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16/06/2020 | FRANCE | N°19DA00929

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1ère chambre, 16 juin 2020, 19DA00929


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... B... a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler l'arrêté du 19 février 2019 par lequel la préfète de la Seine-Maritime, a décidé de le remettre aux autorités espagnoles, reconnues responsables de sa demande d'asile. M. B... a également demandé au tribunal d'enjoindre à la préfète d'enregistrer sa demande d'asile et de lui accorder une autorisation provisoire de séjour dans un délai de sept jours à compter de la notification du jugement, sous astreinte de 100 euros par jour de

retard.

Par un jugement n° 1900705 du 22 mars 2019, le magistrat désigné par l...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... B... a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler l'arrêté du 19 février 2019 par lequel la préfète de la Seine-Maritime, a décidé de le remettre aux autorités espagnoles, reconnues responsables de sa demande d'asile. M. B... a également demandé au tribunal d'enjoindre à la préfète d'enregistrer sa demande d'asile et de lui accorder une autorisation provisoire de séjour dans un délai de sept jours à compter de la notification du jugement, sous astreinte de 100 euros par jour de retard.

Par un jugement n° 1900705 du 22 mars 2019, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rouen a annulé l'arrêté du 19 février 2019 et enjoint à la préfète de statuer à nouveau sur la situation de M. B... dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée 19 avril 2019, le préfet de la Seine-Maritime demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Rouen du 22 mars 2019 ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. B... devant le tribunal.

Il soutient que les autorités françaises démontrent que l'Espagne a explicitement accepté de prendre en charge M. B....

Par un mémoire en défense, enregistré le 22 juillet 2019, M. D... B..., représenté par Me A... C..., conclut :

1°) au rejet de la requête ;

2°) à ce qu'il soit enjoint au préfet de la région Normandie, préfet de la Seine-Maritime, d'enregistrer sa demande d'asile dans un délai de sept jours à compter de la notification du présent arrêt, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

3°) à ce qu'une somme de 1 500 euros soit mise à la charge de l'Etat en application de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée relative à l'aide juridique, sous réserve que son avocate renonce au bénéfice de l'aide juridictionnelle.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des États membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée relative à l'aide juridique ;

- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif modifiée par les ordonnances n° 2020-405 du 8 avril 2020, n° 2020-427 du 15 avril 2020 et n° 2020-558 du 13 mai 2020 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de M. Aurélien Gloux-Saliou, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Entré en France en octobre 2018 selon ses déclarations, M. B..., de nationalité malienne, a demandé l'asile à l'autorité préfectorale le 20 décembre 2018. Le préfet de la région Normandie, préfet de la Seine-Maritime, interjette appel du jugement du 22 mars 2019 par lequel le tribunal administratif de Rouen a annulé l'arrêté du 19 février 2019 décidant la remise de M. B... aux autorités espagnoles, reconnues responsables de sa demande d'asile.

2. Le règlement n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 fixe, à ses articles 7 et suivants, les critères à mettre en oeuvre pour déterminer l'Etat membre de l'Union européenne responsable de l'examen d'une demande d'asile. La mise en oeuvre de ces critères peut conduire, le cas échéant, à une demande de prise ou de reprise en charge du demandeur, adressée par l'Etat membre dans lequel se trouve l'étranger, dénommé " Etat membre requérant ", à l'Etat membre que celui-ci estime responsable de l'examen de la demande d'asile ou " Etat membre requis ". En cas d'acceptation de ce dernier, l'Etat membre requérant prend, en vertu de l'article 26 du règlement, une décision de transfert, notifiée au demandeur, à l'encontre de laquelle celui-ci dispose d'un droit de recours, en vertu du paragraphe 1 de l'article 27 du règlement. Aux termes du paragraphe 3 du même article : " Aux fins des recours contre des décisions de transfert ou des demandes de révision de ces décisions, les Etats membres prévoient les dispositions suivantes dans leur droit national : / a) le recours ou la révision confère à la personne concernée le droit de rester dans l'Etat membre concerné en attendant l'issue de son recours ou de sa demande de révision (...) ". Aux termes du paragraphe 1 de l'article 29 du règlement, le transfert du demandeur vers l'Etat membre requis doit s'effectuer " dès qu'il est matériellement possible et, au plus tard, dans un délai de six mois à compter de l'acceptation par un autre Etat membre de la requête aux fins de la prise en charge ou de reprise en charge de la personne concernée ou de la décision définitive sur le recours ou la révision lorsque l'effet suspensif est accordé conformément à l'article 27, paragraphe 3 ". Aux termes du paragraphe 2 du même article : " Si le transfert n'est pas exécuté dans le délai de six mois, l'Etat membre responsable est libéré de son obligation de prendre en charge ou de reprendre en charge la personne concernée et la responsabilité est alors transférée à l'Etat membre requérant ".

3. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sous réserve du second alinéa de l'article L. 742-1, l'étranger dont l'examen de la demande d'asile relève de la responsabilité d'un autre Etat peut faire l'objet d'un transfert vers l'Etat responsable de cet examen ". Aux termes du I de l'article L. 742-4 du même code : " L'étranger qui a fait l'objet d'une décision de transfert mentionnée à l'article L. 742-3 peut, dans le délai de quinze jours à compter de la notification de cette décision, en demander l'annulation au président du tribunal administratif. / Le président ou le magistrat qu'il désigne à cette fin (...) statue dans un délai de quinze jours à compter de sa saisine (...) ". En vertu du II du même article, lorsque la décision de transfert est accompagnée d'un placement en rétention administrative ou d'une mesure d'assignation à résidence notifiée simultanément, l'étranger dispose d'un délai de 48 heures pour saisir le président du tribunal administratif d'un recours et ce dernier dispose d'un délai de 72 heures pour statuer. Aux termes du second alinéa de l'article L. 742-5 du même code : " La décision de transfert ne peut faire l'objet d'une exécution d'office ni avant l'expiration d'un délai de quinze jours ou, si une décision de placement en rétention prise en application de l'article L. 551-1 ou d'assignation à résidence prise en application de l'article L. 561-2 a été notifiée avec la décision de transfert, avant l'expiration d'un délai de quarante-huit heures, ni avant que le tribunal administratif ait statué, s'il a été saisi ". L'article L. 742-6 du même code prévoit que : " Si la décision de transfert est annulée, il est immédiatement mis fin aux mesures de surveillance prévues au livre V. L'autorité administrative statue à nouveau sur le cas de l'intéressé ".

4. Il résulte de la combinaison de ces dispositions que l'introduction d'un recours devant le tribunal administratif contre la décision de transfert a pour effet d'interrompre le délai de six mois fixé à l'article 29 du règlement (UE) n° 604/2013, qui courait à compter de l'acceptation du transfert par l'Etat requis, délai qui recommence à courir intégralement à compter de la date à laquelle le jugement du tribunal administratif statuant au principal sur cette demande a été notifié à l'administration, quel que soit le sens de sa décision. Ni un appel ni le sursis à exécution du jugement accordé par le juge d'appel sur une demande présentée en application de l'article R. 811-15 du code de justice administrative n'ont pour effet d'interrompre ce nouveau délai. Son expiration a pour conséquence qu'en application des dispositions du paragraphe 2 de l'article 29 du règlement, l'Etat requérant devient responsable de l'examen de la demande de protection internationale.

5. En l'espèce, la requête de M. B... devant le tribunal administratif de Rouen a interrompu le délai de six mois fixé à l'article 29 du règlement (UE) n° 604/2013, qui courait à compter de l'acceptation du transfert par l'Espagne. Ce délai a recommencé à courir à compter du 28 mars 2019, date de la notification au préfet de la Seine-Maritime, du jugement du tribunal et n'a pas été interrompu par l'appel du préfet devant la cour. La France est donc devenue responsable de l'examen de la demande de protection de M. B... et le litige est dépourvu d'objet. Par suite, il n'y a pas lieu de statuer sur la requête du préfet.

6. Le présent arrêt n'impliquant aucune mesure d'exécution, les conclusions à fin d'injonction présentées par M. B... doivent être rejetées.

7. Il y a lieu, en application de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée relative à l'aide juridique, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 700 euros au titre des frais exposés par M. B... en cours d'instance, sous réserve que son avocate renonce au bénéfice de l'aide juridictionnelle.

DÉCIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête du préfet de la Seine-Maritime.

Article 2 : L'Etat versera au conseil de M. B... une somme de 700 euros, en application de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée relative à l'aide juridique, sous réserve que cette avocate renonce au bénéfice de l'aide juridictionnelle.

Article 3 : Le surplus des conclusions présentées en appel par M. B... est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur, à M. D... B... et à Me A... C....

Copie en sera transmise pour information au préfet de la Seine-Maritime.

N°19DA00929 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 19DA00929
Date de la décision : 16/06/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

095-02


Composition du Tribunal
Président : M. Boulanger
Rapporteur ?: M. Aurélien Gloux-Saliou
Rapporteur public ?: M. Minet
Avocat(s) : SELARL MADELINE-LEPRINCE-MAHIEU

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2020-06-16;19da00929 ?
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