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29/09/2020 | FRANCE | N°19DA02080

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1ère chambre, 29 septembre 2020, 19DA02080


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... E... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 23 juillet 2019 par lequel le préfet du Pas-de-Calais lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 1906404 du 1er août 2019, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Lille a annulé l'arrêté du 23 juillet 2019.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 4 s

eptembre 2019, le préfet du Pas-de-Calais demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... E... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 23 juillet 2019 par lequel le préfet du Pas-de-Calais lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 1906404 du 1er août 2019, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Lille a annulé l'arrêté du 23 juillet 2019.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 4 septembre 2019, le préfet du Pas-de-Calais demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de rejeter la demande de M. E....

---------------------------------------------------------------------------------------------------

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif modifiée par les ordonnances n° 2020-405 du 8 avril 2020, n° 2020-427 du 15 avril 2020 et n° 2020-558 du 13 mai 2020 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Marc Heinis, président de chambre, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. E... a été interpellé par la gendarmerie le 22 juillet 2019 et placé en garde à vue dans le cadre d'une enquête sur un vol en réunion. Le lendemain, le préfet du Pas-de-Calais a pris à son encontre une obligation de quitter le territoire français sans délai et a assorti sa décision d'une interdiction de retour sur le territoire français pendant un an. Le préfet relève appel du jugement du 1er août 2019 par lequel la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Lille a annulé son arrêté du 23 juillet 2019.

Sur le moyen d'annulation retenu par le tribunal administratif :

2. Si M. E..., ressortissant bosniaque né en 1977, a indiqué résider en France depuis 2001, il ne l'a pas démontré et il ressort de procès-verbal d'audition qu'il n'a pas été en mesure de s'exprimer en français et a dû bénéficier de l'assistance d'un interprète. S'il a affirmé être logé gratuitement par le 115, il ne l'a pas justifié. S'il a déclaré vivre en concubinage avec Mme H..., également en situation irrégulière, et avoir à sa charge Gabrijela G..., Sefik Omerovic, Sandra G... et Senad Yasmin Omerovic et s'il a produit les actes de naissance des trois derniers enfants, le nom de l'intimé n'apparaît pas sur ces documents qui portent le nom de la mère et pour les deux derniers mentionnent M. B... G... comme père. S'il a affirmé qu'un frère séjournait régulièrement en France, il ne l'a pas établi. S'il a soutenu que de nombreux membres de sa famille séjournaient régulièrement en France et a versé au dossier plusieurs titres de séjour de personnes portant le nom de famille I... G..., il n'a pas établi son lien de parenté avec ces personnes.

3. Dans ces conditions, la circonstance que le préfet, compte tenu des éléments et justifications portées à sa connaissance, ait indiqué sans autre précision sur ce point que l'intéressé ne justifiait pas de liens personnels ou familiaux ne caractérise pas un défaut d'examen particulier de sa situation. Par suite, le préfet du Pas-de-Calais est fondé à soutenir que c'est à tort que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a retenu un tel motif pour annuler son arrêté du 23 juillet 2019.

4. Il appartient, toutefois, à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel d'examiner les autres moyens soulevés par M. E... à l'encontre de l'arrêté du 23 juillet 2019 devant le tribunal administratif de Lille.

Sur les autres moyens invoqués par M. E... :

En ce qui concerne l'obligations de quitter le territoire français :

5. Eu égard au caractère réglementaire des arrêtés de délégation de signature, soumis à la formalité de publication, le juge peut, sans méconnaître le principe du caractère contradictoire de la procédure, se fonder sur l'existence de ces arrêtés alors même que ceux-ci ne sont pas versés au dossier. Par arrêté du 18 décembre 2017, régulièrement publié au recueil spécial n° 121 des actes administratifs de la préfecture du même jour, le préfet du Pas-de-Calais a donné délégation à M. C... A..., chef du bureau de l'immigration et de l'intégration, à l'effet de signer, notamment, la décision attaquée. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'arrêté doit être écarté.

