Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... E... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 29 juillet 2019 par lequel le préfet du Nord a ordonné son transfert vers les autorités belges en vue de l'examen de sa demande d'asile.
Par un jugement n° 1906757 du 27 août 2019, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire complémentaire enregistrés les 22 janvier et 1er juillet 2020, M. E..., représenté par Me D... B..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'enjoindre à l'administration d'enregistrer sa demande d'asile sous astreinte de 155 euros par jour de retard ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat, au bénéfice de son conseil, la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le règlement (UE) n°604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et de séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme F... A..., présidente de chambre, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. E..., ressortissant afghan né le 1er janvier 1996, s'est présenté, le 28 juin 2019, auprès des services de la préfecture du Nord afin de déposer une demande d'asile. La consultation du fichier Eurodac permettant d'établir que les empreintes digitales de M. E... avaient été précédemment relevées, notamment, en Belgique le 3 janvier 2017 et le 15 janvier 2019, le préfet du Nord a, par un arrêté du 29 juillet 2019, ordonné son transfert vers la Belgique. M. E... relève appel du jugement du 27 août 2019 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur l'exception de non-lieu à statuer opposée par le préfet du Nord :
2. La circonstance, invoquée par le préfet du Nord, que M. E... a été transféré en Belgique le 6 février 2020 et que l'arrêté contesté a ainsi été exécuté ne rend pas, par elle-même, sans objet les conclusions de la requête de M. E... tendant à son annulation pour excès de pouvoir, dès lors que cet acte n'est pas sorti de l'ordonnancement juridique et qu'il a emporté des effets sur l'intéressé. Il suit de là que l'exception de non-lieu opposée par le préfet du Nord doit être écartée.
Sur la légalité de la décision de transfert aux autorités belges :
3. En premier lieu, aux termes de l'article 3 du règlement (UE) n°604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Les Etats membres examinent toute demande de protection internationale présentée par un ressortissant de pays tiers ou par un apatride sur le territoire de l'un quelconque d'entre eux, y compris à la frontière ou dans une zone de transit. La demande est examinée par un seul Etat membre, qui est celui que les critères énoncés au chapitre III désignent comme responsable. / 2. Lorsque aucun Etat membre responsable ne peut être désigné sur la base des critères énumérés dans le présent règlement, le premier Etat membre auprès duquel la demande de protection internationale a été introduite est responsable de l'examen. (...) / Lorsqu'il est impossible de transférer le demandeur en vertu du présent paragraphe vers un État membre désigné sur la base des critères énoncés au chapitre III ou vers le premier État membre auprès duquel la demande a été introduite, l'État membre procédant à la détermination de l'État membre responsable devient l'État membre responsable ".
4. M. E... soutient que l'application des dispositions précitées de l'article 3 du règlement (UE) n°604/2013 du 26 juin 2013 conduit à désigner la France comme l'Etat responsable de l'examen de sa demande d'asile dès lors que l'Autriche, qui est le premier Etat à avoir enregistré sa demande de protection internationale, a refusé de le reprendre en charge. Il ressort toutefois des pièces du dossier, et en particulier du courrier du 3 juillet 2019 aux termes duquel les autorités autrichiennes ont refusé, en l'espèce, de reprendre en charge l'intéressé, que la procédure d'asile initiée par M. E... auprès de l'Autriche a été abandonnée après que celui-ci ait pris la fuite, et qu'aucune décision n'a ainsi été prise sur la demande d'asile qu'il a introduite dans cet Etat membre. En outre, il ressort également des pièces du dossier que la Belgique, second pays où le requérant a déposé une demande d'asile, a, après avoir pris acte d'un refus de reprise en charge de la part des autorités autrichiennes, procédé à l'examen de cette demande d'asile et l'a rejetée, comme en atteste le fondement retenu en l'espèce par les autorités belges pour accepter la reprise en charge du requérant, à savoir le d) du 1. de l'article 18 du règlement (UE) n°604/2013 du 26 juin 2013. Dans ces conditions, alors que, ainsi que l'a retenu à bon droit le premier juge, la responsabilité de l'Autriche a ainsi cessé au profit de la Belgique, c'est sans méconnaître les dispositions de l'article 3 du règlement (UE) n°604/2013 du 26 juin 2013 que le préfet du Nord a pu retenir que les autorités belges étaient responsables de l'examen de la demande d'asile du requérant.
5. En deuxième lieu, d'une part, aux termes de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque Etat membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement (...) ". La faculté laissée à chaque Etat membre, par l'article 17 de ce règlement, de décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement, est discrétionnaire et ne constitue nullement un droit pour les demandeurs d'asile.
6. D'autre part, l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales stipule que : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains et dégradants ".
7. Le requérant, ressortissant afghan, fait état dans ses écritures d'un danger pour lui en cas de transfert vers la Belgique dès lors que sa demande d'asile a été rejetée par cet Etat, alors qu'il se réclame originaire de la province de Laghman qui est, selon ses allégations dans une " situation de grande insécurité ". Toutefois, l'arrêté en litige n'a ni pour objet ni pour effet de renvoyer l'intéressé dans son pays d'origine mais seulement en Belgique. Or, la Belgique étant membre de l'Union Européenne et partie tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés, complétée par le protocole de New York, qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, il doit alors être présumé que le traitement réservé aux demandeurs d'asile dans cet Etat membre est conforme aux exigences de la convention de Genève ainsi qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Par ailleurs, s'il est constant que la demande d'asile de M. E... a été rejetée par les autorités belges, l'intéressé n'établit pas ni même n'allègue qu'il aurait fait l'objet, de la part de ces autorités, d'une décision d'éloignement vers son pays d'origine dont l'exécution serait inévitable. A supposer même qu'une telle mesure ait été prise à son encontre, M. E... n'établit pas avoir épuisé l'intégralité des voies de recours en Belgique et ne produit aucun élément de nature à établir qu'il existerait des raisons sérieuses de croire à l'existence de défaillances systémiques en Belgique dans la procédure d'asile ou que les juridictions belges ne traiteront pas sa demande d'asile dans des conditions conformes à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile. Il ne ressort pas davantage des pièces du dossier que les autorités belges, alors même que la demande d'asile du requérant a été rejetée, n'évalueront pas, avant de procéder éventuellement à son éloignement, les risques auxquels il serait exposé en cas de retour en Afghanistan. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 et de la méconnaissance, par ricochet, de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
8. Il résulte de tout ce qui précède que M. E... n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté du 29 juillet 2019 par lequel le préfet du Nord a décidé de son transfert vers la Belgique, Etat responsable de sa demande d'asile. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. E... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... E..., au ministre de l'intérieur et à Me D... B....
Copie en sera adressée pour information au préfet du Nord.
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N°20DA00125
N°19DA02554 8