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23/06/2020 | FRANCE | N°19DA00892

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2e chambre - formation à 3 (ter), 23 juin 2020, 19DA00892


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... F... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler l'arrêté du 22 octobre 2018 par lequel le préfet du Nord a décidé de le remettre aux autorités italiennes responsables de l'examen de sa demande d'asile. M. F... a également demandé au tribunal d'enjoindre au préfet d'examiner à nouveau sa situation dans un délai de quinze jours à compter de la notification du jugement.

Par un jugement n° 1809633 du 8 novembre 2018, le magistrat désigné par le président du tribunal adminis

tratif de Lille a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requêt...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... F... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler l'arrêté du 22 octobre 2018 par lequel le préfet du Nord a décidé de le remettre aux autorités italiennes responsables de l'examen de sa demande d'asile. M. F... a également demandé au tribunal d'enjoindre au préfet d'examiner à nouveau sa situation dans un délai de quinze jours à compter de la notification du jugement.

Par un jugement n° 1809633 du 8 novembre 2018, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 15 avril 2019, M. F..., représenté par Me D... C..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet du Nord du 22 octobre 2018 ;

3°) d'enjoindre au préfet d'examiner à nouveau sa situation, dans un délai de quinze jours à compter de la notification du présent arrêt ;

4°) de mettre à la charge de l'État une somme de 1 500 euros à verser à son conseil en application de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée relative à l'aide juridique, sous réserve que cet avocat renonce au bénéfice de l'aide juridictionnelle.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le règlement (CE) n° 1560/2003 de la Commission du 2 septembre 2003 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 modifiée ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteuse publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de M. Aurélien Gloux-Saliou, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A... F..., de nationalité nigériane, a présenté le 21 septembre 2018 une demande d'asile au préfet du Nord, qui a décidé, par un arrêté du 22 octobre 2018, de remettre l'intéressé aux autorités italiennes reconnues responsables de l'examen de cette demande d'asile. M. F... interjette appel du jugement du 8 novembre 2018 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la légalité de l'arrêté du 22 octobre 2018 :

2. D'une part, il résulte de l'article 23 du règlement (UE) du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'État membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des États membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride que, lorsque l'autorité administrative saisie d'une demande de protection internationale estime, au vu de la consultation du fichier " Eurodac ", que l'examen de cette demande ne relève pas de la France, il lui appartient de saisir le ou les États qu'elle estime responsable de cet examen dans un délai maximum de deux mois à compter de la réception du résultat de cette consultation. À défaut de saisine dans ce délai, la France devient responsable de cette demande. Selon l'article 25 du même règlement, l'État requis dispose, dans cette hypothèse, d'un délai de deux semaines au-delà duquel, à défaut de réponse explicite à la saisine, il est réputé avoir accepté la reprise en charge du demandeur.

3. D'autre part, le règlement (CE) du 2 septembre 2003 modifié portant modalités d'application du règlement (CE) n° 343/2003 du Conseil établissant les critères et mécanismes de détermination de l'État membre responsable de l'examen d'une demande d'asile présentée dans l'un des États membres par un ressortissant d'un pays tiers, dans sa rédaction en vigueur à la date de l'arrêté contesté, a notamment créé un réseau de transmissions électroniques entre les États membres de l'Union européenne ainsi que l'Islande et la Norvège, dénommé " DubliNet ", afin de faciliter les échanges d'information entre les États, en particulier pour le traitement des requêtes de prise en charge ou de reprise en charge des demandeurs d'asile. Selon l'article 19 de ce règlement, chaque État dispose d'un unique " point d'accès national ", qui est responsable pour ce pays du traitement des données entrantes et de la transmission des données sortantes et délivre un accusé de réception à l'émetteur pour toute transmission entrante. Selon l'article 15 de ce règlement : " Les requêtes et les réponses, ainsi que toutes les correspondances écrites entre États membres visant à l'application du règlement (UE) n° 604/2013, sont, autant que possible, transmises via le réseau de communication électronique " DubliNet " établi au titre II du présent règlement (...). / 2. Toute requête, réponse ou correspondance émanant d'un point d'accès national (...) est réputée authentique. / 3. L'accusé de réception émis par le système fait foi de la transmission et de la date et de l'heure de réception de la requête ou de la réponse ". Le 2 de l'article 10 du même règlement précise que : " Lorsqu'il en est prié par l'Etat membre requérant, l'Etat membre responsable est tenu de confirmer, sans tarder et par écrit, qu'il reconnaît sa responsabilité résultant du dépassement du délai de réponse ".

