Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société Novergie a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler le titre exécutoire d'un montant de 680 591,68 euros, émis à son encontre le 31 décembre 2015 par le vice-président des finances du syndicat mixte pour l'étude et le traitement des ordures ménagères de l'Eure, et de la décharger de l'obligation de payer cette somme.
Par un jugement n° 1600794 du 13 mars 2018, le tribunal administratif de Rouen a annulé ce titre exécutoire et déchargé la société Suez RV Energie, venant aux droits de la société Novergie, de l'obligation de payer la somme correspondante.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 26 avril 2018, et un mémoire, enregistré le 2 janvier 2020, le syndicat mixte pour l'étude et le traitement des ordures ménagères de l'Eure, représenté par la SELARL Pierre Pintat avocat, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de rejeter la demande présentée par la société Novergie, devenue Suez RV Energie devant le tribunal administratif de Rouen ;
3°) de mettre à la charge de la société Suez RV Energie la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des marchés publics ;
- l'article 12 de l'ordonnance n° 2020-305 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif modifiée par les ordonnances n° 2020-405 du 8 avril 2020, n° 2020-427 du 15 avril 2020 et n° 2020-558 du 13 mai 2020 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Christian Boulanger, président-rapporteur,
- les conclusions de M. Charles-Edouard Minet, rapporteur public,
- et les observations de Me D... C..., représentant le syndicat mixte pour l'étude et le traitement des ordures ménagères de l'Eure, et de Me B... A..., représentant la société Suez RV Energie.
Considérant ce qui suit :
1. Par un marché du 21 février 2003, le syndicat mixte pour l'étude et le traitement des ordures ménagères de l'Eure (SETOM de l'Eure) a confié à la société Novergie, aux droits de laquelle vient désormais la société Suez RV Energie, l'exploitation de l'unité de valorisation énergétique du centre de traitement multifilières de Guichainville. Par un titre exécutoire n° 1067 émis le 31 décembre 2015, cet établissement public a mis à la charge de la société Novergie la somme de 680 591,68 euros au titre de la régularisation de la redevance de " vide de four " due en application de ce contrat pour les années 2011, 2012, 2013 et 2014. Cet établissement public relève appel du jugement du 13 mars 2018 par lequel le tribunal administratif de Rouen a annulé ce titre et déchargé la société Suez RV Energie de l'obligation de payer la somme correspondante.
Sur la régularité du jugement :
2. Les premiers juges ont, aux points 2 à 7 de leur jugement, exposé de façon précise et détaillée l'ensemble des motifs, tenant à l'économie générale du contrat, pour lesquels ils ont estimé que ses stipulations devaient être interprétées dans le sens qu'ils ont retenu. Le moyen tiré de l'insuffisance de motivation doit, par suite, être écarté.
Sur le bien-fondé du jugement :
3. En vertu de l'article 3.3 du cahier des clauses particulières du marché, l'exploitant, qui a l'exclusivité de l'exploitation des ouvrages, installations et matériels de l'unité de valorisation énergétique, s'engage à traiter en priorité sur tout autre apport les déchets ménagers et assimilés apportés par le syndicat mixte pour l'étude et le traitement des ordures ménagères de l'Eure, dans la limite de la capacité de cette unité, initialement fixée à 90 000 tonnes, puis portée à 100 000 tonnes par l'avenant n° 9 conclu le 21 mai 2012. L'article 3.4.1 du même cahier des clauses particulières stipule que " afin de saturer l'installation et d'optimiser son fonctionnement, d'autres déchets peuvent y être traités, dans la limite de la capacité disponible ". Aux termes de l'article 3.5.4 de ce cahier : " Le SETOM s'engage à livrer un minimum de 75 000 tonnes de déchets par an, à partir de la période d'exploitation ". L'article 3.5.5 stipule que " Le vide de four est constitué par les capacités de traitement de déchets disponibles. Il est défini comme étant la capacité annuelle de l'UVE diminuée de l'ensemble des apports du SETOM. Il est mis à la disposition de l'exploitant qui peut y traiter des apports complémentaires (...). Le vide de four est décompté annuellement, par année calendaire, par différence entre les tonnages apportés par le SETOM et les capacités nominales de l'Unité, soit 90 000 tonnes ". Aux termes de l'avenant n° 3 : " (...) Le montant de la redevance mensuelle " vide de four " est calculé de la façon suivante : Capacité nominale de l'usine = 90 000 tonnes / an = 7 500 tonnes / mois. 7 500 tonnes / mois - tonnage apporté par le SETOM = montant de la redevance ".
