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02/07/2020 | FRANCE | N°19DA02277

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 4ème chambre, 02 juillet 2020, 19DA02277


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Rouen, d'une part, d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 1er septembre 2019 par lequel le préfet de la Seine-Maritime l'a obligé à quitter le territoire français, a refusé de lui octroyer un délai de départ volontaire, a fixé le pays à destination il pourrait être reconduit d'office et lui a interdit le retour sur le territoire français avant l'expiration d'un délai d'un an, d'autre part, d'annuler l'arrêté du même jour par lequel le préf

et de la Seine-Maritime l'a assigné à résidence pour une durée de quarante-cinq jo...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Rouen, d'une part, d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 1er septembre 2019 par lequel le préfet de la Seine-Maritime l'a obligé à quitter le territoire français, a refusé de lui octroyer un délai de départ volontaire, a fixé le pays à destination il pourrait être reconduit d'office et lui a interdit le retour sur le territoire français avant l'expiration d'un délai d'un an, d'autre part, d'annuler l'arrêté du même jour par lequel le préfet de la Seine-Maritime l'a assigné à résidence pour une durée de quarante-cinq jours, enfin, de faire injonction, sous astreinte, au préfet de la Seine-Maritime de procéder à un nouvel examen de sa situation après l'avoir mis en possession d'une autorisation provisoire de séjour, et de mettre la somme de 1 500 euros à la charge de l'Etat au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Par un jugement n° 1903097 du 6 septembre 2019, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rouen a annulé les deux arrêtés du 1er septembre 2019 du préfet de la Seine-Maritime contestés, a fait injonction au préfet de la Seine-Maritime de délivrer à M. B... une autorisation provisoire de séjour et de procéder à un réexamen de la situation de l'intéressé, a mis à la charge de l'Etat une somme de 800 euros sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et a rejeté le surplus des conclusions de cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 4 octobre 2019, le préfet de la Seine-Maritime demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Rouen.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- l'ordonnance n°2020-305 du 25 mars 2020 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Jean-François Papin, premier conseiller, a été entendu, au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant algérien né le 18 janvier 1987, est entré en France au cours de l'année 2013, selon ses déclarations, afin d'y rejoindre les membres de sa famille proches qui y sont établis. Il a sollicité, en juillet 2015, la délivrance d'un premier titre de séjour. Par un arrêté du 31 mars 2016, le préfet de la Seine-Maritime a refusé de faire droit à cette demande et lui a fait obligation de quitter le territoire français. S'étant cependant maintenu sur ce territoire, il s'est vu de nouveau notifier une telle obligation le 23 février 2018 après avoir été interpellé pour des faits de détention de stupéfiants, cette mesure ayant toutefois été annulée par le tribunal administratif de Rouen le 3 avril 2018. M. B... ayant alors demandé la régularisation de sa situation en invoquant ses attaches familiales en France, la préfète de la Seine-Maritime lui a opposé un nouveau refus et lui a fait obligation de quitter le territoire français. M. B... ayant été interpellé le 31 août 2019 dans le cadre d'un contrôle routier qui a révélé sa situation irrégulière de séjour, le préfet de la Seine-Maritime, par un arrêté du 1er septembre 2019, l'a obligé à quitter le territoire français, a refusé de lui octroyer un délai de départ volontaire, a fixé le pays à destination il pourrait être reconduit d'office et lui a interdit le retour sur le territoire français avant l'expiration d'un délai d'un an. Par un autre arrêté pris le même jour, le préfet de la Seine-Maritime l'a assigné à résidence, pour une durée de quarante-cinq jours. Le préfet de la Seine-Maritime relève appel du jugement du 6 septembre 2019 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rouen a annulé, pour excès de pouvoir, ces deux derniers arrêtés, lui a fait injonction de délivrer à M. B... une autorisation provisoire de séjour et de procéder à un réexamen de la situation de l'intéressé et a mis à la charge de l'Etat une somme de 800 euros sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

