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03/12/2020 | FRANCE | N°18DA00334

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 4ème chambre, 03 décembre 2020, 18DA00334


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée (SARL) Houdaer et Associés a demandé au tribunal administratif de Lille de prononcer la décharge des amendes fiscales qui lui ont été infligées au titre des années 2010 et 2011, sur le fondement des dispositions du 1 du I de l'article 1736 du code général des impôts, pour des montants respectifs de 12 500 euros et de 32 000 euros.

Par une ordonnance rendue le 18 juillet 2017, le vice-président du tribunal administratif de Lille a refusé de transmettre au

Conseil d'Etat la question prioritaire de constitutionnalité soulevée dans cette inst...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée (SARL) Houdaer et Associés a demandé au tribunal administratif de Lille de prononcer la décharge des amendes fiscales qui lui ont été infligées au titre des années 2010 et 2011, sur le fondement des dispositions du 1 du I de l'article 1736 du code général des impôts, pour des montants respectifs de 12 500 euros et de 32 000 euros.

Par une ordonnance rendue le 18 juillet 2017, le vice-président du tribunal administratif de Lille a refusé de transmettre au Conseil d'Etat la question prioritaire de constitutionnalité soulevée dans cette instance par la SARL Houdaer relative à la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions du 1 du I de l'article 1736 du code général des impôts.

Par un jugement n° 1405972 du 21 décembre 2017, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 13 février 2018, la SARL Houdaer, représentée par Me Wibaut, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer la décharge des amendes fiscales qui lui ont été infligées, au titre des années 2010 et 2011, sur le fondement des dispositions du 1 du I de l'article 1736 du code général des impôts ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la Constitution, notamment son article 61-1 ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le décret n° 2020-1404 du 18 novembre 2020 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Dominique Bureau, première conseillère,

- et les conclusions de M. Jean-Philippe Arruebo-Mannier, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La SARL Houdaer et Associés a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2011 à l'issue de laquelle, par une proposition de rectification du 27 juin 2013, l'administration fiscale lui a, notamment, notifié des amendes fiscales en application des dispositions du 1 du I de l'article 1736 du code général des impôts, d'un montant de 12 500 euros au titre de l'année 2010 et de 32 000 euros au titre de l'année 2011. Ces amendes ont été maintenues en réponse aux observations de la SARL Houdaer et Associés et mises en recouvrement le 10 décembre 2013. La société Houdaer et Associés fait appel du jugement du 21 décembre 2017 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces amendes. A l'appui de sa requête d'appel, par un mémoire distinct, elle demande à la cour d'annuler l'ordonnance du 18 juillet 2017 par laquelle le vice-président du tribunal administratif de Lille a refusé de transmettre au Conseil d'Etat la question prioritaire de constitutionnalité relative à la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions du 1 du I de l'article 1736 du code général des impôts et de transmettre cette question prioritaire de constitutionnalité au Conseil d'Etat, au regard, en particulier, du principe de proportionnalité des peines résultant de l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen.

Sur la question prioritaire de constitutionnalité :

2. Il résulte des dispositions de l'article 23-2 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel que le tribunal administratif ou la cour administrative d'appel, procède à la transmission au Conseil d'Etat de la question prioritaire de constitutionnalité régulièrement soulevée à l'occasion de l'instance, à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux.

3. Aux termes du 1 du I de l'article 1736 du code général des impôts : " Entraîne l'application d'une amende égale à 50'% des sommes non déclarées le fait de ne pas se conformer aux obligations prévues à l'article 240 et au 1 de l'article 242 ter et à l'article 242 ter B. L'amende n'est pas applicable, en cas de première infraction commise au cours de l'année civile en cours et des trois années précédentes, lorsque les intéressés ont réparé leur omission, soit spontanément, soit à la première demande de l'administration, avant la fin de l'année au cours de laquelle la déclaration devait être souscrite ".

