Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... M'D... a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 21 mars 2019 par lequel le préfet de l'Eure a rejeté sa demande de titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.
Par un jugement n° 1901432 du 10 septembre 2019, le tribunal administratif de Rouen a annulé l'arrêté du 21 mars 2019 et enjoint au préfet de l'Eure de délivrer à Mme M'D... une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ".
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 13 septembre 2019, le préfet de l'Eure demande à la cour d'annuler ce jugement.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- l'article 12 de l'ordonnance n° 2020-305 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif modifiée par les ordonnances n° 2020-405 du 8 avril 2020, n° 2020-427 du 15 avril 2020 et n° 2020-558 du 13 mai 2020 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Claire Rollet-Perraud, président-assesseur, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme M'D..., ressortissante congolaise (République du Congo), née le 21 avril 1990, est entrée en France le 14 juin 2015 sous couvert d'un visa de court-séjour. Le préfet de l'Eure a, par un arrêté du 21 mars 2019, rejeté sa demande de titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français et a fixé le pays à destination duquel elle pourrait être reconduite. Il relève appel du jugement du 10 septembre 2019 par lequel le tribunal administratif de Rouen a annulé cet arrêté et doit être regardé comme demandant à la cour de rejeter la demande présentée par Mme M'D... en première instance.
Sur la régularité du jugement :
2. Il ressort du jugement attaqué que le tribunal administratif de Rouen a répondu au moyen soulevé devant lui tiré de la méconnaissance des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en prenant en considération les éléments soumis à son appréciation relatifs à la situation familiale de la requérante. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisante motivation du jugement manque en fait.
Sur le bien-fondé du jugement :
3. Aux termes de l'article L. 313-11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : / (...) / 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ".
4. Il ressort des pièces du dossier que Mme M'D..., entrée en France en juillet 2015, est mère d'un premier enfant, issu d'une précédente union avec un ressortissant français dont il n'est pas établi toutefois qu'il participerait à son éducation et à son entretien. Par ailleurs, Mme M'D... justifie vivre avec M. C..., ressortissant congolais, titulaire d'une carte de résident de 10 ans et père de son deuxième enfant né le 4 juin 2018 et avec lequel elle a conclu un pacte civil de solidarité le 19 octobre 2018. Il résulte de l'analyse documentaire du 11 février 2019, exercée par la police aux frontières sur le passeport de M. C... que la durée de validité de ce titre a été falsifiée. Toutefois, il ne ressort pas des pièces du dossier que son titre de séjour lui aurait été retiré. Enfin, la mère de l'intéressée réside régulièrement en France ainsi que son frère qui est étudiant. Dans ces conditions, les premiers juges ont à bon droit jugé que la décision du préfet de l'Eure de refuser la délivrance d'un titre de séjour à l'intéressée porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale et méconnu les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
5. Il résulte de ce qui précède que le préfet de l'Eure n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par sa décision du 10 septembre 2019, le tribunal administratif de Rouen a annulé l'arrêté du 21 mars 2019 rejetant la demande de titre de séjour Mme M'D..., lui faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination.
Sur les frais liés au litige :
6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me A... E... d'une somme de 800 euros sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve qu'il renonce à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête du préfet de l'Eure est rejetée.
Article 2 : L'Etat versera à Me A... E... une somme de 800 euros en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve qu'il renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... M'D..., au ministre de l'intérieur et à Me A... E....
Copie en sera transmise pour information au préfet de l'Eure.
N°19DA02157 2