2. Pour annuler, par le jugement attaqué, les arrêtés du 1er septembre 2019 du préfet de la Seine-Maritime, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rouen a relevé que M. B..., entré sur le territoire français en 2013 selon ses déclarations, disposait de l'essentiel de ses attaches familiales sur le territoire français, où sont établis son frère, ses demi-frères et soeurs, de nationalité française, ainsi que son père et où l'avait rejoint sa mère. Le premier juge a, en outre, pris en compte la relation sentimentale nouée par M. B... avec une ressortissante française, avec laquelle il vit maritalement depuis le mois de mars 2019 et qui souffre d'une pathologie invalidante ayant justifié qu'elle soit reconnue atteinte d'une invalidité supérieure à 80% et rendant nécessaire l'assistance d'une tierce personne pour l'accomplissement des gestes de la vie quotidienne lors des épisodes de crises. Le premier juge a relevé, à cet égard, que cette aide était apportée par l'époux de l'intéressée, jusqu'à leur séparation et la mise en oeuvre d'une procédure de divorce et qu'elle est désormais apportée par M. B..., avec laquelle elle vit depuis environ six mois à la date de l'arrêté contesté. Le premier juge a tiré de ces éléments que, compte tenu des pièces produites au dossier ainsi que des déclarations non contestées à l'audience et nonobstant le fait qu'il s'était soustrait à des précédentes mesures d'éloignement, M. B... était fondé à soutenir, dans les circonstances particulières de l'espèce, que la décision l'obligeant à quitter le territoire français était prise en violation des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

3. Il ressort toutefois des pièces du dossier, ainsi que le relève le préfet de la Seine-Maritime dans sa requête, que la communauté de vie entre M. B... et sa compagne présentait, à la date à laquelle l'arrêté contesté a été pris, un caractère particulièrement récent, puisqu'elle n'avait débuté qu'à peine plus de six mois auparavant. En outre, M. B... n'établit, ni d'ailleurs n'allègue, qu'il serait dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine dans lequel il a habituellement vécu jusqu'à l'âge de vingt-six ans. Dans ces conditions, eu égard aux conditions en majeure partie irrégulières du séjour de M. B... en France et à l'ancienneté relative de ce séjour, qui résulte essentiellement de l'abstention de l'intéressé à se conformer à plusieurs mesures d'éloignement exécutoires dont il a successivement fait l'objet, abstention que l'intéressé ne justifie pas en invoquant une incompréhension liée à la complexité de sa situation administrative, la décision de refus de séjour contestée n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise. Par suite, le préfet de la Seine-Maritime est fondé à soutenir que le premier juge a retenu à tort que cette décision avait été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

4. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. B... devant le tribunal administratif de Rouen et devant la cour.

5. Ainsi qu'il en a été attesté le 4 septembre 2019 par un médecin généraliste, la forme particulièrement invalidante de la pathologie dont est atteinte la compagne de M. B... rend indispensable, une aide pour l'accomplissement des actes de la vie courante lors des poussées liées à l'évolution de la maladie. Or, ilressort des pièces du dossier et il n'est pas sérieusement contesté, que cette aide, dans une situation compliquée par la présence d'un enfant né le 31 octobre 2008 de la précédente union de l'intéressée, séparée et en instance de divorce, lui est apportée par M. B... avec laquelle elle vit. Dans ces circonstances particulières, en faisant obligation à M. B... de quitter le territoire français, le préfet de la Seine-Maritime a commis une erreur manifeste dans l'appréciation de la gravité des conséquences que cette décision est susceptible de comporter à court terme sur la situation de l'intéressé.

6. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens invoqués par M. B..., que la préfète de la Seine-Maritime n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement du 6 septembre 2019, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rouen a d'une part annulé la décision portant obligation de quitter le territoire français prononcée par l'arrêté du 1er septembre 2019 du préfet de la Seine-Maritime, de même, par voie de conséquence, que les autres décisions contenues dans cet arrêté pour assurer l'exécution de cette mesure d'éloignement ainsi que l'arrêté du même jour assignant M. B... à résidence, d'autre part lui a fait injonction de délivrer à M. B... une autorisation provisoire de séjour et de procéder à un réexamen de la situation de ce dernier, enfin, a mis à la charge de l'Etat une somme de 800 euros sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Sur les conclusions présentées au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

7. M. B... a été maintenu de plein droit au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me C..., son avocate, renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros à ce titre.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la préfète de la Seine-Maritime est rejetée.

Article 2 : L'Etat versera à Me C..., avocate de M. B..., la somme de 1 000 euros en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que cette avocate renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur, au préfet de la Seine-Maritime, à M. A... B... et à Me C....

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N°19DA02277


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 19DA02277
Date de la décision : 02/07/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. Binand
Rapporteur ?: M. Jean-François Papin
Rapporteur public ?: M. Arruebo-Mannier
Avocat(s) : SELARL MADELINE-LEPRINCE-MAHIEU

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2020-07-02;19da02277 ?
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