La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

13/10/2020 | FRANCE | N°19DA00234

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1ère chambre, 13 octobre 2020, 19DA00234


Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 28 janvier 2019, et des mémoires, enregistrés les 30 décembre 2019 et 27 mars 2020, le Groupement pour la défense de l'environnement de l'arrondissement de Montreuil et du Pas-de-Calais, représenté par Me C... B..., demande à la cour, dans ses dernières écritures :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir les arrêtés des 17 mars 2017 et 26 décembre 2017 par lesquels le préfet du Pas-de-Calais a accordé à la société " Parc Eolien de Widehem " un permis de construire n° 062 887 16 00004 pour l'implantati

on d'un poste de livraison électrique et six permis de construire nos 062 887 16 0...

Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 28 janvier 2019, et des mémoires, enregistrés les 30 décembre 2019 et 27 mars 2020, le Groupement pour la défense de l'environnement de l'arrondissement de Montreuil et du Pas-de-Calais, représenté par Me C... B..., demande à la cour, dans ses dernières écritures :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir les arrêtés des 17 mars 2017 et 26 décembre 2017 par lesquels le préfet du Pas-de-Calais a accordé à la société " Parc Eolien de Widehem " un permis de construire n° 062 887 16 00004 pour l'implantation d'un poste de livraison électrique et six permis de construire nos 062 887 16 00005 à 00010 pour la construction de six éoliennes, ensemble le rejet implicite de son recours gracieux formé contre ces arrêtés ;

2°) de rejeter la demande de la société " Parc éolien de Widehem " de mise à sa charge de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat et de la société " Parc éolien de Widehem " chacun la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la Constitution ;

- la Charte de l'environnement ;

- la directive 85/337/CEE du Conseil du 27 juin 1985 concernant l'évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l'environnement ;

- la directive 2011/92/UE du Parlement européen et du Conseil du 13 décembre 1991 concernant l'évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l'environnement ;

- le code de l'environnement ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Jean-Pierre Bouchut, premier conseiller,

- les conclusions de M. Aurélien Gloux-Saliou, rapporteur public,

- et les observations de Me D... A..., représentant la société " Parc éolien du Widehem ".

Considérant ce qui suit :

1. Par des arrêtés des 17 mars 2017 et 26 décembre 2017, le préfet du Pas-de-Calais a délivré à la société " Parc éolien du Widehem " sept permis de construire six éoliennes et un poste de livraison sur le territoire de la commune de Widehem. Le Groupement pour la défense de l'environnement de l'arrondissement de Montreuil et du Pas-de-Calais demande à la cour l'annulation de ces sept permis de construire.

Sur la légalité des permis de construire :

En ce qui concerne l'examen au cas par cas et la notice :

2. D'une part, le groupement requérant soutient tout d'abord que les décisions en litige auraient dû faire l'objet d'un examen au cas par cas pour vérifier l'exigibilité d'une évaluation environnementale, prévue notamment en application de la directive 2011/92/UE du 13 décembre 2011 susvisée lorsqu'un projet est de nature à avoir des incidences sur l'environnement.

3. Toutefois, aux termes des dispositions de l'article R. 600-5 du code de l'urbanisme dans sa rédaction en vigueur à compter du 1er octobre 2018, prises dans l'objectif de bonne administration de la justice et de respect du droit à un délai raisonnable de jugement des recours en matière d'urbanisme : " (...) lorsque la juridiction est saisie d'une requête relative à une décision d'occupation ou d'utilisation du sol régie par le présent code, ou d'une demande tendant à l'annulation ou à la réformation d'une décision juridictionnelle concernant une telle décision, les parties ne peuvent plus invoquer de moyens nouveaux passé un délai de deux mois à compter de la communication aux parties du premier mémoire en défense. (...) Le président de la formation de jugement, ou le magistrat qu'il désigne à cet effet, peut, à tout moment, fixer une nouvelle date de cristallisation des moyens lorsque le jugement de l'affaire le justifie. (...) ".