4. Le Conseil constitutionnel a, dans les motifs et le dispositif de la décision n° 2012-267 QPC du 20 juillet 2012, déclaré conformes à la Constitution les dispositions du 1 du I de l'article 1736 du code général des impôts citées au point 3. Les décisions n° 2016-554 QPC du 22 juillet 2016, n° 2016-618 QPC du 16 mars 2017 et n° 2017-667 QPC du 27 octobre 2017, par lesquelles le Conseil constitutionnel a déclaré contraires à la Constitution, respectivement, les dispositions du IV de l'article 1736 du Code Général des Impôts, instituant une amende fiscale en cas de non déclaration de compte à l'étranger, les dispositions du IV bis du même article, instituant une amende fiscale en cas de manquement aux obligations déclaratives concernant les trusts et les dispositions du second alinéa de l'article 1766 du code général des impôts, instituant une amende fiscale en cas de défaut de déclaration annuelle des contrats de capitalisation souscrits à l'étranger, sont fondées sur l'absence de lien direct entre chacune de ces amendes et le manquement constaté. Par ces décisions, le Conseil constitutionnel n'a pas jugé que serait, par principe, entachée d'inconstitutionnalité toute disposition sanctionnant les manquements à des obligations déclaratives destinées à favoriser l'établissement de l'impôt, en instituant une amende proportionnelle aux sommes non déclarées, indépendamment même de tout redressement fiscal. Par sa décision n° 2017-636 QPC du 9 juin 2017, le Conseil constitutionnel a d'ailleurs déclaré conforme à la constitution les dispositions du paragraphe I de l'article 1763 du code général des impôts sanctionnant, par une amende proportionnelle aux sommes omises, le défaut de production ou le caractère inexact ou incomplet de plusieurs documents qui doivent être joints à la déclaration annuelle de résultat souscrite par les entreprises bénéficiant d'un régime de sursis ou de report d'imposition des plus-values à la suite de certaines opérations de fusion ou d'apport partiel d'actif d'une branche complète d'activité. Ainsi, contrairement à ce que soutient la SARL Houdaer et Associés, l'intervention des décisions n° 2016-554 QPC du 22 juillet 2016, n° 2016-618 QPC du 16 mars 2017 et n° 2017-667 QPC du 27 octobre 2017 susmentionnées ne caractérise pas un changement de circonstances de nature à justifier que la conformité des dispositions du 1 du I de l'article 1736 du code général des impôts aux droits et libertés garantis par la Constitution soit à nouveau examinée par le Conseil constitutionnel. Par suite, les dispositions de l'article 23-2 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 font obstacle à ce que la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par la société requérante soit transmise au Conseil d'Etat.

5. Ainsi, sans qu'il soit besoin de transmettre au Conseil d'Etat la question prioritaire de constitutionnalité invoquée, le moyen tiré de ce que les dispositions du I de l'article 1736 du code général des impôts porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution doit être écarté.

Sur la régularité de la procédure d'infliction des amendes contestées :

6. Aux termes de l'article R. 256-1 du livre des procédures fiscales : " L'avis de mise en recouvrement prévu à l'article L. 256 indique pour chaque impôt ou taxe le montant global des droits, des pénalités et des intérêts de retard qui font l'objet de cet avis. / L'avis de mise en recouvrement mentionne également que d'autres intérêts de retard pourront être liquidés après le paiement intégral des droits. / Lorsque l'avis de mise en recouvrement est consécutif à une procédure de rectification, il fait référence à la proposition prévue à l'article L. 57 ou à la notification prévue à l'article L. 76 et, le cas échéant, au document adressé au contribuable l'informant d'une modification des droits, taxes et pénalités résultant des rectifications ".

