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15/09/2020 | FRANCE | N°19DA02653

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1ère chambre, 15 septembre 2020, 19DA02653


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... D... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler l'arrêté du 29 mars 2019 par lequel le préfet du Nord a refusé de renouveler son attestation de demande d'asile, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours à compter de la notification de l'arrêté et a fixé l'Algérie comme pays de destination.

Par un jugement n° 1903124 du 3 juin 2019, le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.

Proc

édure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 4 décembre 2019, M. D..., représenté ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... D... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler l'arrêté du 29 mars 2019 par lequel le préfet du Nord a refusé de renouveler son attestation de demande d'asile, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours à compter de la notification de l'arrêté et a fixé l'Algérie comme pays de destination.

Par un jugement n° 1903124 du 3 juin 2019, le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 4 décembre 2019, M. D..., représenté par Me C... B..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Lille du 3 juin 2019 ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet du Nord du 29 mars 2019 ;

3°) d'enjoindre au préfet d'examiner à nouveau sa situation dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros, à verser à son conseil en application de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée relative à l'aide juridique.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de M. Aurélien Gloux-Saliou, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. De nationalité algérienne, M. D... est entré en France le 5 avril 2018 muni d'un visa de court séjour. Il a présenté le 17 avril 2018 une demande d'asile, rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 26 septembre 2018. La Cour nationale du droit d'asile a rejeté le 30 janvier 2019 un recours dirigé contre la décision de l'office. Par arrêté du 29 mars 2019, le préfet du Nord a refusé de renouveler l'attestation de demande d'asile de M. D..., qui valait autorisation provisoire de séjour en France, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours à compter de la notification de l'arrêté et a fixé l'Algérie comme pays de destination. M. D... interjette appel du jugement du 3 juin 2019 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet du Nord.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne le droit au maintien sur le territoire français :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 743-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Le demandeur d'asile dont l'examen de la demande relève de la compétence de la France et qui a introduit sa demande auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides bénéficie du droit de se maintenir sur le territoire français jusqu'à la notification de la décision de l'office ou, si un recours a été formé, dans le délai prévu à l'article L. 731-2 contre une décision de rejet de l'office, soit jusqu'à la date de la lecture en audience publique de la décision de la Cour nationale du droit d'asile, soit, s'il est statué par ordonnance, jusqu'à la date de la notification de celle-ci. L'attestation délivrée en application de l'article L. 741-1, dès lors que la demande d'asile a été introduite auprès de l'office, vaut autorisation provisoire de séjour et est renouvelable jusqu'à ce que l'office et, le cas échéant, la cour statuent ". En outre, aux termes de l'article R. 723-19 du même code : " (...) / III. - La date de notification de la décision de l'office et, le cas échéant, de la Cour nationale du droit d'asile qui figure dans le système d'information de l'office et est communiquée au préfet compétent et au directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration au moyen de traitements informatiques fait foi jusqu'à preuve du contraire / (...) ".

3. En l'espèce, le système d'information de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, dont un extrait a été produit par le préfet du Nord en première instance, indique que la Cour nationale du droit d'asile, après avoir rejeté le 30 janvier 2019 par ordonnance le recours de M. D... dirigé contre le rejet par l'office de sa demande d'asile, a notifié cette ordonnance à l'intéressé le 11 février 2019. Cette date fait foi jusqu'à preuve du contraire. M. D..., en se bornant à soutenir qu'un courrier lui a été envoyé à une adresse erronée le 9 janvier 2019, n'établit pas que l'ordonnance de la Cour nationale du droit d'asile lui aurait, elle aussi, été notifiée à une adresse incorrecte le 11 février 2019. Dans le système d'information de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides figure d'ailleurs la même adresse que celle indiquée par M. D... dans le courrier de désistement qu'il dit avoir envoyé à la cour le 22 mars 2019. En outre, le requérant, à qui il incombait de prendre toutes dispositions pour recevoir son courrier, dans l'hypothèse où il n'aurait temporairement pas été en mesure d'en prendre connaissance à l'adresse déclarée à l'administration, ou de faire connaître un éventuel changement d'adresse, ne produit aucune pièce contredisant les indications du système d'information de l'office, selon lesquelles la décision de la Cour nationale du droit d'asile était une décision de rejet pour irrecevabilité en l'absence d'éléments sérieux. Le requérant n'est donc fondé à soutenir ni que le sens de cette décision ne serait pas établi ni que l'administration devrait démontrer qu'il a effectivement pris connaissance du courrier de notification. Dans ces conditions, à compter du 11 février 2019 et, partant, à la date de l'arrêté contesté, M. D... ne bénéficiait plus du droit de se maintenir sur le territoire français prévu à l'article L. 743-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de cet article doit être écarté.

