeuble de bureaux situés à l'est.

18. Le projet répond ainsi aux besoins principalement hebdomadaires des habitants des nouveaux quartiers proches et des personnes travaillant dans les zones artisanales et les bureaux proches. Entrant dans la catégorie des centralités commerciales d'appui, le projet est compatible avec les dispositions précitées du document d'orientation et d'objectifs du schéma de cohérence territoriale. Le moyen tiré de cette incompatibilité doit, par suite, être écarté.

Sur la conformité du projet aux objectifs énoncés à l'article L. 752-6 du code de commerce :

19. Aux termes de l'article L. 750-1 du code de commerce : " Les implantations, extensions, transferts d'activités existantes et changements de secteur d'activité d'entreprises commerciales et artisanales doivent répondre aux exigences d'aménagement du territoire, de la protection de l'environnement et de la qualité de l'urbanisme. Ils doivent en particulier contribuer au maintien des activités dans les zones rurales et de montagne ainsi qu'au rééquilibrage des agglomérations par le développement des activités en centre-ville et dans les zones de dynamisation urbaine (...) ".

20. Aux termes de l'article L. 752-6 du même code, dans sa version alors applicable : " La commission départementale d'aménagement commercial prend en considération : / 1° En matière d'aménagement du territoire : / a) La localisation du projet et son intégration urbaine ; / b) La consommation économe de l'espace, notamment en termes de stationnement ; / c) L'effet sur l'animation de la vie urbaine, rurale et dans les zones de montagne et du littoral ; / d) L'effet du projet sur les flux de transports et son accessibilité par les transports collectifs et les modes de déplacement les plus économes en émission de dioxyde de carbone ; / e) La contribution du projet à la préservation ou à la revitalisation du tissu commercial du centre-ville de la commune d'implantation, des communes limitrophes et de l'établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre dont la commune d'implantation est membre ; (...) / 2° En matière de développement durable : / a) La qualité environnementale du projet, notamment du point de vue de la performance énergétique et des émissions de gaz à effet de serre par anticipation du bilan prévu aux 1° et 2° du I de l'article L. 229-25 du code de l'environnement, du recours le plus large qui soit aux énergies renouvelables et à l'emploi de matériaux ou procédés éco-responsables, de la gestion des eaux pluviales, de l'imperméabilisation des sols et de la préservation de l'environnement ; / b) L'insertion paysagère et architecturale du projet, notamment par l'utilisation de matériaux caractéristiques des filières de production locales ; / c) Les nuisances de toute nature que le projet est susceptible de générer au détriment de son environnement proche. (...) / 3° En matière de protection des consommateurs : / a) L'accessibilité, en termes, notamment, de proximité de l'offre par rapport aux lieux de vie ; / b) La contribution du projet à la revitalisation du tissu commercial, notamment par la modernisation des équipements commerciaux existants et la préservation des centres urbains ; / c) La variété de l'offre proposée par le projet, notamment par le développement de concepts novateurs et la valorisation de filières de production locales ; / d) Les risques naturels, miniers et autres auxquels peut être exposé le site d'implantation du projet, ainsi que les mesures propres à assurer la sécurité des consommateurs ".

21. Il résulte de ces dispositions combinées que l'autorisation d'aménagement commercial ne peut être refusée que si, eu égard à ses effets, le projet contesté compromet la réalisation des objectifs énoncés par la loi. Il appartient aux commissions d'aménagement commercial, lorsqu'elles donnent leur avis sur les dossiers de demande d'autorisation, d'apprécier la conformité du projet à ces objectifs, au vu des critères d'évaluation mentionnés à l'article L. 752-6 du code de commerce.

En ce qui concerne l'aménagement du territoire :

S'agissant de l'intégration urbaine du projet :

22. Il ressort des pièces du dossier que les bâtiments commerciaux du projet ont été implantés le long de la voie ferrée au sud de la parcelle et non en bordure de rue, pour éviter de présenter un linéaire continu sur la totalité de la rue Scrive d'une longueur de 730 mètres située au nord, tout en s'insérant à proximité de terrains, au nord et à l'est, déjà pourvus d'habitation ou destinés à accueillir des opérations de logement. Le choix d'une telle implantation ne suffit pas à caractériser une insuffisance de l'insertion du projet dans son environnement urbain.

