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02/07/2020 | FRANCE | N°19DA02485

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 4ème chambre, 02 juillet 2020, 19DA02485


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée (EURL) MSB a demandé au tribunal administratif de Lille, d'une part, de prononcer la décharge, en droits et pénalités, de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2011, d'autre part, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1404737 du 24 mar

s 2017, le tribunal administratif de Lille a prononcé la décharge, en droits et péna...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée (EURL) MSB a demandé au tribunal administratif de Lille, d'une part, de prononcer la décharge, en droits et pénalités, de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2011, d'autre part, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1404737 du 24 mars 2017, le tribunal administratif de Lille a prononcé la décharge, en droits et pénalités, de l'imposition contestée et a mis à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un arrêt n° 17DA00801 du 21 février 2019, la cour administrative d'appel de Douai, saisie d'un appel du ministre de l'action et des comptes publics, a annulé ce jugement, en tant que le tribunal administratif avait omis de constater qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur le demande de l'EURL MSB à concurrence du dégrèvement de 3 097 euros prononcé en cours d'instance en matière de pénalités, a constaté, après évocation, qu'il n'y avait pas lieu de statuer, dans cette mesure, sur cette demande, a annulé également ce jugement en tant qu'il avait statué au-delà de la seule réintégration de 150 000 euros opérée par l'administration dans le résultat de l'exercice clos en 2011 et, après avoir substitué un autre motif de décharge à celui retenu par les premiers juges, a rejeté le surplus d du recours du ministre et mis à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par une décision n° 429865 du 8 novembre 2019, le Conseil d'Etat a annulé l'arrêt de la cour administrative d'appel de Douai du 21 février 2019 en tant qu'il avait statué sur l'imposition procédant de la réintégration d'une somme de 150 000 euros dans les bénéfices de l'EURL MSB au titre de l'exercice clos en 2011 et sur les pénalités correspondantes, et a renvoyé l'affaire, dans cette mesure, à la cour administrative d'appel de Douai.

Procédure devant la cour :

Par un recours et des mémoires, enregistrés le 28 avril 2017, le 2 novembre 2017, le 29 novembre 2019 et le 9 janvier 2020, le ministre de l'action et des comptes publics a demandé à la cour, dans la mesure des conclusions qui lui ont été renvoyées :

1°) d'annuler le jugement du 24 mars 2017 du tribunal administratif de Lille ;

2°) de remettre à la charge de l'EURL MSB l'imposition dont la décharge a été prononcée par ce jugement, ainsi que les pénalités correspondantes.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code monétaire et financier ;

- l'ordonnance n°2020-305 du 25 mars 2020 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Jean-François Papin, premier conseiller,

- et les conclusions de M. Jean-Philippe Arruebo-Mannier, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. L'entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée (EURL) MSB, qui a son siège à Leffrinckoucke (Nord), exerce son activité dans le secteur du bâtiment. Elle a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant, en matière d'impôt sur les sociétés, sur l'exercice clos en 2011. Au terme de ce contrôle, l'administration a estimé que des travaux, débutés en octobre 2011 afin de réhabiliter des locaux appartenant à la SCI Le Dauphin à Dunkerque et d'y aménager deux appartements ainsi que des parties communes, avaient été exécutés en majeure partie au cours de cette année, en dépit du fait que la première facturation établie par l'EURL MSB pour un montant de 150 000 euros hors taxes avait été émise le 11 janvier 2012, que le maître d'ouvrage avait pris possession des lieux en mai 2012 et que la réception de ces travaux avait été prononcée avec réserves le 16 novembre 2012. L'administration en a tiré qu'indépendamment des règles de rattachement des créances, ces travaux en cours à la clôture de l'exercice 2011 devaient être inscrits au bilan de cet exercice pour leur coût de revient et entrer ainsi dans la détermination du résultat de l'exercice, ce que l'EURL MSB avait omis de faire. Elle a estimé que, faute pour la société de disposer d'éléments, tels une comptabilité analytique, de nature à établir ce coût de revient avec une précision plus grande, il y avait lieu d'évaluer celui-ci à hauteur de la somme de 150 000 euros hors taxes faisant l'objet de la première facture et de réintégrer cette somme dans le résultat imposable de la société au titre de l'exercice clos en 2011. Ce rehaussement, ainsi qu'un autre relatif à des amortissements non déductibles du résultat du même exercice, ont été portés à la connaissance de l'EURL MSB par une proposition de rectification datée du 5 juillet 2013, selon la procédure de taxation d'office, faute pour la société d'avoir déposé, dans le délai imparti par la mise en demeure qui lui avait été adressée, une déclaration du résultat réalisé par elle au titre de l'exercice clos en 2011. Ces rehaussements, assortis de la majoration de 40% prévue à l'article 1728 du code général des impôts en cas de dépôt tardif d'une telle déclaration après mise en demeure, ont été maintenus en dépit des observations présentées par l'EURL MSB. La cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu en résultant en ce qui concerne l'exercice clos en 2011 a été mise en recouvrement le 14 novembre 2013, à hauteur d'une somme totale de 75 350 euros en droits et pénalités.

