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30/07/2020 | FRANCE | N°20DA00048

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3ème chambre, 30 juillet 2020, 20DA00048


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... D... a demandé au tribunal administratif de Rouen de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire, d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 28 novembre 2019 par lequel le préfet de la Seine-Maritime lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai et a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement ainsi que d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 28 novembre 2019 par lequel le préfet de la Seine-Maritime l'a assigné à résidence, d'en

joindre au préfet de la Seine-Maritime de réexaminer sa situation et de lui déli...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... D... a demandé au tribunal administratif de Rouen de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire, d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 28 novembre 2019 par lequel le préfet de la Seine-Maritime lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai et a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement ainsi que d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 28 novembre 2019 par lequel le préfet de la Seine-Maritime l'a assigné à résidence, d'enjoindre au préfet de la Seine-Maritime de réexaminer sa situation et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai d'un mois sous astreinte, et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.

Par un jugement n° 1904303 du 3 décembre 2019, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 10 janvier 2020, M. A... D..., représenté par Me B... E..., demande à la cour :

1°) d'infirmer le jugement du 3 décembre 2019 du tribunal administratif de Rouen ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 28 novembre 2019 par lequel le préfet de la Seine-Maritime lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement et l'a assigné à résidence ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Maritime de réexaminer sa situation et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai d'un mois sous astreinte ;

4°) de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Nil Carpentier-Daubresse, premier conseiller.

Considérant ce qui suit :

1. M. A... D..., ressortissant algérien né le 29 mai 1995, serait selon ses déclarations entré en France en octobre 2018. Par un arrêté du 28 novembre 2019, le préfet de la Seine-Maritime l'a obligé à quitter le territoire français sans lui accorder de délai de départ volontaire, a fixé le pays à destination duquel il pourrait être reconduit d'office et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans. Par un second arrêté du même jour, le préfet de la Seine-Maritime l'a assigné à résidence. M. A... D... relève appel du jugement du 3 décembre 2019 par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces deux arrêtés préfectoraux du 28 novembre 2019.

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :

2. En premier lieu, la décision contestée énonce les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. En particulier, elle fait état de la déclaration de l'intéressé selon laquelle il serait en concubinage avec une femme enceinte de lui. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation doit être écarté.

3. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier que le requérant a été entendu le 28 novembre 2019, préalablement à l'intervention de la décision attaquée, sur l'irrégularité de son séjour en France et la perspective de son éloignement, dans le cadre de son audition par les services de police. Par suite, le moyen tiré de ce que son droit à être entendu préalablement à l'intervention d'une décision qui l'affecterait défavorablement aurait été méconnu doit être écarté.

4. En troisième lieu, si M. A... D... déclare vivre en concubinage avec une ressortissante française depuis le mois de novembre 2018, qui serait enceinte de lui, les éléments versés au dossier, à savoir des attestations, un contrat de bail, un contrat d'assurance habitation et une demande de fourniture d'eau sont insuffisants pour établir la communauté de vie avant, au mieux, le mois d'août 2019. L'intéressé indique n'être entré en France qu'en octobre 2018 alors qu'il dispose d'attaches familiales dans son pays d'origine, où il a vécu jusqu'à l'âge de 23 ans. Dès lors, eu égard au caractère récent de sa présence en France et de son concubinage, et nonobstant l'acte de reconnaissance de son enfant à naître que le requérant a établi le 13 janvier 2020, soit postérieurement à la décision en litige, le préfet de Seine-Maritime n'a pas porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale, une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels la décision a été prise et n'a, par suite, pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs, il ne ressort pas non plus des pièces du dossier que le préfet de la Seine-Maritime aurait entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences de sa décision sur la situation personnelle de M. A... D....

Sur la décision de refus d'octroi d'un délai de départ volontaire :

5. En premier lieu, la décision contestée, qui n'a pas à faire référence à l'ensemble des éléments caractérisant la situation de l'intéressé, mentionne les dispositions dont elle a fait application. Elle fait état des conditions de son entrée sur le territoire français et de l'absence de démarche visant à la régularisation de sa situation. Elle comporte ainsi les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Par suite, le moyen tiré du défaut de motivation doit être écarté.

6. En deuxième lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 3, le moyen tiré de la méconnaissance du droit du requérant à être entendu préalablement à l'intervention d'une décision qui l'affecterait défavorablement doit être écarté.