6. L'arrêté attaqué comporte les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Le préfet, qui n'avait pas à évoquer toutes les circonstances de fait de la situation de M. E..., a cité les éléments pertinents dont il avait connaissance et qui fondent sa décision. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation doit être écarté.

7. Aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : / (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; / (...) ". L'article R. 511-1 du même code dispose : " L'état de santé défini au 10° de l'article L. 511-4 est constaté au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / Cet avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un certificat médical établi par le médecin qui suit habituellement l'étranger ou un médecin praticien hospitalier et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. / (...) ".

8. Il résulte de ces dispositions que dès lors qu'elle dispose d'éléments d'information suffisamment précis permettant d'établir qu'un étranger, résidant habituellement en France, présente un état de santé susceptible de le faire entrer dans la catégorie des étrangers qui ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire, l'autorité préfectorale doit, lorsqu'elle envisage de prendre une telle mesure à son égard, et alors même que l'intéressé n'a pas sollicité le bénéfice d'une prise en charge médicale en France, recueillir préalablement l'avis du collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration.

9. M. E... soutient souffrir d'une hépatite C pour laquelle il est traité, avoir séjourné en hôpital psychiatrique et bénéficier d'un traitement à la méthadone. Cependant, à l'appui de ses déclarations, il a versé au dossier un unique document médical, sous la forme d'un compte-rendu d'analyse biologique, au demeurant postérieur à l'arrêté attaqué, qui fait état d'un test positif à l'hépatite C mais précise que toute sérologie positive doit être contrôlée sur un second prélèvement et n'apporte, par ailleurs, aucun élément relatif à la nécessité d'une prise en charge médicale dont le dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité ou à l'absence d'un traitement approprié dans son pays d'origine.

10. Dans ces conditions, M. E... n'est pas fondé à soutenir le préfet du Pas-de-Calais disposait, à la date de la décision contestée, d'éléments d'information précis lui permettant d'établir que son état de santé était susceptible de le faire entrer dans la catégorie des étrangers qui ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire. Par suite, le moyen tiré du défaut de saisine du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration doit être écarté. Pour les mêmes raisons, le moyen tiré de la méconnaissance du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit également être écarté.

11. Si l'intimé soutient que le préfet a commis une erreur de fait en indiquant qu'il ne réside en France que depuis quelques mois, il n'a versé au débat aucun élément de nature à démontrer que cette information serait erronée. Par suite, le moyen tiré de l'erreur de fait doit être écarté.

12. Ainsi qu'il a été dit, M. E... n'établit pas résider en France depuis 2001 et être père de cinq enfants résidant en France. Il ressort des pièces du dossier qu'il ne parle pas le français. Il ne démontre pas avoir noué des attaches en France. Il ne justifie pas d'une intégration sociale ou professionnelle. Il ne prouve pas qu'il serait isolé en cas de retour en Bosnie où il s'est rendu à plusieurs reprises selon ses propres déclarations.

13. Dès lors, compte tenu des conditions et de la durée du séjour en France de l'intéressé, le préfet du Pas-de-Calais n'a pas porté à son droit au respect de la vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels la décision a été prise. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté. Pour les mêmes raisons, celui tiré de l'erreur manifeste d'appréciation qu'aurait commise le préfet quant aux conséquences de sa décision sur la situation personnelle de l'intéressé doit également être écarté.

14. Aux termes du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " 1. Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. (...) ". Il résulte de ces stipulations, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant. Elles sont applicables non seulement aux décisions qui ont pour objet de régler la situation personnelle d'enfants mineurs mais aussi à celles qui ont pour effet d'affecter, de manière suffisamment directe et certaine, leur situation.

15. Ainsi qu'il a été dit, M. E... ne démontre pas être père de cinq enfants résidant en France. En toute état de cause, il ne justifie ni de l'intensité et de la pérennité des liens qui l'uniraient à ses enfants ni l'existence d'une contribution effective à leur entretien et à leur éducation. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doit être écarté.

16. Les moyens tirés de la méconnaissance du 7° et du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne peuvent être utilement soulevés à l'encontre d'une décision portant obligation de quitter le territoire français.

