Vu la procédure suivante :
Procédure devant la cour :
I. Par une requête, enregistrée le 24 juillet 2018 sous le n° 18DA01548, et des mémoires, enregistrés les 21 janvier et 23 avril 2019, les sociétés Vermeldis, Violainedis et Tilloy Expansion, représentées par la SCP Courrech, demandent à la cour, dans le dernier état de leurs écritures :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 28 juin 2018 par lequel le maire de La Bassée a délivré à la société Immobilière Européenne des Mousquetaires un permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale d'un magasin à l'enseigne Intermarché dans la zone d'aménagement concerté du Nouveau Monde ;
2°) de mettre à la charge de la société Immobilière Européenne des Mousquetaires et de la commune de La Bassée la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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II. Par une requête, enregistrée le 23 août 2018 sous le n° 18DA01780, et un mémoire, enregistré le 19 septembre 2019, la société Carrefour Hypermarchés, représentée par Me G... E..., demande à la cour :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 28 juin 2018 par lequel le maire de la commune La Bassée a délivré à la société Immobilière Européenne des Mousquetaires un permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale d'un magasin à l'enseigne Intermarché dans la zone d'aménagement concerté du Nouveau Monde ;
2°) de mettre à la charge de la commune de La Bassée la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- le code de commerce ;
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Claire Rollet-Perraud, président-assesseur,
- les conclusions de M. Arnaud Bories, rapporteur public,
- et les observations de Me B... A..., représentant les sociétés Vermeldis, Violainedis et Tilloy Expansion, de Me D... F..., représentant la commune de la Bassée et la société Immobilière Européenne des Mousquetaires, et Me H... C..., représentant la société Supermarchés Match.
Considérant ce qui suit :
1. La société Immobilière Européenne des Mousquetaires a déposé une demande de permis
de construire le 4 octobre 2017 pour créer, dans la zone d'aménagement concerté du Nouveau Monde à La Bassée, un ensemble commercial d'une surface de vente de 3 831 m² comportant un supermarché à l'enseigne " Intermarché " de 3 435 m² avec à titre principal une activité de commerce alimentaire, une boutique de 180 m², un mail de 186 m² ainsi qu'un point de retrait des commandes télématiques d'une emprise au sol de 233 m².
2. Le projet a bénéficié, le 12 janvier 2018, d'un avis favorable de la commission départementale d'aménagement commercial du Nord puis la Commission nationale d'aménagement commercial a rejeté, par un avis du 26 avril 2018, le recours administratif préalable obligatoire formé par les sociétés Vermeldis, Violainedis, Tilloy Expansion, Supermarchés Match, Cora et Carrefour Hypermarchés. Le maire de La Bassée a accordé le permis de construire sollicité par la société Immobilière Européenne des Mousquetaires par un arrêté du 28 juin 2018, dont les sociétés Vermeldis, Violainedis et Tilloy Expansion par la requête enregistrée sous le n° 18DA01548, les sociétés Carrefour Hypermarchés par la requête enregistrée sous le n° 18DA01780, et la société Supermarchés Match en qualité d'intervenante dans les deux affaires, demandent l'annulation en tant qu'il vaut autorisation d'exploitation commerciale.
Sur la jonction :
3. Les requêtes enregistrées sous les numéros 18DA01548 et 18DA01780 sont dirigées contre la même décision et présentent à juger des questions communes. Il y a lieu de les joindre pour qu'il y soit statué par un seul arrêt.
Sur les interventions volontaires de la société Supermarchés Match :
4. La société Supermarchés Match, dont il n'est pas contesté qu'elle exploite un magasin à dominante alimentaire situé dans la zone de chalandise du projet et qui a, par ailleurs, déposé devant la Commission nationale d'aménagement commercial un recours contre l'avis favorable au projet émis par la commission départementale d'aménagement commercial du Nord le 12 janvier 2018, a intérêt à l'annulation de la décision attaquée. En conséquence, ses interventions doivent être admises.
