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15/09/2020 | FRANCE | N°20DA00531

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1ère chambre, 15 septembre 2020, 20DA00531


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... C... A... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 29 novembre 2019 par lequel le préfet du Nord lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination et lui a interdit de revenir sur le territoire français pour une durée d'un an.

Par jugement n° 1910609 du 11 février 2020, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.
>Procédure devant la cour :

Par requête enregistrée le 23 mars 2020, Mme C... A..., repr...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... C... A... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 29 novembre 2019 par lequel le préfet du Nord lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination et lui a interdit de revenir sur le territoire français pour une durée d'un an.

Par jugement n° 1910609 du 11 février 2020, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par requête enregistrée le 23 mars 2020, Mme C... A..., représentée par Me B... E..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir cet arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet du Nord de lui délivrer un titre de séjour " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, ou, à défaut, de procéder à un nouvel examen de sa demande de titre de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Marc Heinis, président de chambre, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme C... A..., ressortissante de la République démocratique du Congo née en 1984, déclare être entrée en France en septembre 2017 avec ses trois enfants mineurs. Elle a donné naissance en France à son quatrième enfant en janvier 2018. Sa demande d'asile a été rejetée en septembre 2018 par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et en avril 2019 par la Cour nationale du droit d'asile. Par arrêté du 29 novembre 2019, le préfet du Nord lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination et lui a interdit de revenir sur le territoire français pendant un an. Mme C... A... relève appel du jugement du 11 février 2020 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 29 novembre 2019.

Sur l'obligation de quitter le territoire français :

En ce qui concerne la motivation :

2. Si, en juin 2019, le conseil de la requérante a adressé à la préfecture un certificat médical d'avril 2019 faisant état d'un stress post-traumatique, ce document était ancien à la date de l'arrêté attaqué, il était rédigé en termes sommaires, aucun justificatif de suivi d'un traitement prescrit n'était joint et Mme C... A... n'a pas ensuite déposé une demande de titre de séjour sur le fondement de l'article 313-11, 11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Dans ces conditions, la circonstance que l'arrêté attaqué n'ait ni visé l'article L. 511-4, 10° du même code, ni évoqué l'état de santé de l'intéressée ne suffit pas à caractériser une insuffisance de motivation au sens des articles L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration et L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

En ce qui concerne l'examen particulier de la situation :

3. Il ne ressort pas des pièces du dossier, notamment des termes mêmes de la décision attaquée et compte tenu de ce qui vient d'être dit, que le préfet du Nord se serait abstenu de procéder à l'examen de la situation personnelle de Mme C... A... avant de l'obliger à quitter le territoire français.

En ce qui concerne l'état de santé :

4. Aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) / 10° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié (...) ". Aux termes de l'article R. 511-1 du même code : " L'état de santé défini au 10° de l'article L. 511-4 est constaté au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / Cet avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un certificat médical établi par le médecin qui suit habituellement l'étranger ou un médecin praticien hospitalier et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. / (...) ".

5. Lorsqu'elle envisage de prononcer une obligation de quitter le territoire français à l'encontre d'un étranger en situation irrégulière, l'autorité préfectorale n'est tenue, en application de l'article R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de recueillir préalablement l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration que si elle dispose d'éléments d'information suffisamment précis permettant d'établir que l'intéressé, résidant habituellement en France, présente un état de santé susceptible de le faire entrer dans la catégorie des étrangers qui ne peuvent faire l'objet d'une telle mesure d'éloignement.

6. D'une part, eu égard au caractère ancien, sommaire et non corroboré du certificat médical susmentionné et alors qu'il ne ressort d'aucune pièce du dossier que les certificats médicaux ultérieurement établis et joints à la requête aient été transmis à la préfecture, le préfet ne peut pas être regardé comme ayant disposé d'éléments suffisamment précis laissant penser que la requérante entrait dans le champ d'application de l'article L. 511-4, 10° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Le vice de procédure invoqué n'est donc pas établi.

7. D'autre part, si Mme C... A... fait valoir qu'elle souffre d'un stress post-traumatique à raison d'évènements subis dans son pays d'origine, il ne ressort ni de l'ensemble des certificats médicaux produits à l'instance, non corroborés par des justificatifs de l'acquisition effective des médicaments prescrits, ni de la documentation à caractère général sur le système de soins en République démocratique du Congo invoquée par la requête, alors que la requérante n'a fourni aucune précision sur ses ressources dans son pays d'origine et alors que la défense a justifié de la disponibilité des substances actives de ces médicaments dans ce pays, que l'intéressée entrait bien dans le champ d'application de l'article L. 511-4, 10° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

8. Pour les motifs cités ci-dessus, le moyen tiré de l'erreur manifeste commise par l'autorité préfectorale dans l'appréciation des conséquences de la mesure d'éloignement sur l'état de santé de Mme C... A... doit être écarté.

9. Il résulte de ce qui précède que Mme C... A... n'est pas fondée à soutenir que la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français est entachée d'illégalité.

Sur le pays de destination :

10. Compte tenu de ce qui a été dit ci-dessus, le moyen tiré, par voie d'exception, de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français doit être écarté.

11. Il ne ressort pas des pièces du dossier, notamment des termes mêmes de la décision attaquée et compte tenu de ce qui précède, que le préfet du Nord se serait abstenu de procéder à l'examen de la situation personnelle de Mme C... A... avant de fixer le pays de destination.

12. Ainsi qu'il a été dit ci-dessus, il n'est pas établi que l'état de santé de Mme C... A... fait obstacle à son retour en République démocratique du Congo. Dans ces conditions, les moyens tirés de la méconnaissance de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doivent être écartés.

13. Pour les motifs cités au point précédent, le moyen tiré de l'erreur manifeste commise par l'autorité préfectorale dans l'appréciation des conséquences de la décision en litige sur l'état de santé de Mme C... A... doit être écarté.

Sur l'interdiction de retour sur le territoire français pendant un an :

14. Compte tenu de ce qui a été dit ci-dessus, le moyen tiré, par voie d'exception, de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français doit être écarté.

15. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) Lorsqu'elle ne se trouve pas en présence du cas prévu au premier alinéa du présent III, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, assortir l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée maximale de deux ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français. / (...) / La durée de l'interdiction de retour mentionnée aux premier, sixième et septième alinéas du présent III ainsi que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. (...) ".

16. En l'espèce, après s'être référé au III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et avoir relevé la présence récente de Mme C... A... en France, le préfet du Nord a également pris en compte l'absence de liens privées et familiaux en France, l'absence de mesure d'éloignement précédente et le fait que la présence en France de l'intéressée ne constituait pas une menace pour l'ordre public. Par suite, le préfet du Nord, qui a examiné l'ensemble des critères prévus par les dispositions précitées du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, a suffisamment motivé sa décision en fait et en droit.

17. Pour les motifs cités ci-dessus, le préfet n'a pas méconnu le III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il n'a pas davantage entaché sa décision d'une erreur d'appréciation de ses conséquences sur l'état de santé de Mme C... A....

18. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C... A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme C... A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... C... A..., au ministre de l'intérieur et à Me B... E....

Copie en sera transmise pour information au préfet du Nord.

N°20DA00531 3


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 20DA00531
Date de la décision : 15/09/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. Heinis
Rapporteur ?: M. Marc Heinis
Rapporteur public ?: M. Bories
Avocat(s) : DANSET-VERGOTEN

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2020-09-15;20da00531 ?
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