Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme D... B... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 25 octobre 2018 du préfet du Nord refusant de lui délivrer un titre de séjour.
Par un jugement n° 1905131 du 3 décembre 2019, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 13 mars 2020, Mme B..., représentée par Me C... A..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 3 décembre 2019 du tribunal administratif de Lille ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, cette décision ;
3°) d'enjoindre au préfet du Nord de réexaminer sa situation, de lui délivrer un récépissé de demande de titre l'autorisant à travailler et de prendre une nouvelle décision dans le délai d'un mois suivant la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Jean-Jacques Gauthé, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme D... B..., ressortissante albanaise née le 13 mai 1986, est entrée en France le 15 octobre 2013 en compagnie de son époux et de ses deux enfants mineurs. Sa demande d'asile a été rejetée le 3 juillet 2014 par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et le 21 juillet 2015 par la Cour nationale du droit d'asile. Mme B... relève appel du jugement du 3 décembre 2019 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 25 octobre 2018 du préfet du Nord refusant de lui délivrer un titre de séjour.
2. Aux termes de l'article L. 743-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Le demandeur d'asile dont l'examen de la demande relève de la compétence de la France et qui a introduit sa demande auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides bénéficie du droit de se maintenir sur le territoire français jusqu'à la notification de la décision de l'office ou, si un recours a été formé, jusqu'à la notification de la décision de la Cour nationale du droit d'asile. L'attestation délivrée en application de l'article L. 741-1, dès lors que la demande d'asile a été introduite auprès de l'office, vaut autorisation provisoire de séjour et est renouvelable jusqu'à ce que l'office et, le cas échéant, la cour statuent. ". Aux termes de l'article L. 743-3 de ce code dispose que : " L'étranger auquel la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé ou qui ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application de l'article L. 743-2 et qui ne peut être autorisé à demeurer sur le territoire à un autre titre doit quitter le territoire français, sous peine de faire l'objet d''une mesure d'éloignement prévue au titre Ier du livre V et, le cas échéant, des pénalités prévues au chapitre Ier du titre II du livre VI. ". Aux termes du III de l'article R. 723-19 du même code : " La date de notification de la décision de l'office et, le cas échéant, de la Cour nationale du droit d'asile qui figure dans le système d'information de l'office et est communiquée au préfet compétent et au directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration au moyen de traitements informatiques fait foi jusqu'à preuve du contraire ".
3. Le préfet du Nord a produit devant le tribunal administratif le relevé des informations figurant dans la base de données TelemOfpra, tenue par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et relative à l'état des procédures de demandes d'asile, attestant que la décision de la Cour nationale du droit d'asile du 21 juillet 2015 a été notifiée à Mme B... le 30 juillet 2015. L'intéressée n'apporte aucun élément de nature à remettre en cause l'exactitude des mentions portées dans cette application informatique, qui font foi jusqu'à preuve du contraire. Dès lors, le préfet justifie de la notification régulière de la décision de la Cour nationale du droit d'asile à Mme B.... Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées doit être écarté.
4. Contrairement à ce que soutient Mme B..., les dispositions de l'article L. 743-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'ont ni pour objet ni pour effet d'imposer au préfet, lorsqu'un étranger s'est vu refuser la reconnaissance du statut de réfugié et le bénéfice de la protection subsidiaire, d'examiner d'office s'il pouvait être admis au séjour sur un autre fondement. Par conséquent, le moyen tiré de la violation des dispositions précitées, au motif que le préfet n'a pas recherché si Mme B... pouvait prétendre à un titre de séjour sur un autre fondement que celui de l'asile, ne peut qu'être écarté ainsi que, pour les mêmes motifs, les moyens tirés du défaut d'examen sérieux de la situation personnelle de Mme B... et de l'erreur de fait.
5. Aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
6. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que, si Mme B... a été admise à séjourner en France pour demander l'asile, comme son époux, leurs demandes ont été rejetées successivement par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides puis par la Cour nationale du droit d'asile. Mme B... ne soutient pas non plus être dépourvue d'attaches familiales dans son pays d'origine, où elle a vécu au moins jusqu'à l'âge de vingt-sept ans. Dans ces conditions, eu égard à la durée et aux conditions du séjour de Mme B..., l'arrêté du 25 octobre 2018 du préfet du Nord n'a pas porté, à son droit au respect de sa vie privée et familiale, une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris et ne méconnaît ainsi pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Il n'est pas davantage entaché d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressée.
7. Aux termes des stipulations du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant. Ces stipulations sont applicables non seulement aux décisions qui ont pour objet de régler la situation personnelle d'enfants mineurs mais aussi à celles qui ont pour effet d'affecter, de manière suffisamment directe et certaine, leur situation.
8. Il ressort des pièces du dossier que les deux premiers enfants de Mme B... et de son époux, qui est démuni de titre de séjour sur le territoire français, étaient âgés de six ans et neuf ans seulement à la date de leur entrée en France et qu'ils ont vécu en Albanie jusqu'en 2013. Deux autres enfants sont nés en 2014 et en 2017 en France. La décision portant refus du titre de séjour n'a pas pour effet de contraindre Mme B... et son époux à se séparer de leurs enfants, qui pourront être scolarisés en Albanie. Par suite, elle ne porte pas atteinte aux stipulations précitées de la convention relative aux droits de l'enfant.
9. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles tendant à l'application des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative et doivent être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... B..., au ministre de l'intérieur et à Me C... A....
Copie en sera adressée pour information au préfet du Nord.
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N°20DA00474
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