4. Il résulte de ces stipulations, en particulier de celle par laquelle le syndicat mixte pour l'étude et le traitement des ordures ménagères de l'Eure s'engage à livrer un minimum de 75 000 tonnes de déchets par an, ainsi que des comptes d'exploitation annexés à l'acte d'engagement fixant la rémunération de l'exploitant dans le cas où le syndicat apporterait des déchets annuels de 75 000 tonnes, de 80 000 tonnes, de 85 000 tonnes et de 90 000 tonnes, que les parties n'ont pas entendu régir contractuellement le cas, qui n'est prévu par aucune stipulation, où le syndicat apporterait des déchets inférieurs à 75 000 tonnes. Le " tonnage apporté par le SETOM " visé à l'avenant n° 3, qui doit être interprété à la lumière de la commune intention des parties telle qu'elle vient d'être décrite, doit s'entendre du minimum de 75 000 tonnes de déchets annuels que le syndicat s'est engagé à livrer. Ainsi, l'assiette de la redevance dite de " vide de four ", qui correspond à la capacité nominale de l'unité de valorisation énergétique diminuée du tonnage apporté par le syndicat, si elle peut varier à la baisse lorsque les déchets apportés par le syndicat sont supérieurs à 75 000 tonnes, ne peut en revanche varier à la hausse lorsque ces déchets sont inférieurs à 75 000 tonnes, ce que confirme, en outre, la circonstance que les tarifs par tonne appliqués à cette assiette, fixés à l'article 3.1.4 de l'acte d'engagement, ne prévoient pas non plus le cas d'un vide de four supérieur à 15 000 tonnes, c'est-à-dire celui où le syndicat apporterait des déchets inférieurs à 75 000 tonnes. D'ailleurs, aux termes de l'avenant n° 9, portant la capacité de l'unité de valorisation énergétique de 90 000 à 100 000 tonnes : " l'augmentation du vide de four laissé à disposition de Novergie passe de 15 000 tonnes/an à 25 000 tonnes/an ". Cette interprétation n'est pas, contrairement à ce que soutient le syndicat, contredite par les stipulations de l'article 3.5.5 du cahier des clauses particulières du marché en vertu desquelles " la redevance correspondant à cette mise à disposition sera facturée par le SETOM que les apports aient été ou non effectués ", dès lors que les apports visés sont ceux, en provenance de tiers, que l'exploitant est autorisé sous condition à traiter, et non ceux du syndicat.
5. Il résulte de ce qui précède qu'aucune stipulation contractuelle n'autorise le syndicat mixte pour l'étude et le traitement des ordures ménagères de l'Eure, dans le cas où il livrerait à l'exploitant des déchets inférieurs à 75 000 tonnes, à mettre à la charge de celui-ci un supplément de redevance correspondant à l'augmentation du vide de four en résultant. Le syndicat n'est, par suite, pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a annulé le titre exécutoire émis le 31 décembre 2015 et déchargé la société Suez RV Energie, venant aux droits de la société Novergie, de l'obligation de payer la somme correspondante.
Sur les frais du procès :
6. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la société Suez RV Energie, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que le syndicat mixte pour l'étude et le traitement des ordures ménagères de l'Eure réclame au titre des frais du procès.
7. En revanche, il y a lieu, sur le fondement de ces mêmes dispositions, de mettre à la charge du syndicat mixte le paiement de la somme totale de 2 000 euros à verser à la société Suez RV Energie, au même titre.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête du syndicat mixte pour l'étude et le traitement des ordures ménagères de l'Eure est rejetée.
Article 2 : Le syndicat mixte pour l'étude et le traitement des ordures ménagères de l'Eure versera à la société Suez RV Energie une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au syndicat mixte pour l'étude et le traitement des ordures ménagères de l'Eure et à la société Suez RV Energie.
Copie en sera transmise pour information au directeur régional des finances publiques de Normandie.
N°18DA00863 2