2. Après rejet de sa réclamation, l'EURL MSB a porté le litige devant le tribunal administratif de Lille, en lui demandant, d'une part, de prononcer la décharge, en droits et pénalités, de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés à laquelle elles a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2011, d'autre part, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Par un jugement n° 1404737 du 24 mars 2017, le tribunal administratif de Lille a prononcé la décharge, en droits et pénalités, de l'imposition contestée et a mis à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. En cours de première instance, l'EURL MSB a été placée en procédure de redressement judiciaire, puis de liquidation judiciaire, Me D... ayant été désigné en tant que mandataire liquidateur. Le ministre ayant relevé appel du jugement du tribunal administratif de Lille, la cour administrative d'appel de Douai, par un arrêt n°17DA00801 du 21 février 2019, a annulé ce jugement en tant qu'il avait omis de constater qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur les conclusions de l'EURL MSB à concurrence d'un dégrèvement prononcé, en matière de pénalités, en cours de première instance, a constaté, après évocation, qu'il n'y avait pas lieu de statuer, dans cette mesure, sur cette demande, a annulé aussi ce jugement en tant qu'il avait statué au-delà du seul chef de rehaussement relatif à la réintégration de la somme de 150 000 euros dans le résultat réalisé par l'EURL MSB au titre de l'exercice clos en 2011 et, après avoir substitué un autre motif de décharge à celui retenu par les premiers juges, a rejeté le surplus de la requête du ministre et mis à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Par une décision n°429865 du 8 novembre 2019, le Conseil d'Etat, saisi d'un pourvoi introduit par le ministre de l'action et des comptes publics, a annulé cet arrêt en tant seulement que la cour avait statué sur le chef de rehaussement relatif à la réintégration de la somme de 150 000 euros dans le résultat réalisé par l'EURL MSB au titre de l'exercice clos en 2011, et a renvoyé l'affaire à la cour administrative d'appel de Douai dans cette seule mesure. Le Conseil d'Etat a estimé qu'en jugeant comme elle l'avait fait, la cour s'était méprise sur la portée des écritures du ministre.

Sur la régularité du jugement attaqué :

3. En faisant application du principe de l'économie de moyens, le tribunal administratif, après avoir regardé comme fondé le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'avis de mise en recouvrement émis en ce qui concerne l'imposition en litige, a pu, sans entacher son jugement d'irrégularité, prononcer, pour ce seul motif, la décharge, en droits et pénalités, de cette imposition, sans examiner les autres moyens soulevés par l'EURL MSB.