Sur la fin de non-recevoir opposée par la commune de La Bassée et la société Immobilière des Mousquetaires aux conclusions présentées par la société Vermeldis :
5. D'une part, aux termes de l'article L. 425-4 du code de l'urbanisme : " Lorsque le projet est soumis à autorisation d'exploitation commerciale au sens de l'article L. 752-1 du code de commerce, le permis de construire tient lieu d'autorisation dès lors que la demande de permis a fait l'objet d'un avis favorable de la commission départementale d'aménagement commercial ou, le cas échéant, de la Commission nationale d'aménagement commercial. (...) / A peine d'irrecevabilité, la saisine de la commission nationale par les personnes mentionnées à l'article L. 752-17 du même code est un préalable obligatoire au recours contentieux dirigé contre la décision de l'autorité administrative compétente pour délivrer le permis de construire ". Aux termes du premier alinéa de l'article L. 600-1-4 du même code : " Lorsqu'il est saisi par une personne mentionnée à l'article L. 752-17 du code de commerce d'un recours pour excès de pouvoir dirigé contre le permis de construire mentionné à l'article L. 425-4 du présent code, le juge administratif ne peut être saisi de conclusions tendant à l'annulation de ce permis qu'en tant qu'il tient lieu d'autorisation d'exploitation commerciale. Les moyens relatifs à la régularité de ce permis en tant qu'il vaut autorisation de construire sont irrecevables à l'appui de telles conclusions ".
6. D'autre part, le I de l'article L. 752-17 du code de commerce dispose : " Conformément à l'article L. 425-4 du code de l'urbanisme, le demandeur, le représentant de l'État dans le département, tout membre de la commission départementale d'aménagement commercial, tout professionnel dont l'activité, exercée dans les limites de la zone de chalandise définie pour chaque projet, est susceptible d'être affectée par le projet ou toute association les représentant peuvent, dans le délai d'un mois, introduire un recours devant la Commission nationale d'aménagement commercial contre l'avis de la commission départementale d'aménagement commercial / (...) / A peine d'irrecevabilité, la saisine de la commission nationale par les personnes mentionnées au premier alinéa du présent I est un préalable obligatoire au recours contentieux dirigé contre la décision de l'autorité administrative compétente pour délivrer le permis de construire. (...) ".
7. Il résulte de la combinaison de ces dispositions que tout professionnel dont l'activité, exercée dans les limites de la zone de chalandise d'un projet, est susceptible d'être affectée par celui-ci, a intérêt, en cas d'avis favorable donné au projet par la commission départementale d'aménagement commercial puis, en cas d'avis favorable à nouveau donné par la Commission nationale d'aménagement commercial et en cas de délivrance du permis de construire, à former un recours contentieux contre ce permis en tant qu'il tient lieu d'autorisation d'exploitation commerciale. S'il en va ainsi lorsque le professionnel requérant est implanté dans la zone de chalandise du projet, un tel intérêt peut également résulter soit de ce que le territoire sur lequel il exploite un commerce aurait dû, au regard des critères fixés à l'article R. 752-3 du code de commerce, être inclus dans cette zone de chalandise, son activité étant ainsi susceptible d'être affectée par ce projet, soit de ce que, alors même que le professionnel requérant n'est pas implanté dans la zone de chalandise du projet, ce dernier est susceptible, en raison du chevauchement de sa zone de chalandise et de celle de l'activité commerciale du requérant, d'avoir sur cette activité une incidence significative.
8. Il ressort des pièces du dossier que la société Vermeldis exploite un supermarché à l'enseigne " Leclerc ", avec un commerce principalement alimentaire également, dans la commune de Vermelles située à un peu moins de dix kilomètres du projet. Dès lors, les zones de chalandise du projet et du supermarché exploité par la société requérante en cause se chevauchent et l'activité de la société Vermeldis est susceptible d'être significativement affectée par le projet.
9. Au demeurant, dans l'hypothèse où des conclusions communes sont présentées par des requérants différents dans une même requête, il suffit que l'un d'eux soit recevable à agir devant la juridiction pour qu'il puisse, au vu d'un moyen soulevé par celui-ci, être fait droit à ces conclusions. En l'espèce, la requête enregistrée sous le n° 18DA01548 est présentée conjointement par les sociétés Vermeldis, Violainedis et Tilloy Expansion. Or l'intérêt à agir de ces deux dernières sociétés n'est pas contesté.
10. Il résulte de ce qui précède que la fin de non-recevoir opposée par la commune de La Bassée et la société Immobilière des Mousquetaires et tirée du défaut d'intérêt à agir de la société Vermeldis doit être écartée.
