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15/10/2020 | FRANCE | N°20DA00858

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3ème chambre, 15 octobre 2020, 20DA00858


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... E... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 11 février 2020 par lequel le préfet du Nord l'a obligé à quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an.

Par un jugement n° 2001144 du 19 mai 2020, le magistrat désigné par le président du tribunal administra

tif de Lille a annulé cet arrêté en tant qu'il porte interdiction de retour sur le territ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... E... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 11 février 2020 par lequel le préfet du Nord l'a obligé à quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an.

Par un jugement n° 2001144 du 19 mai 2020, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a annulé cet arrêté en tant qu'il porte interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an et a rejeté le surplus des conclusions de la requête.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 22 juin 2020, M. E..., représenté par Me C... B..., demande à la cour :

1°) d'infirmer ce jugement en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions portant obligation de quitter le territoire français, refus de délai de départ volontaire et fixant le pays de destination contenues dans l'arrêté du 11 février 2020 ;

2°) de confirmer ce jugement en tant qu'il a annulé la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée d'un an ;

3°) d'enjoindre au préfet du Nord de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois et sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

4°) à défaut, d'enjoindre au préfet du Nord de procéder à un nouvel examen de sa demande de titre de séjour et de prendre une nouvelle décision, en lui délivrant, dans cette attente, un récépissé de demande de titre de séjour l'autorisant à travailler, dans un délai d'un mois et sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 900 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme F... A..., présidente de chambre, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. E..., ressortissant marocain né le 25 juin 1983, déclare être entré irrégulièrement en France en 2015. Par un arrêté du 11 février 2020, le préfet du Nord l'a obligé à quitter le territoire français sans délai de départ volontaire et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement. M. E... relève appel du jugement du 19 mai 2020 en tant que, par ce jugement, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces décisions.

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :

2. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance (...) ".

3. Le requérant déclare être entré en France en 2015 afin d'y rejoindre son épouse, également ressortissante marocaine, avec laquelle il s'est marié en juillet 2014. Il ressort des pièces du dossier que cette dernière, titulaire d'une carte de résident sur le territoire français valable du 23 août 2012 au 22 août 2022, a créé, sur le territoire français, une entreprise dans le domaine de l'événementiel et n'a pas vocation à quitter le territoire français. En outre, il ressort des pièces du dossier que de l'union entre M. E... et son épouse, trois enfants sont nés sur le territoire français en 2015, 2016 et 2018, que les deux aînés sont scolarisés et que le couple attend un quatrième enfant. Le requérant, qui vit avec son épouse et ses enfants, fait valoir, sans être sérieusement contesté sur ce point, qu'il s'occupe quotidiennement de ses trois enfants pendant que son épouse travaille, ainsi qu'il l'avait expressément indiqué à l'occasion de son audition par les services de police le 10 février 2020, cette allégation étant corroborée par une attestation du 5 mars 2020 du chef de l'établissement dans lequel ses enfants sont scolarisés indiquant que l'intéressé emmène et vient rechercher ses enfants à l'école depuis le mois de septembre. Dans ces conditions, un retour de M. E... le temps d'obtenir un visa porterait une atteinte à l'unité de la cellule familiale, cette dernière ne pouvant se reconstituer au Maroc. Dès lors, sans que la circonstance que le requérant n'ait jamais sollicité l'obtention d'un titre de séjour depuis son entrée en France en 2015 ne suffise à justifier cette atteinte, le requérant est fondé à soutenir, dans les circonstances particulières de l'espèce, que la décision contestée a porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels elle a été prise et que le préfet du Nord a ainsi par, cette décision, méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Par suite, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens soulevés par le requérant, la décision portant obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire doit être annulée de même que, par voie de conséquence, la décision fixant le pays de destination de cette mesure d'éloignement.

4. Il résulte de ce qui précède que M. E... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions portant obligation de quitter le territoire français sans délai et fixant le pays de destination de cette mesure d'éloignement.

Sur les conclusions en injonction :

5. Le présent arrêt qui annule l'arrêté du 11 février 2020 par lequel le préfet du Nord a fait obligation à M. E... de quitter sans délai le territoire français et a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement n'implique pas, par lui-même, qu'un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " soit délivré à l'intéressé. Cet arrêt implique toutefois qu'en application de l'article L. 512-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que le préfet du Nord procède à un nouvel examen de la situation de M. E..., après l'avoir mis en possession d'une autorisation provisoire de séjour autorisant le travail valable le temps nécessaire à ce nouvel examen. Par suite, il y a lieu d'enjoindre au préfet du Nord de délivrer à M. E... une autorisation provisoire de séjour, dans un délai de quinze jours à compter de la date de notification du présent arrêt, et de procéder, dans un délai d'un mois à compter de cette date, à un nouvel examen de sa situation au regard du droit au séjour. Par ailleurs, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais liés au litige :

6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à M. E... d'une somme de 1 000 euros au titre des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : L'article 2 du jugement n° 2001144 en date du 19 mai 2020 du tribunal administratif de Lille est annulé en tant qu'il rejette les conclusions dirigées contre l'arrêté du 11 février 2020 du préfet du Nord et en tant qu'il rejette les conclusions à fin d'injonction.

Article 2 : L'arrêté du préfet du Nord en date du 11 février 2020 est annulé.

Article 3 : Il est enjoint au préfet du Nord de délivrer à M. E..., dans un délai de quinze jours à compter de la date de notification du présent arrêt, une autorisation provisoire de séjour autorisant le travail et de procéder, dans un délai d'un mois à compter de cette date, à un nouvel examen de sa situation.

Article 4 : L'Etat versera à M. E... une somme de 1 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... E..., au ministre de l'intérieur et au préfet du Nord.

N°20DA00858 4


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 20DA00858
Date de la décision : 15/10/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme Borot
Rapporteur ?: Mme Ghislaine Borot
Rapporteur public ?: M. Cassara
Avocat(s) : HENTZ

Origine de la décision
Date de l'import : 05/11/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2020-10-15;20da00858 ?
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