17. Il résulte de ce qui précède que M. E... n'est pas fondé à soutenir que la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français est entachée d'illégalité.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

18. Compte tenu de ce qui précède, le moyen tiré, par voie d'exception, de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français doit être écarté.

19. Les motivations en fait de la décision fixant le pays de destination et de la décision portant obligation de quitter le territoire français ne se confondent pas nécessairement. En revanche, la motivation en droit de ces deux décisions est identique et résulte des termes mêmes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. L'arrêté attaqué a précisé la nationalité de M. E... et énoncé que l'intéressé n'établissait pas être exposé à des peines ou traitements contraires à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour dans son pays d'origine. Ainsi, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de la décision contestée fixant le pays de destination manque en fait.

20. Aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui fait l'objet d'une mesure d'éloignement est éloigné : / 1° A destination du pays dont il a la nationalité, sauf si l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou la Cour nationale du droit d'asile lui a reconnu le statut de réfugié ou lui a accordé le bénéfice de la protection subsidiaire ou s'il n'a pas encore été statué sur sa demande d'asile ; / 2° Ou à destination du pays qui lui a délivré un document de voyage en cours de validité ; / 3° Ou à destination d'un autre pays dans lequel il est légalement admissible. / Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ". Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".

21. Si M. E... affirme que sa vie serait en danger en Bosnie en raison de son appartenance à la communauté rom et de " problèmes avec la justice militaire " de ce pays, il n'a produit aucun élément probant de nature à appuyer ses déclarations, au demeurant peu circonstanciées, ou à étayer le caractère réel et actuel des mauvais traitements auxquels il serait susceptible d'être exposé en cas de retour dans son pays d'origine. En outre, il n'a pas démontré que son état de santé nécessiterait une prise en charge médicale dont il ne pourrait bénéficier en Bosnie. Au demeurant, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il aurait déposé une demande d'asile en France. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doivent être écartés.

22. Pour les motifs mentionnés ci-dessus, M. E... n'est pas fondé à soutenir que le préfet du Pas-de-Calais aurait méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

En ce qui concerne le délai de départ volontaire :

23. Compte-tenu de ce qui précède, le moyen tiré, par voie d'exception, de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français doit être écarté.

24. L'arrêté attaqué a cité les dispositions du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, fait référence aux conditions d'interpellation de M. E... et précisé que ce dernier s'était maintenu irrégulièrement sur le territoire et n'avait jamais sollicité de titre de séjour. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation doit être écarté.

25. Aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) / Toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : / (...) / 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : / (...) / b) Si l'étranger s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa ou, s'il n'est pas soumis à l'obligation du visa, à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de son entrée en France, sans avoir sollicité la délivrance d'un titre de séjour ; / (...) / e) Si l'étranger a contrefait, falsifié ou établi sous un autre nom que le sien un titre de séjour ou un document d'identité ou de voyage ou s'il a fait usage d'un tel titre ou document ; / f) Si l'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut présenter des documents d'identité ou de voyage en cours de validité, qu'il a refusé de communiquer les renseignements permettant d'établir son identité ou sa situation au regard du droit de circulation et de séjour ou a communiqué des renseignements inexacts, qu'il a refusé de se soumettre aux opérations de relevé d'empreintes digitales ou de prise de photographie prévues au deuxième alinéa de l'article L. 611-3, qu'il ne justifie pas d'une résidence effective et permanente dans un local affecté à son habitation principale ou qu'il s'est précédemment soustrait aux obligations prévues aux articles L. 513-4, L. 513-5, L. 552-4, L. 561-1, L. 561-2 et L. 742-2 ; / (...) ".