Sur la légalité de la décision attaquée :
En ce qui concerne l'article L. 752-6 du code de commerce :
11. Aux termes du I de l'article L. 752-6 du code de commerce, dans sa version alors en vigueur : " I. - L'autorisation d'exploitation commerciale mentionnée à l'article L. 752-1 est compatible avec le document d'orientation et d'objectifs des schémas de cohérence territoriale ou, le cas échéant, avec les orientations d'aménagement et de programmation des plans locaux d'urbanisme intercommunaux comportant les dispositions prévues au deuxième alinéa de l'article L. 151-6 du code de l'urbanisme. / La commission départementale d'aménagement commercial prend en considération : / 1° En matière d'aménagement du territoire : / a) La localisation du projet et son intégration urbaine ; / b) La consommation économe de l'espace, notamment en termes de stationnement ; / c) L'effet sur l'animation de la vie urbaine, rurale et dans les zones de montagne et du littoral ; / d) L'effet du projet sur les flux de transports et son accessibilité par les transports collectifs et les modes de déplacement les plus économes en émission de dioxyde de carbone ; / 2° En matière de développement durable : / a) La qualité environnementale du projet, notamment du point de vue de la performance énergétique, du recours le plus large qui soit aux énergies renouvelables et à l'emploi de matériaux ou procédés éco-responsables, de la gestion des eaux pluviales, de l'imperméabilisation des sols et de la préservation de l'environnement ; / b) L'insertion paysagère et architecturale du projet, notamment par l'utilisation de matériaux caractéristiques des filières de production locales ; / c) Les nuisances de toute nature que le projet est susceptible de générer au détriment de son environnement proche. / Les a et b du présent 2° s'appliquent également aux bâtiments existants s'agissant des projets mentionnés au 2° de l'article L. 752-1 ; / 3° En matière de protection des consommateurs : / a) L'accessibilité, en termes, notamment, de proximité de l'offre par rapport aux lieux de vie ; / b) La contribution du projet à la revitalisation du tissu commercial, notamment par la modernisation des équipements commerciaux existants et la préservation des centres urbains ; / c) La variété de l'offre proposée par le projet, notamment par le développement de concepts novateurs et la valorisation de filières de production locales ; / d) Les risques naturels, miniers et autres auxquels peut être exposé le site d'implantation du projet, ainsi que les mesures propres à assurer la sécurité des consommateurs. / (...) ".
12. Il appartient aux commissions d'aménagement commercial, lorsqu'elles statuent sur les dossiers de demande d'autorisation, d'apprécier la conformité du projet aux objectifs énoncés par la loi, au vu des critères d'évaluation mentionnés à l'article L. 752-6 du code de commerce. L'autorisation d'exploitation commerciale ne peut être refusée que si, eu égard à ses effets, le projet contesté compromet la réalisation de ces objectifs.
13. D'une part, il ressort des pièces du dossier que le projet est implanté sur un terrain de 30 000 m², situé en entrée de ville dans une zone d'aménagement concerté en cours d'urbanisation, que si les parcelles d'assiette du projet ont longtemps supporté un lotissement, elles sont revenues à l'état naturel depuis plusieurs années et étaient cultivées à la date de l'arrêté attaqué et que la construction projetée ne s'intègre pas à l'urbanisation existante et participe à l'étalement urbain.
14. D'autre part, les surfaces de plancher, l'aire de stationnement et les voies de circulation internes couvrent la quasi-totalité des 30 000 m² de surface parcellaire, pour une surface de vente de seulement 3 651 m², une réserve foncière de 2 197 m² étant affectée à la construction de bureaux dans l'avenir. L'aire de stationnement de plain-pied ne fait l'objet d'aucune mutualisation avec les autres établissements présents dans la zone d'aménagement concerté. Ainsi, le projet n'a pas été conçu dans un souci de consommation économe de l'espace.
15. Enfin, pour limiter l'imperméabilisation des sols, le projet s'est borné à prévoir l'engazonnement de 40 places de stationnement et la végétalisation des toitures des stations de carburant et de lavage.
16. Il résulte des éléments exposés aux points 13 à 15 que le projet méconnaît les critères des 1° et 2° du I de l'article L. 752-6 du code de commerce relatifs à l'aménagement du territoire et au développement durable.
En ce qui concerne l'article L. 752-21 du code de commerce :
17. Aux termes de l'article L. 752-21 du code de commerce : " Un pétitionnaire dont le projet a été rejeté pour un motif de fond par la Commission nationale d'aménagement commercial ne peut déposer une nouvelle demande d'autorisation sur un même terrain, à moins d'avoir pris en compte les motivations de la décision ou de l'avis de la commission nationale / (...) ".
