La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

30/06/2020 | FRANCE | N°18DA01897

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1ère chambre, 30 juin 2020, 18DA01897


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société NC Numéricable a demandé au tribunal administratif de Lille, à titre principal, d'annuler les titres exécutoires n° 010153 et n° 007521 émis à son encontre par la commune de Villeneuve-d'Ascq pour les montants respectifs de 50 270 euros et de 50 780,48 euros et de la décharger de l'obligation de payer ces sommes et, à titre subsidiaire, d'annuler ces titres exécutoires en tant que leur montant excède celui calculé sur la base de 84 m² et de la décharger de l'obligation de payer les som

mes correspondant aux surfaces retenues au-delà de 84 m².

Par un jugement n° 1...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société NC Numéricable a demandé au tribunal administratif de Lille, à titre principal, d'annuler les titres exécutoires n° 010153 et n° 007521 émis à son encontre par la commune de Villeneuve-d'Ascq pour les montants respectifs de 50 270 euros et de 50 780,48 euros et de la décharger de l'obligation de payer ces sommes et, à titre subsidiaire, d'annuler ces titres exécutoires en tant que leur montant excède celui calculé sur la base de 84 m² et de la décharger de l'obligation de payer les sommes correspondant aux surfaces retenues au-delà de 84 m².

Par un jugement n° 1509358 du 12 juillet 2018, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 14 septembre 2018, et un mémoire enregistré le 14 février 2020, la société SFR Fibre SAS, nouvelle dénomination de la société NC Numéricable, représentée par Me C... A..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) à titre principal, d'annuler les titres exécutoires émis à son encontre par la commune de Villeneuve-d'Ascq pour des montants de 50 270 euros et de 50 780,48 euros et de la décharger de l'obligation de payer ces sommes,

3°) à titre subsidiaire, d'annuler ces titres exécutoires en tant que leur montant excède celui calculé sur la base de 84 m² et de la décharger de l'obligation de payer les sommes correspondant aux surfaces retenues au-delà de 84 m² ;

4°) de mettre à la charge de la commune de Villeneuve d'Ascq la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

----------------------------------------------------------------------------------------------------

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations ;

- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif modifiée par les ordonnances n° 2020-405 du 8 avril 2020, n° 2020-427 du 15 avril 2020 et n° 2020-558 du 13 mai 2020 ;

- le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Jean-Pierre Bouchut, premier conseiller,

- les conclusions de M. Charles-Edouard Minet, rapporteur public,

- et les observations de Me D... B..., représentant la commune de Villeneuve-d'Ascq.

Considérant ce qui suit :

1. La société NC Numericable, nouvellement dénommée SFR Fibre SAS, exerce une activité d'exploitation de réseaux de communications électroniques, qui nécessite le recours à des centres de distribution. L'un d'entre eux est implanté sur le domaine public de la commune de Villeneuve-d'Ascq. La société relève appel du jugement du 12 juillet 2018 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande d'annulation du titre exécutoire n° 10153 d'un montant de 50 270 euros correspondant à la redevance d'occupation domaniale due pour l'année 2013 et du titre exécutoire n° 007521 d'un montant de 50 780,48 euros correspondant à la redevance d'occupation domaniale due pour l'année 2014, émis à son encontre par la commune de Villeneuve-d'Ascq, ainsi que sa demande de décharge de l'obligation de payer ces sommes.

Sur la régularité du jugement :

S'agissant de la recevabilité de la demande d'annulation du titre exécutoire n° 10153 émis le 20 décembre 2013 et de décharge de la somme de 50 270 euros :

2. Aux termes de l'article L. 1617-5 du code général des collectivités territoriales : " 2° L'action dont dispose le débiteur d'une créance assise et liquidée par une collectivité territoriale ou un établissement public local pour contester directement devant la juridiction compétente le bien-fondé de ladite créance se prescrit dans le délai de deux mois suivant la réception du titre exécutoire ou, à défaut, du premier acte procédant de ce titre ou de la notification d'un acte de poursuite.(...) 4° Une ampliation du titre de recettes individuel ou de l'extrait du titre de recettes collectif est adressée au redevable sous pli simple. Lorsque le redevable n'a pas effectué le versement qui lui était demandé à la date limite de paiement, le comptable public compétent lui adresse une mise en demeure de payer avant la notification du premier acte d'exécution forcée devant donner lieu à des frais. (...) / 5° (...) L'envoi de la mise en demeure de payer tient lieu du commandement prescrit par le code des procédures civiles d'exécution préalablement à une saisie-vente (...) ". Aux termes de l'article R. 421-5 du code de justice administrative : " Les délais de recours contre une décision administrative ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision ". Il en résulte que le non-respect de l'obligation d'informer le débiteur sur les voies et les délais de recours, prévue par la première de ces dispositions, ou l'absence de preuve qu'une telle information a été fournie, est de nature à faire obstacle à ce que le délai de forclusion, prévu par la seconde, lui soit opposable.