4. Il ressort des pièces du dossier que le moyen tiré de l'obligation d'un examen au cas par cas a été soulevé par un mémoire enregistré le 30 décembre 2019, soit plus de deux mois après la communication du premier mémoire en défense du pétitionnaire, intervenue le 23 mai 2019.

5. Si le groupement requérant expose qu'il n'a pu disposer du dossier des demandes de permis de construire que le 18 septembre 2019, après avoir saisi la commission d'accès aux documents administratifs par une lettre datée du 4 avril 2019 dont la Commission a accusé réception le 13 septembre 2019, il ressort des pièces du dossier que son recours gracieux a été formé à l'encontre des permis de construire le 11 août 2018, que sa demande de communication des dossiers de permis de construire a été diligentée auprès de la direction départementale des territoires et de la mer du Pas-de-Calais le 21 décembre 2018 et qu'aucune relance n'a ensuite été faite auprès des services de l'Etat pour obtenir les documents ainsi demandés.

6. Dans ces conditions, il y a lieu de faire application au moyen invoqué, sans qu'il ait été nécessaire de fixer une nouvelle date de cristallisation des moyens et sans que le droit à un procès équitable ou les droits de la défense soient ainsi méconnus, du premier alinéa de l'article R. 600-5 du code de l'urbanisme. L'irrecevabilité, invoquée par la société bénéficiaire, du moyen tiré de l'absence d'un examen au cas par cas en vue d'une évaluation environnementale doit ainsi être accueillie.

7. D'autre part, pour les mêmes motifs et en tout état de cause, l'irrecevabilité, invoquée par le bénéficiaire de l'autorisation et par le ministre, du moyen tiré de ce que la notice, prévue par l'article R. 431-8 du code de l'urbanisme et composante de la demande de permis de construire était incomplète, doit être accueillie.

En ce qui concerne l'évaluation environnementale :

8. Aux termes de l'article L. 414-4 du code de l'environnement : " I. - Lorsqu'ils sont susceptibles d'affecter de manière significative un site Natura 2000, individuellement ou en raison de leurs effets cumulés, doivent faire l'objet d'une évaluation de leurs incidences au regard des objectifs de conservation du site, dénommée ci-après " Evaluation des incidences Natura 2000 " : / 1° Les documents de planification qui, sans autoriser par eux-mêmes la réalisation d'activités, de travaux, d'aménagements, d'ouvrages ou d'installations, sont applicables à leur réalisation ; / 2° Les programmes ou projets d'activités, de travaux, d'aménagements, d'ouvrages ou d'installations ; / 3° Les manifestations et interventions dans le milieu naturel ou le paysage. (...) III. - Sous réserve du IV bis, les documents de planification, programmes ou projets ainsi que les manifestations ou interventions soumis à un régime administratif d'autorisation, d'approbation ou de déclaration au titre d'une législation ou d'une réglementation distincte de Natura 2000 ne font l'objet d'une évaluation des incidences Natura 2000 que s'ils figurent : / 1° Soit sur une liste nationale établie par décret en Conseil d'Etat ; / 2° Soit sur une liste locale, complémentaire de la liste nationale, arrêtée par l'autorité administrative compétente. (...) IV bis. - Tout document de planification, programme ou projet ainsi que manifestation ou intervention susceptible d'affecter de manière significative un site Natura 2000 et qui ne figure pas sur les listes mentionnées aux III et IV fait l'objet d'une évaluation des incidences Natura 2000 sur décision motivée de l'autorité administrative ".

9. Aux termes de l'article R. 414-19 du code de l'environnement : " I. - La liste nationale des documents de planification, programmes ou projets ainsi que des manifestations et interventions qui doivent faire l'objet d'une évaluation des incidences sur un ou plusieurs sites Natura 2000 en application du 1° du III de l'article L. 414-4 est la suivante : (...) 3° Les projets soumis à évaluation environnementale au titre du tableau annexé à l'article R. 122-2 ; (...) ".

10. Les parcs éoliens terrestres soumis à déclaration ne figurent pas au tableau annexé à l'article R. 122-2 du code de l'environnement, la rubrique 59 de ce tableau, relative aux travaux, soumettant à une évaluation environnementale les projets dont la superficie de plancher est supérieure à 40 000 m² et à un examen au cas par cas ceux qui créent une superficie de plancher supérieure à 10 000 m² et inférieure à 40 000 m². Or la superficie totale autorisée par les permis en litige est inférieure au plus faible de ces seuils.