4. Cependant, par une décision du 22 mars 2016, postérieure à l'introduction de la demande de première instance, les pénalités mises à la charge de la société ont été dégrevées à concurrence de 3 097 euros, par application de l'article 1756 du code général des impôts, dès lors que l'EURL MSB avait été mise en redressement judiciaire, convertie en liquidation judiciaire. La demande était, dans cette mesure, devenue sans objet. Pourtant, le tribunal administratif de Lille a omis de constater, dans cette mesure, le non-lieu à statuer. Dès lors, il y a lieu, pour la cour, dans la limite des conclusions qui lui ont été renvoyées, d'annuler sur ce point le jugement attaqué, d'évoquer, dans la même limite, les conclusions de la demande ainsi devenues sans objet au cours de la procédure de première instance et de décider qu'il n'y a pas lieu d'y statuer.

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

5. Aux termes de l'article L. 252 A du livre des procédures fiscales : " Constituent des titres exécutoires les arrêtés, états, rôles, avis de mise en recouvrement, titres de perception ou de recettes que l'Etat, les collectivités territoriales ou les établissements publics dotés d'un comptable public délivrent pour le recouvrement des recettes de toute nature qu'ils sont habilités à recevoir ". Aux termes de l'article L. 256 du même livre, dans sa rédaction applicable au présent litige : " Un avis de mise en recouvrement est adressé par le comptable public compétent à tout redevable des sommes, droits, taxes et redevances de toute nature dont le recouvrement lui incombe lorsque le paiement n'a pas été effectué à la date d'exigibilité. / (...) / L'avis de mise en recouvrement est individuel. Il est signé et rendu exécutoire par l'autorité administrative désignée par décret. Les pouvoirs de l'autorité administrative susmentionnée sont également exercés par le comptable public compétent. / (...) ". Aux termes de l'article L. 257 A de ce livre, dans sa rédaction applicable au litige : " Les avis de mises en recouvrement peuvent être signés et rendus exécutoires et les mises en demeure de payer peuvent être signées, sous l'autorité et la responsabilité du comptable public compétent, par les agents du service ayant reçu délégation. ". Aux termes de l'article R. 256-8 de ce livre, dans sa rédaction alors applicable : " Le comptable mentionné aux premier, deuxième et troisième alinéas de l'article L. 256 est le comptable de la direction générale des finances publiques (...). / Le comptable public compétent pour établir l'avis de mise en recouvrement est soit celui du lieu de déclaration ou d'imposition du redevable, soit, dans le cas où ce lieu a été ou aurait dû être modifié, celui compétent à l'issue de ce changement, même si les sommes dues se rapportent à la période antérieure à ce changement. / (...) ". Aux termes de l'article 410 de l'annexe II au code général des impôts : " Chaque fonctionnaire de la direction générale des finances publiques ou chaque fonctionnaire des douanes et droits indirects peut déléguer sa signature aux agents placés sous son autorité dans les conditions fixées par le directeur général des finances publiques ou le directeur général des douanes et droits indirects, selon le cas ".

6. Il résulte de l'instruction que l'avis émis le 14 novembre 2013 pour la mise en recouvrement de l'imposition en litige a été signé pour le comptable public par Mme B... A..., agent du service des impôts des entreprises de Dunkerque. Il résulte des éléments produits par le ministre de l'action et des comptes publics au soutien de son recours que, par un arrêté du 9 juillet 2013, dument publié au n°143 de juillet 2013 du recueil des actes administratifs de la préfecture du Nord, le comptable responsable du service des impôts des entreprises de Dunkerque a donné à Mme A... délégation à l'effet de signer les avis de mise en recouvrement. Par suite, le ministre de l'action et des comptes publics est fondé, dans la limite du litige renvoyé à la cour, à soutenir que c'est à tort que les premiers juges se sont fondés sur le moyen tiré du vice d'incompétence entachant l'avis de mise en recouvrement adressé à l'EURL MSB pour prononcer la décharge de l'imposition en litige.

7. Il appartient à la cour, saisie par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner, dans la limite du litige qui lui a été renvoyé, les autres moyens invoqués par les parties tant devant le tribunal administratif de Lille que devant elle.