3. Toutefois, le principe de sécurité juridique, qui implique que ne puissent être remises en cause sans condition de délai des situations consolidées par l'effet du temps, fait obstacle à ce que puisse être contestée indéfiniment une décision administrative individuelle qui a été notifiée à son destinataire, ou dont il est établi, à défaut d'une telle notification, que celui-ci en a eu connaissance. En une telle hypothèse, si le non-respect de l'obligation d'informer l'intéressé sur les voies et les délais de recours, ou l'absence de preuve qu'une telle information a bien été fournie, ne permet pas que lui soient opposés les délais de recours fixés par le code général des collectivités territoriales, le destinataire de la décision ne peut exercer de recours juridictionnel au-delà d'un délai raisonnable.

4. S'agissant des titres exécutoires, sauf circonstances particulières dont se prévaudrait son destinataire, le délai raisonnable ne saurait excéder un an à compter de la date à laquelle le titre ou, à défaut, le premier acte procédant de ce titre ou un acte de poursuite a été notifié au débiteur ou porté à sa connaissance.

5. Il résulte de l'instruction que la société NC Numericable s'est acquittée, le 24 avril 2014, du paiement d'une somme de 51 302,38 euros, cette somme ayant été enregistrée en paiement du titre n° 10153 en date du 20 décembre 2013 d'un montant de 50 270 euros émis au titre de l'année 2013. Dans ces conditions, malgré la circonstance que la somme versée soit supérieure au montant du titre exécutoire, la société appelante, qui n'expose aucun motif pour lequel elle aurait dû s'acquitter d'un tel montant auprès de la commune de Villeneuve-d'Ascq, doit être regardée comme ayant eu connaissance de son obligation de payer cette somme au plus tard le 24 avril 2014, date de son paiement. Dès lors, et en l'absence de circonstances particulières pouvant justifier que la société NC Numericable n'a pas pu exercer son recours dans un délai raisonnable, les conclusions à fin d'annulation de ce titre exécutoire et de décharge de l'obligation de payer la somme de 50 270 euros, enregistrées au greffe du tribunal administratif de Lille le 15 novembre 2015, soit près de dix-neuf mois après la date à laquelle la requérante a eu connaissance des sommes dont elle était redevable au titre de l'année 2013, sont tardives. Par suite, elle n'est pas fondée à soutenir que le tribunal administratif de Lille aurait irrégulièrement rejeté comme irrecevables ses conclusions dirigées contre le titre de recettes du 20 décembre 2013 et tendant à la décharge de la somme de 50 270 euros.

S'agissant de la recevabilité de la demande tendant à l'annulation du titre n° 007521 du 16 octobre 2014 et à la décharge de l'obligation de payer la somme de 50 780,48 euros :

6. Aucune preuve de la date de la notification du titre exécutoire n° 007521 du 16 octobre 2014 à la société appelante n'est apportée. Toutefois, la société NC Numericable a reçu une mise en demeure valant commandement de payer aux fins de recouvrement de la somme de 50 780,48 euros mise à sa charge par le titre exécutoire en litige, laquelle ne comporte pas la mention des voies et délais de recours. Au vu de l'avis de réception postal de cette mise en demeure, la société NC Numericable a eu connaissance de son obligation de payer la somme de 50 780,48 euros au plus tard le 7 avril 2015. Les conclusions à fin d'annulation de ce titre ont été enregistrées au greffe du tribunal administratif de Lille le 15 novembre 2015, soit avant l'expiration du délai raisonnable d'un an dont disposait la société Numericable. Par suite, c'est à tort que le tribunal administratif de Lille a rejeté comme irrecevable la demande présentée par la société Numericable à l'encontre du titre exécutoire de recettes n° 007521 au motif qu'elle était tardive. Son jugement en date du 12 juillet 2018 doit, dès lors, être annulé en tant qu'il a rejeté les conclusions dirigées contre ce titre exécutoire et celles tendant à la décharge de l'obligation de payer la somme de 50 780,48 euros.