18. D'une part, il ressort des pièces du dossier que, le 2 mars 2017, la Commission nationale d'aménagement commercial a émis un avis défavorable au premier projet présenté par la société Immobilière Européenne des Mousquetaires portant sur la création d'un ensemble commercial, qui consistait en la création d'un ensemble commercial d'une surface de vente de 3 831 m² avec un hypermarché de 3 465 m², une boutique de 180 m² et un mail de 186 m² ainsi que la création d'un point permanent de retrait d'achats au détail commandés par voie télématique pour une emprise au sol de 233 m². Cet avis a été motivé par l'impact du projet sur l'animation de la vie urbaine de la commune de La Bassée, par la consommation d'espaces naturels et par la circonstance que le projet participera à l'étalement urbain.
19. D'autre part, le 4 octobre 2017, la même société a présenté une nouvelle demande ayant le même objet. Si le projet a été légèrement modifié par l'ajout de panneaux photovoltaïques et le remaniement du parc de stationnement, d'une part la parcelle d'assiette du projet, située en entrée de ville, est à l'état naturel, de sorte que son urbanisation participe à l'étalement urbain quand bien même quelques projets auraient déjà été édifiés dans la " zone d'aménagement concerté du Nouveau Monde " où elle prend place, d'autre part la commune de La Bassée et la société Immobilière Européenne des Mousquetaires ne démontrent pas que leur nouveau projet participerait à l'animation de la vie urbaine du centre-ville.
20. Dans les circonstances de l'espèce, les deux projets successifs présentent des similarités telles qu'elles démontrent que la société Immobilière Européenne des Mousquetaires n'a pas suffisamment pris en compte les motifs ayant amené la Commission nationale d'aménagement commercial, quelques mois plus tôt seulement, à refuser le premier projet. La demande d'autorisation a donc méconnu l'article L. 752-21 du code de commerce.
21. Il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que l'avis émis par la Commission nationale d'aménagement commercial est entaché d'illégalité. Une telle illégalité entache également d'illégalité le permis de construire délivré par le maire de La Bassée en tant qu'il tient lieu d'autorisation d'exploitation commerciale conformément à l'article L. 425-4 du code de l'urbanisme.
22. Pour l'application de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme, aucun des autres moyens invoqués n'est susceptible d'entraîner, en l'état du dossier soumis à la cour, l'annulation de la décision contestée.
23. Il résulte tout de ce qui précède que les sociétés Vermeldis, Violainedis, Tilloy Expansion, Carrefour Hypermarchés et Supermarchés Match sont fondées à demander l'annulation de l'arrêté du maire de La Bassée du 28 juin 2018 portant délivrance d'un permis de construire à la société Immobilière Européenne des Mousquetaires en tant qu'il vaut autorisation d'exploitation commerciale.
Sur les frais liés au litige :
24. La société Supermarchés Match, intervenante, n'étant pas partie à la présente instance, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions qu'elle a présentées sur leur fondement.
25. Ces mêmes dispositions font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions de la société Immobilière Européenne des Mousquetaires et de la commune de La Bassée présentées au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
26. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la société Immobilière Européenne des Mousquetaires, partie perdante, une somme globale de 2 000 euros à verser aux sociétés Vermeldis, Violainedis et Tilloy Expansion.
27. Par contre, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner la commune de La Bassée à verser une somme aux requérantes sur le fondement de ces dispositions.
DÉCIDE :
Article 1er : Les interventions de la société Supermarchés Match sont admises.
Article 2 : L'arrêté du 28 juin 2018 du maire de La Bassée portant délivrance d'un permis de construire à la société Immobilière Européenne des Mousquetaires est annulé en tant qu'il vaut autorisation d'exploitation commerciale.
Article 3 : La société Immobilière Européenne des Mousquetaires versera une somme globale de 2 000 euros aux sociétés Vermeldis, Violainedis et Tilloy Expansion au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Les demandes des requérantes tendant à la condamnation de la commune de La Bassée à verser une somme au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : Les conclusions présentées par la commune de La Bassée, la société Immobilière Européenne des Mousquetaires et la société Supermarchés Match au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié aux sociétés Vermeldis, Violainedis et Tilloy Expansion, à la société Carrefour Hypermarchés, à la société Supermarchés Match, à la société Immobilière Européenne des Mousquetaires et à la commune de La Bassée.
Copie en sera transmise pour information à la Commission nationale d'aménagement commercial.
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