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02/06/2020 | FRANCE | N°18DA02621

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1ère chambre, 02 juin 2020, 18DA02621


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... F... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler les arrêtés du maire de Flines-lez-Râches des 19 et 20 novembre 2015 opposant un sursis à statuer à ses demandes de permis de construire deux maisons d'habitations situées l'une rue Maurand sur la parcelle cadastrée A 4221, l'autre Grand rue sur la parcelle cadastrée A 3858 et les arrêtés des 30 août et 14 septembre 2016 de la même autorité opposant un sursis à statuer à ses demandes de permis de construire une maison d'habitation

sur chacune des parcelles cadastrées A 2938 et A 2966 situées rue Maraichon e...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... F... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler les arrêtés du maire de Flines-lez-Râches des 19 et 20 novembre 2015 opposant un sursis à statuer à ses demandes de permis de construire deux maisons d'habitations situées l'une rue Maurand sur la parcelle cadastrée A 4221, l'autre Grand rue sur la parcelle cadastrée A 3858 et les arrêtés des 30 août et 14 septembre 2016 de la même autorité opposant un sursis à statuer à ses demandes de permis de construire une maison d'habitation sur chacune des parcelles cadastrées A 2938 et A 2966 situées rue Maraichon et les deux décisions de rejet de ses recours gracieux.

Par un jugement nos 1603137,1603139,1608199,1608238 du 25 octobre 2018, le tribunal administratif de Lille a annulé ces arrêtés et décisions et a enjoint au maire de procéder au réexamen des quatre demandes de permis de construire de M. F... sous réserve que ce dernier ait procédé dans les délais requis par l'article L. 111-8 du code de l'urbanisme à la confirmation de ses demandes de permis de construire.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 24 décembre 2018, et un mémoire enregistré le 2 décembre 2019, la commune de Flines-lez-Râches, représentée par Me B... D..., demande à la cour :

- d'annuler le jugement du tribunal administratif de Lille ;

- de rejeter les demandes de M. F... ;

- de mettre à la charge de M. F... la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- l'article 12 de l'ordonnance n° 2020-305 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif modifiée par les ordonnances n° 2020-405 du 8 avril 2020, n° 2020-427 du 15 avril 2020 et n° 2020-558 du 13 mai 2020 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Claire Rollet-Perraud, président-assesseur,

- les conclusions de M. Charles-Edouard Minet, rapporteur public,

- et les observations de Me G... D..., représentant la commune de Flines-lez-Râches, et de Me C... E..., représentant M. F... A....

Considérant ce qui suit :

1. Monsieur F... a, le 1er septembre 2015, sollicité auprès de la commune de Flines-lez-Râches la délivrance de deux permis de construire une maison individuelle, d'une part, sur la parcelle cadastrée A n°4221 située rue Maurand, d'autre part, sur la parcelle A n° 3858 située Grand Rue. Par deux arrêtés des 19 et 20 novembre 2015, le maire a opposé un sursis à statuer à ces demandes. M. F... a également sollicité, le 23 juin 2016, la délivrance de deux permis de construire une maison individuelle sur chacune des parcelles cadastrées A n°2938 et A n°2966 situées rue Maraichon, Par deux arrêté des 30 août et 14 septembre 2016, la même autorité a opposé un sursis à statuer à ces demandes. Par un jugement du 25 octobre 2018, le tribunal administratif de Lille a annulé lesdits arrêtés ensemble les deux décisions de rejet des recours gracieux exercés par M. F.... La commune de Flines-lez-Râches relève appel de ce jugement.

Sur la régularité du jugement :

2. Il ressort des pièces du dossier que M. F... a soutenu en première instance qu'il n'était pas possible de se référer à la pièce n° 7 adverse, intitulée " plan de zonage n°2/3 ", élaboré lors de la procédure de révision du plan local d'urbanisme de 2009, au motif qu'il n'a pas été soumis au conseil municipal. Par suite, la commune n'est pas fondée à soutenir que le tribunal administratif de Lille se serait fondé sur le moyen non soulevé devant lui, tiré de ce que ce plan de zonage qui aurait été utilisé dans le cadre de la révision du même document initiée le 10 juillet 2015 n'est pas opposable à M. F.... Le moyen tiré de l'irrégularité du jugement doit donc être écarté.

Sur la légalité des arrêtés opposant le sursis à statuer :

3. En application de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme, il appartient au juge d'appel, saisi d'un jugement annulant un acte en matière d'urbanisme, de se prononcer sur les motifs d'annulation retenus par les premiers juges, dès lors que ceux-ci sont contestés devant lui. Le tribunal administratif de Lille a estimé fondés les moyens tirés de ce que le zonage qui aurait été réalisé dans le cadre de la précédente procédure de révision du plan local d'urbanisme n'est pas opposable à M. F... et de ce que la carte de synthèse et les orientations du projet d'aménagement et de développement durables ne traduisent pas, à eux seuls, un état suffisamment avancé du futur plan local d'urbanisme permettant d'apprécier que les constructions envisagées seraient de nature à compromettre ou à rendre plus onéreuse l'exécution de ce plan.

