Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. D... F... a demandé au tribunal administratif de Lille de condamner la commune de Camiers à lui verser la somme de 163 374,85 euros assortie des intérêts au taux légal à compter du 23 juillet 2014 en réparation des faits de harcèlement moral qu'il estime avoir subis de mars 2008 à mars 2014 et d'annuler l'arrêté du 18 décembre 2014 par lequel le maire de Camiers lui a opposé la prescription quadriennale.
Par un jugement n° 1407011 du 13 décembre 2017, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 26 janvier 2018 et le 19 juin 2018, M. F..., représenté par Me G... E..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 13 décembre 2017 du tribunal administratif de Lille ;
2°) d'annuler l'arrêté du 18 décembre 2014 par lequel le maire de Camiers lui a opposé la prescription quadriennale ;
3°) de condamner la commune de Camiers à lui verser la somme de 164 650,23 euros assortie des intérêts au taux légal à compter du 23 juillet 2014 et capitalisé à compter du 23 juillet 2015 en réparation des faits de harcèlement moral qu'il estime avoir subi de mars 2008 à mars 2014 ;
4°) de mettre la somme de 2 000 euros à la charge de la commune de Camiers sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
- le décret n° 99-1039 du 10 décembre 1999 ;
- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Jean-Jacques Gauthé, premier conseiller,
- les conclusions de M. Hervé Cassara, rapporteur public,
- et les observations de Me G... E..., représentant M. F... et de Me A... C..., substituant Me G... B... représentant la commune de Camiers.
Considérant ce qui suit :
1. M. D... F... qui est né le 17 janvier 1982 est gardien de police municipale à Camiers (Pas-de-Calais). Il relève appel du jugement du 13 décembre 2017 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 18 décembre 2014 par lequel le maire de Camiers lui a opposé la prescription quadriennale et au versement de la somme de 163 374,85 euros assortie des intérêts au taux légal à compter du 23 juillet 2014 en réparation des faits de harcèlement moral qu'il estime avoir subi de mars 2008 à mars 2014.
Sur la régularité du jugement :
2. ll ressort des pièces du dossier que le jugement attaqué a été signé conformément aux prescriptions de l'article R. 741-7 du code de justice administrative. La circonstance que l'ampliation du jugement qui a été notifiée à M. F... ne comporte pas ces signatures est sans incidence sur la régularité de ce jugement.
Sur le bien-fondé du jugement :
3. D'une part, il appartient à un agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral, de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement. Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement ; que la conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile. D'autre part, pour apprécier si des agissements dont il est allégué qu'ils sont constitutifs d'un harcèlement moral et revêtent un tel caractère, le juge administratif doit tenir compte des comportements respectifs de l'agent auquel il est reproché d'avoir exercé de tels agissements et de l'agent qui estime avoir été victime d'un harcèlement moral. En revanche, la nature même des agissements en cause exclut, lorsque l'existence d'un harcèlement moral est établie, qu'il puisse être tenu compte du comportement de l'agent qui en a été victime pour atténuer les conséquences dommageables qui en ont résulté pour lui. Le préjudice résultant de ces agissements pour l'agent victime doit alors être intégralement réparé.
4. Il ressort des pièces du dossier que les relations entre M. F..., unique agent de police municipale de Camiers, et les élus de cette commune ont été très mauvaises durant le mandat de la municipalité mars 2008 - mars 2014. M. F... a été placé en congé maladie ordinaire imputable au service pour syndrome anxio-dépressif du 15 juillet 2009 au 2 novembre 2010, puis en congé de longue maladie imputable au service du 3 novembre 2010 au 2 novembre 2011, puis en congé de longue durée imputable au service à compter du 3 novembre 2011 jusqu'au 2 février 2013. Il est par ailleurs constant que M. F... a été insulté le 15 mai 2009 par l'un des adjoints au maire de Camiers. Celui-ci a été pénalement condamné à 800 euros d'amende avec sursis par le tribunal correctionnel de Boulogne-sur-Mer le 20 mars 2012 pour outrage sur une personne dépositaire de l'autorité publique et à 200 euros de dommages et intérêts. Suite à l'appel de M. F... sur le seul montant des dommages et intérêts, par un arrêt du 16 octobre 2014 de la cour d'appel de Douai, la condamnation civile a été portée à 500 euros pour l'adjoint au maire et à 1 000 euros pour le maire de Camiers pour avoir ouvert le courrier destiné à M. F... et pour avoir tardé à lui communiqué son dossier administratif.
