La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

16/06/2020 | FRANCE | N°18DA01832

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1ère chambre, 16 juin 2020, 18DA01832


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Dreyjomany a demandé au tribunal administratif de Rouen de constater le retrait et de prononcer l'annulation de l'arrêté du 17 juin 2016 par lequel le maire d'Isneauville a accordé un permis d'aménager à la société BL PROM ainsi que de la décision du 23 septembre 2016 rejetant le recours gracieux présenté contre cet arrêté.

Par un jugement n° 1603813 du 26 juin 2018, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requê

te et deux mémoires, enregistrés les 3 septembre 2018, 27 janvier 2020 et 25 mai 2020, la société D...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Dreyjomany a demandé au tribunal administratif de Rouen de constater le retrait et de prononcer l'annulation de l'arrêté du 17 juin 2016 par lequel le maire d'Isneauville a accordé un permis d'aménager à la société BL PROM ainsi que de la décision du 23 septembre 2016 rejetant le recours gracieux présenté contre cet arrêté.

Par un jugement n° 1603813 du 26 juin 2018, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et deux mémoires, enregistrés les 3 septembre 2018, 27 janvier 2020 et 25 mai 2020, la société Dreyjomany, représentée par Me A... B..., demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Rouen du 26 juin 2018 ;

2°) d'écarter comme irrecevables les mémoires en défense de la société BL PROM ;

3°) d'annuler l'arrêté du 17 juin 2016 par lequel le maire d'Isneauville a accordé un permis d'aménager à la société BL PROM ainsi que la décision du 23 septembre 2016 rejetant le recours gracieux présenté contre cet arrêté ;

4°) de mettre à la charge de la commune d'Isneauville et de la société BL PROM chacune une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

----------------------------------------------------------------------------------------------------------

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif modifiée par les ordonnances n° 2020-405 du 8 avril 2020, n° 2020-427 du 15 avril 2020 et n° 2020-558 du 13 mai 2020 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Aurélien Gloux-Saliou, premier conseiller,

- et les conclusions de M. Charles-Edouard Minet, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 17 juin 2016, le maire d'Isneauville a accordé à la société BL PROM un permis d'aménager douze lots à bâtir sur la parcelle cadastrée n° AH 262 située rue du Mesnil. La société Dreyjomany interjette appel du jugement du 26 juin 2018 par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à ce que soit constaté le retrait de ce permis, à ce qu'il soit annulé ainsi que la décision du 23 septembre 2016 rejetant son recours gracieux et à ce que les mémoires en défense de la société BL PROM soient déclarés irrecevables et écartés des débats.

Sur la régularité du jugement du 26 juin 2018 :

2. À l'appui de sa demande présentée devant le tribunal administratif de Rouen, la société Dreyjomany a notamment soutenu que la société BL PROM n'avait pas qualité lui donnant intérêt pour défendre l'existence et la légalité du permis d'aménager qui lui avait été accordé par le maire d'Isneauville. Le tribunal administratif ne s'est pas prononcé sur ce moyen, d'ailleurs non analysé dans ses visas, alors qu'il n'était pas inopérant au soutien de la fin de non-recevoir, également demeurée sans analyse ni réponse, que la société Dreyjomany avait soulevée à l'encontre des écritures en défense de la société BL PROM. Par suite, le jugement du tribunal doit être annulé.

3. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par la société Dreyjomany devant le tribunal administratif de Rouen.