4. En deuxième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet du Nord, qui mentionne dans l'arrêté contesté différents éléments concernant la vie privée et familiale de M. D... et indique que celui-ci n'a produit aucun élément justifiant qu'il entrait dans un des cas prévus par le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour pouvoir prétendre à l'octroi d'un titre de séjour, n'aurait pas examiné la situation personnelle de l'intéressé.

5. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 743-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger auquel la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé ou qui ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application de l'article L. 743-2 et qui ne peut être autorisé à demeurer sur le territoire à un autre titre doit quitter le territoire français (...) " et aux termes de l'article L. 313-7 du même code : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : / (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République (...) ". En outre, en vertu de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale.

6. A la date de l'arrêté contesté, M. D... vivait seulement depuis un an en France. Il est constant qu'il est célibataire et sans enfant. S'il soutient avoir noué une relation amoureuse avec une personne de santé fragile en septembre 2018, le concubinage allégué n'avait pas commencé depuis plus de six mois à la date de l'arrêté contesté. L'intéressé n'établit pas être dépourvu d'attaches dans son pays d'origine, dans lequel il a vécu jusqu'à l'âge de trente-et-un ans. Enfin la seule attestation d'une association, au demeurant postérieure à la date de l'arrêté contesté, selon laquelle il participerait bénévolement à des maraudes sociales, ne suffit pas à démontrer un degré d'intégration particulier dans la société française. Eu égard à ces éléments, en refusant d'autoriser le maintien de M. D... sur le territoire français, le préfet du Nord n'a pas violé le 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et n'a pas porté une atteinte disproportionnée à la vie privée et familiale garantie par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

7. En quatrième lieu, si M. D... soutient que le préfet a également violé les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui concernent le droit au séjour de l'étranger dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, il n'apporte aucune précision au soutien de ce moyen et ne met donc pas la cour en mesure d'en apprécier le bien-fondé.

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

8. En premier lieu, eu égard à ce qui a été dit plus haut, M. D... n'est pas fondé à soutenir que la décision l'obligeant à quitter le territoire français serait illégale par voie de conséquence de l'illégalité de la décision refusant de l'autoriser à se maintenir sur le territoire français.

9. En second lieu, aux termes de l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " 1. Toute personne a le droit de voir ses affaires traitées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions, organes et organismes de l'Union. / 2. Ce droit comporte notamment : / a) le droit de toute personne d'être entendue avant qu'une mesure individuelle qui l'affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre (...) ". Aux termes du paragraphe 1 de l'article 51 de la même charte : " Les dispositions de la présente Charte s'adressent aux institutions, organes et organismes de l'Union dans le respect du principe de subsidiarité, ainsi qu'aux Etats membres uniquement lorsqu'ils mettent en oeuvre le droit de l'Union (...) ". En outre, aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. _ L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne (...) lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : / (...) 6° Si la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l'étranger ou si l'étranger ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application des articles L. 743-1 et L. 743-2 , à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité (...) ".