S'agissant de la consommation économe de l'espace :

23. D'une part, si la superficie totale occupée par le projet atteint 16 389 m², elle est issue d'une friche ferroviaire ancienne, vacante depuis une dizaine d'années, et ne consomme ainsi aucun espace agricole.

24. D'autre part, si le projet comporte 253 places de stationnement pour les véhicules automobiles, il n'existe pas de disproportion manifeste entre la superficie occupée par les parkings s'élevant à 4 822 m2 et celle des bâtiments commerciaux et la fréquentation ainsi attendue correspond à celle d'une moyenne surface alimentaire.

25. Dans ces conditions, l'objectif d'économie de consommation de l'espace n'est pas compromis par le projet.

S'agissant de l'animation de la vie urbaine et la préservation ou revitalisation du tissu commercial du centre-ville :

26. D'une part, ainsi qu'il a été dit, le projet a une superficie de vente de 4 087 m² outre un point de retrait de 92 m², se situe à un peu plus de 700 mètres du centre-ville, prend place dans un secteur en mutation, encore traversé de nombreuses friches, où des centaines de logements doivent être construits et s'implante à proximité d'un hameau commercial, dont l'offre serait complémentaire au projet, entre un projet de réalisation de cellules artisanales situées à l'ouest et un immeuble de bureaux situés à l'est.

27. D'autre part, si les centralités commerciales les plus proches sont un supermarché à Marcq-en-Baroeul avec les commerces qui l'accompagnent et la rue du général de Gaulle qui constitue l'artère principale de La Madeleine avec une vingtaine de commerces de proximité, le projet satisfait les besoins principalement hebdomadaires des habitants des nouveaux quartiers situés à proximité et des personnes travaillant sur les zones artisanales et les bureaux proches.

28. Il résulte de ce qui précède que le projet litigieux contribue à la requalification d'une friche ferroviaire ancienne et à la redynamisation du quartier " Saint-Charles ". L'existence de risques d'atteinte à la préservation et à la revitalisation du tissu commercial situé en centre-ville ne ressort ainsi pas des pièces du dossier.

S'agissant des flux de transports et de l'accessibilité par les transports collectifs et les modes de déplacement les plus économes en émission de dioxyde de carbone :

29. D'une part, il ressort des pièces du dossier, notamment des études de circulation produites et en particulier de celle datée du 2 septembre 2019, que les projets de création de logements, de commerces ou de bureaux situés aux alentours ont été pris en compte, que les flux journaliers de véhicules engendrés par le projet peuvent être absorbés par les voiries existantes avec une marge suffisante d'évolution du trafic et que les infrastructures routières desservant le site offrent des garanties de sécurité pour tous les modes de déplacement. La rue Scrive a en effet déjà été aménagée avec des voies de tourne-à-gauche et des feux tricolores aux entrées du site et un rond-point, avec voie de délaissement en sortie, est prévu sur le site du projet pour fluidifier l'accès.

30. D'autre part, le site est accessible par des trottoirs et des pistes cyclables identifiés. Ces voies sont séparées de la voirie par un aménagement végétal. Les trottoirs et les passages piétons des accès extérieurs au centre commercial sont adaptés pour relier des quartiers proches. La gare de desserte par le TER se situe à moins de 500 mètres du projet et plusieurs lignes du réseau de transport en commun par bus sont présentes, l'arrêt de bus le plus proche étant situé environ 300 mètres de l'entrée du site. Le projet comprend quatre abris à vélo répartis sur le site pour vingt-six places de bicyclettes.

31. Dans ces conditions, les moyens tirés de l'insuffisance de la desserte du projet et des risques pour la sécurité des usagers doivent être écartés.