26. Il ressort des pièces du dossier, et notamment des propres déclarations de M. E..., qu'il réside de manière irrégulière en France. Il ne justifie ni de ressources, ni d'un lieu de résidence effective. Il ressort également des pièces du dossier que l'intimé est connu des services de police sous de multiples identités et qu'il a reconnu lors de son audition avoir, par le passé, fait usage de faux documents d'identité. Ces éléments caractérisent un risque de soustraction à l'obligation de quitter le territoire français au sens de l'article L. 511-1 précité, en l'absence même de toute tentative de soustraction à une précédente mesure d'éloignement. Par suite, en lui refusant l'octroi d'un tel délai, le préfet du Pas-de-Calais n'a pas méconnu les dispositions précitées du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

27. Pour les motifs mentionnés ci-dessus, M. E... n'est pas fondé à soutenir que le préfet du Pas-de-Calais aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de l'intéressé.

En ce qui concerne l'interdiction de retour sur le territoire français pendant un an :

28. Compte-tenu de ce qui a été dit au point 12, le moyen tiré, par voie d'exception, de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français doit être écarté.

29. Aux termes du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de sa notification, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger (...). / Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour. / (...) La durée de l'interdiction de retour mentionnée au premier alinéa du présent III ainsi que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français ".

30. La décision par laquelle le préfet du Pas-de-Calais a fait interdiction à M. E... de revenir sur le territoire français pour une durée d'un an a visé les dispositions du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Elle a mentionné également la durée et les conditions du séjour, l'absence de liens privés et familiaux, le fait que l'intéressé n'avait pas fait l'objet d'une mesure d'éloignement auparavant et la circonstance que sa présence sur le sol national ne représentait pas une menace pour l'ordre public. Dès lors, le préfet du Pas-de-Calais, qui n'était pas tenu de motiver spécifiquement le fait qu'il avait estimé que sa situation ne caractérisait pas l'existence de circonstances humanitaires pouvant justifier qu'il ne prononce pas d'interdiction de retour, a énoncé les considérations de fait et de droit sur lesquelles sa décision se fondait. Le moyen tiré de l'insuffisance de motivation doit, par suite, être écarté.

31. La circonstance que M. E... n'aurait pas été destinataire de l'information prévue par l'article 42 du règlement (CE) n° 1987/2006 du Parlement européen et du Conseil du 20 décembre 2006, conformément aux exigences de la directive 95/46/CE relative à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données, alors au demeurant qu'il a été informé, aux termes de l'article 2 de l'arrêté attaqué, qu'il faisait l'objet d'un signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen, est sans incidence sur la légalité de la décision de retour sur le territoire français.

32. Pour les motifs mentionnés au point 8, M. E... n'est pas fondé à soutenir que le préfet du Pas-de-Calais aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de l'intéressé.

33. Il résulte de ce qui précède que M. E... n'est pas fondé à soutenir que la décision prononçant une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an est entachée d'illégalité.

En ce qui concerne la décision de signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen :

34. Aux termes du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) / L'étranger à l'encontre duquel a été prise une interdiction de retour est informé qu'il fait l'objet d'un signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen, conformément à l'article 24 du règlement (CE) n° 1987/2006 du Parlement européen et du Conseil du 20 décembre 2006 sur l'établissement, le fonctionnement et l'utilisation du système d'information Schengen de deuxième génération (SIS II). Les modalités de suppression du signalement de l'étranger en cas d'annulation ou d'abrogation de l'interdiction de retour sont fixées par voie réglementaire / (...) ".

35. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de l'illégalité de la décision faisant interdiction à M. E... de retour sur le territoire français pendant une durée d'un an doit être écarté.

36. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet du Pas-de-Calais est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Lille a annulé son arrêté du 23 juillet 2019.

37. Par voie de conséquence, les conclusions présentées par M. E... aux fins d'injonction et celles présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du 1er août 2019 de la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Lille est annulé.

Article 2 : La demande de M. E... est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur, à M. B... E... et à Me D... F....

Copie en sera transmise pour information au préfet du Pas-de-Calais.

N°19DA02080 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 19DA02080
Date de la décision : 29/09/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. Heinis
Rapporteur ?: M. Marc Heinis
Rapporteur public ?: M. Gloux-Saliou
Avocat(s) : CABARET

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2020-09-29;19da02080 ?
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