10. Le droit d'être entendu reconnu par l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne implique que l'autorité préfectorale, avant de prendre à l'encontre d'un étranger une décision portant obligation de quitter le territoire français, mette l'intéressé à même de présenter ses observations écrites et lui permette, sur sa demande, de faire valoir des observations orales, de telle sorte qu'il puisse faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue sur la mesure envisagée avant qu'elle n'intervienne. Toutefois, dans le cas prévu au 6° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, où la décision faisant obligation de quitter le territoire français est prise concomitamment au refus de renouveler l'autorisation provisoire de séjour d'un étranger ne bénéficiant plus du droit de se maintenir en France prévu à l'article L. 743-1 du code, l'obligation de quitter le territoire français découle nécessairement du refus de titre de séjour. Le droit d'être entendu n'implique alors pas que l'administration ait l'obligation de mettre l'intéressé à même de présenter ses observations de façon spécifique sur la décision l'obligeant à quitter le territoire français, dès lors qu'il a pu être entendu avant que n'intervienne la décision refusant de lui délivrer un titre de séjour.

11. Lorsqu'il présente une demande d'asile et sollicite en conséquence la délivrance d'un titre de séjour, l'étranger, en raison même de l'accomplissement de cette démarche qui tend à son maintien régulier sur le territoire français, ne saurait ignorer qu'en cas de refus, il pourra faire l'objet d'une mesure d'éloignement. A l'occasion du dépôt de sa demande, il est conduit à préciser à l'administration les motifs pour lesquels il demande que lui soit délivré un titre de séjour et à produire tous éléments susceptibles de venir au soutien de cette demande. Il lui appartient, lors du dépôt de cette demande d'apporter à l'administration toutes les précisions qu'il juge utiles. Il lui est loisible, au cours de l'instruction de sa demande, de faire valoir auprès de l'administration toute observation complémentaire utile, au besoin en faisant état d'éléments nouveaux. Le droit de l'intéressé d'être entendu, ainsi satisfait avant que n'intervienne le refus de titre de séjour, n'impose pas à l'autorité administrative de mettre l'intéressé à même de réitérer ses observations ou de présenter de nouvelles observations, de façon spécifique, sur l'obligation de quitter le territoire français qui est prise concomitamment et en conséquence du refus de titre de séjour.

12. En l'espèce, il est constant que M. D... a pu présenter ses observations écrites et orales lors du dépôt et de l'instruction de sa demande d'asile. S'il soutient qu'il avait des éléments nouveaux à faire valoir concernant sa vie privée et familiale en France, il n'établit ni qu'il aurait été empêché de les porter à la connaissance de l'autorité préfectorale en temps utile ni, au demeurant, que ces éléments auraient été de nature à faire obstacle à une mesure d'éloignement. Dans ces conditions, M. D... n'a pas été privé de son droit à être entendu et les dispositions de l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne n'ont pas été méconnues.

En ce qui concerne la fixation du pays de destination :

13. Eu égard à ce qui a été dit plus haut, M. D... n'est pas fondé à soutenir que la décision fixant l'Algérie comme pays de destination serait illégale par voie de conséquence, d'une part, de l'illégalité de la décision refusant de l'autoriser à se maintenir sur le territoire français et, d'autre part, de la décision l'obligeant à quitter le territoire français.

14. Il résulte de tout ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par son jugement du 3 juin 2019, le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet du Nord du 29 mars 2019.

Sur l'injonction :

15. Le présent arrêt n'impliquant aucune mesure d'exécution au sens des articles L. 911-1 et L. 911-2 du code de justice administrative, les conclusions à fin d'injonction présentées par M. D... ne peuvent qu'être rejetées.

Sur les frais de l'instance :

16. Les dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demande M. D... au titre des frais qu'il a exposés.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... D..., au ministre de l'intérieur et à Me C... B....

Copie en sera adressée pour information au préfet du Nord.

No19DA02653 6


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 19DA02653
Date de la décision : 15/09/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. Heinis
Rapporteur ?: M. Aurélien Gloux-Saliou
Rapporteur public ?: M. Bories
Avocat(s) : CLEMENT

Origine de la décision
Date de l'import : 09/10/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2020-09-15;19da02653 ?
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