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15/09/2020 | FRANCE | N°19DA00513

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1ère chambre, 15 septembre 2020, 19DA00513


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SAS Euro Protection Surveillance a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler le titre de perception n° 06700 009 072 059 510009 2016 0000679 d'un montant de 1 050 euros, émis à son encontre le 29 février 2016 par le directeur régional des finances publique d'Alsace et du Bas-Rhin en vue du recouvrement de sanctions pécuniaires infligées sur le fondement de l'article L. 613-6 du code de la sécurité intérieure, ainsi que la décision implicite par laquelle le préfet de la zone de défense

et de sécurité Nord a rejeté son recours gracieux contre cette sanction.

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SAS Euro Protection Surveillance a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler le titre de perception n° 06700 009 072 059 510009 2016 0000679 d'un montant de 1 050 euros, émis à son encontre le 29 février 2016 par le directeur régional des finances publique d'Alsace et du Bas-Rhin en vue du recouvrement de sanctions pécuniaires infligées sur le fondement de l'article L. 613-6 du code de la sécurité intérieure, ainsi que la décision implicite par laquelle le préfet de la zone de défense et de sécurité Nord a rejeté son recours gracieux contre cette sanction.

Par un jugement no 1609850 du 31 décembre 2018, le tribunal administratif de Lille a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 28 février et 2 décembre 2019, la SAS Euro Protection Surveillance, représentée par la société d'avocats Fidal, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'annuler le jugement n° 1609850 du tribunal administratif de Lille du 31 décembre 2018 ;

2°) d'annuler le titre de perception n° 06700 009 072 059 510009 2016 0000679 émis par le directeur régional des finances publiques d'Alsace et du Bas-Rhin le 29 février 2016 ainsi que la décision implicite ayant rejeté le recours gracieux formé contre cette sanction ;

3°) de la décharger de l'obligation de payer la somme de 1 050 euros ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code pénal ;

- le code de la sécurité intérieure ;

- le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 modifié ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Aurélien Gloux-Saliou, premier conseiller,

- et les conclusions de M. Arnaud Bories, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La SAS Euro Protection Surveillance, qui exerce une activité privée de sécurité consistant à surveiller à distance des biens meubles ou immeubles, a contacté à plusieurs occasions les forces de l'ordre en raison de déclenchements d'alarmes survenus chez ses clients. Le préfet de la zone de défense et de sécurité Nord a prononcé des sanctions pécuniaires à son encontre au motif que certains de ces appels téléphoniques étaient injustifiés. La SAS Euro Protection Surveillance interjette appel du jugement du 31 décembre 2018 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation, d'une part, du titre de perception émis le 29 février 2016 par le directeur régional des finances publiques d'Alsace et du Bas-Rhin pour le recouvrement de ces sanctions et, d'autre part, de la décision implicite du préfet de la zone de défense et de sécurité Nord ayant rejeté le recours gracieux formé contre le titre de perception.

Sur la régularité des titres de perception :

2. Aux termes de l'article 24 du décret du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique : " (...) Toute créance liquidée faisant l'objet d'une déclaration ou d'un ordre de recouvrer indique les bases de la liquidation (...) ". En application de cette disposition, l'administration ne peut mettre en recouvrement une créance sans indiquer soit dans le titre lui-même, soit par référence précise à un document joint à l'état exécutoire ou précédemment adressé au débiteur, les bases et les éléments de calcul sur lesquels elle se fonde pour mettre les sommes en cause à la charge de ce débiteur.

3. Le titre de perception en litige indique le montant de la créance et son objet, à savoir " redevances dues par les bénéficiaires des dispositifs d'alerte police et l'activité de surveillance à distance ". Si ce titre ne mentionne pas lui-même les modalités de calcul de la créance, il fait précisément référence à la décision du 22 juin 2015, par laquelle le préfet de la zone de défense et de sécurité Nord a infligé à la société Euro Protection Surveillance les sanctions pécuniaires contestées. Or la société reconnaît avoir préalablement reçu notification de cette décision, qui indiquait les bases et éléments de calcul des sanctions en les rapprochant des dates, heures et lieux des interventions considérées comme injustifiées. Au demeurant, il résulte de l'instruction que le titre de perception a été émis au terme d'une procédure contradictoire, au cours de laquelle l'administration et la société ont échangé des courriers mentionnant les dispositions légales applicables et discutant les faits à l'origine des sanctions. La requérante ne saurait donc sérieusement soutenir que l'administration n'a pas porté à sa connaissance les bases de la liquidation de sa créance et le moyen invoqué à ce titre doit, par suite, être écarté.