Sur la recevabilité des mémoires en défense de la société BL PROM :

4. Si un nouveau permis d'aménager sur le même terrain a été obtenu le 27 novembre 2019 par la société Global Beciani Investissement, devenue propriétaire du terrain le 1er mars 2018, cette autorisation, accordée à une société distincte de la bénéficiaire du permis attaqué, n'a pu avoir pour effet de rapporter implicitement celui-ci. En outre, bien qu'il ressorte des pièces du dossier que la société BL PROM a elle-même demandé le 20 mai 2020 au maire d'Isneauville de retirer le permis dont elle était bénéficiaire, un tel retrait, même prononcé par le maire, ne présente pas un caractère définitif à la date du présent arrêt. La société Dreyjomany n'est donc pas fondée à soutenir que la société BL PROM n'aurait pas qualité lui donnant intérêt pour défendre dans la présente instance, faute d'être demeurée titulaire du permis d'aménager du 17 juin 2016. Par suite, la fin de non-recevoir opposée par la société Dreyjomany doit être écartée.

Sur les conclusions tendant à ce que soit constaté le retrait du permis d'aménager du 17 juin 2016 :

5. Il résulte de ce qui a été dit au point 4 du présent arrêt que le permis d'aménager accordé à la société BL PROM le 17 juin 2016 n'a pas été définitivement retiré à la date du présent arrêt. Par suite, les conclusions présentées par la société Dreyjomany tendant au constat d'un tel retrait, à supposer qu'elles puissent être requalifiées comme tendant à ce que la cour déclare qu'il n'y a pas lieu de statuer sur le présent litige, doivent être rejetées.

Sur la légalité du permis d'aménager du 17 juin 2016 :

6. En premier lieu, aux termes de l'article R. 441-3 du code de l'urbanisme : " Le projet d'aménagement comprend une notice précisant : / 1° L'état initial du terrain et de ses abords et indiquant, s'il y a lieu, les constructions, la végétation et les éléments paysagers existants ; / 2° Les partis retenus pour assurer l'insertion du projet dans son environnement et la prise en compte des paysages, faisant apparaître, en fonction des caractéristiques du projet : / a) L'aménagement du terrain, en indiquant ce qui est modifié ou supprimé ; / b) La composition et l'organisation du projet, la prise en compte des constructions ou paysages avoisinants, le traitement minéral et végétal des voies et espaces publics et collectifs et les solutions retenues pour le stationnement des véhicules ; / c) L'organisation et l'aménagement des accès au projet ; / d) Le traitement des parties du terrain situées en limite du projet ; / e) Les équipements à usage collectif et notamment ceux liés à la collecte des déchets ". En outre, aux termes de l'article R.* 441-4 du même code : " Le projet d'aménagement comprend également : / 1° Un plan de l'état actuel du terrain à aménager et de ses abords faisant apparaître les constructions et les plantations existantes, les équipements publics qui desservent le terrain, ainsi que, dans le cas où la demande ne concerne pas la totalité de l'unité foncière, la partie de celle-ci qui n'est pas incluse dans le projet d'aménagement ; / 2° Un plan coté dans les trois dimensions faisant apparaître la composition d'ensemble du projet et les plantations à conserver ou à créer ". Les insuffisances ou omissions entachant un dossier de demande de permis d'aménager ne sont, en principe, susceptibles de vicier la décision prise, compte tenu des autres pièces figurant dans ce dossier, que si elles ont été de nature à affecter l'appréciation à laquelle se sont livrées les autorités chargées de l'examen de cette demande.

7. En l'espèce, la notice descriptive contenue dans le dossier de demande de permis d'aménager présenté par la société BL PROM décrit notamment l'état du terrain devant accueillir le projet, son environnement bâti ainsi que naturel, les aménagements devant être réalisés pour évacuer les eaux pluviales et la manière dont les limites de chaque lot devraient être plantées de haies. En outre, plusieurs plans, tels que le plan parcellaire ou le plan des réseaux divers, font apparaître l'organisation des accès au projet et d'autres, tel que le plan d'assainissement des eaux pluviales et des eaux usées, illustrent la manière dont ces eaux devraient être gérées. La société Dreyjomany ne peut donc sérieusement soutenir que le dossier de demande de permis aurait été incomplet, faute de comporter ces informations. Par suite, le moyen doit être écarté.