4. Aux termes de l'article L. 111-7 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction en vigueur à la date des arrêtés des 19 et 20 novembre 2015 : " Il peut être sursis à statuer sur toute demande d'autorisation concernant des travaux, constructions ou installations dans les cas prévus par les articles (...) L. 123-6 (dernier alinéa), (...) du présent code (...) ". Aux termes de l'article L. 123-6 du même code : " (...) A compter de la publication de la délibération prescrivant l'élaboration d'un plan local d'urbanisme, l'autorité compétente peut décider de surseoir à statuer, dans les conditions et délai prévus à l'article L. 111-8, sur les demandes d'autorisation concernant des constructions, installations ou opérations qui seraient de nature à compromettre ou à rendre plus onéreuse l'exécution du futur plan ".

5. Aux termes de l'article L. 424-1 du code de l'urbanisme dans sa rédaction en vigueur à la date des arrêtés des 30 août 2016 et 14 septembre 2016 : " Il peut être sursis à statuer sur toute demande d'autorisation concernant des travaux, constructions ou installations dans les cas prévus aux articles L. 102-13, L. 153-11 et L. 311-2 du présent code et par l'article L. 331-6 du code de l'environnement. (...) Le sursis à statuer doit être motivé et ne peut excéder deux ans ". Aux termes de l'article L. 153-11 du même code : " (...) A compter de la publication de la délibération prescrivant l'élaboration d'un plan local d'urbanisme, l'autorité compétente peut décider de surseoir à statuer, dans les conditions et délai prévus à l'article L. 424-1, sur les demandes d'autorisation concernant des constructions, installations ou opérations qui seraient de nature à compromettre ou à rendre plus onéreuse l'exécution du futur plan ".

6. Il appartient à l'autorité saisie d'une demande de permis de construire de prendre en compte, notamment les orientations du projet d'aménagement et de développement durables, dès lors qu'elles traduisent un état suffisamment avancé du futur plan local d'urbanisme, pour apprécier si la construction envisagée serait de nature à compromettre ou à rendre plus onéreuse l'exécution de ce plan et décider, le cas échéant, de surseoir à statuer sur la demande.

7. D'une part, il ressort des pièces du dossier que les plans de zonage, non datés, qui figurent au dossier de première instance et qui font apparaître le classement des parcelles d'implantation des projets, ont été réalisés lors des travaux de révision du plan local d'urbanisme décidée par une délibération du 9 mars 2009 et qui n'a pas abouti. Le compte rendu de la première réunion de travail du 15 novembre 2013 ayant pour objet le nouveau lancement de la révision du plan local d'urbanisme indique qu'il s'agit d'une reprise de la procédure de révision décidée par la délibération du 9 mars 2009. Toutefois, il ne ressort ni de la délibération du 10 juillet 2015 prescrivant la révision du plan local d'urbanisme ni de la délibération du même jour concernant les orientations générales du projet d'aménagement et de développement durables ni encore des comptes rendus des réunions de travail postérieures, que l'autorité administrative aurait entendu se référer, pour la révision du plan local d'urbanisme qui a fait l'objet des délibérations précitées de 2015, au plan de zonage élaboré dans le cadre de la procédure de révision décidée par la délibération du 9 mars 2009. Par suite, la commune ne pouvait pas opposer un sursis à statuer aux demandes de permis de construire présentées par M. F... en se fondant sur le classement des parcelles concernées résultant de ce plan de zonage.

8. D'autre part, le projet d'aménagement et de développement durables reçu en sous-préfecture de Douai le 24 juillet 2015 fixe notamment les orientations générales suivantes : Orientation 1 : défendre un cadre de vie rural au sein du parc naturel régional Scarpe Escaut : assurer la pérennité de l'activité agricole en protégeant les terres et en permettant la diversification et conserver les cônes de vue paysagers ; Orientation 2 : protéger les milieux naturels et la biodiversité. La carte de synthèse jointe au projet, si elle est peu précise, permet toutefois de déterminer dans quel secteur de protection se trouvent les parcelles en cause.