32. Il résulte de tout ce qui précède que le projet ne compromet pas l'objectif d'aménagement du territoire.

En ce qui concerne le développement durable :

S'agissant de la qualité environnementale du projet :

33. D'une part, le projet comportera 1 700 m² d'espaces verts sur l'emprise foncière du projet, l'implantation de 67 arbres répartis sur le terrain, des toitures végétalisée d'une surface de 1 000 m² et des aires de stationnement engazonnées d'une surface de 2 800 m² accueillant 75 places de stationnement en Evergreen. Les espaces perméables recouvriront ainsi plus de 32 % de la superficie totale de l'unité foncière. Les eaux de pluie des toitures seront récupérées dans une cuve enterrée.

34. D'autre part, 330 panneaux solaires, soit 238 m² de surface de la toiture des bâtiments, seront installés. La toiture végétalisée renforcera l'isolation des bâtiments. Le projet comprendra l'installation de pompes à chaleur réversible, couplées à une ventilation mécanique. Une gestion technique centralisée, utilisant un système de régulation thermique, permettra la programmation journalière, hebdomadaire ou annuelle, par zone, de la fourniture de chaleur. Un système de récupération de chaleur sera mis en place pour les équipements de production de froid. Un éclairage LED sera mis en place sur l'ensemble de la superficie. Enfin 26 places de stationnement seront équipées de bornes de recharge pour les véhicules électriques, soit 10 % du total du parc de stationnement.

35. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance de l'objectif relatif à la qualité environnementale du projet doit être écarté.

S'agissant de l'insertion paysagère et architecturale du projet :

36. Il ressort des pièces du dossier d'abord que le projet sera implanté en bordure d'une voie ferrée, ensuite qu'il prévoit 1 700 m² d'aménagement paysager, la plantation de 67 arbres sur un lit de gazon animé de graminées et de bulbes et le recours à la brique et au bardage en bois comme principaux matériaux de construction. Eu égard au caractère des lieux, compte tenu de ces dispositions et nonobstant la présence de parements métalliques, l'aspect architectural du projet assure une cohérence sur l'ensemble du site.

S'agissant des nuisances de toute nature :

37. D'une part, s'agissant des risques d'inondation et comme il a déjà été dit, les terrains sur lesquels s'implante le projet, issus de la démolition d'entrepôts de marchandises, d'une voie routière d'accès et de voies ferrées, sont déjà largement artificialisés et des espaces verts, des places de parking engazonnées et la plantation d'arbres sont prévus.

38. D'autre part, si le trafic prévu pour l'accès commercial est estimé à 435 véhicules à l'heure de pointe du vendredi soir et 530 véhicules à l'heure de pointe du samedi, il ne ressort pas des pièces du dossier que les nuisances engendrées par ces flux supplémentaires de circulation automobile, au regard des flux actuels de véhicules utilisant déjà les voies de desserte du site, seraient excessives.

39. Enfin, si les sociétés requérantes allèguent la présence d'une pollution des sols et d'espèces protégées sur le site, elles ne l'établissent pas. La société bénéficiaire du permis relève, sans être contestée, que le site de l'ancienne gare marchande a fait l'objet d'une campagne d'investigations réalisée en juillet 2017 qui n'a relevé aucune contamination significative du terrain ni des nappes souterraines. Il ressort également des pièces du dossier que les déchets organiques seront entreposés dans une chambre froide dédiée à cet effet.

40. Il résulte de ce qui précède que le projet ne compromet pas l'objectif de développement durable.

Sur les autres moyens :

41. Il résulte des dispositions du premier alinéa de l'article L. 600-1-4 du code de l'urbanisme que, lorsque le juge est saisi par un professionnel dont l'activité est susceptible d'être affectée par un projet d'aménagement commercial d'un recours pour excès de pouvoir dirigé contre le permis de construire mentionné à l'article L. 425-4 du même code, les moyens relatifs à la régularité de ce permis en tant qu'il vaut autorisation de construire sont irrecevables.

42. Par suite, les sociétés requérantes ne sont pas recevables à se prévaloir des dispositions de l'article L. 111-19 du code de l'urbanisme et du projet d'aménagement et de développement durables du plan local d'urbanisme pour contester un permis de construire en tant qu'il vaut autorisation d'exploitation commerciale.

