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02/07/2020 | FRANCE | N°18DA01281

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 4ème chambre, 02 juillet 2020, 18DA01281


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société civile immobilière (SCI) de l'Horloge Fleurie a demandé au tribunal administratif de Lille de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2008 et 2010 en conséquence de la réintégration dans ses résultats imposables de soldes créditeurs d'un compte client.

Par un jugement n° 1502342 du 17 avril 2018, le tribunal administratif de Lille a rejeté cette deman

de.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 22 juin 2...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société civile immobilière (SCI) de l'Horloge Fleurie a demandé au tribunal administratif de Lille de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2008 et 2010 en conséquence de la réintégration dans ses résultats imposables de soldes créditeurs d'un compte client.

Par un jugement n° 1502342 du 17 avril 2018, le tribunal administratif de Lille a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 22 juin 2018 et le 18 décembre 2019, la SCI de l'Horloge Fleurie, représentée par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer la décharge des impositions en litige ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code monétaire et financier ;

- l'ordonnance n°2020-305 du 25 mars 2020 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Jean-François Papin, premier conseiller,

- et les conclusions de M. Jean-Philippe Arruebo-Mannier, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La société civile immobilière (SCI) de l'Horloge Fleurie, dont le siège est situé à Boulogne-sur-Mer (Pas-de-Calais), a pour objet social la location de terrains et autres biens immobiliers. Ayant opté pour le régime d'imposition applicable aux sociétés de capitaux, elle est propriétaire d'un immeuble, situé à Maubeuge (Nord), qu'elle donne en location, pour partie, à des commerçants et, pour une autre, à l'entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée (EURL) Hôtel de l'Horloge, laquelle l'exploite pour les besoins de son activité d'hôtellerie. La SCI de l'Horloge Fleurie a fait l'objet, au cours de l'année 2012, d'une vérification de comptabilité portant sur la période allant du 1er janvier 2008 au 31 décembre 2010, ce contrôle ayant été étendu, en matière de taxe sur la valeur ajoutée, jusqu'au 31 décembre 2011. Dans le cadre de ses investigations, le vérificateur a constaté que le compte client de l'EURL Hôtel de l'Horloge, présentait, à la clôture des exercices 2008 et 2010, un solde créditeur. L'administration a estimé que ces sommes devaient être réintégrées dans les résultats imposables des années considérées et a fait connaître sa position à la SCI de l'Horloge Fleurie par deux propositions de rectification qu'elle lui a successivement adressées le 20 décembre 2011 et le 20 décembre 2012. Les impositions supplémentaires en résultant en matière d'impôt sur les sociétés ont été mises en recouvrement le 30 juin 2014, pour les montants, en droits et pénalités, de 588 038 euros au titre de l'impôt sur les sociétés de l'exercice clos en 2008 et de 15 846 euros au titre de l'impôt sur les sociétés de l'exercice clos en 2010. La SCI de l'Horloge Fleurie relève appel du jugement du 17 avril 2018 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices considérés en conséquence de la réintégration dans ses résultats imposables de ces soldes créditeurs.

Sur la régularité du jugement :

2. La SCI de l'Horloge Fleurie soutient que les premiers juges, d'une part, se seraient mépris sur la dévolution de la charge de la preuve en faisant peser celle-ci sur elle et, d'autre part, auraient " privé leur jugement de base légale " en exigeant de sa part la production d'un contrat émis par un établissement de crédit. Toutefois, ces critiques sont, en réalité, dirigées contre le raisonnement suivi par le tribunal administratif et sont, à les supposer fondées, dépourvues d'incidence sur la régularité du jugement, que la SCI de l'Horloge Fleurie ne conteste, dès lors, pas utilement.

Sur la charge de la preuve :

3. Le 2. de l'article 38 du code général des impôts définit le bénéfice net comme la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l'impôt diminuée des suppléments d'apport et augmentée des prélèvements effectués au cours de cette période par l'exploitant ou par les associés. Ce même article précise ainsi que l'actif net s'entend de l'excédent des valeurs d'actif sur le total formé au passif par les créances des tiers, les amortissements et les provisions justifiés.

4. Si, en vertu des règles gouvernant l'attribution de la charge de la preuve devant le juge administratif, applicables sauf loi contraire, il incombe, en principe, à chaque partie d'établir les faits qu'elle invoque au soutien de ses prétentions, les éléments de preuve qu'une partie est seule en mesure de détenir ne sauraient être réclamés qu'à celle-ci. En particulier, comme l'ont d'ailleurs rappelé à bon droit les premiers juges, il appartient au contribuable, pour l'application des dispositions du code général des impôts, de justifier tant du montant des sommes qu'il entend déduire du bénéfice net défini à l'article 38 de ce code que de la correction de leur inscription en comptabilité, c'est-à-dire du principe même de leur déductibilité. Dans l'hypothèse où le contribuable s'acquitte de cette obligation, il incombe ensuite à l'administration, si elle s'y croit fondée, de réfuter les justifications ainsi apportées.

Sur le bien-fondé des impositions en litige :

5. Au cours de la vérification de comptabilité dont la SCI de l'Horloge Fleurie a fait l'objet, l'administration a constaté qu'un compte de tiers ouvert dans la comptabilité vérifiée, à savoir le compte n° 411999, portant l'intitulé " Collectif client divers " et correspondant, en réalité, au compte client de l'EURL Hôtel de l'Horloge, présentait un solde créditeur de 1 778 628 euros à la clôture de l'exercice 2008 et un solde créditeur de 81 200 euros à la clôture de l'exercice 2010, ces soldes ne pouvant trouver leur origine dans les seuls loyers dus par l'EURL Hôtel de l'Horloge. Pour l'année 2008, la SCI de l'Horloge Fleurie n'a pu apporter, au cours du contrôle, aucun élément de nature à justifier ce solde. Elle a toutefois alors fourni, s'agissant de l'année 2010, un document présenté comme une convention de trésorerie, conclu avec l'EURL Hôtel de l'Horloge. Elle a ensuite produit, devant les premiers juges, un document rédigé dans des termes similaires en ce qui concerne l'année 2008.