8. Il résulte de l'instruction que le rehaussement afférent à la réintégration, dans le résultat réalisé par l'EURL MSB au titre de l'exercice clos en 2011, de la somme de 150 000 euros correspondant à des travaux en cours à la date de cette clôture a été notifié à cette société selon la procédure de taxation d'office prévue à l'article L. 66 du livre des procédures fiscales, faute pour cette société d'avoir déposé, dans le délai imparti par la mise en demeure qui lui avait été adressée, une déclaration de résultat pour cet exercice.

9. En vertu de l'article L. 76 du livre des procédures fiscales, applicable compte-tenu de ce qui vient d'être dit au point précédent, la proposition de rectification, adressée au contribuable trente jours au moins avant la mise en recouvrement des impositions, doit mentionner les bases ou éléments servant au calcul des impositions d'office et leurs modalités de détermination.

10. Il est indiqué dans la proposition de rectification adressée le 5 juillet 2013 à l'EURL MSB que les travaux entrepris par cette société dans les locaux de la SCI Le Dauphin ont débuté en octobre / novembre 2010 et que les écritures comptables de l'EURL MSB révèlent que celle-ci a perçu de la SCI Le Dauphin, le 11 août 2011, un versement de 25 000 euros, puis, le 3 octobre 2011, une somme de 20 000 euros, enfin, le 22 novembre 2011, un versement de 55 000 euros, soit une somme totale de 100 000 euros au cours de l'exercice clos en 2011. En reproduisant notamment les dispositions du 3. de l'article 38 du code général des impôts, ainsi que celles de l'article 38 nonies de l'annexe III à ce code, ce même document énonce que les travaux en cours à la date de clôture d'un exercice comptable doivent être portés au bilan de cet exercice pour leur prix de revient. Il précise que le débat oral et contradictoire conduit avec le gérant de l'EURL MSB a révélé que les versements ainsi reçus de la SCI Le Dauphin avaient la nature d'acomptes, que les travaux n'étaient pas achevés au 31 décembre 2011 que la première facture, émise à raison de ces travaux le 11 janvier 2012 pour un montant de 150 000 euros, correspondait à l'avancement des travaux et qu'elle n'incluait pas de marge, celle-ci ayant vocation à être facturée en fin de chantier, comme la société avait l'habitude de le faire. Le service vérificateur fait d'ailleurs observer, dans la même proposition de rectification, que le solde du chantier a été facturé par l'EURL MSB le 15 février 2012 pour un montant de 60 000 euros hors taxes et qu'une autre facture a ensuite été émise par cette société à l'égard de la SCI Le Dauphin le 30 juin 2012, pour un montant de 5 981,28 euros hors taxes. Enfin, la proposition de rectification énonce que, l'EURL MSB ne disposant pas de comptabilité analytique et n'ayant pu donner en communication l'ensemble des factures d'achats liées au chantier, ni le détail des heures travaillées dans le cadre de celui-ci, il y a lieu de considérer que la facture de 150 000 euros émise le 11 janvier 2012, soit sept jours ouvrés après la date de clôture, le 31 décembre 2011, de l'exercice comptable 2011, correspond à l'état d'avancement des travaux à cette dernière date et qu'en l'absence d'élément permettant de déterminer avec une précision plus grande le prix de revient de ces travaux à cette même date, il y a lieu de fixer celui-ci à hauteur de la somme facturée de 150 000 euros hors taxes. Ainsi rédigée, cette proposition de rectification mentionne avec une précision suffisante, dans le respect des prescriptions de l'article L. 76 du livre des procédures fiscales, les éléments, qui ne présentent au demeurant aucun caractère sommaire quoique ne faisant appel à aucun calcul, sur lesquels l'administration s'est fondée pour établir d'office l'imposition en litige. Dès lors, elle a mis l'EURL MSB à même d'en discuter la pertinence, ce qu'elle a d'ailleurs fait. Il suit de là que le moyen tiré de l'insuffisante motivation de la proposition de rectification doit être écarté comme manquant en fait.