Sur le bien-fondé des créances mises en recouvrement par les titres de perception :

4. Aux termes de l'article L. 613-6 du code de la sécurité intérieure : " Est injustifié tout appel des services de la police nationale ou de la gendarmerie nationale par les personnes physiques ou morales exerçant des activités de surveillance à distance des biens meubles ou immeubles qui entraîne l'intervention indue de ces services, faute d'avoir été précédé d'une levée de doute consistant en un ensemble de vérifications, par ces personnes physiques ou morales, de la matérialité et de la concordance des indices laissant présumer la commission d'un crime ou délit flagrant concernant les biens meubles ou immeubles. / L'autorité administrative peut prononcer à l'encontre des personnes physiques ou morales mentionnées à l'alinéa précédent qui appellent sans justification les services de la police nationale ou de la gendarmerie nationale une sanction pécuniaire d'un montant qui ne peut excéder 450 euros par appel injustifié. / La personne physique ou morale à l'encontre de laquelle est envisagée la sanction pécuniaire prévue au précédent alinéa est mise en mesure de présenter ses observations avant le prononcé de la sanction et d'établir la réalité des vérifications qu'elle a effectuées, mentionnées au premier alinéa. / Cette sanction pécuniaire est recouvrée comme les créances de l'Etat étrangères à l'impôt et au domaine. Elle est susceptible d'un recours de pleine juridiction ".

5. En premier lieu, si la SAS Euro Protection Surveillance soutient que les forces de l'ordre sont intervenues de leur propre initiative sur les lieux après ses appels, cette circonstance est sans incidence sur le bien-fondé des sanctions prononcées à son encontre, dès lors qu'il est reproché à la société de n'avoir pas effectué une levée de doute conforme aux prescriptions légales et qu'une telle levée de doute doit précéder tout appel aux forces de l'ordre.

6. En deuxième lieu, si la requérante soutient qu'en l'absence d'appel aux forces de l'ordre, sa responsabilité pénale aurait pu être engagée sur le fondement des articles 223-1, 223-5 et 223-6 du code pénal réprimant la mise en danger des personnes, cette circonstance ne saurait justifier, pour une société dont l'activité consiste à surveiller à distance des biens meubles ou immeubles, un appel systématique en cas de déclenchement d'une alarme chez l'un de ses clients.

7. En troisième lieu, aucun principe constitutionnel de précaution ne régit l'activité de télésurveillance de la SAS Euro Protection Surveillance. Le moyen tiré de la méconnaissance d'un tel principe dans le cas où la société se serait abstenue de contacter les forces de l'ordre est donc inopérant.

8. En quatrième lieu, la requérante ne peut utilement invoquer la circonstance qu'entre 2014 et 2018, seulement 0,36 % des dossiers qu'elle a traités dans le Pas-de-Calais auraient entraîné un appel des forces de l'ordre, pour s'exonérer du respect des dispositions de l'article L. 613-6 du code de la sécurité intérieure.

9. En cinquième lieu, il résulte de l'instruction que le système d'alarme installé par la SAS Euro Protection Surveillance chez ses clients peut être déclenché notamment lorsqu'un détecteur se trouve sollicité en cas d'intrusion ou lorsqu'une personne appuie sur la touche " alerte " du clavier ou de la télécommande du système. La sollicitation d'un détecteur ou l'appui sur la touche " alerte " envoient au centre de surveillance de la société Euro Protection Surveillance respectivement un code " intrusion " ou " alerte ". Dès la réception par le centre de surveillance d'un de ces codes, le logiciel de gestion des alarmes effectue en moyenne trois appels sur un ou plusieurs numéros de téléphone communiqués par le client. Si le téléphone est décroché, l'appel est dirigé vers un opérateur disponible. Après plusieurs appels infructueux, la procédure est dirigée automatiquement vers un opérateur qui dépêche alors un agent de sécurité sur place et informe parallèlement les forces de l'ordre en leur transmettant un message préenregistré dont le contenu est différent selon qu'il s'agisse d'un code " intrusion " ou " alerte ".