11. Les parcs éoliens terrestres ne sont pas davantage au nombre des projets mentionnés par les dispositions de l'arrêté du 18 février 2011 du préfet du Pas-de-Calais fixant la liste prévue au 2° du III de l'article L. 414-4 du code de l'environnement.

12. Enfin, si le site d'implantation du projet est situé à proximité du site Natura 2000 des coteaux de Dannes et Camiers, l'éolienne la plus proche se situant à 200 mètres et la plus éloignée à 1 kilomètre, le groupement requérant, qui invoque le IV bis de l'article L. 414-4 du code de l'environnement, n'établit pas que les ouvrages ainsi autorisés affecteraient de manière significative le site Natura 2000 situé à proximité et l'étude produite par la société pétitionnaire, même si sa partie relative à l'avifaune ne concerne que la période d'août à novembre 2016, comporte une analyse des effets du projet sur le milieu naturel qui ne fait pas apparaître des difficultés.

13. Dans ces conditions, l'absence de décision motivée obligeant à soumettre les projets envisagés à une évaluation des incidences Natura 2000, qui n'a méconnu ni les objectifs d'une directive européenne insuffisamment transposée en droit national ni aucune autre disposition législative ou réglementaire, n'était pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

En ce qui concerne l'enquête publique :

14. Aux termes de l'article L 123-1 du code de l'environnement : " L'enquête publique a pour objet d'assurer l'information et la participation du public ainsi que la prise en compte des intérêts des tiers lors de l'élaboration des décisions susceptibles d'affecter l'environnement mentionnées à l'article L. 123-2. Les observations et propositions parvenues pendant le délai de l'enquête sont prises en considération par le maître d'ouvrage et par l'autorité compétente pour prendre la décision ".

15. Aux termes de l'article L 123-2 du même code : " I. - Font l'objet d'une enquête publique soumise aux prescriptions du présent chapitre préalablement à leur autorisation, leur approbation ou leur adoption : / 1° Les projets de travaux, d'ouvrages ou d'aménagements exécutés par des personnes publiques ou privées devant comporter une évaluation environnementale en application de l'article L. 122-1 à l'exception : (...) - des demandes de permis de construire et de permis d'aménager portant sur des projets de travaux, de construction ou d'aménagement donnant lieu à la réalisation d'une évaluation environnementale après un examen au cas par cas effectué par l'autorité environnementale. Les dossiers de demande pour ces permis font l'objet d'une procédure de participation du public par voie électronique selon les modalités prévues à l'article L. 123-19 ". Aux termes de l'article L. 122-1 : " (...) II.- Les projets qui, par leur nature, leur dimension ou leur localisation, sont susceptibles d'avoir des incidences notables sur l'environnement ou la santé humaine font l'objet d'une évaluation environnementale en fonction de critères et de seuils définis par voie réglementaire et, pour certains d'entre eux, après un examen au cas par cas effectué par l'autorité environnementale. / Pour la fixation de ces critères et seuils et pour la détermination des projets relevant d'un examen au cas par cas, il est tenu compte des données mentionnées à l'annexe III de la directive 2011/92/ UE modifiée du Parlement européen et du Conseil du 13 décembre 2011 concernant l'évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l'environnement ".

16. Comme il a été dit ci-dessus, les parcs éoliens soumis à déclaration ne sont pas au nombre des projets devant faire l'objet d'une évaluation environnementale ou d'un examen au cas par cas figurant dans l'annexe à l'article R. 122-2 du code de l'environnement, dans sa version alors applicable, condition nécessaire à la tenue d'une enquête publique. Dès lors, le moyen tiré, sur le fondement des articles L. 123-1 et L. 123-2 du code de l'environnement, de ce que le projet aurait dû faire l'objet d'une enquête publique doit être écarté.