Sur le bien-fondé de l'imposition en litige :

En ce qui concerne la charge de la preuve :

11. Ainsi qu'il a été dit au point 8, le rehaussement en litige a été notifié à l'EURL MSB selon la procédure de taxation d'office. Il s'ensuit que Me D..., mandataire à la liquidation de cette société, supporte, en application de l'article L. 193 du livre des procédures fiscales, la charge de la preuve et qu'il lui appartient, en vertu de l'article R. 193-1 de ce livre, d'établir que l'imposition présenterait un caractère exagéré.

En ce qui concerne la prise en compte des travaux en cours à la clôture de l'exercice 2011 :

12. D'une part, aux termes de l'article 38 du code général des impôts, dont les dispositions dans leur rédaction en vigueur l'année d'imposition en litige, sont applicables à l'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 209 du même code : " 1. (...) le bénéfice imposable est le bénéfice net, déterminé d'après les résultats d'ensemble des opérations de toute nature effectuées par les entreprises, y compris notamment les cessions d'éléments quelconques de l'actif, soit en cours, soit en fin d'exploitation. / 2. Le bénéfice net est constitué par la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l'impôt diminuée des suppléments d'apport et augmentée des prélèvements effectués au cours de cette période par l'exploitant ou par les associés. L'actif net s'entend de l'excédent des valeurs d'actif sur le total formé au passif par les créances des tiers, les amortissements et les provisions justifiés. / 2 bis. Pour l'application des 1 et 2, les produits correspondant à des créances sur la clientèle ou à des versements reçus à l'avance en paiement du prix sont rattachés à l'exercice au cours duquel intervient la livraison des biens pour les ventes ou opérations assimilées et l'achèvement des prestations pour les fournitures de services. / Toutefois, ces produits doivent être pris en compte : / (...) / b. Pour les travaux d'entreprise donnant lieu à réception complète ou partielle, à la date de cette réception, même si elle est seulement provisoire ou faite avec réserves, ou à celle de la mise à la disposition du maître de l'ouvrage si elle est antérieure. / (...) / 3. Pour l'application des 1 et 2, les stocks sont évalués au prix de revient ou au cours du jour de la clôture de l'exercice, si ce cours est inférieur au prix de revient. / Les travaux en cours sont évalués au prix de revient. ".

13. D'autre part, aux termes de l'article 38 nonies de l'annexe III au code général des impôts : " 1. Les (...) productions en cours au jour de l'inventaire sont évalués pour leur coût de revient, qui s'entend : / (...) / b. Pour les biens produits par l'entreprise, du coût de production qui comprend les coûts directement engagés pour la production ainsi que les frais indirects de production variables ou fixes et des coûts d'emprunt dans les conditions prévues à l'article 38 undecies. La quote-part de charges correspondant à la sous-activité n'est pas incorporable au coût de production. / (...) ".

14. Les dispositions précitées du 2 bis. de l'article 38 du code général des impôts, relatives au rattachement des créances résultant de travaux d'entreprise, ne font pas obstacle à la prise en compte des travaux en cours dans les éléments de l'actif de clôture servant à la détermination du bénéfice imposable conformément au 2. du même article 38. De même, la comptabilisation des travaux en cours pour leur prix de revient, c'est-à-dire, conformément aux dispositions du 3. de cet article 38 et de celles de l'article 38 nonies de l'annexe III au même code, pour le montant des frais exposés et des charges supportées par l'entreprise au cours de l'exercice, n'a pas non plus pour effet de modifier les règles de déduction de ces frais et charges.

