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02/06/2020 | FRANCE | N°19DA01931

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1ère chambre, 02 juin 2020, 19DA01931


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. G... F... a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler l'arrêté du 8 avril 2019 par lequel la préfète de la région Normandie, préfète de la Seine-Maritime, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours à compter de la notification de l'arrêté et a fixé son pays d'origine comme pays de destination. M. F... a également demandé au tribunal d'enjoindre au préfet d'examiner à nouveau sa situation dans un délai d'un mois à compter de la notification du juge

ment, sous astreinte de 100 euros par jour de retard.

Par un jugement n° 1901495 du...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. G... F... a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler l'arrêté du 8 avril 2019 par lequel la préfète de la région Normandie, préfète de la Seine-Maritime, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours à compter de la notification de l'arrêté et a fixé son pays d'origine comme pays de destination. M. F... a également demandé au tribunal d'enjoindre au préfet d'examiner à nouveau sa situation dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement, sous astreinte de 100 euros par jour de retard.

Par un jugement n° 1901495 du 11 juin 2019, le tribunal administratif de Rouen a rejeté la demande de M. F....

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 16 août 2019, M. F..., représenté par Me D... I..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Rouen du 11 juin 2019 ;

2°) d'annuler l'arrêté de la préfète de la région Normandie, préfète de la Seine-Maritime, du 8 avril 2019 ;

3°) d'enjoindre au préfet d'examiner à nouveau sa situation dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat, sous réserve que son avocat renonce au bénéfice de l'aide juridictionnelle, une somme de 2 000 euros en application de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée relative à l'aide juridique.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée relative à l'aide juridique ;

- l'article 12 de l'ordonnance n° 2020-305 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif modifiée par les ordonnances n° 2020-405 du 8 avril 2020, n° 2020-427 du 15 avril 2020 et n° 2020-558 du 13 mai 2020 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de M. Aurélien Gloux-Saliou, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 8 avril 2019, la préfète de la région Normandie, préfète de la Seine-Maritime, a obligé M. F..., ressortissant marocain, à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays d'origine de l'intéressé comme pays de destination. M. F... interjette appel du jugement du 11 juin 2019 par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté.

Sur la légalité de l'arrêté du 8 avril 2019 :

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

2. Aux termes du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne (...) lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : / 1° Si l'étranger ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité (...) / Pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, l'étranger rejoint le pays dont il possède la nationalité ou tout autre pays non membre de l'Union européenne avec lequel ne s'applique pas l'acquis de Schengen où il est légalement admissible (...) ".

3. En premier lieu, par un arrêté n° 19-05 du 18 janvier 2019, publié le même jour au recueil des actes administratifs spéciaux de la préfecture de la Seine-Maritime, la préfète, Mme H... C..., a donné délégation à Mme B... A..., adjointe au chef du bureau de l'éloignement, à l'effet de signer notamment les mesures d'éloignement prises à l'encontre des étrangers. Si, par un décret du 27 mars 2019, Mme C... a été nommée préfète de la région Aquitaine, préfète de la Gironde, et que son successeur à la préfecture de la Seine-Maritime, M. J... E..., a été nommé par un décret du 1er avril 2019, l'installation de Mme C... à Bordeaux n'a eu lieu que le 15 avril 2019 et celle de M. E... à Rouen que le 23 avril suivant. Par ailleurs, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'autorité supérieure ait invité Mme C... à cesser, avant son installation dans la Gironde, les fonctions qu'elle exerçait précédemment dans la Seine-Maritime. Dès lors, contrairement à ce que soutient M. F..., la délégation dont bénéficiait Mme A... pour signer l'arrêté litigieux du 8 avril 2019 n'était pas devenu caduque à cette date. Le moyen tiré de l'incompétence de la signataire de la décision attaquée doit donc être écarté.

4. En deuxième lieu, l'arrêté du 8 avril 2019, qui n'avait pas à mentionner toutes les attaches familiales de M. F... en France, contrairement à ce que celui-ci soutient, énonce les considérations de droit et de fait sur lesquelles il est fondé. Le moyen tiré de l'insuffisance de sa motivation doit donc être écarté.

5. En troisième lieu, si M. F... soutient que l'arrêté en litige n'a pas été pris au terme d'une procédure contradictoire, il n'apporte aucune précision permettant d'apprécier le bien-fondé de ce moyen, alors qu'il ressort des pièces du dossier qu'il a été entendu par la police le 28 mars 2019 et s'est vu retenir son passeport à la fin de cet entretien tout en étant invité à s'adresser à la préfecture de la Seine-Maritime pour tout renseignement concernant la restitution de ce document.

6. En quatrième lieu, aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger auquel il est fait obligation de quitter le territoire français dispose d'un délai de départ volontaire de trente jours à compter de la notification de l'obligation de quitter le territoire français. L'autorité administrative peut accorder, à titre exceptionnel, un délai de départ volontaire supérieur à trente jours s'il apparaît nécessaire de tenir compte de circonstances propres à chaque cas (...) ".