7. En troisième lieu, il résulte de ce qui a été dit précédemment que le moyen tiré de ce que la décision refusant d'accorder un délai de départ volontaire doit être annulée par voie de conséquence de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français doit être écarté.

8. En quatrième lieu, il ressort des termes mêmes de la décision en litige que cette dernière est fondée sur les dispositions du a) du 3° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Dans les cas énoncés par le II de cet article, notamment ceux où l'étranger, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour, le législateur a déterminé des critères objectifs qui ne sont pas incompatibles avec les objectifs et les principes fixés par la directive du 16 décembre 2018 précitée. Par ailleurs, en réservant l'hypothèse de " circonstance particulière ", le législateur a entendu garantir un examen particulier de chaque situation individuelle. Par suite, le moyen tiré du défaut de base légale de la décision attaquée en raison de l'incompatibilité de l'article L. 511-1 précité avec l'article 7 de la directive du 16 décembre 2008 doit être écarté.

9. En cinquième lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 4, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté. Il en est de même, pour les mêmes motifs, du moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences de la décision attaquée sur la situation personnelle du requérant.

Sur la décision fixant le pays de destination :

10. En premier lieu, la décision contestée énonce les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la décision litigieuse doit être écarté.

11. En deuxième lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 3, le moyen tiré de la méconnaissance du droit du requérant à être entendu préalablement à l'intervention d'une décision qui l'affecterait défavorablement doit, en tout état de cause, être écarté.

12. En troisième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de la Seine-Maritime n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation de M. A... D.... Par suite, son moyen tiré du défaut d'examen doit être écarté.

Sur la décision assignant M. A... D... à résidence :

13. En premier lieu, la décision attaquée, qui n'a pas à faire référence à l'ensemble des éléments caractérisant la situation de l'intéressé, mentionne les dispositions dont elle a fait application et indique que l'assignation à résidence du requérant, qui justifie d'une adresse, a pour but de permettre l'exécution de la mesure d'éloignement dont il fait l'objet. Elle comporte ainsi les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Par suite, le moyen tiré du défaut de motivation doit être écarté.

14. En deuxième lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 3, et dès lors qu'il ressort des termes mêmes de la décision attaquée que le requérant a été entendu à plusieurs reprises, le moyen tiré de la méconnaissance de son droit à être entendu préalablement à l'intervention d'une décision qui l'affecterait défavorablement doit être écarté.

15. En troisième lieu, il résulte de ce qui a été dit précédemment que le moyen tiré de ce que la décision assignant le requérant à résidence doit être annulée par voie de conséquence de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français doit être écarté.

16. En dernier lieu, le requérant ne peut utilement se prévaloir de la méconnaissance des dispositions du 5° de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il ressort des termes mêmes de la décision attaquée qu'elle est fondée sur les dispositions du 6° de ce même article. En tout état de cause, ces dispositions n'imposent nullement au préfet de prendre en compte l'absence de risque de soustraction à la mesure d'éloignement avant de prononcer une mesure d'assignation à résidence, qui constitue une alternative, moins coercitive, au placement en rétention administrative et se justifie dès lors que l'éloignement de l'intéressé demeure une perspective raisonnable. Il ne ressort par ailleurs pas des pièces du dossier que le préfet se soit senti tenu d'assigner le requérant à résidence. Ce dernier n'établit enfin nullement que les modalités de son assignation à résidence présenteraient un caractère disproportionné eu égard à sa situation personnelle. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté. Il en est de même, pour les mêmes motifs, du moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences de la décision attaquée sur la situation personnelle du requérant.

17. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation des deux arrêtés préfectoraux du 28 novembre 2019. Par voie de conséquence et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur son admission au titre de l'aide juridictionnelle provisoire dès lors que l'intéressé a obtenu l'aide juridictionnelle totale, ses conclusions à fin d'injonction, assorties d'astreinte, ainsi que celles présentées au titre des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A... D... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A... D... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de la Seine-Maritime.

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N°20DA00048

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N°"Numéro"


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 20DA00048
Date de la décision : 30/07/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. Albertini
Rapporteur ?: M. Nil Carpentier-Daubresse
Rapporteur public ?: M. Cassara
Avocat(s) : SEYREK

Origine de la décision
Date de l'import : 01/09/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2020-07-30;20da00048 ?
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