Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme D... B... a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 3 janvier 2019 par lequel le préfet de l'Eure a rejeté sa demande de titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.
Par un jugement n° 1901477 du 16 juillet 2019, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 13 novembre 2019, et un mémoire, enregistré le 15 novembre 2019, Mme B..., représentée par Me A... C..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir cet arrêté ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Eure de lui délivrer une carte de séjour temporaire valable un an portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, ou, à défaut, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans l'attente du réexamen de sa situation, dans un délai de huit jours à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- la convention du 1er août 1995 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Sénégal sur la circulation et le séjour des personnes ;
- l'accord du 23 septembre 2006 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Sénégal relatif à la gestion concertée des flux migratoires et l'avenant à cet accord signé le 25 février 2008 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif modifiée par les ordonnances n° 2020-405 du 8 avril 2020, n° 2020-427 du 15 avril 2020 et n° 2020-558 du 13 mai 2020 ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Jean-Pierre Bouchut, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B..., ressortissante sénégalaise née le 27 mai 1993, est entrée en France le 31 janvier 2018 sous couvert d'un titre de séjour délivré par les autorités italiennes et valable jusqu'au 21 août 2018. Par un arrêté du 3 janvier 2019, le préfet de l'Eure a rejeté sa demande d'admission exceptionnelle au séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français. Mme B... relève appel du jugement du 16 juillet 2019 par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 3 janvier 2019.
Sur la décision portant refus de titre de séjour :
2. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : / (...) / 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ; / (...) ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
3. Mme B... réside en France depuis un an à la date de l'arrêté attaqué. Elle soutient que sa présence est nécessaire auprès de sa mère malade qui a besoin de son aide dans les actes de la vie quotidienne et pour lui permettre de recevoir ses fils, pris en charge par l'aide sociale à l'enfance. Il ressort des pièces du dossier que la mère de l'appelante, ressortissante sénégalaise âgée de cinquante-huit ans et résidant régulièrement en France, est soignée pour une mono-infection au VIH et qu'elle vivait depuis longtemps sans l'assistance de sa fille. Il n'est pas établi par les pièces du dossier, et notamment par les certificats médicaux présents au dossier et peu circonstanciés sur ce point, que l'état de santé de la mère de l'appelante se soit aggravé au point de nécessiter l'assistance permanente d'une tierce personne à la date de l'arrêté en litige. En outre, l'attestation rédigée le 28 août 2019 par un inspecteur enfant-famille du conseil départemental de l'Eure ne suffit pas à démontrer que la présence de l'appelante est nécessaire pour accueillir en hébergement temporaire ses frères, âgés de dix-sept et quatorze ans à la date de l'arrêté attaqué. Mme B... ne justifie pas avoir noué des attaches en France en dehors des membres de sa famille. Sa grossesse est postérieure à l'arrêté attaqué et il n'est pas établi que le père de l'enfant résiderait régulièrement en France. Dès lors, compte tenu des conditions et de la durée du séjour en France de l'intéressée, le préfet de l'Eure n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels la décision a été prise. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doivent être écartés. Pour les mêmes raisons, celui tiré de l'erreur manifeste d'appréciation qu'aurait commise le préfet quant aux conséquences de sa décision sur la situation personnelle de l'intéressée doit également être écarté.
4. Les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile relatives aux titres de séjour qui peuvent être délivrés aux étrangers et aux conditions de délivrance de ces titres s'appliquent, ainsi que le rappelle l'article L. 111-2 du même code, " sous réserve des conventions internationales ". En ce qui concerne les ressortissants sénégalais, s'appliquent les stipulations de la convention du 1er août 1995 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Sénégal relative à la circulation et au séjour des personnes ainsi que celles de l'accord du 23 septembre 2006 relatif à la gestion concertée des flux migratoires, telles que modifiées par un avenant signé le 25 février 2008.