7. Il y a lieu d'évoquer partiellement et de statuer immédiatement sur la demande présentée par la société NC Numericable devant le tribunal administratif de Lille, en ce qui concerne le titre exécutoire n° 007521 du 16 octobre 2014 et la demande de décharge de l'obligation de payer la somme de 50 780,48 euros.

Sur les conclusions tendant à l'annulation du titre n° 007521 du 16 octobre 2014 et à la décharge de l'obligation de payer la somme de 50 780,48 euros :

8. Aux termes, d'une part, de l'article L. 1617-5 du code général des collectivités territoriales, applicable au litige : " (...) 4° Une ampliation du titre de recettes individuel ou de l'extrait du titre de recettes collectif est adressée au redevable sous pli simple. (...) / En application de l'article 4 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations, le titre de recettes individuel ou l'extrait du titre de recettes collectif mentionne les nom, prénoms et qualité de la personne qui l'a émis ainsi que les voies et délai de recours. / Seul le bordereau de titres de recettes est signé pour être produit en cas de contestation ".

9. Aux termes, d'autre part, du second alinéa de l'article 4 de la loi du 12 avril 2000, codifié désormais au premier alinéa de l'article L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration : " (...) / Toute décision prise par l'une des autorités mentionnées à l'article 1er comporte, outre la signature de son auteur, la mention, en caractères lisibles, du prénom, du nom et de la qualité de celui-ci ".

10. Il résulte des dispositions citées au point 8, d'une part, que le titre de recettes individuel ou l'extrait du titre de recettes collectif doivent mentionner les nom, prénom et qualité de l'auteur de cette décision, au sens des dispositions citées au point 9, de même, par voie de conséquence, que l'ampliation adressée au redevable et, d'autre part, qu'il appartient à l'autorité administrative de justifier en cas de contestation que le bordereau de titre de recettes comporte la signature de cet auteur.

11. Il résulte de l'instruction que l'ampliation du titre de recettes en litige adressée au redevable ne comporte pas les nom, prénom et qualité de l'auteur du titre exécutoire. Dès lors, ce titre est entaché d'irrégularité. Par suite, la société SFR Fibre SAS est fondée à demander l'annulation du titre exécutoire n° 007521 émis le 16 octobre 2014.

12. Dans le cas où il ne juge fondé aucun des moyens qui seraient de nature à justifier le prononcé de la décharge mais retient un moyen mettant en cause la régularité formelle du titre exécutoire, le juge n'est tenu de se prononcer explicitement que sur le moyen qu'il retient pour annuler le titre. Par suite, il résulte de tout ce qui précède que la société SFR Fibre SAS est seulement fondée à demander l'annulation du titre exécutoire de la somme de 50 780,48 euros correspondant à la redevance due pour l'année 2014.

Sur les frais liés au litige :

13. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux demandes présentées par la société SFR Fibre SAS sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Celles présentées sur le même fondement par la commune de Villeneuve-d'Ascq ne peuvent qu'être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du 12 juillet 2018 du tribunal administratif de Lille est annulé, en tant qu'il a rejeté les conclusions dirigées contre le titre exécutoire n° 007521 du 16 octobre 2014 et celles tendant à la décharge de la société SFR fibre SAS du versement de la somme de 50 780,48 euros.

Article 2 : Le titre exécutoire n° 007521 du 16 octobre 2014 est annulé.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la société SFR fibre SAS est rejeté.

Article 4 : Les conclusions de la commune de Villeneuve-d'Ascq présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la société SFR Fibre SAS, à la commune de Villeneuve-d'Ascq et au directeur des finances publiques du département du Nord.

Copie en sera transmise pour information au préfet du Nord.

N°18DA01897 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 18DA01897
Date de la décision : 30/06/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Comptabilité publique et budget - Créances des collectivités publiques - Recouvrement - Procédure - État exécutoire.

Domaine - Domaine public - Régime - Occupation - Utilisations privatives du domaine - Redevances.

Procédure - Introduction de l'instance - Délais.


Composition du Tribunal
Président : Mme Rollet-Perraud
Rapporteur ?: M. Jean-Pierre Bouchut
Rapporteur public ?: M. Minet
Avocat(s) : FELDMAN

Origine de la décision
Date de l'import : 13/09/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2020-06-30;18da01897 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award