5. Si M. F... soutient qu'il a été victime de harcèlement moral de mars 2008 à mars 2014, il est toutefois constant, d'une part, que les deux élus condamnés civilement ainsi qu'un autre adjoint au maire de Camiers ont tous été relaxés des poursuites pénales pour harcèlement moral. D'autre part, il ressort des termes mêmes de l'arrêt précité de la cour d'appel de Douai que le maire de Camiers avait l'habitude d'ouvrir le courrier qui arrivait en mairie, y compris le courrier des agents communaux et celui de ses adjoints. M. F... ne peut dès lors soutenir qu'il était personnellement visé par cette décision. Par ailleurs, ainsi que l'a jugé le tribunal administratif de Lille dans son jugement n° 1101835 du 11 décembre 2012 passé en force de chose jugée, l'abaissement en 2010 du taux d'indemnité spéciale de fonctions de M. F... était uniquement lié à sa manière de servir et ne constituait pas une sanction disciplinaire déguisée. M. F... ne peut également sérieusement soutenir que les contrôles médicaux effectués dans le cadre de ses arrêts de travail ou que la lettre du 4 janvier 2010 par laquelle le maire regrettait sa non-participation à l'arbre de Noël du personnel communal constitueraient des ingérences inadmissibles dans sa vie privée. Enfin, le juge pénal dont les constations de fait s'imposent au juge administratif a écarté comme non fondées les allégations de M. F... concernant l'interdiction de parler à l'ancien maire, les menaces du maire dCamiers de ne pas le titulariser, le refus de ce dernier de ne pas écouter son avis sur un point d'organisation du championnat de France de char à voile ou sur le retard à lui changer le pantalon de sa tenue de policier municipal.
6. Cependant, le comportement de la commune de Camiers ne peut être apprécié sans tenir compte de l'attitude de M. F.... Ainsi, l'avertissement infligé le 8 juillet 2009 l'a été pour la non-exécution d'une tâche urgente. Si par ailleurs, le requérant, sapeur-pompier volontaire au centre de secours de Marquise, soutient qu'il a été victime le 16 mai 2011 d'une dénonciation du maire de Camiers auprès du service départemental d'incendie et de secours du Pas-de-Calais, à cette date, M. F... était en congé maladie. En vertu de l'article 42 du décret n° 99-1039 du 10 décembre 1999 relatif aux sapeurs-pompiers volontaires, alors en vigueur, pendant la durée de l'arrêt de travail, le sapeur-pompier volontaire ne peut, quelle qu'en soit la cause, participer à l'activité du service, le requérant ne pouvant sérieusement soutenir que cette activité physique chez les pompiers serait bonne pour lui dans son épisode de dépression.
7. Il ressort également du jugement n° 1102213 du 11 décembre 2012 du tribunal administratif de Lille passé en force de chose jugée qu'à la suite de l'absence irrégulière de M. F..., du 9 au 12 février 2011, le maire de Camiers a pu légalement effectuer une retenue de trois jours de traitement pour absence de service fait.
8. Les mesures prises par la commune de Camiers à l'encontre de M. F... n'ont pas excédé les prérogatives normales de l'autorité hiérarchique, ainsi que l'a déjà jugé le tribunal administratif de Lille dans son jugement n° 1203931-1204445 du 2 avril 2013 reconnaissant l'imputabilité au service de l'affection du requérant. Ainsi que l'a jugé à bon droit le tribunal administratif de Lille dans son jugement attaqué, M. F..., qui a vécu sur un mode victimaire les difficultés auxquelles il a été confronté dans l'exercice de son activité professionnelle, n'apporte pas d'éléments suffisamment probants pour permettre de regarder comme au moins plausible le harcèlement moral dont il se prétend victime.
9. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner l'exception de prescription soulevée par la commune de Camiers, que M. F... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement du 13 décembre 2017, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. F... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... F... et à la commune de Camiers.
Copie sera adressée pour information au préfet du Pas-de-Calais.
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N°18DA00208
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