Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... A...'guiba a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 29 mars 2019 du préfet du Pas-de-Calais faisant obligation de quitter le territoire français sans délai, lui interdisant le retour sur le territoire français pour une durée d'un an et fixant le pays à destination duquel il pourrait être reconduit d'office.
Par un jugement n° 1902746 du 31 mai 2019, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a annulé cet arrêté.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 18 juillet 2019, le préfet du Pas-de-Calais demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de rejeter la demande de M. A...'guiba devant ce tribunal ;
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le règlement n° 1987/2006 du Parlement européen et du Conseil du 20 décembre 2006
sur l'établissement, le fonctionnement et l'utilisation du système d'information Schengen de deuxième génération ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Jean-Jacques Gauthé, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. C... A...'guiba, ressortissant algérien né le 11 août 1999 a été interpellé en flagrant délit de vol le 28 mars 2019. Il faisait déjà l'objet d'un arrêté du 18 octobre 2018 du préfet du Nord l'obligeant à quitter le territoire et resté inexécuté. Le préfet du Pas-de-Calais relève appel du jugement du 31 mai 2019 par lequel le tribunal administratif de Lille a annulé son arrêté du 29 mars 2019 faisant obligation à M. A...'guiba de quitter le territoire français sans délai, fixant le pays à destination duquel il pourrait être reconduit d'office et lui interdisant le retour sur le territoire français pour une durée d'un an.
2. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. - L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : 1° Si l'étranger ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité 2° Si l'étranger s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa ou, s'il n'est pas soumis à l'obligation du visa, à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de son entrée sur le territoire sans être titulaire d'un premier titre de séjour régulièrement délivré ; (...) ;
3. Il ressort des pièces du dossier que M. A...'guiba est régulièrement entré en France le 16 mars 2016 sous couvert d'un visa C de 30 jours à entrées multiples, délivré par le consulat de France à Oran, valable du 2 février 2016 au 29 juillet 2016. Le préfet du Nord n'a, par suite, pu légalement fonder la décision portant obligation de quitter le territoire français sur les dispositions précitées du 1° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Toutefois, il y a lieu de substituer à ce fondement celui du 2° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors, d'une part, que M. A...'guiba, qui s'est maintenu sur le territoire français après la date d'expiration de son visa, n'a ensuite jamais sollicité la délivrance d'un premier titre de séjour, entrait dans le champ de cette disposition, et d'autre part, que cette substitution de base légale n'a privé l'intéressé d'aucune garantie de procédure et que l'autorité préfectorale ne dispose pas, dans le cadre de l'un et l'autre de ces fondements, d'un pouvoir d'appréciation différent. Par suite, le préfet du Pas-de-Calais est fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a annulé son arrêté du 29 mars 2019 au motif d'une absence de preuve de l'entrée régulière en France de M. A...'guiba.
4. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A...'guiba devant la juridiction administrative.
Sur le moyen commun à l'ensemble des décisions de l'arrêté du 29 mars 2019 :
5. La décision contestée a été signée par M. E... B..., chef du bureau de l'éloignement à la préfecture du Pas-de-Calais, titulaire d'une délégation de signature consentie par l'arrêté n° 2017-10-151, publiée au recueil des actes administratifs spécial n° 121 du 18 décembre 2017. Le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte doit être écarté.
Sur la légalité de la décision faisant obligation de quitter le territoire :
6. Il ressort des termes mêmes de la décision en litige qu'elle comporte les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Par suite, le moyen tiré du défaut de motivation de cette décision manque en fait et doit, par suite, être écarté.
7. Il ressort des pièces du dossier, notamment du procès-verbal d'audition signé par M. A...'guiba dans le cadre de la procédure de garde à vue lors de son interpellation pour vol le 29 mars 2019 qu'il a été entendu le même jour-là par les services de police d'Arras. Au cours de cet entretien, il a, en particulier, été interrogé sur son âge, sa nationalité, sa situation de famille, les raisons et les conditions de son départ de son pays d'origine et de son arrivée et de son séjour sur le territoire français, ainsi que sur l'éventualité d'une mesure d'éloignement et la perspective d'un retour en Algérie, avant d'être invité à formuler toute remarque complémentaire. Le requérant a eu ainsi la possibilité de faire valoir utilement les éléments pertinents susceptibles d'influencer la décision du préfet du Pas-de-Calais sur son éloignement, alors même qu'il n'a pas été invité à présenter ses observations écrites. Il n'est, dès lors, pas fondé à soutenir que l'obligation de quitter le territoire français a été prise à son encontre en violation du droit de toute personne d'être entendue préalablement à toute mesure individuelle qui l'affecterait défavorablement, principe général du droit de l'Union européenne.
