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03/11/2020 | FRANCE | N°20DA00821

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1ère chambre, 03 novembre 2020, 20DA00821


Vu la procédure suivante :

Procédure antérieure :

M. F... C... a demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler deux arrêtés de la préfète de la Somme du 25 mai 2020 portant, d'une part, obligation de quitter le territoire français sans délai, fixation du pays de renvoi et interdiction de retour en France pendant un an, d'autre part, assignation à résidence.

Par un jugement n° 2001535 du 29 mai 2020, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif d'Amiens a annulé ces arrêtés.

Procédure devant la cour :

Par une

requête, enregistrée le 9 juin 2020, la préfète de la Somme demande à la cour :

1°) d'annuler c...

Vu la procédure suivante :

Procédure antérieure :

M. F... C... a demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler deux arrêtés de la préfète de la Somme du 25 mai 2020 portant, d'une part, obligation de quitter le territoire français sans délai, fixation du pays de renvoi et interdiction de retour en France pendant un an, d'autre part, assignation à résidence.

Par un jugement n° 2001535 du 29 mai 2020, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif d'Amiens a annulé ces arrêtés.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 9 juin 2020, la préfète de la Somme demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de rejeter cette demande.

Elle soutient que l'arrêté n'a pas violé les articles 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

Par un mémoire, enregistré le 16 septembre 2020, M. F... C..., représenté par Me D... E..., demande à la cour :

1°) de rejeter la requête ;

2°) de condamner l'Etat à verser la somme de 3 000 euros sur le fondement des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif modifiée par les ordonnances n° 2020-405 du 8 avril 2020, n° 2020-427 du 15 avril 2020 et n° 2020-558 du 13 mai 2020 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Marc Heinis, président de chambre, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne le moyen d'annulation retenu par le tribunal administratif :

1. D'une part, M. C..., né en 1974, a vécu la majeure partie de sa vie en Albanie. Il est entré irrégulièrement en France en octobre 2013. Sa demande d'asile a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides puis par la Cour nationale du droit d'asile. Il a fait l'objet en mars 2015 d'une première obligation de quitter le territoire français qui a ensuite été validée par le tribunal administratif puis par la cour administrative d'appel. S'il a demandé son admission exceptionnelle au séjour en novembre 2015 et a obtenu un titre de séjour " salarié " d'avril 2017 à avril 2018, il a fait l'objet en juin 2018 d'une deuxième obligation de quitter le territoire français qui a ensuite été validée par le tribunal administratif puis par la cour administrative d'appel. Embarqué sur un vol vers l'Albanie le 26 mars 2019, il est à nouveau entré irrégulièrement en France, n'a pas cherché à régulariser sa situation et a été interpellé le 25 mai 2020 lors d'un contrôle d'identité.

2. D'autre part, M. C... est sans profession ni revenus. Son épouse, Mme B... née en 1985, a fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français en juin 2019 qui a été validée par le tribunal administratif en novembre 2019. Leur fils A... né en juin 2013, de nationalité albanaise, peut accompagner ses parents. S'il ressort d'un billet SNCF que M. C... est revenu en France dès le 10 avril 2019 et si la préfète n'est dès lors pas fondée à soutenir que M. C... ne peut pas être le père de la fille, prénommée Keisi, à laquelle Mme B... a donné naissance le 2 juillet 2020, cette naissance est postérieure aux arrêtés attaqués en date du 25 mai 2020.

3. Toutefois, à cette dernière date, l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français concernant Mme B... n'était pas programmée et, ce que M. C... avait indiqué lors de son audition par la police le 25 mai 2020, l'accouchement de son épouse, dont la grossesse avait débuté en octobre 2019, était imminent.

4. Dans les circonstances susanalysées et contrairement à ce qu'a estimé le premier juge, les arrêtés ont porté une atteinte disproportionnée à la vie privée et familiale garantie par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales seulement en ce que l'obligation de quitter le territoire français concernant M. C... n'a pas été assortie d'un délai de départ volontaire.

En ce qui concerne les autres moyens invoqués par M. C... :

5. L'auteur des arrêtés, directeur de cabinet de la préfète, bénéficiait, en cas d'absence ou d'empêchement de la secrétaire générale de la préfecture, d'une délégation de signature sur le fondement de l'article 43 du décret n° 2004-374 du 29 avril 2004 et d'un arrêté du 7 février 2019 publié au recueil des actes administratifs de la préfecture et accessible sur internet.

6. Il ressort des pièces du dossier que M. C..., lors de son audition par la police pendant deux heures avant l'édiction des arrêtés le 25 mai 2020, a pu présenter des observations sur sa situation. En tout état de cause, il n'invoque aucune information de nature à affecter le sens des décisions qu'il n'aurait pas pu communiquer. L'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne n'a ainsi pas été violé.

7. Conformément aux articles L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration et L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et même s'ils n'ont pas visé la convention internationale relative aux droits de l'enfant, les arrêtés ont énoncé les motifs de droit et de fait qui ont fondé leurs différentes décisions.

8. Dans les circonstances susanalysées, même si le fils du requérant n'a jamais été scolarisé en Albanie et alors que l'assignation à résidence a seulement comporté une obligation de présentation à la police du lundi au vendredi à 9 heures et de présence au domicile de 14 à 17 heures, les arrêtés n'ont pas violé l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

9. M. C... n'a pas demandé un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-11, 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et ne peut donc utilement invoquer la violation de cette disposition.

10. Les dires relatifs aux risques encourus en cas de retour en Albanie n'ont été ni précisés ni justifiés. Le moyen tiré de la violation de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit donc être écarté.

11. Il résulte de ce qui précède que tous les moyens ci-dessus invoqués, par voie d'action ou d'exception, doivent être écartés.

12. Il résulte de tout ce qui précède que la préfète de la Somme est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif a annulé, d'une part, l'obligation de quitter le territoire français, la fixation du pays de renvoi et l'interdiction de retour en France, d'autre part, l'assignation à résidence.

Sur les frais exposés et non compris dans les dépens :

13. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu d'accueillir les conclusions présentées par M. C... et Me E... sur le fondement des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : L'obligation de quitter le territoire français du 25 mai 2020 est seulement annulée en ce qu'elle n'a pas été assortie d'un délai de départ volontaire.

Article 2 : Les conclusions tendant à l'annulation, d'une part, de l'obligation de quitter le territoire français, de la fixation du pays de renvoi et de l'interdiction de retour en France, d'autre part, de l'assignation à résidence sont rejetées.

Article 3 : Le jugement du tribunal administratif du 29 mai 2020 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 4 : Les conclusions présentées par M. F... C... et Me D... E... au titre des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. F... C..., au ministre de l'intérieur et à Me D... E....

Copie en sera transmise pour information à la préfète de la Somme.

N°20DA00821 5


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 20DA00821
Date de la décision : 03/11/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. Heinis
Rapporteur ?: M. Marc Heinis
Rapporteur public ?: M. Gloux-Saliou
Avocat(s) : AARPI QUENNEHEN - TOURBIER

Origine de la décision
Date de l'import : 17/11/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2020-11-03;20da00821 ?
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