8. En deuxième lieu, en vertu de l'article A. 424-8 du code de l'urbanisme, le permis d'aménager est accordé sous réserve du droit des tiers. La société Dreyjomany ne peut donc utilement critiquer la circonstance, à la supposer établie, que le permis attaqué prévoirait le passage sur sa propriété de canalisations raccordant un bassin de rétention des eaux pluviales au réseau public sans que des servitudes aient été instituées.

9. En troisième lieu, les lotissements, qui constituent des opérations d'aménagement ayant pour but l'implantation de constructions, doivent respecter les règles tendant à la maîtrise de l'occupation des sols édictées par le code de l'urbanisme ou les documents locaux d'urbanisme, même s'ils n'ont pour objet ou pour effet, à un stade où il n'existe pas encore de projet concret de construction, que de permettre le détachement d'un lot d'une unité foncière. Il appartient, en conséquence, à l'autorité compétente de refuser le permis d'aménager sollicité notamment lorsque, compte tenu de ses caractéristiques telles qu'elles ressortent des pièces du dossier qui lui est soumis, un projet de lotissement permet l'implantation de constructions dont la compatibilité avec les règles d'urbanisme ne pourra être ultérieurement assurée lors de la délivrance des autorisations d'urbanisme requises.

10. Aux termes de l'article UB 3 du règlement du plan local d'urbanisme de la commune d'Isneauville, intitulé : " Conditions de desserte des terrains par les voies publiques ou privées " : " 3.1 Accès / (...) 3.1.2 Toute construction ou installation doit être desservie par une voie publique ou privée, rue, chemin ou impasse dont les caractéristiques correspondent à sa destination, défense contre l'incendie, protection civile, collecte des ordures ménagères, etc., conformément aux prescriptions techniques imposées par les services concernés (...) / 3.1.4 La destination et l'importance des constructions ou installations nouvelles, doivent être compatibles avec la capacité de la voie publique qui les dessert directement ou par laquelle elles ont accès (...) / 3.2 Voirie / (...) 3.2.3 Les dimensions, formes et caractéristiques techniques des voies publiques ou privées doivent être adaptées aux usages qu'elles supportent ou aux opérations qu'elles doivent desservir et permettre le stationnement sur l'un des côtés de la voie tout en favorisant les circulations douces (...) ".

11. Le projet, qui porte sur douze lots à bâtir, prévoit l'aménagement d'une voie de circulation à double sens à l'intérieur du lotissement, d'une largeur variant entre 3,5 et 4,5 mètres. Si la société Dreyjomany soutient que cette voie interne ne saurait, contrairement à ce que prévoit le permis, être reliée à l'impasse du Mesnil, dont le tracé et l'étroitesse ne permettent pas une circulation en double sens adaptée au trafic suscité par les douze futurs lots, il ressort des pièces du dossier que l'impasse du Mesnil ne pourrait, en cas de réalisation du projet, être empruntée que dans un sens, à titre de voie de desserte secondaire pour les usagers souhaitant sortir du lotissement, tandis que l'accès principal s'effectuerait à double sens depuis la route départementale n° 47. Si la société Dreyjomany soutient également que les véhicules de collecte des déchets nécessitent une voie de circulation d'une largeur minimale de 3 mètres, la voie interne prévue, empruntable en double sens, respecte cette dimension. Au surplus, le service des déchets ménagers de la métropole Rouen Normandie, qui a émis un avis favorable au projet le 18 février 2016, a indiqué dans cet avis qu'au cas où la voirie ne permettrait pas d'assurer un service de collecte de porte à porte, un point de présentation des déchets pourrait être créé à l'entrée du lotissement. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article UB 3 précité doit être écarté.