43. Il résulte de ce qui précède que l'avis favorable rendu par la Commission nationale d'aménagement commercial n'est pas entaché d'une erreur d'appréciation au regard des objectifs énoncés à l'article L. 752-6 du code de commerce.

44. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner la recevabilité de leur requête, que les sociétés Lebul et Supermarchés Match ne sont pas fondées à demander l'annulation du permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale délivré le 11 octobre 2019.

Sur les frais exposés et non compris dans les dépens :

En ce qui concerne les conclusions dirigées contre l'Etat :

45. Aux termes de l'article L. 425-4 du code de l'urbanisme : " Lorsque le projet est soumis à autorisation d'exploitation commerciale au sens de l'article L. 752-1 du code de commerce, le permis de construire tient lieu d'autorisation dès lors que la demande de permis a fait l'objet d'un avis favorable de la commission départementale d'aménagement commercial ou, le cas échéant, de la Commission nationale d'aménagement commercial (...) ".

46. Il résulte de ces dispositions que l'avis de la Commission nationale d'aménagement commercial a le caractère d'un acte préparatoire à la décision prise par le maire de La Madeleine sur la demande de permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale, seule décision susceptible de recours contentieux. Dès lors qu'une éventuelle annulation de l'arrêté de permis de construire ne lèserait aucun intérêt direct et certain de l'Etat, celui-ci, qui n'est pas une partie à l'instance alors même que la Commission nationale d'aménagement commercial a été appelée à produire des observations sur la demande des sociétés requérantes, n'a pas qualité pour faire tierce opposition et ne peut, par suite, être regardé comme une partie pour l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Les conclusions dirigées contre l'Etat et présentées sur le fondement de cet article ne peuvent, dès lors, qu'être rejetées.

En ce qui concerne les autres conclusions :

47. D'une part, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la société La Madeleine Rue Scrive et de la commune de La Madeleine, qui ne sont pas les parties perdantes dans la présente instance, les sommes que réclament les sociétés Lebul, Supermarchés Match et Leatwo au titre des frais du litige.

48. D'autre part, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et dans les circonstances de l'espèce, la société Lebul versera la somme de 1 000 euros à la commune de La Madeleine et la somme de 1 000 euros à la société La Madeleine Rue Scrive et la société Supermarchés Match versera la somme de 1 000 euros à la commune de La Madeleine et la somme de 1 000 euros à la société La Madeleine Rue Scrive.

DÉCIDE :

Article 1er : Les interventions de la société Coopérative U Enseigne sont admises.

Article 2 : Les requêtes des sociétés Lebul, Supermarchés Match et Leatwo sont rejetées.

Article 3 : La société Lebul versera la somme de 1 000 euros à la commune de La Madeleine et la somme de 1 000 euros à la société La Madeleine Rue Scrive et la société Supermarchés Match versera la somme de 1 000 euros à la commune de La Madeleine et la somme de 1 000 euros à la société La Madeleine Rue Scrive au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Me E... J... pour la société Lebul et la société Leatwo, à Me I... K... pour la société Supermarchés Match, à la commune de La Madeleine, à Me C... F... pour la société La Madeleine Rue Scrive, à la Commission nationale d'aménagement commercial, à Me L... A... pour la société Coopérative U Enseigne et au ministre de la transition écologique.

Copie en sera transmise pour information au préfet du Nord.

Nos19DA02701,19DA02718 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 19DA02701,19DA02718
Date de la décision : 29/12/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-04-043 Urbanisme et aménagement du territoire. Autorisations d`utilisation des sols diverses. Autorisation d`exploitation commerciale (voir : Commerce, industrie, intervention économique de la puissance publique).


Composition du Tribunal
Président : M. Heinis
Rapporteur ?: M. Jean-Pierre Bouchut
Rapporteur public ?: M. Gloux-Saliou
Avocat(s) : MALLE TITRAN FRANCOIS AVOCATS ASSOCIÉS

Origine de la décision
Date de l'import : 27/01/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2020-12-29;19da02701.19da02718 ?
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