5. Aux termes du paragraphe 42 de l'article 4 de l'accord du 23 septembre 2006, dans sa rédaction issue du point 31 de l'article 3 de l'avenant signé le 25 février 2008 : " (...) / Un ressortissant sénégalais en situation irrégulière en France peut bénéficier, en application de la législation française, d'une admission exceptionnelle au séjour se traduisant par la délivrance d'une carte de séjour temporaire portant : (...) / - soit la mention "vie privée et familiale" s'il justifie de motifs humanitaires ou exceptionnels ". L'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dispose, en son premier alinéa, que : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2 ".
6. Les stipulations du paragraphe 42 de l'article 4 de l'accord du 23 septembre 2006, dans sa rédaction issue de l'avenant signé le 25 février 2008, renvoyant à la législation française en matière d'admission exceptionnelle au séjour des ressortissants sénégalais en situation irrégulière, rendent applicables à ces ressortissants les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Dès lors, le préfet, saisi d'une demande d'admission exceptionnelle au séjour par un ressortissant sénégalais en situation irrégulière, est conduit, par l'effet de l'accord du 23 septembre 2006 modifié, à faire application des dispositions de l'article L. 313-14 du code.
7. Au regard des motifs analysés au point 3 et qui sont repris par Mme B... à l'appui de son moyen, cette dernière ne démontre pas pouvoir se prévaloir de considérations humanitaires ou de motifs exceptionnels propres à justifier une admission exceptionnelle sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
8. Aux termes du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " 1. Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. (...) ". Il résulte de ces stipulations, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant. Elles sont applicables non seulement aux décisions qui ont pour objet de régler la situation personnelle d'enfants mineurs mais aussi à celles qui ont pour effet d'affecter, de manière suffisamment directe et certaine, leur situation.
9. Ainsi qu'il a été dit au point 3, il n'est pas établi que la présence de Mme B... soit indispensable à l'accueil, au domicile de leur mère, de ses frères, âgés de dix-sept et quatorze ans à la date de l'arrêté attaqué et pris en charge par l'aide sociale à l'enfance. Dans ces conditions, la décision attaquée n'a pas porté atteinte à l'intérêt supérieur des frères de Mme B.... Le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doit être écarté.
10. Il résulte de ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que le refus de titre de séjour en litige est entaché d'illégalité.
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :
11. Compte tenu de ce qui a été dit au point 10, le moyen tiré, par voie d'exception, de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour doit être écarté.
12. En application des dispositions du 3° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'obligation de quitter le territoire français n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour. Or, en l'espèce, l'arrêté comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait sur lesquelles l'autorité préfectorale s'est fondée pour refuser de délivrer un titre de séjour à Mme B.... Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la décision l'obligeant à quitter le territoire français doit être écarté.
13. Pour les motifs mentionnés au point 3, Mme B... n'est pas fondée à soutenir que le préfet de l'Eure aurait méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Il ne ressort pas davantage des pièces du dossier qu'il aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de l'intéressée.
14. Mme B... ne peut utilement soulever la méconnaissance du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de l'article L. 313-14 du même code et du paragraphe 42 de l'article 4 de l'accord franco-sénégalais à l'encontre de la décision portant obligation de quitter le territoire français.
15. Il résulte de ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que la décision portant obligation de quitter le territoire français est entachée d'illégalité.
Sur la décision fixant le pays de destination :
16. Compte tenu de ce qui a été dit au point 15, le moyen tiré, par voie d'exception, de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français doit être écarté.
17. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) / Pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, l'étranger rejoint le pays dont il possède la nationalité ou tout autre pays non membre de l'Union européenne avec lequel ne s'applique pas l'acquis de Schengen où il est légalement admissible. (...) L'obligation de quitter le territoire français fixe le pays à destination duquel l'étranger est renvoyé en cas d'exécution d'office. / (...) ".
18. La décision attaquée vise l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, précise la nationalité alléguée de Mme B... et énonce que l'intéressée n'établit pas être exposée à des peines ou traitements contraires à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour dans son pays d'origine. En outre, le préfet n'avait pas à écarter spécifiquement la possibilité de réadmettre Mme B... en Italie, pays où elle n'établit pas qu'elle était admissible à la date de la décision attaquée. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de la décision contestée fixant le pays de destination de l'éloignement manque en fait.
19. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... B..., au ministre de l'intérieur et à Me A... C....
N°19DA02477 6