7. Il résulte de l'instruction que les avis de mise en recouvrement n° 131105024 et n° 131105024 adressés à la SARL Houdaer et Associés le 29 novembre 2013, comportaient chacun l'indication d'une amende, appliquée au titre des années 2010 pour un montant de 7 036 euros en ce qui concerne le premier avis de mise en recouvrement, et au titre de l'année 2011 pour un montant de 12 500 euros en ce qui concerne le second avis de mise en recouvrement. Ces deux avis de mise en recouvrement comportaient, pour la créance correspondant à ces amendes, la référence à la proposition de rectification du 27 juin 2013 ainsi qu'à la réponse aux observations de la SARL Houdaer et Associés du 30 septembre 2013, lesquelles ne mentionnaient, pour seule amende, que celle prévue par les dispositions du I de l'article 1736 du code général des impôts, appliquée pour des montants et au titre de périodes identiques à ceux portés sur les avis de mise en recouvrement. Dans ces conditions, la circonstance que l'administration a désigné dans ces documents les sommes à recouvrer par le seul terme d'amende est sans influence sur leur régularité, au regard des prescriptions de l'article R 256-1 du livre des procédures fiscales , alors même que la vérification de la comptabilité de la SARL Houdaer et Associés avait donné lieu au recouvrement d'autres créances, figurant sur les mêmes avis de mise en recouvrement ou sur des avis de mise en recouvrement distincts.

Sur les bien-fondé des amendes contestées :

8. Aux termes de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. (...) ".

9. Les dispositions du 1 du I de l'article 1736 du code général des impôts répriment le manquement aux obligations de transmettre à l'administration fiscale des informations relatives aux sommes versées à d'autres contribuables, prévues à l'article 240, au 1 de l'article 242 ter et à l'article 242 ter B du code général des impôts. Elles ont ainsi pour objet de sanctionner, dans un but de lutte contre la fraude fiscale, la méconnaissance d'obligations déclaratives permettant à l'administration fiscale de procéder aux recoupements nécessaires au contrôle du respect, par les bénéficiaires des versements qui y sont mentionnés, de leurs obligations fiscales. Si ces dispositions retiennent, pour le calcul de l'amende, un taux unique de 50 % des sommes non déclarées, elles prévoient également que cette amende n'est pas applicable en cas de première infraction commise au cours de l'année civile en cours et des trois années précédentes, lorsque les intéressés ont réparé leur omission, soit spontanément, soit à la première demande de l'administration, avant la fin de l'année au cours de laquelle la déclaration devait être souscrite. Dans ces conditions, la sanction instituée par les dispositions du 1 du I de l'article 1736 du code général des impôts est proportionnée à la gravité des manquements réprimés. Par ailleurs, le juge compétent pour en connaître exerce un plein contrôle tant sur les faits que sur la caractérisation du manquement. Ainsi, et alors même que ce juge ne peut moduler le taux de l'amende, ces dispositions ne méconnaissent pas les exigences de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

10. Il résulte de tout ce qui précède que la SARL Houdaer et Associés n'est fondée ni à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à la décharge des amendes contestées, ni, en tout état de cause, à demander l'annulation de l'ordonnance du 18 juillet 2017, par laquelle le vice-président du tribunal administratif de Lille a refusé de transmettre au Conseil d'Etat la question de la conformité à la constitution des dispositions du du 1 du I de l'article 1736 du code général des impôts. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées

DÉCIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de transmettre au Conseil d'Etat la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par la SARL Houdaer et Associés.

Article 2 : La requête de la SARL Houdaer et Associés est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société à responsabilité limitée Houdaer et Associés et au ministre délégué chargé des comptes publics.

Copie en sera adressée à l'administrateur général des finances publiques chargé de la direction spécialisée de contrôle fiscal Nord.

3

No18DA00334


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 18DA00334
Date de la décision : 03/12/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Contributions et taxes - Généralités - Textes fiscaux - Légalité et conventionnalité des dispositions fiscales.

Contributions et taxes - Généralités - Amendes - pénalités - majorations.

Procédure - Introduction de l'instance.


Composition du Tribunal
Président : M. Binand
Rapporteur ?: Mme Dominique Bureau
Rapporteur public ?: M. Arruebo-Mannier
Avocat(s) : SELARL WIBLAW

Origine de la décision
Date de l'import : 26/10/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2020-12-03;18da00334 ?
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