7. Il ne ressort pas des pièces du dossier, contrairement à ce que soutient M. F..., que la préfète, qui n'avait pas à indiquer les raisons pour lesquelles elle ne faisait pas usage de sa faculté d'accorder à titre exceptionnel un délai de départ volontaire supérieur à trente jours, se serait crue, en l'espèce, tenue de n'accorder que le délai de droit commun. Par ailleurs, dès lors qu'elle avait décidé l'éloignement de l'intéressé, la préfète, en n'accordant pas un délai de départ permettant d'attendre le résultat de l'enquête de police sur la validité du projet de mariage de M. F..., n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation.

8. En cinquième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier, contrairement à ce que soutient M. F..., que la préfète n'aurait pas procédé à un examen particulier de sa situation.

9. En sixième lieu, M. F... est, selon ses déclarations, entré en France en 2012 muni d'un visa de long séjour accordé par l'Italie et s'y est maintenu depuis lors sans chercher à obtenir un titre de séjour. Lorsqu'il a manifesté son intention d'épouser une compatriote, l'officier de l'état civil a saisi, en vertu de l'article 175-2 du code civil, le procureur de la République, qui a décidé le 8 mars 2019 qu'il serait sursis au mariage pendant un mois, le temps que soit réalisée une enquête sur la volonté matrimoniale des intéressés. Après que ceux-ci ont été entendus par la police le 28 mars 2019, la préfète de la Seine-Maritime, ayant examiné la situation de l'intéressé, notamment au regard de son droit au respect de sa vie privée et familiale, a pris le 8 avril suivant l'arrêté critiqué obligeant M. F... à quitter le territoire français. Dans ces conditions, la préfète ne peut être regardée comme ayant agi de manière précipitée et son arrêté a eu pour motif déterminant de mettre fin au séjour irrégulier de M. F... et non de prévenir son mariage. Le détournement de pouvoir allégué n'est donc pas établi.

10. En septième lieu, en vertu de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale.

11. Ainsi qu'il a été dit au point 9 du présent arrêt, M. F... soutient avoir vécu neuf ans en France, sans démontrer avoir cherché à régulariser son séjour. Il n'établit ni même n'allègue s'être inséré professionnellement dans la société française pendant ces années. S'il ressort des pièces du dossier que ses parents et une partie de sa fratrie résident régulièrement en France, M. F..., majeur, n'est pas dépourvu d'attaches dans son pays d'origine où il a vécu au moins jusqu'à l'âge de trente-cinq ans. Les certificats médicaux versés au dossier, qui font état du soutien apporté par l'intéressé à ses parents de santé fragile, ne suffisent pas à établir que sa présence leur serait indispensable. Enfin, à la date de l'arrêté contesté, M. F... était célibataire et dépourvu de charge de famille. S'il envisageait d'épouser une compatriote résidant régulièrement en France et mère d'un enfant français né d'une précédente union, cette circonstance n'est pas, à elle seule, de nature à établir qu'en l'obligeant à quitter le territoire français, la préfète de la Seine-Maritime aurait porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux motifs de la mesure. Dans ces conditions, la préfète n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes raisons, elle n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de M. F....

En ce qui concerne la fixation du pays de destination :

12. En premier lieu, l'arrêté du 8 avril 2019 mentionne, contrairement à ce que soutient le requérant, le dernier alinéa du I de l'article L. 511-1 ainsi que les articles L. 513-2 et L. 513-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il énonce également les considérations de fait sur lesquelles il est fondé. Le moyen tiré de l'insuffisance de sa motivation doit donc être écarté.

13. En deuxième lieu, il résulte de ce qui a été dit aux points 2 à 11 du présent arrêt que M. F... n'est pas fondé à soutenir que l'obligation de quitter le territoire français décidée à son encontre serait illégale. Dès lors, la décision fixant le pays de destination ne peut être déclarée illégale par voie de conséquence.

14. En troisième lieu, M. F... n'apporte aucune précision permettant d'apprécier si la préfète, en fixant son pays d'origine comme pays de destination, aurait commis une erreur manifeste d'appréciation.

15. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que M. F... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement contesté du 11 juin 2019, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté de la préfète de la Seine-Maritime du 8 avril 2019.

Sur l'injonction :

16. L'exécution du présent arrêt n'implique pas de mesure d'injonction. Les conclusions de M. F... à fin d'injonction doivent donc être rejetées.

Sur les frais de l'instance :

17. Les dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 modifiée relative à l'aide juridique font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, les frais exposés par M. F....

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. F... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. G... F..., au ministre de l'intérieur et à Me D... I....

Copie en sera transmise pour information au préfet de la région Normandie, préfet de la Seine-Maritime.

N°19DA01931 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 19DA01931
Date de la décision : 02/06/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. Boulanger
Rapporteur ?: M. Aurélien Gloux-Saliou
Rapporteur public ?: M. Minet
Avocat(s) : SELARL MADELINE-LEPRINCE-MAHIEU

Origine de la décision
Date de l'import : 09/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2020-06-02;19da01931 ?
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