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25/06/2020 | FRANCE | N°18DA01333

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3ème chambre, 25 juin 2020, 18DA01333


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... C... a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 25 septembre 2015 par laquelle l'inspectrice du travail de la 9ème section de l'unité de contrôle 76-3 de Rouen a autorisé son licenciement pour inaptitude physique, ainsi que la décision implicite de rejet née du silence gardé par la ministre du travail sur son recours hiérarchique du 17 novembre 2015 et la décision explicite de rejet de ce recours intervenue le 17 mai 2016.

Par un jugement n

° 1601768 du 26 avril 2018, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa deman...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... C... a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 25 septembre 2015 par laquelle l'inspectrice du travail de la 9ème section de l'unité de contrôle 76-3 de Rouen a autorisé son licenciement pour inaptitude physique, ainsi que la décision implicite de rejet née du silence gardé par la ministre du travail sur son recours hiérarchique du 17 novembre 2015 et la décision explicite de rejet de ce recours intervenue le 17 mai 2016.

Par un jugement n° 1601768 du 26 avril 2018, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 29 juin 2018 et le 18 janvier 2019, M. C..., représenté par Me A... B..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 26 avril 2018 du tribunal administratif de Rouen ;

2°) d'annuler la décision du 25 septembre 2015 par laquelle l'inspectrice du travail de la 9° section de l'unité de contrôle 76-3 de Rouen a autorisé son licenciement, ainsi que la décision implicite de rejet née le 19 mars 2016 du silence gardé par la ministre du travail sur son recours hiérarchique du 17 novembre 2015 et la décision explicite de rejet de ce recours intervenue le 17 mai 2016 ;

3°) de mettre la somme de 2 000 euros à la charge de l'État sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du travail ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Jean-Jacques Gauthé, premier conseiller,

- les conclusions de M. Hervé Cassara, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. C..., qui est né le 11 juin 1981, est depuis le 1er février 2011 salarié dans l'établissement de Sotteville-les-Rouen (Seine-Maritime) de la SAS Asten, spécialisée dans le génie civil, l'étanchéité, la voirie et l'enveloppe du bâtiment. M. C... exerce les fonctions d'étancheur et détient le mandat de membre titulaire du comité d'entreprise pour le syndicat CGT depuis le 26 novembre 2014. A la suite d'un accident du travail, il a été déclaré inapte à ses fonctions par le médecin du travail lors de la première visite de reprise le 22 juin 2015 et inapte au poste d'étancheur lors de la seconde visite le 6 juillet 2015. M. C... relève appel du jugement du 26 avril 2018 par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du 25 septembre 2015 par laquelle l'inspectrice du travail de la 9 ème section de l'unité de contrôle 76-3 de Rouen a autorisé son licenciement pour inaptitude physique, ainsi que de la décision implicite de rejet née le 19 mars 2016 du silence gardé par la ministre du travail sur son recours hiérarchique et la décision explicite de rejet de ce recours intervenue le 17 mai 2016.

2. Dans le cas où la demande de licenciement d'un salarié protégé est motivée par l'inaptitude physique, il appartient à l'administration de s'assurer, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, que l'employeur a, conformément aux dispositions de l'article L. 1226-2 du code du travail, cherché à reclasser le salarié sur d'autres postes appropriés à ses capacités, le cas échéant par la mise en œuvre, dans l'entreprise, de mesures telles que mutations ou transformations de postes de travail ou aménagement du temps de travail. Le licenciement ne peut être autorisé que dans le cas où l'employeur n'a pu reclasser le salarié dans un emploi approprié à ses capacités au terme d'une recherche sérieuse, menée tant au sein de l'entreprise que dans les entreprises dont l'organisation, les activités ou le lieu d'exploitation permettent, en raison des relations qui existent avec elles, d'y effectuer la permutation de tout ou partie de son personnel.

3. Aux termes de l'article L. 1226-10 du code du travail, dans sa version alors en vigueur : " Lorsque, à l'issue des périodes de suspension du contrat de travail consécutives à un accident du travail ou à une maladie professionnelle, le salarié est déclaré inapte par le médecin du travail à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités. /Cette proposition prend en compte, après avis des délégués du personnel, les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur l'aptitude du salarié à exercer l'une des tâches existant dans l'entreprise. Dans les entreprises d'au moins cinquante salariés, le médecin du travail formule également des indications sur l'aptitude du salarié à bénéficier d'une formation destinée à lui proposer un poste adapté. /L'emploi proposé est aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en œuvre de mesures telles que mutations, transformations de postes ou aménagement du temps de travail ". Aux termes de l'article R. 2421-12 de ce code : " La décision de l'inspecteur du travail est motivée. / (...) "...