En ce qui concerne la Charte de l'environnement :

17. L'article 34 de la Constitution prévoit que " la loi détermine les principes fondamentaux (...) de la préservation de l'environnement ". Selon l'article 7 de la Charte de l'environnement, à laquelle le préambule de la Constitution fait référence : " Toute personne a le droit, dans les conditions et les limites définies par la loi, d'accéder aux informations relatives à l'environnement détenues par les autorités publiques et de participer à l'élaboration des décisions publiques ayant une incidence sur l'environnement ".

18. Ces dispositions ont réservé au législateur le soin de préciser " les conditions et les limites " dans lesquelles doit s'exercer le droit de toute personne " d'accéder aux informations relatives à l'environnement détenues par les autorités publiques et de participer à l'élaboration des décisions publiques ayant une incidence sur l'environnement ". Or des dispositions législatives spécifiques, aux articles L. 153-19 et suivants du code de l'urbanisme, confèrent au public le droit, à l'occasion de l'adoption du document de planification de l'urbanisme, d'accéder aux informations relatives à l'environnement détenues par les autorités publiques et de participer à l'élaboration des décisions accordant un permis de construire.

19. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de la violation de l'article 7 de la Charte de l'environnement, laquelle n'est pas directement opposable aux arrêtés en litige, doit être écarté.

En ce qui concerne la directive n° 85/337/CEE du Conseil du 27 juin 1985 :

20. Le groupement requérant soutient, d'une part, que l'obligation de consultation du public découle de l'article 6 de la directive n° 85/337/CEE du Conseil du 27 juin 1985 susvisée, d'autre part, que la faculté laissée aux Etats de transposer ses obligations selon les procédures qu'ils agréent ne peut faire échec à cette transposition.

21. Cette directive du 27 juin 1985 a été abrogée par la directive n° 2011/92/UE du Parlement européen et du Conseil du 13 décembre 2011 susvisée qui en a repris l'essentiel des dispositions et qui a également prévu, selon son article 14, que " les références faites à la directive abrogée s'entendent comme faites à la présente directive et sont à lire selon le tableau de correspondance figurant à l'annexe VI ".

22. Il n'apparaît pas, et il n'est pas allégué, que la directive du 13 décembre 2011 aurait été insuffisamment ou irrégulièrement transposée en droit national, dès lors qu'en vertu de son article 4, en ce qui concerne les installations destinées à l'exploitation de l'énergie éolienne pour la production d'énergie tels les parcs éoliens, " les États membres déterminent si le projet doit être soumis à une évaluation " et procèdent à cette détermination, notamment " sur la base de seuils ou critères fixés par l'État membre ", en fonction des " caractéristiques de l'impact potentiel " de chaque catégorie d'installations et selon des critères de sélection fixés à l'annexe III de la directive du 13 décembre 2011. Dès lors, le moyen tiré de ce que les objectifs de la directive imposant la participation du public, qui ne sont ainsi pas inconditionnels, auraient été méconnus doit être écarté.

En ce qui concerne l'article L. 123-9-2 du code de l'environnement :

23. Aux termes de cette disposition : " I. - Sous réserve des dispositions de l'article L. 123-19-6, le présent article définit les conditions et limites dans lesquelles le principe de participation du public prévu à l'article 7 de la Charte de l'environnement est applicable aux décisions individuelles des autorités publiques ayant une incidence sur l'environnement qui n'appartiennent pas à une catégorie de décisions pour lesquelles des dispositions législatives particulières ont prévu les cas et conditions dans lesquels elles doivent, le cas échéant en fonction de seuils et critères, être soumises à participation du public (...) ". Selon l'article L. 123-19-6 du même code : " Ne sont pas soumises à participation du public en application des articles L. 123-19-1 à L. 123-19-5 : / 1° Les décisions des autorités publiques prises conformément à une décision autre qu'une décision individuelle ou à un plan, schéma ou programme ou tout autre document de planification ayant donné lieu à participation du public, lorsque, par ses dispositions, cette décision ou ce plan, schéma, programme ou document de planification permet au public d'apprécier l'incidence sur l'environnement des décisions susceptibles d'être prises conformément à celui-ci ; (...) ".

