La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

07/07/2020 | FRANCE | N°19DA00620

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2e chambre - formation à 3 (ter), 07 juillet 2020, 19DA00620


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'EARL de Tinselves a demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler l'arrêté du 21 octobre 2016 par lequel le préfet de l'Aisne a accordé à la SCEA C... l'autorisation d'exploiter une superficie supplémentaire de 17 ha 31 a 06 ca de terres situées sur les communes de Vauxaillon, Leuilly-sous-Coucy, Terny-Sorny et Neuville-sur-Margival, précédemment mises en valeur par l'EARL de Tinselves.

Par un jugement n° 1603668 du 28 décembre 2018, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa dema

nde.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 12 mars 2019, l...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'EARL de Tinselves a demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler l'arrêté du 21 octobre 2016 par lequel le préfet de l'Aisne a accordé à la SCEA C... l'autorisation d'exploiter une superficie supplémentaire de 17 ha 31 a 06 ca de terres situées sur les communes de Vauxaillon, Leuilly-sous-Coucy, Terny-Sorny et Neuville-sur-Margival, précédemment mises en valeur par l'EARL de Tinselves.

Par un jugement n° 1603668 du 28 décembre 2018, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 12 mars 2019, l'EARL de Tinselves, représentée par Me B... D..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté du 21 octobre 2016 du préfet de l'Aisne ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

--------------------------------------------------------------------------------------------------------

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code rural et de la pêche maritime ;

- la loi n° 2014-1170 du 13 octobre 2014 ;

- le décret n° 2015-713 du 22 juin 2015 ;

- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Muriel Milard, premier conseiller,

- et les conclusions de Mme Anne-Marie Leguin, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La SCEA C... a demandé, le 24 juin 2016, l'autorisation d'exploiter une superficie supplémentaire de 17 ha 31 a 06 ca de terres situées sur les communes de Vauxaillon, Leuilly-sous-Coucy, Terny-Sorny et Neuville-sur-Margival, dans le département de l'Aisne, qui étaient jusque-là mises en valeur par l'EARL de Tinselves. Par un arrêté du 21 octobre 2016, le préfet de l'Aisne a accordé à la SCEA C... l'autorisation demandée. L'EARL de Tinselves relève appel du jugement du 28 décembre 2018 par lequel le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

2. Aux termes du IX de l'article 93 de la loi du 13 octobre 2014 d'avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt : " - Les schémas directeurs régionaux des exploitations agricoles mentionnés à l'article L. 312-1 du code rural et de la pêche maritime, dans sa rédaction résultant de la présente loi, sont arrêtés dans un délai d'un an à compter de sa publication. / Jusqu'à l'entrée en vigueur du schéma directeur régional des exploitations agricoles, le contrôle des structures s'applique selon les modalités, les seuils et les critères définis par le schéma directeur des structures agricoles de chaque département (...) ". Aux termes de l'article 4 du décret du 22 juin 2015 relatif au schéma directeur régional des exploitations agricoles et au contrôle des structures des exploitations agricoles : " I. - Les articles 2 et 3 du présent décret entrent en vigueur à la même date que le schéma directeur régional des exploitations agricoles. II. - Les demandes et déclarations déposées en application des I ou II de l'article L. 331-2 dans sa rédaction antérieure à la loi du 13 octobre 2014 susvisée avant la date mentionnée au I, ainsi que, le cas échéant, les dossiers concurrents relevant des mêmes dispositions, déposés après cette date, demeurent soumis aux dispositions des articles R. 331-1 à R. 331-12 dans leur rédaction antérieure au présent décret ".

3. Le schéma directeur des exploitations agricoles de la région Nord-Pas-de-Calais-Picardie étant entré en vigueur le 29 juin 2016 et la demande d'autorisation d'exploiter ayant été formulée par la SCEA C... avant cette date, la décision en litige doit être examinée au regard des dispositions de l'article L. 331-3 du code rural et de la pêche maritime dans leur version en vigueur avant la publication de la loi du 13 octobre 2014.

