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02/04/2020 | FRANCE | N°18DA02593

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2ème chambre, 02 avril 2020, 18DA02593


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... A... a demandé au tribunal administratif d'Amiens de condamner le centre hospitalier de Laon à lui verser les sommes de 15 000 euros en réparation de son préjudice moral résultant du renouvellement de ses contrats à durée déterminée jusqu'au 31 juillet 2013, de 10 000 euros en réparation du préjudice résultant de la rupture abusive de sa relation de travail avec le centre hospitalier et de 5 720 euros correspondant aux indemnités de licenciement auxquelles elle aurait pu prétendre au titre d'

un contrat à durée indéterminée.

Par un jugement n° 1602166 du 23 octobre 2...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... A... a demandé au tribunal administratif d'Amiens de condamner le centre hospitalier de Laon à lui verser les sommes de 15 000 euros en réparation de son préjudice moral résultant du renouvellement de ses contrats à durée déterminée jusqu'au 31 juillet 2013, de 10 000 euros en réparation du préjudice résultant de la rupture abusive de sa relation de travail avec le centre hospitalier et de 5 720 euros correspondant aux indemnités de licenciement auxquelles elle aurait pu prétendre au titre d'un contrat à durée indéterminée.

Par un jugement n° 1602166 du 23 octobre 2018, le tribunal administratif d'Amiens a estimé que le centre hospitalier de Laon avait commis une illégalité fautive de nature à engager sa responsabilité en maintenant Mme A... dans une situation de précarité et a condamné le centre hospitalier de Laon à lui verser la somme totale de 8 220 euros en réparation de ses préjudices et au titre de l'indemnité de licenciement et rejeté le surplus des conclusions de sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 21 décembre 2018, Mme A..., représentée par Me C... B..., demande à la cour :

1°) de réformer ce jugement en tant qu'il a rejeté le surplus des conclusions de sa demande ;

2°) de condamner le centre hospitalier de Laon à lui verser la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive du contrat de travail ;

3°) de mettre une somme de 1 500 euros à la charge du centre hospitalier de Laon au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;

- la loi n° 2012-347 du 12 mars 2012 ;

- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Muriel Milard, premier conseiller,

- et les conclusions de Mme Anne-Marie Leguin, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A... a été recrutée dans le cadre d'un contrat " emploi-solidarité à compter du 2 juin 2000 par le centre hospitalier de Laon puis, à compter du 2 juin 2005 comme agent des services hospitaliers qualifié, dans le cadre de contrats à durée déterminée renouvelés jusqu'au 31 juillet 2013, date à laquelle un contrat d'une durée de quinze jours lui a été proposé à compter du 1er août 2013 et qu'elle a refusé. Mme A... relève appel du jugement du 23 octobre 2018 par lequel le tribunal administratif d'Amiens, après avoir condamné l'établissement à lui verser une somme globale de 8 220 euros en réparation de ses préjudices et au titre de l'indemnité de licenciement, a rejeté le surplus des conclusions de sa demande. Le centre hospitalier de Laon demande la réformation du même jugement en tant qu'il l'a condamné à verser à Mme A... la somme de 5 720 euros au titre de l'indemnité de licenciement et 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Sur la recevabilité de la demande de première instance :

2. Il résulte du principe de sécurité juridique que le destinataire d'une décision administrative individuelle qui a reçu notification de cette décision ou en a eu connaissance dans des conditions telles que le délai de recours contentieux ne lui est pas opposable doit, s'il entend obtenir l'annulation ou la réformation de cette décision, saisir le juge dans un délai raisonnable, qui ne saurait, en règle générale et sauf circonstances particulières, excéder un an. Toutefois, cette règle ne trouve pas à s'appliquer aux recours tendant à la mise en jeu de la responsabilité d'une personne publique qui, s'ils doivent être précédés d'une réclamation auprès de l'administration, ne tendent pas à l'annulation ou à la réformation de la décision rejetant tout ou partie de cette réclamation mais à la condamnation de la personne publique à réparer les préjudices qui lui sont imputés. La prise en compte de la sécurité juridique, qui implique que ne puissent être remises en cause indéfiniment des situations consolidées par l'effet du temps, est alors assurée par les règles de prescription prévues par la loi du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics ou, en ce qui concerne la réparation des dommages corporels, par l'article L. 1142-28 du code de la santé publique.

3. Il est constant que la demande présentée par Mme A... le 15 juillet 2016 devant le tribunal administratif d'Amiens ne tendait pas à la contestation d'une décision administrative individuelle mais à l'indemnisation de ses préjudices résultant du renouvellement de ses contrats à durée déterminée jusqu'au 31 juillet 2013 alors qu'elle devait être regardée comme étant titulaire d'un contrat à durée indéterminée et du préjudice résultant de la rupture abusive de sa relation de travail avec le centre hospitalier. Par suite, la fin de non-recevoir opposée par le centre hospitalier de Laon à l'intéressée tenant au non-respect d'un délai raisonnable pour exercer son recours juridictionnel doit être écartée.