4. En vertu de ces dispositions, lorsque le préfet est saisi d'une demande d'enregistrement d'une demande d'asile, il lui appartient, s'il estime après consultation du fichier Eurodac que la responsabilité de l'examen de cette demande d'asile incombe à un État membre autre que la France, de saisir la direction générale des étrangers en France du ministère de l'intérieur, qui gère le " point d'accès national " du réseau DubliNet pour la France. Les autorités de l'État regardé comme responsable sont alors saisies par le point d'accès français, qui archive les accusés de réception de ces demandes. Les demandes émanant des préfectures sont, en principe, transmises le jour même aux autorités des autres États membres si elles parviennent avant 16h30 au point d'accès national et le lendemain si elles y parviennent après cette heure.

5. Il résulte en outre des dispositions citées ci-dessus du règlement (CE) du 2 septembre 2003 que la production de l'accusé de réception émis, dans le cadre du réseau DubliNet, par le point d'accès national de l'État requis lorsqu'il reçoit une demande présentée par les autorités françaises établit l'existence et la date de cette demande et permet, en conséquence, de déterminer le point de départ du délai de deux semaines au terme duquel la demande de reprise est tenue pour implicitement acceptée. Pour autant, la production de cet accusé de réception ne constitue pas le seul moyen d'établir que les conditions mises à la reprise en charge du demandeur étaient effectivement remplies. Il appartient au juge administratif, lorsque l'accusé de réception n'est pas produit, de se prononcer au vu de l'ensemble des éléments qui ont été versés au débat contradictoire devant lui, par exemple du rapprochement des dates de consultation du fichier Eurodac et de saisine du point d'accès national français.

6. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier que, saisi d'une demande d'asile par M. F... le 21 septembre 2018, le préfet du Nord a demandé le même jour aux services centraux du ministère de l'intérieur de consulter le ficher " Eurodac ". Cette consultation ayant fait apparaître que l'examen de la demande d'asile du requérant relevait des autorités italiennes, le préfet a adressé le 25 septembre 2018 au point d'accès français du réseau " DubliNet " une demande de reprise en charge de M. F... par les autorités italiennes, comme en témoignent un courriel de la préfecture du Nord envoyé à cette date au point d'accès français ainsi que l'accusé de réception automatique de ce courriel par le point d'accès. En l'absence de réponse des autorités italiennes, le préfet établit, par la production d'un second courriel et de son accusé de réception automatique, avoir adressé le 16 octobre 2018 au point d'accès français du réseau " DubliNet " un constat d'accord implicite de l'Italie pour reprendre en charge M. F.... Au vu de ces éléments, alors que le requérant se borne à relever que le préfet n'a pas produit les accusés de réception par le point d'accès italien du réseau " DubliNet " de la demande de reprise en charge le concernant et du constat d'accord implicite de l'Italie, il ne peut être regardé comme établi que l'administration française n'aurait pas effectivement saisi les autorités italiennes d'une demande de reprise en charge dans le délai de deux mois à compter de la consultation du fichier Eurodac et que l'Italie n'aurait pas donné son accord implicite à la demande de la France. Le moyen tiré de ce qu'en décidant, par l'arrêté du 22 octobre 2018 litigieux, de le remettre aux autorités italiennes, le préfet du Nord aurait méconnu les articles 23 et 25 du règlement (UE) du 26 juin 2013 visé ci-dessus doit donc être écarté.

7. Il résulte de ce qui précède que M. F... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par son jugement du 8 novembre 2018, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet du Nord du 22 octobre 2018.

Sur l'injonction :

8. Le présent arrêt n'impliquant aucune mesure d'exécution, les conclusions à fin d'injonction présentées par M. F... doivent être rejetées.

Sur les frais de l'instance :

9. Les dispositions de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée relative à l'aide juridique font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'État, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme demandée par M. F... au bénéfice de son conseil.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. F... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... F..., au ministre de l'intérieur et à Me D... C....

Copie en sera adressée au préfet du Nord.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2e chambre - formation à 3 (ter)
Numéro d'arrêt : 19DA00892
Date de la décision : 23/06/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

095-02-03


Composition du Tribunal
Président : M. Sorin
Rapporteur ?: M. Aurélien Gloux-Saliou
Rapporteur public ?: Mme Leguin
Avocat(s) : CLEMENT

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2020-06-23;19da00892 ?
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