9. S'agissant des projets dont les terrains d'assiette sont constitués des parcelles A n°2966 et A n°2938, il ressort des pièces du dossier que ces parcelles, situées le long de la rue du Maraichon, forment des " dents creuses " dans une continuité de constructions même peu dense. Il ressort également de la carte de synthèse du projet d'aménagement et de développement durables que ces parcelles se trouvent dans une zone où l'utilisation des " dents creuses " doit être optimisée. Par suite, et à supposer même que le projet de d'aménagement et de développement durables prévoie un cône de vue à partir précisément de la parcelle A n°2966, le projet de construction d'une maison d'habitation sur chacune de ces deux parcelles n'est pas de nature, par son impact, à compromettre l'exécution du futur plan, notamment s'agissant de l'orientation générale du projet d'aménagement et de développement durable tenant à la défense d'un cadre de vie rural au sein du parc naturel régional Scarpe Escaut, laquelle est rédigée en des termes très généraux.

10. La parcelle A n° 4221, qui jouxte la rue Maurand, est contigüe quant à elle à deux autres parcelles non construites donnant sur cette même rue sur les côtés de laquelle sont implantées en continuité des constructions à l'exception de quelques " dents creuses ". Les parcelles agricoles situées au sud et à l'ouest de cette parcelle A n° 4221 sont accessibles par d'autres voies publiques. Par suite, la construction d'une maison d'habitation sur cette parcelle n'est pas non plus de nature, par son impact, à compromettre ou à rendre plus onéreuse l'exécution du futur plan et notamment de l'orientation du projet d'aménagement et de développement durable concernant la préservation des accès aux espaces agricoles.

11. Il ressort des pièces du dossier que la parcelle A n° 3858 n'est pas bâtie et se situe en continuité de trois autres parcelles de grande superficie, non construites, en bordure de la Grand rue. En outre, cette parcelle fait partie de la zone naturelle d'intérêt écologique, floristique et faunistique de la plaine alluviale de la Scarpe entre Flines-lez-Râches et la confluence de l'Escaut et se trouve dans le secteur concerné par l'orientation 2 mentionnée au point 8. Par suite, la construction d'une maison d'habitation sur cette parcelle est, elle, de nature, par son impact, à compromettre l'exécution du futur plan et notamment les orientations visant à protéger les milieux naturels et la biodiversité et à défendre un cadre de vie rural au sein du parc naturel régional Scarpe Escaut. Dès lors, la commune est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal a retenu le moyen tiré de l'erreur d'appréciation pour annuler l'arrêté du 20 novembre 2015.

12. Il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner l'autre moyen soulevé devant la juridiction administrative par M. F... à l'encontre de cet arrêté du 20 novembre 2015.

13. Aux termes de l'article L. 111-8 du code de l'urbanisme dans sa rédaction alors en vigueur : " Le sursis à statuer doit être motivé et ne peut excéder deux ans. ". L'arrêté en litige cite les articles L. 111-7 et L.123-6 du code de l'urbanisme et vise la délibération du 10 juillet 2015 prescrivant la révision du plan local d'urbanisme et la délibération du même jour concernant les orientations générales du projet d'aménagement et de développement durables. L'arrêté mentionne également que " le projet envisagé vise à densifier une zone qui serait classée en zone N au futur PLU, ce projet compromet donc l'exécution du futur plan local d'urbanisme ainsi que les orientations du PADD concernant la préservation des espaces naturels ". Par suite, le moyen tiré du défaut de motivation manque en fait et doit être écarté.

14. Il résulte de tout ce qui précède que la commune de Flines-lez-Râches est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a annulé l'arrêté du 20 novembre 2015 et enjoint au maire de procéder au réexamen de la demande de permis de construire de M. F....

Sur les frais liés au litige :

15. Il n'apparaît pas inéquitable, dans les circonstances de l'espèce, de laisser à la charge de chacune des parties les frais exposés par elles dans la présente instance et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1603137, 1603139, 1608199, 1608238 du tribunal administratif de Lille du 25 octobre 2018 est annulé en tant qu'il prononce l'annulation de l'arrêté du maire de Flines-lez-Râches du 20 novembre 2015 portant sur la parcelle cadastrée A 3858 et qu'il enjoint au maire de réexaminer la demande de permis de construire de M. F... portant sur cette parcelle.

Article 2 : La demande de M. F... enregistrée par le tribunal administratif de Lille sous le n° 1603137 et ses conclusions présentées en appel sont rejetées.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de la commune de Flines-lez-Râches est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Flines-lez-Râches et à M. A... F....

N°18DA02621 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 18DA02621
Date de la décision : 02/06/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-03 Urbanisme et aménagement du territoire. Permis de construire.


Composition du Tribunal
Président : M. Boulanger
Rapporteur ?: Mme Claire Rollet-Perraud
Rapporteur public ?: M. Minet
Avocat(s) : SCP CATTOIR ET ASSOCIÉS

Origine de la décision
Date de l'import : 09/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2020-06-02;18da02621 ?
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