24. Il ressort de la délibération du conseil municipal de la commune de Widehem du 23 juin 2013, disponible sur le site internet de la communauté d'agglomération des deux baies du Montreuillois, que le plan local d'urbanisme approuvé par cette commune a créé un sous-secteur Ae prévoyant le remplacement des éoliennes existantes.

25. Dès lors que les permis de construire en litige sont des décisions des autorités publiques prises conformément au plan local d'urbanisme de la commune, lequel est un document de planification dont l'élaboration a déjà fait l'objet d'une enquête publique en application du 1° de l'article L. 153-19 du code de l'urbanisme, ce qui a permis au public d'apprécier l'incidence sur l'environnement des décisions susceptibles d'être prises conformément à ce plan, les dispositions de l'article L. 123-19-6 du code de l'environnement excluent l'application des modalités de participation prévues par l'article L. 123-19-2 du même code.

26. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de la violation de l'article L. 123-19-2 du code de l'environnement doit être écarté.

En ce qui concerne l'article L. 110-1 du code de l'environnement :

27. Les dispositions du 4° du II de l'article L. 110-1 du code de l'environnement se bornent à énoncer des principes dont la portée a vocation à être définie dans le cadre d'autres lois. Elles n'impliquent, par elles-mêmes, aucune obligation de procéder à l'association du public au processus d'élaboration des projets ayant une incidence importante sur l'environnement. En l'absence de disposition législative ayant organisé les modalités d'une telle participation, le groupement requérant ne peut utilement invoquer la méconnaissance du principe de participation du public énoncé au 4° du II de l'article L. 110-1 du code de l'environnement.

En ce qui concerne l'application de la législation relative aux communes littorales :

28. Aux termes de l'article L. 121-12 du code de l'urbanisme : " Les ouvrages nécessaires à la production d'électricité à partir de l'énergie mécanique du vent (...) ne peuvent pas être implantés s'ils sont de nature à porter atteinte à l'environnement ou aux sites et paysages remarquables ".

29. Si le groupement requérant invoque la violation de la disposition précitée, il résulte des dispositions de l'article L. 121-1 du code de l'urbanisme que la commune sur le territoire de laquelle sont implantés les projets n'est pas au nombre des communes littorales définies par l'article L. 321-2 du code de l'environnement et ne figure pas dans la liste de ces communes fixée par le décret prévu par ce même article.

En ce qui concerne l'atteinte portée au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants :

30. Aux termes de l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si les constructions, par leur situation, leur architecture, leurs dimensions ou l'aspect extérieur des bâtiments ou ouvrages à édifier ou à modifier, sont de nature à porter atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ainsi qu'à la conservation des perspectives monumentales ".

31. Il ressort d'abord des pièces du dossier que la hauteur des éoliennes en bout de pale sera de 78 mètres, que les deux éoliennes les plus visibles sont les éoliennes E2 et E3, dont la hauteur en bout de pale atteint les altitudes respectives de 244,90 et 243,35 mètres, et que les quatre autres éoliennes sont implantées à une altitude comprise entre 132 et 147 mètres d'altitude à leur pied, pour une crête du plateau à 178 mètres.

32. D'une part, si le plateau sur lequel seront édifiés les six aérogénérateurs et le poste de livraison prévus forme un paysage de terrains agricoles et de prairies faiblement ondulé, s'il est représentatif de l'arrière-pays littoral du département du Pas-de-Calais et s'il n'est pas dépourvu d'agrément et d'intérêt, il ne présente pas en lui-même de caractère remarquable.

33. D'autre part, il ressort des profils produits que seuls des bouts de pale seront visibles depuis les agglomérations de Dannes et de Camiers, que le parc éolien n'aura pas d'impact visuel pour l'église de Dannes inscrite aux monuments historiques et que, compte tenu de la topographie des lieux, les éoliennes ne seront pas visibles directement depuis Etaples, Condette et Hardelot. Si elles seront visibles depuis la sortie du village de Widehem, elles ne présenteront pas d'effet d'écrasement du village et ne seront pas perceptibles depuis son centre. Il n'existera pas de co-visibilité entre le phare du Touquet, classé aux monuments historiques, et les projets qui en sont éloignés de 6,6 kilomètres.