4. D'une part, il ne ressort pas des pièces du dossier et notamment des éléments communiqués par l'inspectrice du travail le 21 septembre 2015 à M. C..., lors de l'enquête contradictoire, que ceux-ci auraient porté sur les recherches de reclassement qui auraient été effectuées par la société Asten. Aucune autre pièce relative aux recherches de reclassement n'a en outre été remise à M. C... postérieurement à l'entretien du 21 septembre 2015, avant la décision du 25 septembre 2015. Par suite, en affirmant que " L'employeur a satisfait à ses obligations de recherche de reclassement du salarié au sein de sa société située à Sotteville-les-Rouen et plus généralement au sein des différentes directions du groupe Asten ", la décision contestée a méconnu le principe du contradictoire.

5. D'autre part, il ne ressort pas plus des pièces du dossier que l'information des délégués du personnel en vue de la réunion du 24 juillet 2015, destinée à donner l'avis prévu par les dispositions précitées du code du travail, ait été assurée en ce qui concerne les recherches de reclassement faites par l'employeur au moment de leur convocation. La seule " Information sur le non-reclassement possible suivant avis médical ", mention figurant dans l'avis rendu par les délégués du personnel ne peut suffire à démontrer que ces derniers ont été correctement informés des recherches de reclassement menées par l'employeur tant en interne qu'en externe, au sein du groupe.

6. Enfin, en cause d'appel, M. C..., qui avait déjà présenté un moyen de légalité externe devant les premiers juges, soulève un moyen tiré du défaut de motivation de la décision du 25 septembre 2015 de l'inspectrice du travail. En ne précisant ni la nature des postes proposés, ni en quoi les efforts de reclassement ont consisté, l'inspectrice du travail ne s'est pas prononcée sur la réalité des efforts de reclassement entrepris, alors qu'un tel élément de l'appréciation à laquelle l'administration doit se livrer, lorsqu'elle est saisie d'une demande d'autorisation de licenciement pour inaptitude physique, est au nombre des motifs qui doivent figurer dans sa décision. La décision contestée est dès lors entachée d'un défaut de motivation. Par suite, la décision du 25 septembre 2015 de l'inspectrice du travail de la 9 ème section de l'unité de contrôle 76-3 de Rouen doit être annulée.

Sur les conclusion d'annulation de la décision implicite de rejet du ministre :

7. La décision implicite du ministre du travail, née du 19 mars 2016, rejetant le recours hiérarchique de M. C... formé le 17 novembre 2015, a disparu, remplacée par la décision explicite du 17 mai 2016. Par suite, les conclusions dirigées contre cette décision implicite ne peuvent qu'être rejetées.

Sur les conclusion d'annulation de la décision de rejet du ministre du 17 mai 2016 :

8. La décision ministérielle du 17 mai 2016 confirmant la décision implicite de rejet, n'a pu, alors même qu'elle précisait la nature des postes que M. C... pouvait occuper et l'organisation des établissements et filiales du groupe Asten contactés en vue du reclassement de ce salarié dans un poste conforme aux prescriptions du médecin du travail, faire rétroactivement disparaître les illégalités affectant la décision de l'inspectrice du travail du 25 septembre 2015. Elle ne s'est pas davantage substituée à ladite décision qu'elle a, au contraire, confirmée. Dans ces conditions, la ministre était tenue d'annuler la décision illégale de l'inspectrice du travail. Faute de l'avoir fait, sa décision du 17 mai 2016 est elle-même entachée d'illégalité et doit être annulée.

9. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner la régularité du jugement, que M. C... est fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement du 26 avril 2018, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'État le versement à Me A... B..., conseil de M. C..., une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve qu'elle renonce à la part contributive de l'État à l'aide juridictionnelle.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du 26 avril 2018 du tribunal administratif de Rouen est annulé.

Article 2 : La décision du 25 septembre 2015 de l'inspecteur du travail autorisant le licenciement de M. C... et la décision explicite de rejet de ce recours intervenue le 17 mai 2016 sont annulées.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. C... est rejeté.

Article 4 : L'Etat versera à Me A... B..., conseil de M. C..., une somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve qu'elle renonce à percevoir la part contributive de l'État.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... C..., à Me A... B... et à la ministre du travail.

Copie sera adressée, pour information, à la société Asten et au directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi de Normandie.

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N°18DA01333

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N°"Numéro"


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 18DA01333
Date de la décision : 25/06/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

66-07-01 Travail et emploi. - Licenciements. - Autorisation administrative - Salariés protégés.


Composition du Tribunal
Président : M. Albertini
Rapporteur ?: M. Jean-Jacques Gauthé
Rapporteur public ?: M. Cassara
Avocat(s) : JOSEPH AGUERA et ASSOCIÉS

Origine de la décision
Date de l'import : 18/01/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2020-06-25;18da01333 ?
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