Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. D... C... a demandé au tribunal administratif de Rouen de condamner le centre hospitalier universitaire de Rouen à lui verser la somme totale de 526 150 euros en réparation de l'ensemble des préjudices subis à la suite de l'intervention chirurgicale du 3 janvier 1983.
Par un jugement n° 1600158 du 29 juin 2018, le tribunal administratif de Rouen a condamné le centre hospitalier universitaire de Rouen à verser à M. C... une somme de 55 425 euros en réparation du préjudice causé par la faute commise lors de sa prise en charge médicale et à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Aisne une somme de 29 208,32 euros en remboursement de ses débours et une somme de 1 066 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion. Il a également mis à la charge du centre hospitalier les entiers dépens.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 31 août 2018 et 3 octobre 2019, M. C..., représenté par Me B... A..., demande à la cour :
1°) de réformer ce jugement ;
2°) de condamner le centre hospitalier universitaire de Rouen à lui verser la somme totale de 526 150 euros ;
3°) de mettre à la charge du centre hospitalier universitaire de Rouen une somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la santé publique ;
- le code de la sécurité sociale ;
- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Muriel Milard, premier conseiller,
- et les conclusions de Mme Anne-Marie Leguin, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M. C..., alors âgé de dix-neuf ans, présentant un canal artériel, a subi une intervention chirurgicale le 3 janvier 1983 au centre hospitalier universitaire de Rouen afin de fermer ce canal. En 1989-1990, un scanner a mis en évidence au niveau de l'hémithorax gauche, collé à la plèvre, une masse en forme de monticule simulant une tumeur pleurale, tumeur qui a fait l'objet d'une surveillance radiologique tous les cinq ans. A la suite de la survenue de bronchopathies récurrentes en 2010 et de pics d'hémoptysie, rejets de sang par la bouche, l'intéressé a été admis à la clinique Victor Pauchet d'Amiens en février 2011, pour y subir le 8 février, une intervention chirurgicale consistant en une thoracotomie exploratrice avec pneumolyse. Un abcès pleural de six à sept centimètres développé sur un corps étranger textile ayant été découvert, une lobectomie inférieure gauche a été pratiquée. M. C... a recherché la responsabilité du centre hospitalier universitaire de Rouen à raison du manquement qu'il estime avoir subi lors de l'intervention chirurgicale du 3 janvier 1983 du fait de l'oubli d'une compresse. Il a saisi également le juge des référés du tribunal administratif de Rouen d'une demande tendant à ce que soit ordonnée une expertise. Celle-ci a été réalisée le 7 octobre 2013. M. C... relève appel du jugement du 29 juin 2018 du tribunal administratif de Rouen en tant qu'après avoir retenu que la responsabilité du centre hospitalier universitaire de Rouen était engagée à raison de la faute résultant de l'oubli d'une compresse lors de l'intervention subie en 1983, il a seulement mis à la charge de cet établissement le versement d'une somme de 55 425 euros en réparation des préjudices causés par cette faute.
Sur la responsabilité du centre hospitalier universitaire de Rouen :
2. Il n'est pas contesté que la négligence résultant de l'oubli d'une compresse dont a été victime M. C... lors de l'intervention chirurgicale réalisée le 3 janvier 1983 est de nature à engager la responsabilité du centre hospitalier universitaire de Rouen.
Sur l'évaluation des préjudices de M. C... :
En ce qui concerne les préjudices à caractère patrimonial :
S'agissant des frais divers :
3. M. C... demande le versement d'une somme de 20 000 euros en remboursement de ses frais divers ; cependant, il ne justifie, ni qu'il aurait exposé des dépenses en lien avec le dommage subi, ni que cette somme serait demeurée à sa charge. Par suite, il ne peut prétendre à aucune indemnisation au titre de ce chef de préjudice.
S'agissant des dépenses de santé futures :
4. M. C... demande le versement d'une somme de 10 000 euros en remboursement des frais médicaux, pharmaceutiques, hospitaliers et paramédicaux " médicalement prévisibles " rendus nécessaires après la consolidation de son état de santé. Toutefois, selon les dires de l'expert, M. C... ne souffre que d'une " petite insuffisance respiratoire " et de douleurs de déafférentation. Par suite, ce chef de préjudice étant purement éventuel, il ne peut prétendre à aucune indemnisation à ce titre.
S'agissant des préjudices professionnels de M. C... :
Quant aux pertes de gains professionnels :
5. M. C..., qui exerçait la profession de technicien chauffagiste, a présenté une incapacité temporaire totale de travail du 3 février 2011 au 24 mars 2011, puis un déficit fonctionnel temporaire partiel de classe II (25 %) du 24 mars 2011 au 19 septembre 2011, date de consolidation de son état de santé.
S'agissant de la perte de gains avant consolidation :
6. M. C... soutient qu'il a subi une perte de gains professionnels avant la consolidation de son état de santé qui s'élève à la somme de 3 000 euros.