34. Enfin, l'estuaire de la Canche comporte la réserve naturelle de la Baie de la Canche et le parc naturel régional des caps et marais d'Opale. A environ 5 kilomètres, la commune touristique du Touquet-Paris-Plage présente une valeur architecturale et patrimoniale et en particulier l'aéroport, l'hippodrome, site inscrit, la pointe du Touquet, site classé, et la base nautique, situés le long du fleuve côtier à proximité d'une zone de marais, s'insèrent dans l'ensemble paysager de la Baie de la Canche. L'ensemble de l'estuaire avec ses différentes composantes constitue ainsi l'un des lieux emblématiques de la Côte d'Opale qui est très largement préservé, l'usine de ciment en lisière de la forêt de Dannes étant peu visible de l'estuaire, et ce paysage mérite, par sa qualité, d'être préservé d'atteintes significatives et pérennes. Toutefois, seules les éoliennes E2 et E3 seront visibles, depuis la pointe du Touquet et son hippodrome, avec la totalité de leurs pales, le faible nombre d'éoliennes particulièrement visibles ne créera pas d'effet important de barrière visuelle dans un horizon très dégagé, leur dépassement de la crête ne dénaturera pas les paysages côtiers et d'estuaire de la Côte d'Opale et leur implantation ne portera pas, eu égard à leur distance et à l'éloignement important des éoliennes envisagées du parc éolien le plus proche, une atteinte aux paysages et aux sites protégés. Si le Groupement requérant invoque aussi l'impact négatif du projet sur les paysages constitués du massif dunaire de Dannes et Camiers et notamment des dunes de Saint Frieux, il ne l'établit pas.

35. Il résulte de ce qui précède que les permis en litige ne sont pas entachés d'erreur manifeste dans l'appréciation de leur atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, des sites et des paysages et que le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme doit donc être écarté.

En ce qui concerne l'atteinte portée à l'avifaune et aux chiroptères :

36. Le groupement requérant soutient que les permis en litige sont entachés d'une erreur manifeste dans l'appréciation de l'atteinte des projets aux chiroptères et à l'avifaune.

37. D'une part, si la présence potentielle de cinq espèces de chiroptères a été recensée à proximité du site d'après la bibliographie et les données connues et si le groupement requérant indique que le grand rhinolophe peut atteindre une zone de déplacement observée de 18 kilomètres depuis sa colonie de reproduction de Montreuil-sur-Mer et que la pipistrelle de Nathusius ou le grand murin, qui ont un rayon d'action pouvant atteindre 15 kilomètres autour de leur gîte, sont très exposés aux collisions avec des éoliennes, la notice annexée aux demandes de permis de construire indique que, comparés aux habitats des forêts, des dunes et des coteaux, les habitats de cultures accueillant le parc éolien, très exposés au vent, ne présentent qu'un intérêt faible pour l'activité de chasse des chiroptères, il ne ressort pas des pièces du dossier que le terrain d'implantation des projets constitue un terrain de chasse important pour les chauves-souris ni qu'il abriterait une population de chiroptères et enfin il n'est pas démontré que l'implantation des éoliennes présenterait un risque, même incertain, pour les chauves-souris.

38. D'autre part, si le groupement requérant soutient que les six éoliennes projetées sont de nature à préjudicier au faucon pèlerin, au hibou grand-duc et à la cigogne blanche, si la consultation des données disponibles sur la faune a suggéré la présence de dix espèces d'oiseaux présentant un intérêt patrimonial à proximité du parc éolien envisagé et si la présence des trois espèces d'oiseaux est établie par les pièces du dossier à proximité du site d'implantation des éoliennes, l'étude préalable et la notice architecturale des éléments du parc éolien produites dans les demandes de permis de construire, qui ont analysé le milieu naturel, les effets du projet et les mesures associées, ont tiré un bilan du suivi de la mortalité, très faible, constatée sur le parc éolien actuel pendant la période post nuptiale d'août à novembre 2016, l'implantation des éoliennes prévues est parallèle au trait de côte et au couloir principal de migration des oiseaux, ce qui est susceptible de réduire les effets des ouvrages sur les déplacements de l'avifaune et il n'est pas démontré que cette implantation porterait une atteinte excessive à ces trois espèces et notamment que l'espace couvert par ces éoliennes serait essentiel pour la survie de ces groupes d'oiseaux présents aux alentours.

