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29/12/2020 | FRANCE | N°19DA00443

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1ère chambre, 29 décembre 2020, 19DA00443


Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 22 février 2019, et un mémoire, enregistré le 12 septembre 2019, la société à responsabilité limitée Magasin 246, représentée par la SELARL Arès, demande à la cour :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 6 décembre 2018 par laquelle la Commission nationale d'aménagement commercial a refusé de lui accorder une autorisation d'exploitation commerciale pour la création d'un magasin à l'enseigne " Noz " dans la zone commerciale du Mesnil-Roux à Barentin en Seine-Maritime ;

2°) d'en

joindre à la Commission nationale d'aménagement commercial de procéder au réexamen de son ...

Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 22 février 2019, et un mémoire, enregistré le 12 septembre 2019, la société à responsabilité limitée Magasin 246, représentée par la SELARL Arès, demande à la cour :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 6 décembre 2018 par laquelle la Commission nationale d'aménagement commercial a refusé de lui accorder une autorisation d'exploitation commerciale pour la création d'un magasin à l'enseigne " Noz " dans la zone commerciale du Mesnil-Roux à Barentin en Seine-Maritime ;

2°) d'enjoindre à la Commission nationale d'aménagement commercial de procéder au réexamen de son recours dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de commerce ;

- le code de l'urbanisme ;

- le décret n° 2012-1530 du 28 décembre 2012 relatif aux caractéristiques thermiques et à la performance énergétique des constructions de bâtiments ;

- la loi n° 2020-1379 du 14 novembre 2020 autorisant la prorogation de l'état d'urgence sanitaire ;

- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Claire Rollet-Perraud, président-assesseur,

- et les conclusions de M. Aurélien Gloux-Saliou, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

Sur les conclusions à fin d'annulation :

1. La société Magasin 246 a sollicité, le 18 juillet 2018, une autorisation d'exploitation commerciale dans le but de créer un point de vente à l'enseigne " Noz " de 1 061,30 m² de surface de vente dans une cellule inoccupée située dans la zone commerciale du Mesnil-Roux à Barentin. La commission départementale d'aménagement commercial de la Seine-Maritime a rejeté la demande par une décision du 7 septembre 2018. Saisie d'un recours par la société Magasin 246, la Commission nationale d'aménagement commercial a, à son tour, refusé l'autorisation sollicitée par une décision du 6 décembre 2018 dont la société Magasin 246 demande l'annulation.

En ce qui concerne le respect des objectifs de l'article L. 752-6 du code de commerce :

2. Aux termes du I de l'article L. 752-6 du code de commerce, dans sa version alors en vigueur : " I. - L'autorisation d'exploitation commerciale mentionnée à l'article L. 752-1 est compatible avec le document d'orientation et d'objectifs des schémas de cohérence territoriale ou, le cas échéant, avec les orientations d'aménagement et de programmation des plans locaux d'urbanisme intercommunaux comportant les dispositions prévues au deuxième alinéa de l'article L. 151-6 du code de l'urbanisme. / La commission départementale d'aménagement commercial prend en considération : / 1° En matière d'aménagement du territoire : / (...) / d) L'effet du projet sur les flux de transports et son accessibilité par les transports collectifs et les modes de déplacement les plus économes en émission de dioxyde de carbone ; / 2° En matière de développement durable : / a) La qualité environnementale du projet, notamment du point de vue de la performance énergétique, du recours le plus large qui soit aux énergies renouvelables et à l'emploi de matériaux ou procédés éco-responsables, de la gestion des eaux pluviales, de l'imperméabilisation des sols et de la préservation de l'environnement ; / b) L'insertion paysagère et architecturale du projet, notamment par l'utilisation de matériaux caractéristiques des filières de production locales ; / (...) ".

3. Il appartient aux commissions d'aménagement commercial, lorsqu'elles statuent sur les dossiers de demande d'autorisation, d'apprécier la conformité du projet aux objectifs énoncés par la loi, au vu des critères d'évaluation mentionnés à l'article L. 752-6 du code de commerce. L'autorisation d'exploitation commerciale ne peut être refusée que si, eu égard à ses effets, le projet contesté compromet la réalisation de ces objectifs.

4. Pour refuser le projet en litige, la Commission nationale d'aménagement commercial s'est fondée sur quatre motifs. Les deux premiers se rattachent à l'objectif de développement durable figurant au 2° du I de l'article L. 752-6 du code de commerce et aux critères de la qualité environnementale du projet et de son insertion paysagère et architecturale figurant aux a) et b) du même 2°. Les deux derniers motifs se rattachent à l'objectif d'aménagement du territoire, figurant au 1° du I du même article et au critère de l'effet du projet sur les flux de transport et d'accessibilité par les transports collectifs et les modes de déplacement les plus économes en émission de dioxyde de carbone figurant sous le d) du même 1°. La société requérante conteste le bien-fondé de ces motifs.