6. Si les articles 1874 et suivants du code civil n'imposent pas, à peine de nullité, qu'un prêt, auquel peut être assimilée une avance de trésorerie consentie par une entreprise à une autre, fasse l'objet d'un écrit, les entreprises soumises à l'obligation de tenir une comptabilité, ce qui est le cas des sociétés civiles immobilières ayant opté pour le régime d'imposition des sociétés de capitaux, doivent être en mesure, en application de l'article 54 du code général des impôts, de pouvoir présenter, en réponse à toute réquisition de l'administration fiscale, les écritures comptables retraçant de telles opérations d'avance en trésorerie, appuyées des pièces de nature à les justifier. En vertu des principes rappelés au point 4, il incombe ensuite à l'entreprise contribuable de justifier devant le juge de l'impôt, si le litige est porté devant lui, de la réalité de l'opération d'avance en trésorerie dont elle se prévaut, ainsi que de la correction de son inscription dans sa comptabilité des exercices concernés.

7. Les deux documents que la SCI de l'Horloge Fleurie a produits, en l'espèce, pour justifier des avances de trésorerie dont elle soutient avoir bénéficié, au cours des exercices clos en 2008 et 2010, portent l'intitulé " Omnium - Convention de trésorerie entre la SCI de l'Horloge Fleurie et la société Hôtel de l'Horloge ", avec la précision, respectivement, " au 31.12.2008 " et " au 31.12.2010 ". Ces documents mentionnent, en outre, le montant du solde créditeur du compte client de l'EURL Hôtel de l'Horloge à la clôture de chacun des deux exercices considérés, ainsi que le montant cumulé des loyers dus au titre des périodes couvrant chacun de ces exercices. Toutefois, ces pièces, qui ne comportent aucune mention de la date à laquelle elles ont été établies, portent une signature dont l'auteur n'est identifié ni par son nom, ni par sa qualité, et ne comportent aucune stipulation contractuelle définissant les obligations réciproques des parties, ne peuvent, compte-tenu de leur caractère sommaire et de leur absence de date certaine, constituer des pièces justificatives susceptibles d'appuyer les écritures comptables remises en cause par l'administration, qui, contrairement à ce que soutient la société appelante, par le seul constat qu'aucun intérêt n'avait été mis à la charge de la SCI de l'Horloge Fleurie, n'a pas expressément admis que ces écritures concernaient des avances en trésorerie. Dès lors, ni les modalités selon lesquelles ces écritures ont été passées en faisant intervenir des comptes de tiers et non de produits, ni le fait que les relevés de compte bancaire de la SCI de l'Horloge Fleurie, également versés au dossier, établissent l'existence de flux financiers correspondants ne peuvent suffire à corroborer les allégations de cette société en ce qui concerne la nature d'avances en trésorerie des opérations faisant l'objet de ces écritures. Par suite, sans qu'il soit même besoin d'examiner si l'EURL Hôtel de l'Horloge pouvait, sans méconnaître les dispositions du code monétaire et financier, consentir des avances en trésorerie, qui plus est sans intérêts, à la SCI de l'Horloge Fleurie, avec laquelle elle n'avait pas de lien capitalistique, quand bien même elle avait le même gérant, l'administration était fondée à remettre en cause ces écritures comptables non justifiées et à réintégrer, dans les résultats imposables réalisés par la SCI de l'Horloge Fleurie au titre des exercices clos en 2008 et en 2010, les sommes correspondantes, qui, étaient nécessairement venues en déduction de ces résultats en application des dispositions du 2. de l'article 38 du code général des impôts, rappelées au point 3.

8. Le paragraphe n°40 de l'instruction BOI-BIC-CHG-50-20-10-20 du 12 septembre 2012, à le supposer applicable aux années d'imposition en cause, ne comporte aucune interprétation formelle de la loi fiscale qui soit différente de celle dont le présent arrêt fait application en ce qui concerne les éléments susceptibles de justifier la correction d'une écriture comptable afférente à une avance en trésorerie. La SCI de l'Horloge Fleurie n'est, dès lors et en tout état de cause, pas fondée à se prévaloir de cet extrait de doctrine administrative sur le fondement des dispositions de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales.

9. Il résulte de tout ce qui précède que la SCI de l'Horloge Fleurie n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande. Les conclusions qu'elle présente au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent, par voie de conséquence, être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la SCI de l'Horloge Fleurie est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SCI de l'Horloge Fleurie et au ministre de l'action et des comptes publics.

Copie en sera transmise à l'administrateur général des finances publiques chargé de la direction spécialisée de contrôle fiscal Nord.

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N°18DA01281


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 18DA01281
Date de la décision : 02/07/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices - Règles générales - Impôt sur les bénéfices des sociétés et autres personnes morales - Détermination du bénéfice imposable.

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices - Revenus et bénéfices imposables - règles particulières - Bénéfices industriels et commerciaux - Évaluation de l'actif - Travaux en cours.


Composition du Tribunal
Président : M. Binand
Rapporteur ?: M. Jean-François Papin
Rapporteur public ?: M. Arruebo-Mannier
Avocat(s) : SOCIETE D'AVOCATS FIDAL

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2020-07-02;18da01281 ?
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