10. Or l'article L. 613-6 du code de la sécurité intérieure impose aux sociétés de surveillance à distance de biens meubles ou immeubles d'effectuer, avant tout appel aux forces de l'ordre, une levée de doute consistant en un ensemble de vérifications, ce qui implique notamment, selon les cas, de conduire la levée de doute en plusieurs étapes tenant compte de l'extrême sensibilité des détecteurs utilisés pour les systèmes d'alarmes qui engendre de nombreux déclenchements intempestifs. Si la SAS Euro Protection Surveillance n'était pas tenue alors de s'assurer qu'une infraction avait réellement eu lieu en cas de déclenchement d'une alarme, l'ensemble de vérifications qu'il lui appartenait de réaliser ne pouvait se borner, dans chaque cas, à constater le caractère infructueux d'appels successifs aux numéros fournis par ses clients. Contrairement à ce que soutient la requérante, une telle exigence n'ajoute pas d'obligation non prévue par la loi ni ne méconnaît le principe de légalité des délits et des peines ou les stipulations de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

En ce qui concerne l'appel du 20 octobre 2014 :

11. Il résulte de l'instruction que, le 20 octobre 2014, après réception à partir de 8 H 09 d'un code " intrusion " suivi de plusieurs codes " alerte " en provenance d'un cabinet médical situé à Hazebrouck dans le Nord, la SAS Euro Protection Surveillance, si elle a tout d'abord effectué quatre appels téléphoniques infructueux aux numéros fournis par son client, a contacté les forces de police dès 8 H 18, sans attendre le rapport de son agent dépêché sur place à 8 H 15 et avant d'être informée à 8 H 40 que l'alarme avait été déclenchée par erreur par une femme de ménage. Dans ces conditions, au moment où elle a appelé les forces de l'ordre, la requérante n'avait pas réalisé l'ensemble des vérifications permettant de regarder comme remplie l'obligation qui pesait sur elle de lever le doute sur la commission d'un crime ou d'un délit flagrant concernant les locaux de son client. Le moyen tiré de ce que le préfet de la zone de défense et de sécurité Nord aurait inexactement appliqué les dispositions de l'article L. 613-6 du code de la sécurité intérieure doit donc être écarté.

En ce qui concerne l'appel du 27 octobre 2014 :

12. Il résulte de l'instruction que, le 27 octobre 2014, après réception à 8 H 46 d'un code " intrusion " en provenance de locaux d'une société privée situés à Comines dans le Nord, la SAS Euro Protection Surveillance, si elle a tout d'abord effectué quatre appels téléphoniques infructueux aux numéros fournis par son client, a contacté les forces de police dès 8 H 53, avant même de dépêcher sur place un agent à 8 H 54 et d'être informée à 9 H 17 que la situation était normale. Dans ces conditions, au moment où elle a appelé les forces de l'ordre, la requérante n'avait pas réalisé l'ensemble des vérifications permettant de regarder comme remplie l'obligation qui pesait sur elle de lever le doute sur la commission d'un crime ou d'un délit flagrant concernant les locaux de son client. Le moyen tiré de ce que le préfet de la zone de défense et de sécurité Nord aurait inexactement appliqué les dispositions de l'article L. 613-6 du code de la sécurité intérieure doit donc être écarté.

En ce qui concerne l'appel du 31 octobre 2014 :

13. Il résulte de l'instruction que, le 31 octobre 2014, après réception à partir de 3H 41 de plusieurs codes " intrusion " en provenance d'un domicile privé situé à Hem dans le Nord, la SAS Euro Protection Surveillance, si elle a tout d'abord effectué cinq appels téléphoniques infructueux aux numéros fournis par sa cliente, a contacté les forces de police dès 3 H 52, sans attendre le rapport de son agent dépêché sur place à 3 H 46 et d'être informée à 4 H 22 que la situation était normale. Dans ces conditions, au moment où elle a appelé les forces de l'ordre, la requérante n'avait pas réalisé l'ensemble de vérifications permettant de regarder comme remplie l'obligation qui pesait sur elle de lever le doute sur la commission d'un crime ou d'un délit flagrant concernant le domicile de sa cliente. Le moyen tiré de ce que le préfet de la zone de défense et de sécurité Nord aurait inexactement appliqué les dispositions de l'article L. 613-6 du code de la sécurité intérieure doit donc être écarté.

14. Il résulte de ce qui précède que la SAS Euro Protection Surveillance n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par son jugement du 31 décembre 2018, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation du titre de perception émis le 29 février 2016 ainsi que de la décision implicite rejetant le recours gracieux présenté contre ce titre.

Sur les frais de l'instance :

15. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme réclamée par la société Euro Protection Surveillance au titre des frais qu'elle a exposés.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société Euro Protection Surveillance est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Euro Protection Surveillance et au ministre de l'intérieur.

No19DA00513 6


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 19DA00513
Date de la décision : 15/09/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Comptabilité publique et budget - Créances des collectivités publiques.

Police - Police générale - Sécurité publique.


Composition du Tribunal
Président : M. Heinis
Rapporteur ?: M. Aurélien Gloux-Saliou
Rapporteur public ?: M. Bories
Avocat(s) : SOCIETE D'AVOCATS FIDAL

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2020-09-15;19da00513 ?
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