39. Dans ces conditions, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur sa recevabilité, le moyen tiré de l'existence d'une erreur manifeste dans l'appréciation de l'atteinte aux chiroptères et à l'avifaune doit être écarté.

En ce qui concerne l'absence de prescriptions spéciales :

40. Aux termes de l'article R. 111-26 du code de l'urbanisme : " Le permis ou la décision prise sur la déclaration préalable doit respecter les préoccupations d'environnement définies aux articles L. 110-1 et L. 110-2 du code de l'environnement. Le projet peut n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si, par son importance, sa situation ou sa destination, il est de nature à avoir des conséquences dommageables pour l'environnement. ".

41. Il résulte des dispositions de l'article R. 111-26 du code de l'urbanisme qu'elles ne permettent pas à l'autorité administrative de refuser un permis de construire, mais seulement de l'accorder sous réserve du respect de prescriptions spéciales relevant de la police de l'urbanisme, telles que celles relatives à l'implantation ou aux caractéristiques des constructions et de leurs abords, si le projet est de nature à avoir des conséquences dommageables pour l'environnement. A ce titre, s'il n'appartient pas à cette autorité d'assortir le permis de construire délivré pour une installation classée pour la protection de l'environnement de prescriptions relatives à son exploitation et aux nuisances qu'elle est susceptible d'occasionner, il lui incombe, en revanche, le cas échéant, de tenir compte des prescriptions édictées au titre de la police des installations classées ou susceptibles de l'être.

42. Si le groupement requérant soutient, à titre subsidiaire, que les autorisations en litige ne sont assorties d'aucune prescription spéciale, il n'établit pas que les sept projets autorisés entraîneraient la réalisation d'un dommage incertain en l'état des connaissances scientifiques qui pourrait affecter de manière grave et irréversible l'environnement, au sens de l'article 5 de la Charte de l'environnement, et il ne sollicite aucune prescription particulière dont il serait légalement possible d'assortir ces autorisations.

43. Dans ces conditions, le moyen tiré de l'absence de prescriptions spéciales adoptées sur le fondement de l'article R. 111-26 du code de l'urbanisme et de l'article 5 de la Charte de l'environnement doit être écarté, sans qu'il soit besoin d'examiner sa recevabilité.

44. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner la recevabilité de la requête et les fins de non-recevoir opposées en défense, que le Groupement pour la défense de l'environnement de l'arrondissement de Montreuil et du Pas-de-Calais n'est pas fondé à demander l'annulation des permis en litige.

Sur les frais du procès :

45. D'une part, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat et de la société " Parc éolien de Widehem ", qui ne sont pas les parties perdantes dans la présente instance, le versement d'une somme au groupement requérant au titre des frais du procès.

46. D'autre part, il y a en revanche lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du Groupement pour la défense de l'environnement de l'arrondissement de Montreuil et du Pas-de-Calais une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par la société " Parc éolien de Widehem " à ce même titre.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête du Groupement pour la défense de l'environnement de l'arrondissement de Montreuil et du Pas-de-Calais est rejetée.

Article 2 : Le Groupement pour la défense de l'environnement de l'arrondissement de Montreuil et du Pas-de-Calais versera à la société " Parc éolien de Widehem " une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au Groupement pour la défense de l'environnement de l'arrondissement de Montreuil et du Pas-de-Calais, à la société " Parc éolien de Widehem " et à la ministre de la transition écologique.

N°19DA00234 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 19DA00234
Date de la décision : 13/10/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. Heinis
Rapporteur ?: M. Jean-Pierre Bouchut
Rapporteur public ?: M. Gloux-Saliou
Avocat(s) : LE BRIERO

Origine de la décision
Date de l'import : 13/11/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2020-10-13;19da00234 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award