15. Ainsi qu'il a été dit au point 1, à l'issue de la vérification de comptabilité dont l'EURL MSB a fait l'objet, l'administration a réintégré dans le résultat réalisé par cette société au titre de l'exercice clos en 2011 une somme de 150 000 euros correspondant à des travaux d'entreprise que cette société avait entrepris, à la demande de la SCI Le Dauphin, sa cliente, en octobre ou novembre 2011 et au titre desquels, comme il a été précisé au point 10, il est apparu au vérificateur que l'EURL MSB avait perçu, à la clôture de l'exercice 2011, une somme totale de 100 000 euros, alors même que la première facture d'avancement du chantier n'a été émise par elle que le 11 janvier 2012, soit sept jours ouvrés après cette clôture, pour un montant de 150 000 euros hors taxes. Dans le cadre du débat oral et contradictoire tenu avec le gérant de l'EURL MSB, ce dernier a précisé au vérificateur que la facture émise le 11 janvier 2012 correspondait à l'état d'avancement des travaux à la date de son émission et qu'elle n'incluait aucune marge, celle-ci, de l'ordre de 3 à 3,5% pour ce type d'opération, devant faire l'objet d'une facturation en fin de chantier. En outre, le gérant a confirmé, dans ce cadre, que les versements perçus par l'EURL MSB au titre de ce chantier au cours de l'exercice clos en 2011 avaient la nature d'acomptes. Le vérificateur n'a par ailleurs pu constater l'existence d'aucune comptabilité analytique, ni d'aucun élément de nature à révéler un quelconque avancement du chantier durant le court laps de temps séparant la clôture de l'exercice 2011 et l'émission, le 11 janvier 2012, de la première facture s'y rapportant. Il a constaté, en revanche, que deux factures avaient été émises par l'EURL MSB le 15 février 2012 et le 30 juin 2012 pour les montants respectifs de 60 000 euros et de 5 981,28 euros hors taxes. Le vérificateur a, dans ces conditions, estimé que ces travaux en cours à la clôture de l'exercice 2011 devaient faire l'objet d'une inscription à l'actif du bilan de clôture pour leur prix de revient et qu'en l'absence d'élément permettant de déterminer ce dernier avec une précision plus grande, il y avait lieu de le fixer à la somme de 150 000 euros facturée sept jours ouvrés plus tard, le 11 janvier 2012.

16. Eu égard à ce qui a été dit au point 14, la double circonstance, invoquée par Me D..., que les travaux en cause n'ont fait l'objet d'une réception provisoire, puis d'une réception définitive, qu'au cours de l'exercice suivant, clos en 2012, à savoir respectivement le 6 mars 2012 et le 16 novembre 2012, ne faisait pas obstacle à ce que ces travaux, en cours à la clôture de l'exercice 2011, fassent l'objet, d'une inscription à l'actif du bilan de clôture pour leur coût de revient, dès lors que Me D..., qui supporte, ainsi qu'il a été dit au point 11, la charge de la preuve, n'apporte aucun élément de nature à établir un avancement significatif du chantier au cours des onze jours calendaires qui ont suivi cette clôture et précédé l'émission, le 11 janvier 2012, de la première facture afférente à ce chantier, laquelle ne comporte aucune mention selon laquelle elle constituerait une facture d'acompte, mais comporte la mention de nombreux postes se rapportant à la réalisation de prestations. A cet égard, le fait que certaines de ces mentions utilisent le futur pour préciser les conditions de réalisation de ces prestations ou des opérations préalables à cette réalisation ne peut suffire à établir l'absence de réalisation de celles-ci à la date de cette facturation. En outre, la circonstance que la réception des travaux n'a été prononcée que plus de onze mois après cette facturation n'est pas, à elle seule, de nature à établir que l'essentiel des prestations confiées à l'EURL MSB n'aurait été effectué par elles qu'au cours de l'exercice clos en 2012. Par ailleurs, si Me D... oppose que le coût de revient des travaux en cause ne pouvait être fixé à la somme de 150 000 euros faisant l'objet de la facture du 11 janvier 2012, dès lors que ce montant incluait nécessairement une quote-part de la marge réalisée par l'EURL MSB sur ce chantier, il n'apporte, là encore, aucun élément au soutien de cette allégation, alors d'ailleurs que le gérant de l'EURL MSB a déclaré au vérificateur, au cours du contrôle, qu'il avait l'habitude de ne pas prendre en compte la marge de l'entreprise pour l'établissement des factures d'avancement des chantiers, mais de la facturer globalement avec le solde et que, s'agissant du chantier en cause, l'EURL MSB a émis deux factures, le 15 février 2012 et le 30 juin 2012 pour les montants respectifs de 60 000 euros et de 5 981,28 euros hors taxes. Contrairement à ce qu'il soutient, l'évaluation, à la clôture de l'exercice 2011 et en l'absence de tout élément de nature à justifier un autre mode de détermination, du prix de revient des travaux à hauteur de cette somme de 150 000 euros qui a été facturée par la société elle-même quelques jours après cette clôture ne présente ni un caractère purement forfaitaire, ni un caractère excessivement sommaire. Dans ces conditions, l'administration était fondée à réintégrer, sur le fondement des dispositions précitées du 3. de l'article 38 du code général des impôts et de celles de l'article 38 nonies de l'annexe III au même code, la somme de 150 000 euros, correspondant au prix de revient des travaux en cours à la clôture de l'exercice 2011, dans le résultat réalisé par l'EURL MSB au titre de cet exercice.

