Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler l'arrêté du 21 février 2019 de la préfète de la Seine-Maritime refusant de lui délivrer un titre de séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination de cette mesure.
Par un jugement n° 1901015 du 20 juin 2019, le tribunal administratif de Rouen a fait droit à sa demande et a enjoint au préfet de la Seine-Maritime de délivrer à Mme B... une carte de séjour temporaire l'autorisant à travailler dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 15 juillet 2019 et le 29 juillet 2019, le préfet de la Seine-Maritime demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de rejeter la demande présentée par Mme B... devant le tribunal administratif de Rouen.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;
- la directive 2004/38/CE du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 ;
- les arrêts de la Cour de justice de l'Union Européenne C-413/99 du 17 septembre 2002, C- 200/02 du 19 octobre 2004, C-34/09 du 8 mars 2011, C-86/12 du 10 octobre 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Muriel Milard, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B..., ressortissante nigériane née le 9 août 1988, entrée en France le 15 novembre 2012, selon ses déclarations, a demandé le 29 avril 2014 son admission au séjour en qualité d'étranger malade sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Elle s'est vu délivrer sur ce fondement une carte de séjour temporaire valable du 12 mars 2014 au 11 mars 2015 qui lui a été renouvelée jusqu'au 9 avril 2017. Elle a demandé, le 24 mars 2017, le renouvellement de son titre de séjour sur ce fondement et sur celui des articles L. 313-10, L. 121-1 et L. 212-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 21 février 2019, la préfète de la Seine-Maritime a refusé à Mme B... la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de cette mesure. Le préfet de la Seine-Maritime relève appel du jugement du 20 juin 2019 par lequel le tribunal administratif de Rouen a annulé cet arrêté.
Sur le bien-fondé du jugement :
En ce qui concerne le premier moyen d'annulation retenu par le jugement contesté :
2. Pour annuler l'arrêté du 21 février 2019, les premiers juges ont estimé que Mme B..., qui avait demandé le renouvellement de son titre de séjour en qualité d'étranger malade, avait également demandé, par un courrier du 28 juin 2018, son admission au séjour en qualité de parent d'un enfant mineur citoyen de l'Union européenne et non en qualité de conjointe d'un ressortissant européen et qu'ainsi, en classant sans suite sa demande de titre de séjour après avoir estimé que Mme B... n'avait pas produit les pièces complémentaires demandées relatives à son conjoint, la préfète de la Seine-Maritime s'était méprise sur l'objet de la demande présentée et avait ainsi entaché l'arrêté en litige d'une erreur de droit. Contrairement à ce que fait valoir le préfet de la Seine-Maritime, qui ne conteste pas en appel avoir instruit la demande de titre de séjour de Mme B... sur un fondement erroné, Mme B... a justifié de la nationalité de son fils en produisant l'acte de naissance de celui-ci faisant état de la nationalité italienne du père de cet enfant et ainsi de sa qualité de parent d'un enfant mineur citoyen de l'Union européenne. Par suite, c'est à bon droit que les premiers juges ont accueilli le moyen tiré de l'erreur de droit.
En ce qui concerne le second moyen d'annulation retenu par le jugement contesté :
3. Aux termes de l'article 20 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne : " 1. Il est institué une citoyenneté de l'Union. Est citoyen de l'Union toute personne ayant la nationalité d'un État membre. La citoyenneté de l'Union s'ajoute à la citoyenneté nationale et ne la remplace pas. 2. Les citoyens de l'Union jouissent des droits et sont soumis aux devoirs prévus par les traités. Ils ont, entre autres : a) le droit de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres; [...] Ces droits s'exercent dans les conditions et limites définies par les traités et par les mesures adoptées en application de ceux-ci. ". Aux termes de l'article 7 de la directive 2004/38/CE du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004, relative au droit des citoyens de l'Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres, intitulé " Droit de séjour de plus de trois mois " : " 1. Tout citoyen de l'Union a le droit de séjourner sur le territoire d'un autre État membre pour une durée de plus de trois mois: [...] b) s'il dispose, pour lui et pour les membres de sa famille, de ressources suffisantes afin de ne pas devenir une charge pour le système d'assistance sociale de l'État membre d'accueil au cours de son séjour, et d'une assurance maladie complète dans l'État membre d'accueil [...] 2. Le droit de séjour prévu au paragraphe 1 s'étend aux membres de la famille n'ayant pas la nationalité d'un État membre lorsqu'ils accompagnent ou rejoignent dans l'État membre d'accueil le citoyen de l'Union, pour autant que ce dernier satisfasse aux conditions énoncées au paragraphe 1, points a), b) ou c) ". Ces dispositions combinées, telles qu'interprétées par la Cour de justice de l'Union européenne, notamment dans les arrêts visés ci-dessus, confèrent au ressortissant mineur d'un Etat membre, en sa qualité de citoyen de l'Union, ainsi que, par voie de conséquence, au ressortissant d'un Etat tiers, parent de ce mineur et qui en assume la charge, un droit de séjour dans l'Etat membre d'accueil à la double condition que cet enfant soit couvert par une assurance maladie appropriée et que le parent qui en assume la charge dispose de ressources suffisantes. L'Etat membre d'accueil, qui doit assurer aux citoyens de l'Union la jouissance effective des droits que leur confère ce statut, ne peut refuser à l'enfant mineur, citoyen de l'Union, et à son parent, le droit de séjourner sur son territoire que si l'une au moins de ces deux conditions, dont le respect permet d'éviter que les intéressés ne deviennent une charge déraisonnable pour ses finances publiques, n'est pas remplie.