8. Il ressort des pièces du dossier que M. A...'guiba s'est maintenu en France au-delà de la durée de validité de son visa, le 29 juillet 2016, et n'a fait aucune demande de titre. Il a été interpellé le 29 mars 2019 pour des faits de vols aggravés et a tenté de dissimuler son identité tout au long de la procédure. Son mariage avec une ressortissante française est particulièrement récent, ne datant que du 8 mars 2019 et la communauté de vie ne remontant qu'à février 2019 ainsi qu'il l'établit par une attestation de la caisse d'allocations familiales. Le couple n'a pas d'enfant, M. A...'guiba est sans emploi et n'a aucune perspective d'insertion sociale ou professionnelle. Il s'est par ailleurs soustrait à l'exécution d'une mesure d'éloignement prononcée le 18 octobre 2018 par le préfet du Nord. Toute sa famille réside en Algérie. Dans ces conditions, eu égard à la durée et aux conditions du séjour de M. A...'guiba, l'arrêté du 29 mars 2019 du préfet du Pas-de-Calais n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris et ne méconnaît ainsi pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Il n'est pas davantage entaché d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressé.
9. Ainsi qu'il vient d'être dit, le mariage de M. A...'guiba avec une ressortissante française est particulièrement récent. Celui-ci ne peut, dès lors, se prévaloir de la méconnaissance par le préfet du Pas-de-Calais des dispositions du 7° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en vertu desquelles l'étranger marié depuis au moins trois ans avec un conjoint de nationalité française, à condition que la communauté de vie n'ait pas cessé depuis le mariage et que le conjoint ait conservé la nationalité française ou d'une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de la décision sur sa situation personnelle.
Sur la légalité de la décision fixant le pays destination :
10. La décision contestée est suffisamment motivée en fait, dès lors qu'elle mentionne la nationalité de M. A...'guiba et indique que l'intéressé n'allègue ni n'établit encourir un risque de mauvais traitement en cas de retour dans le pays dont il a la nationalité.
11. Il résulte de ce qui précède que M. A...'guiba ne peut soutenir que la décision fixant le pays de destination serait privée de base légale du fait de l'illégalité de la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français.
Sur la légalité de la décision de refus de délai de départ volontaire :
12. Ainsi qu'il a été dit, M. A...'guiba s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa et n'a sollicité la délivrance d'aucun titre de séjour et s'est également soustrait à l'exécution d'une mesure d'éloignement prononcée le 18 octobre 2018 par le préfet du Nord. Le préfet du Pas-de-Calais était dès lors fondé à lui refuser un délai de départ volontaire sur le fondement du b) et d) du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, le moyen tiré de l'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de la décision sur sa situation personnelle doit être écarté.
13. Il résulte de ce qui précède que M. A...'guiba ne peut soutenir que la décision lui refusant un délai de départ volontaire serait privée de base légale du fait de l'illégalité de la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français.
Sur la légalité de la décision lui faisant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an :
14. Ainsi qu'il a déjà été dit, la décision en litige comporte les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Par suite, le moyen tiré du défaut de motivation de cette décision manque en fait et doit, par suite, être écarté.
15. Il résulte de ce qui précède que M. A...'guiba ne peut soutenir que la décision lui faisant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an serait privée de base légale du fait de l'illégalité de la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français.
16. La circonstance que M A...'guiba n'aurait pas été destinataire de l'information prévue par l'article 42 du règlement n° 1987/2006, conformément aux exigences de la directive 95/46/CE relative à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données, alors au demeurant qu'il a été informé, aux termes de l'article 4 de l'arrêté attaqué, qu'il faisait l'objet d'un signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen, est sans incidence sur la légalité de la décision d'interdiction de retour sur le territoire français. Ce moyen, qui manque en tout état de cause en fait, doit donc être écarté.
17. M. A...'guiba s'étant vu refuser un délai de départ volontaire, le préfet du Pas-de-Calais, aux termes du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, a pu légalement assortir l'obligation de quitter le territoire d'une interdiction de retour sur le territoire français, sans qu'il puisse sérieusement soutenir que des circonstances humanitaires seraient de nature à justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour. En effet, qu'ainsi qu'il a été dit, M. A...'guiba n'a effectué aucune démarche de régularisation depuis son entrée sur le territoire français, a déjà fait l'objet d'une mesure d'éloignement et n'est marié que depuis très peu de temps.
18. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet du Pas-de-Calais est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a annulé son arrêté du 29 mars 2019. Les conclusions à fin d'injonction sous astreinte de M. A...'guiba doivent, par voie de conséquence, être rejetées. Les dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, au titre des frais de procédure exposés pour M. A...'guiba.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du 31 mai 2019 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. A...'guiba devant ce tribunal et ses conclusions devant la cour administrative d'appel sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A...'guiba, au ministre de l'intérieur et à Me F... D....
Copie en sera adressée pour information au préfet du Pas-de-Calais.
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N°19DA01665
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N°"Numéro"