4. D'une part, aux termes de l'article L. 331-3 du code rural et de la pêche maritime dans sa rédaction applicable au litige : " L'autorité administrative se prononce sur la demande d'autorisation en se conformant aux orientations définies par le schéma directeur départemental des structures agricoles applicable dans le département dans lequel se situe le fonds faisant l'objet de la demande. Elle doit notamment : 1° Observer l'ordre des priorités établi par le schéma départemental entre l'installation des jeunes agriculteurs et l'agrandissement des exploitations agricoles, en tenant compte de l'intérêt économique et social du maintien de l'autonomie de l'exploitation faisant l'objet de la demande ; / 2° S'assurer, en cas d'agrandissement ou de réunion d'exploitations, que toutes les possibilités d'installation sur une exploitation viable ont été considérées ; / 3° Prendre en compte les biens corporels ou incorporels attachés au fonds dont disposent déjà le ou les demandeurs ainsi que ceux attachés aux biens objets de la demande en appréciant les conséquences économiques de la reprise envisagée ; / 4° Prendre en compte la situation personnelle du ou des demandeurs, notamment en ce qui concerne l'âge et la situation familiale ou professionnelle et, le cas échéant, celle du preneur en place ; / 5° Prendre en compte la participation du demandeur ou, lorsque le demandeur est une personne morale, de ses associés à l'exploitation directe des biens objets de la demande dans les conditions prévues à l'article L. 411-59 ; / 6° Tenir compte du nombre d'emplois non salariés et salariés permanents ou saisonniers sur les exploitations concernées ; / 7° Prendre en compte la structure parcellaire des exploitations concernées, soit par rapport au siège de l'exploitation, soit pour éviter que des mutations en jouissance ne remettent en cause des aménagements réalisés à l'aide de fonds publics ; / 8° Prendre en compte la poursuite d'une activité agricole bénéficiant de la certification du mode de production biologique ; / 9° Tenir compte de l'intérêt environnemental de l'opération. / L'autorisation peut n'être délivrée que pour une partie de la demande, notamment si certaines des parcelles sur lesquelles elle porte font l'objet d'autres candidatures prioritaires. Elle peut également être conditionnelle ou temporaire ".

5. D'autre part, aux termes de l'article 1er " Orientations départementales " de l'arrêté préfectoral du 25 janvier 2008, portant schéma directeur départemental des structures agricoles de l'Aisne, en vigueur à la date de la décision attaquée : (...) Les objectifs de la politique d'aménagement des structures agricoles sont ainsi définis :- favoriser l'installation de jeunes agriculteurs pouvant prétendre à l'octroi d'aides à l'installation (...) / - éviter les démembrements préjudiciables à l'économie des exploitations (...) Les orientations ci-dessus ne sont pas hiérarchisées ". Aux termes de l'article 3 du même schéma : " Calcul du taux de démembrement : (...) - Entre 1,5 et 3 UR, le taux de démembrement est calculé de façon linéaire et compris entre 10 et 20 %. ".

6. En premier lieu, aux termes du II de l'article R. 331-6 du même code dans sa version applicable au présent litige : " La décision d'autorisation ou de refus d'exploiter prise par le préfet doit être motivée au regard des critères énumérés à l'article L. 331-3. (...) ". L'arrêté préfectoral attaqué, après avoir cité l'article L. 331-3 du code rural et de la pêche maritime applicable, indique que le projet de reprise de 17 ha 31 a 06 ca s'inscrit dans le cadre de l'installation d'un jeune agriculteur et est conforme à l'orientation du schéma directeur départemental des structures agricoles visant à favoriser une telle installation, après avoir examiné et comparé la situation respective du demandeur et du preneur en place. Il a relevé que la SCEA C... exploite une superficie de 129 ha 14 a, soit 1,29 unité de référence alors que l'EARL de Tinselves met en valeur 170 ha 59 a, soit 1,7 unité de référence. Il a également relevé que l'emprise de 11,33 % est inférieure au taux de démembrement fixé entre 10 et 20 %. Si l'EARL de Tinselves soutient que le préfet n'a examiné ni la situation des associés de ces exploitations, ni la circonstance que M. A... C..., fils de M. et Mme C..., associés de la SCEA C..., étudiant, poursuit des études à 175 kilomètres de son domicile, toutefois, le préfet, s'il doit, en vertu des dispositions précitées de l'article L. 331-3 du code rural et de la pêche maritime, motiver sa décision, ne saurait cependant être tenu de se prononcer expressément sur chacun des critères dont ces dispositions prescrivent de tenir compte. Par suite, le moyen tiré de ce que l'arrêté attaqué est insuffisamment motivé doit être écarté.