12. Aux termes de l'article UB 4 du règlement annexé au plan local d'urbanisme, intitulé : " Conditions de desserte des terrains par les réseaux publics " : " (...) 4.3 Assainissement eaux pluviales / 4.3.1 Pour toute nouvelle construction, une gestion intégrée des eaux pluviales à la parcelle ou à l'échelle d'une opération groupée est à prévoir pour limiter les ruissellements vers les fonds. / Avant rejet, les eaux pluviales doivent être régulées par des dispositifs adaptés (bâche de stockage-régulation, drains d'infiltration...). Sauf impossibilité technique, l'infiltration des eaux doit être privilégiée. / Dans l'attente du zonage pluvial réglementaire, les dispositifs correspondants doivent être dimensionnés sur la base au minimum des événements pluviométriques vicennaux et le débit rejeté doit être limité au maximum à 10 L/s/ha (...) ".

13. Il ressort des pièces du dossier, notamment de la notice descriptive et de la notice hydraulique incluses dans la demande de permis, que les eaux pluviales tombées sur la voirie seraient, en cas de réalisation du projet, conduites par un système de noues et de canalisations enterrées vers des bassins de rétention à un débit de 2 L/s/ha, tandis que les précipitations tombées sur chacun des lots devraient être tamponnées sur les parcelles au moyen de tranchées d'infiltration. Si le syndicat mixte du schéma d'aménagement et de gestion de l'eau, dans son avis du 17 juin 2016, ne s'est pas estimé en mesure, en l'état du dossier, de garantir le bon dimensionnement et le bon fonctionnement des ouvrages des eaux pluviales, il ressort des termes mêmes du permis attaqué, en l'occurrence de son article 11, que l'autorisation d'aménager n'a été accordée que sous réserve du respect des prescriptions émises par le syndicat mixte dans son avis afin de garantir la conformité du projet au règlement du schéma d'aménagement et de gestion de l'eau. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article UB 4 précité doit être écarté.

14. Aux termes de l'article UB 12 du même règlement, intitulé : " Aires de stationnement " : " (...) 12.2 Les aires de stationnement sont notamment exigées à raison d'un minimum de : / habitation : 2 places par logement (...) ".

15. Si la société Dreyjomany soutient que le projet n'apporte aucune précision sur les places de stationnement créées pour chaque logement prévu, il ne ressort d'aucune pièce du dossier qu'en ne mentionnant pas cette information, le permis d'aménager ne permettrait pas la création des places requises par l'article UB 12 du plan local d'urbanisme lors de la délivrance des autorisations de construire ultérieures. Le moyen tiré de la méconnaissance de cet article doit donc être écarté.

16. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les fins de non-recevoir opposées par la commune d'Isneauville et par la société BL PROM, que la société Dreyjomany n'est pas fondée à demander l'annulation du permis d'aménager du 17 juin 2016 ni, par voie de conséquence, celle de la décision du 23 septembre 2016 rejetant le recours gracieux présenté contre ce permis. Il n'y a dès lors pas lieu de mettre en oeuvre les dispositions des articles L. 600-5 et L. 600-5-1 du code de l'urbanisme, en réponse aux conclusions de la société BL PROM en ce sens.

Sur les frais de l'instance :

17. Il y a lieu, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de la société Dreyjomany une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés en cours d'instance par la société BL PROM. Ce même article fait en revanche obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de la société BL PROM ou de la commune d'Isneauville, qui ne sont pas les parties perdantes au cours de la présente instance, au titre des frais exposés par la société Dreyjomany.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1603813 du tribunal administratif de Rouen du 26 juin 2018 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par la société Dreyjomany devant le tribunal administratif de Rouen est rejetée.

Article 3 : La société Dreyjomany versera à la société BL PROM une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la société BL PROM est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la société Dreyjomany, à la société BL PROM et à la commune d'Isneauville.

No18DA01832 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 18DA01832
Date de la décision : 16/06/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-02-04 Urbanisme et aménagement du territoire. Procédures d'intervention foncière. Lotissements.


Composition du Tribunal
Président : M. Boulanger
Rapporteur ?: M. Aurélien Gloux-Saliou
Rapporteur public ?: M. Minet
Avocat(s) : MASSON

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2020-06-16;18da01832 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award