7. Il résulte de l'instruction qu'il a été mis fin à la période d'essai de M. C..., recruté à compter du 1er janvier 2011 par la société Axima Seitha sur un emploi de chargé d'affaires, en raison de son absence liée à l'intervention chirurgicale du 8 février 2011. L'intéressé qui a retrouvé un emploi en septembre 2011 a perçu une rémunération mensuelle nette de 1 738,81 euros en janvier 2011. Il aurait ainsi dû percevoir, pour la période de février à août 2011, une somme de 12 171,67 euros. Cependant, il ressort de l'examen des bulletins de paie produits par l'intéressé que celui-ci n'a perçu au mois de février 2011 que la somme de 1 080,03 euros. Sa perte de gains professionnels s'élève ainsi à la somme de 11 091,64 euros. Toutefois, il a perçu des indemnités journalières de sécurité sociale versées par la caisse primaire d'assurance maladie de l'Aisne durant la même période pour un montant total de 3 589,99 euros et également, dès lors qu'il était inscrit à Pôle emploi après la fin de sa période d'essai, des allocations pour perte d'emploi pour un montant de 4 925 euros. Il résulte de l'ensemble de ces éléments que M. C... a subi une perte de revenus pendant cette période qui s'élève à la somme de 2 576,65 euros. Par suite, il y a lieu d'allouer à M. C... cette somme au titre de ce chef de préjudice.
S'agissant de la perte de gains après consolidation et futurs :
8. Il ressort du rapport d'expertise judiciaire que M. C... reste atteint d'un déficit fonctionnel permanent de 25 % imputable au dommage qu'il a subi. Cependant, l'intéressé a repris une activité professionnelle à temps plein dès la consolidation de son état de santé sur un emploi de technicien chauffagiste avec, en outre, une rémunération nette supérieure à celle qu'il percevait antérieurement. Dans ces conditions, l'intéressé n'est pas fondé à demander le versement d'une somme au titre de ce chef de préjudice.
Quant à l'incidence professionnelle :
9. Comme cela a été dit au point 8, M. C... a repris une activité professionnelle à temps plein sur un emploi correspondant à sa qualification professionnelle. Il ne justifie, ni d'une perte de chance professionnelle, ni d'une dévalorisation sur le marché du travail. Il ne peut par suite prétendre à aucune indemnisation au titre de l'incidence professionnelle.
En ce qui concerne les préjudices extra-patrimoniaux :
S'agissant des préjudices temporaires :
Quant au déficit fonctionnel temporaire :
10. Comme cela a été dit précédemment, M. C... a subi un déficit fonctionnel temporaire total du 3 février 2011 au 24 mars 2011, soit quarante-neuf jours, puis un déficit fonctionnel temporaire partiel de classe II (25 %) du 24 mars 2011 au 19 septembre 2011, date de consolidation de son état de santé, soit cent soixante-dix-neuf jours. En se fondant sur un taux de 15 euros par jour, soit un montant mensuel de 450 euros, les premiers juges n'ont pas fait une insuffisante évaluation du préjudice subi en le fixant à la somme totale de 1 425 euros.
Quant aux souffrances endurées :
11. Les douleurs éprouvées par M. C... ont été estimées par le rapport d'expertise à 4,5 sur une échelle de 7. Les premiers juges ont fait une juste appréciation de ce poste de préjudice en l'évaluant à la somme de 10 000 euros.
S'agissant des préjudices permanents :
Quant au déficit fonctionnel permanent :
12. Il ressort du rapport d'expertise que M. C... conserve un déficit fonctionnel permanent de 25 %. M. C... étant âgé de quarante-sept ans à la date de consolidation de son état de santé, les premiers juges ont fait une juste appréciation de ce préjudice en l'évaluant à la somme de 40 000 euros. M. C... n'est pas fondé à demander une somme de 25 000 euros au titre des troubles dans ses conditions d'existence dès lors que le déficit fonctionnel permanent inclut la réparation de ces troubles.
Quant au préjudice esthétique permanent :
13. Ce préjudice a été estimé par le rapport d'expertise à 1,5 sur une échelle de 7. Compte tenu des cicatrices conservées par M. C... après ses deux opérations, les premiers juges ont fait une juste appréciation de ce poste de préjudice en l'évaluant à la somme de 1 500 euros.
Quant au préjudice d'agrément :
14. L'expert retient ce chef de préjudice en précisant que M. C... ne peut plus faire de moto d'endurance, de football et ne peut plus courir. En outre, M. C... justifie, en appel, qu'il pratiquait la chasse et était membre d'une société de chasse. Il sera fait une juste appréciation de ce chef de préjudice en lui allouant la somme de 4 000 euros.
Quant au préjudice sexuel :
15. Le rapport d'expertise retient ce chef de préjudice. Les premiers juges ont fait une juste appréciation de ce poste de préjudice en l'évaluant à la somme de 2 500 euros.
16. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... est fondé à demander à ce que la somme de 55 425 euros que le centre hospitalier universitaire de Rouen a été condamné à lui verser en indemnisation de l'ensemble de ses préjudices soit portée à la somme de 62 001,65 euros.
Sur les frais liés à l'instance :
17. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du centre hospitalier universitaire de Rouen le versement à M. C... d'une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : La somme de 55 425 euros que le centre hospitalier universitaire de Rouen a été condamné à verser à M. C... par l'article 1er du jugement du 29 juin 2018 du tribunal administratif de Rouen est portée à 62 001,65 euros.
Article 2 : Le centre hospitalier universitaire de Rouen versera à M. C... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le jugement n° 1600158 du 29 juin 2018 du tribunal administratif de Rouen est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... C..., au centre hospitalier universitaire de Rouen et à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Oise.
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N°18DA01827