En ce qui concerne l'effet du projet en matière d'aménagement du territoire :

5. D'une part, il ressort des pièces du dossier que le projet consiste à installer un point de vente à l'enseigne " Noz " dans un bâtiment vacant existant situé dans un petit ensemble commercial composé de deux bâtiments et qui rassemblera désormais trois enseignes. Il ne nécessite pas de travaux extérieurs. Le site est desservi par une voie à double sens de circulation présentant une largeur d'au moins cinq mètres et bordée de cheminements piétons sécurisés. Un passage piéton est implanté à proximité de l'entrée du site sur un plateau ralentisseur surélevé signalé par un marquage au sol. La vitesse de circulation est par ailleurs limitée à cet endroit. Dans ces conditions, il n'est pas établi que le site ne serait pas accessible aux piétons ou que des cyclistes ne pourraient pas partager la voie avec les autres usagers dans des conditions satisfaisantes de sécurité.

6. D'autre part, il ne ressort pas des pièces du dossier que la présence d'un virage à proximité de l'entrée du site et d'un collège de l'autre côté de la rue soit de nature à rendre l'accès au site particulièrement dangereux.

7. Enfin, le terrain d'assiette de la construction envisagée est desservi par une ligne d'autobus, dont le faible cadencement ne constitue pas en l'espèce une circonstance permettant à elle seule de regarder le projet comme n'étant pas accessible par les transports en commun, de même que la distance de 850 mètres séparant le projet de l'arrêt de bus le plus proche.

8. Dans ces conditions, c'est à tort que la Commission nationale d'aménagement commercial a estimé que les conditions de desserte du projet méconnaîtraient en l'espèce le 1° du I de l'article L. 752-6 du code de commerce.

En ce qui concerne l'effet du projet en matière de développement durable :

9. D'une part, ainsi qu'il a été dit au point précédent, le projet prendra place dans un centre commercial ouvert depuis plusieurs années sans réalisation de travaux extérieurs. Il n'aura donc aucun impact sur l'intégration du centre commercial dans son environnement. De plus, il ressort des pièces du dossier que la pétitionnaire prévoit la plantation de six arbres sur le parc de stationnement.

10. D'autre part, l'article 2 du décret du 28 décembre 2012 relatif aux caractéristiques thermiques et aux exigences de performance énergétique des bâtiments nouveaux prévoit que l'extension des nouvelles normes de performance énergétique s'applique aux bâtiments, notamment commerciaux, qui font l'objet d'une demande de permis de construire déposée à compter du 1er janvier 2013. Or il n'est pas contesté que le permis délivré aux fins d'édifier le bâtiment dans lequel le projet en cause est destiné à s'implanter a fait l'objet d'une demande antérieure à cette date. Dès lors, la Commission nationale d'aménagement commercial ne pouvait légalement se fonder sur cette réglementation pour refuser le projet.

11. Enfin, le projet prévoit un certain nombre de travaux de nature à améliorer la performance énergétique du bâtiment, tels que la réduction de la hauteur intérieure du bâtiment par la pose d'un faux-plafond ou l'installation d'un système de climatisation réversible avec pompe à chaleur. De plus, il n'est pas contesté que la structure du bâtiment ne permet pas de recevoir une toiture végétalisée ou des panneaux photovoltaïques.

12. Il résulte de ce qui précède qu'aucun des motifs de la décision attaquée n'est légal au regard du 2° du I de l'article L. 752-6 du code de commerce.

En ce qui concerne les autres moyens invoqués :

13. Les autres moyens soulevés par la société requérante, qui tendent à démontrer que le projet respecte les objectifs fixés par les dispositions de l'article L. 752-6 du code de commerce, sont inopérants à l'appui des conclusions à fin d'annulation de la requête dès lors qu'ils sont sans lien avec les motifs de refus opposés par la Commission nationale d'aménagement commercial.

14. Il résulte de tout ce qui précède que la société Magasin 246 est fondée à demander l'annulation de la décision du 6 décembre 2018 par laquelle la Commission nationale d'aménagement commercial a refusé d'autoriser la création d'un point de vente à l'enseigne " Noz ".

Sur les conclusions à fin d'injonction :

16. Compte tenu des motifs du présent arrêt, il y a lieu d'enjoindre à la Commission nationale d'aménagement commercial, sur le fondement de l'article L. 911-2 du code de justice administrative, de procéder à un réexamen de la demande présentée par la société Magasin 246, dans un délai de quatre mois à compter de la notification qui lui sera faite du présent arrêt.

Sur les frais exposés et non compris dans les dépens :

17. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à la société Magasin 246 sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La décision du 6 décembre 2018 de la Commission nationale d'aménagement commercial est annulée.

Article 2 : Il est enjoint à la Commission nationale d'aménagement commercial de se prononcer à nouveau sur la demande de la société Magasin 246, dans un délai de quatre mois à compter de la notification du présent arrêt

Article 3 : L'Etat versera la somme de 2 000 euros à la société Magasin 246 sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Me A... B... pour la société magasin 246, à la Commission nationale d'aménagement commercial et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

N°19DA00443 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 19DA00443
Date de la décision : 29/12/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. Heinis
Rapporteur ?: Mme Claire Rollet-Perraud
Rapporteur public ?: M. Gloux-Saliou
Avocat(s) : CABINET ARES

Origine de la décision
Date de l'import : 16/03/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2020-12-29;19da00443 ?
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