7. En deuxième lieu, la requérante réitère son moyen présenté en première instance tiré de ce que la reprise de terres, qui représente une emprise de 11,33 %, entraîne un démembrement de son exploitation. Ce moyen, qui n'est assorti d'aucune précision nouvelle en appel, a été à bon droit écarté par le tribunal administratif au point 6 du jugement, dont il y a lieu d'adopter les motifs sur ce point.

8. En troisième lieu, pour accorder l'autorisation d'exploiter demandée par la SCEA C..., le préfet de l'Aisne s'est fondé sur l'une des orientations définies à l'article 1er du schéma directeur départemental des structures agricoles de l'Aisne qui est de favoriser l'installation de jeunes agriculteurs pouvant prétendre à l'octroi d'aides à l'installation et a constaté l'adéquation de cette demande avec les orientations de ce schéma, après avoir comparé la situation du demandeur et du preneur en place. Si l'EARL de Tinselves soutient que le projet envisagé ne vise pas à favoriser l'installation d'un jeune agriculteur mais à conforter une exploitation existante, toutefois, les dispositions précitées de l'article L. 331-3 du code rural et de la pêche maritime ne font pas obstacle à ce qu'un jeune agriculteur s'installe en qualité d'associé au sein d'une société civile d'exploitation agricole. En outre, si comme le fait valoir la requérante, M. A... C..., souhaitant s'installer au sein de la SCEA C..., poursuivrait des études et n'aurait pas la qualité d'exploitant agricole, cette seule circonstance, qui au demeurant n'est pas établie dès lors qu'il est affilié depuis septembre 2016 à la mutuelle sociale agricole, a pour seul effet de soumettre à autorisation préalable l'opération envisagée en application des dispositions précitées de l'article L. 331-2 du code rural et de la pêche maritime et ne saurait s'opposer à la délivrance d'une autorisation d'exploiter.

9. Enfin, la requérante soutient que la reprise de 17 ha 31 a 06 ca de terres envisagée va compromettre la viabilité économique de son exploitation et fait valoir que les résultats financiers négatifs de celle-ci n'ont pas été pris en compte. Toutefois, s'il ressort de l'étude comptable produite par l'EARL de Tinselves que celle-ci a des résultats financiers négatifs sur la période de 2011 à 2014, cependant, elle ne démontre pas que la viabilité économique de son exploitation serait remise en cause par la seule reprise envisagée de 17 ha 31 a 06 ca dans un ensemble de 170 ha 59 a.

10. Il résulte de tout ce qui précède que l'EARL de Tinselves n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il y a lieu dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de l'EARL de Tinselves une somme de 1 000 euros à verser à la SCEA C... au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de l'EARL de Tinselves est rejetée.

Article 2 : L'EARL de Tinselves versera à la SCEA C... une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à l'EARL de Tinselves, à la SCEA C... et au ministre de l'agriculture et de l'alimentation.

Copie sera adressée au préfet de l'Aisne.

2

N°19DA00620


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2e chambre - formation à 3 (ter)
Numéro d'arrêt : 19DA00620
Date de la décision : 07/07/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

03-03-03 Agriculture et forêts. Exploitations agricoles. Cumuls et contrôle des structures.


Composition du Tribunal
Président : Mme Courault
Rapporteur ?: Mme Muriel Milard
Rapporteur public ?: Mme Leguin
Avocat(s) : SCP LACHAUD MANDEVILLE COUTADEUR et ASSOCIÉS

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2020-07-07;19da00620 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award