4. La jouissance effective du droit de séjour dans l'Etat membre d'accueil par un citoyen de l'Union mineur implique nécessairement le droit pour celui-ci d'être accompagné par la personne qui en assure effectivement la garde. Mme B... tire ainsi de sa qualité de mère d'un enfant mineur, citoyen de l'Union, le droit de séjourner en France, Etat membre d'accueil, sous la double condition de disposer de ressources suffisantes et d'une couverture d'assurance maladie appropriée. Il n'est pas contesté que Mme B... exerce l'autorité parentale sur son fils et en assume la charge. En outre, il ressort des pièces du dossier que Mme B..., dont le foyer se compose d'elle-même et de son enfant mineur, travaille depuis octobre 2015 comme femme de chambre, sous contrats à durée déterminée, puis en contrat à durée indéterminée du 1er juillet 2017 au 27 mars 2018, à temps partiel. Elle a travaillé en juillet et août 2018 pour le compte de la société rouennaise d'hôtellerie avec laquelle elle a conclu un contrat à durée déterminée valable du 2 novembre 2018 au 30 avril 2019, à temps partiel à hauteur de 120 heures par mois. Cette activité lui procurait, à la date de la décision en litige, des ressources stables d'un montant mensuel nets de 1 000 euros lui permettant de subvenir aux besoins de son foyer et lui procurait une couverture par l'assurance maladie. Il ressort également d'une attestation émanant de la directrice de la société qui l'emploie, que l'intéressée serait recrutée en contrat à durée indéterminée si sa situation venait à être régularisée. Mme B... exerçait ainsi une activité professionnelle régulière à la date de l'arrêté en litige lui procurant des ressources suffisantes au regard de la composition de son foyer et, par suite, la charge que le foyer de l'intéressée est susceptible de faire peser sur les finances publiques françaises ne peut être regardée comme déraisonnable au sens des stipulations précitées, comme l'ont estimé à bon droit les premiers juges. Dès lors que l'intéressée dispose de ressources suffisantes, la circonstance qu'elle perçoit, comme le relève le préfet de la Seine-Maritime, des prestations sociales constituées de l'aide personnalisée au logement, de la prestation d'accueil jeune enfant et de la prime d'activité est sans incidence. Il résulte de l'ensemble de ces éléments, que Mme B... est, en sa qualité de mère d'un enfant mineur, citoyen de l'Union, en droit de prétendre à la délivrance d'un titre de séjour. Par suite, c'est à bon droit que les premiers juges ont accueilli le moyen tiré de l'erreur d'appréciation.
5. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur les fins de non-recevoir opposées par Mme B..., que le préfet de la Seine-Maritime n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a annulé l'arrêté du 21 février 2019 en litige. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros au titre des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête du préfet de la Seine-Maritime est rejetée.
Article 2 : L'Etat versera au conseil de Mme B... une somme de 1 000 euros en application de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée relative à l'aide juridique, sous réserve que cette avocate renonce au bénéfice de l'aide juridictionnelle.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur, au préfet de la Seine-Maritime, à Mme A... B... et à Me C... D....
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