Sur les pénalités :

17. L'EURL MSB ayant, dans ses dernières écritures de première instance, expressément abandonné l'unique moyen qu'elle dirigeait contre la majoration de 40% prévue, en cas de dépôt tardif d'une déclaration après mise en demeure, par le b. du 1. de l'article 1728 du code général des impôts, il n'y a pas lieu pour la cour d'en apprécier le bien-fondé.

18. Il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l'action et des comptes publics est, dans la mesure des conclusions renvoyées à la cour, fondé à soutenir que s'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a prononcé la décharge de la cotisation supplémentaire à l'impôt sur les sociétés à laquelle l'EURL MSB a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2011. Dès lors que, par sa décision du 8 novembre 2019, le Conseil d'Etat n'a pas annulé l'arrêt du 21 février 2019 en tant qu'il a statué sur les conclusions présentées par les parties au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, s'agissant des frais non compris dans les dépens exposés par l'EURL MSB tant en première instance qu'en appel, la cour a épuisé, sur cette question, sa compétence et il ne lui appartient plus d'y statuer.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1404737 du 24 mars 2017 du tribunal administratif de Lille est annulé, en tant qu'il statue sur le chef de rehaussement relatif à la réintégration, dans le résultat réalisé par l'EURL MSB au titre de l'exercice clos en 2011, de la somme de 150 000 euros, ainsi que sur les pénalités correspondantes.

Article 2 : Il n'y a pas lieu de statuer, à concurrence du dégrèvement de 3 097 euros prononcé en cours de première instance et dans la limite du litige renvoyé à la cour et défini à l'article 1er ci-dessus, sur les conclusions de Me D... tendant à la décharge des pénalités mises à sa charge au titre de l'exercice clos en 2011.

Article 3 : En tant qu'elle se rapporte à la réintégration, dans le résultat réalisé par l'EURL MSB au titre de l'exercice clos en 2011, de la somme de 150 000 euros, la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés dont la décharge a été prononcée par le jugement du 24 mars 2017 du tribunal administratif de Lille est remise, de même que le surplus des pénalités correspondantes, à la charge de l'EURL MSB.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'action et des comptes publics et à Me C... D..., en sa qualité de mandataire liquidateur de l'EURL MSB.

Copie en sera transmise à l'administrateur général des finances publiques chargé de la direction spécialisée de contrôle fiscal Nord.

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N°19DA02485


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 19DA02485
Date de la décision : 02/07/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices - Règles générales - Impôt sur le revenu - Établissement de l'impôt - Taxation d'office - Pour défaut ou insuffisance de déclaration.

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices - Revenus et bénéfices imposables - règles particulières - Bénéfices industriels et commerciaux - Évaluation de l'actif - Travaux en cours.


Composition du Tribunal
Président : M. Binand
Rapporteur ?: M. Jean-François Papin
Rapporteur public ?: M. Arruebo-Mannier
Avocat(s) : DELATTRE

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2020-07-02;19da02485 ?
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