Sur la responsabilité du centre hospitalier de Laon :

4. Aux termes de l'article 9 de la loi du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière, dans sa rédaction applicable au litige : " Par dérogation à l'article 3 du titre Ier du statut général, les emplois permanents mentionnés au premier alinéa de l'article 2 peuvent être occupés par des agents contractuels lorsque la nature des fonctions ou les besoins du service le justifient, notamment lorsqu'il n'existe pas de corps de fonctionnaires hospitaliers susceptibles d'assurer ces fonctions ou lorsqu'il s'agit de fonctions nouvellement prises en charge par l'administration ou nécessitant des connaissances techniques hautement spécialisées. / Les emplois à temps non complet d'une durée inférieure au mi-temps et correspondant à un besoin permanent sont occupés par des agents contractuels. / Les agents ainsi recrutés peuvent être engagés par des contrats d'une durée indéterminée ou déterminée. Lorsque les contrats sont conclus pour une durée déterminée, celle-ci est au maximum de trois ans. Ces contrats sont renouvelables par décision expresse dans la limite d'une durée maximale de six ans. / Tout contrat de travail conclu ou renouvelé en application du présent article avec un agent qui justifie d'une durée de services publics effectifs de six ans sur des fonctions relevant de la même catégorie hiérarchique est conclu, par décision expresse, pour une durée indéterminée. / La durée de six ans mentionnée au quatrième alinéa est comptabilisée au titre de l'ensemble des services effectués dans des emplois occupés au titre du présent article et de l'article 9-1. Elle doit avoir été accomplie dans sa totalité auprès du même établissement relevant de l'article 2. Pour l'appréciation de cette durée, les services accomplis à temps non complet et à temps partiel sont assimilés à du temps complet. / Les services accomplis de manière discontinue sont pris en compte, sous réserve que la durée de l'interruption entre deux contrats n'excède pas quatre mois. / Lorsqu'un agent atteint les conditions d'ancienneté mentionnées aux quatrième à avant-dernier alinéas avant l'échéance de son contrat en cours, celui-ci est réputé conclu à durée indéterminée. L'autorité d'emploi lui adresse une proposition d'avenant confirmant cette nouvelle nature du contrat. ".

5. Il résulte de l'instruction que les fonctions occupées par Mme A..., employée par le centre hospitalier de Laon pour des périodes discontinues du 2 juin 2005 au 4 février 2008, puis à compter du 4 février 2008, sous contrats à durée déterminée successifs jusqu'au 31 juillet 2013 et affectée de manière pérenne au service gériatrique sur deux postes précédemment occupés par des agents ayant définitivement quitté le centre hospitalier, correspondaient à un besoin permanent et ainsi, dès le 1er septembre 2012, Mme A... devait être réputée comme titulaire d'un contrat à durée indéterminée, comme l'ont estimé à bon droit les premiers juges. La durée de six ans ouvrant droit à la transformation d'un contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée étant comptabilisée au titre de l'ensemble des services effectués dans des emplois visés à l'article 9 comme à l'article 9-1 qu'ils soient à temps complet ou à temps incomplet, le centre hospitalier n'est pas fondé à soutenir que le point de départ de ce délai devait être fixé au 15 avril 2008, date à laquelle la requérante a été recrutée sur un emploi à temps complet. Il résulte de ce qui précède qu'en ne requalifiant pas les contrats à durée déterminée proposés à Mme A... en contrat à durée indéterminée, et en modifiant un des éléments essentiels en proposant de réduire le temps de travail de l'intéressée, le centre hospitalier a commis une illégalité fautive de nature à engager sa responsabilité.

Sur l'indemnisation de Mme A... :

6. En vertu des principes généraux qui régissent la responsabilité des personnes publiques, l'agent public irrégulièrement évincé a droit à la réparation intégrale du préjudice qu'il a effectivement subi du fait de la mesure illégalement prise à son encontre, y compris au titre de la perte des rémunérations auxquelles il aurait pu prétendre s'il était resté en fonctions. Lorsque l'agent ne demande pas l'annulation de cette mesure mais se borne à solliciter le versement d'une indemnité en réparation de l'illégalité dont elle est entachée, il appartient au juge de plein contentieux, forgeant sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties, de lui accorder une indemnité versée pour solde de tout compte et déterminée en tenant compte notamment de la nature et de la gravité des illégalités affectant la mesure d'éviction, de l'ancienneté de l'intéressé, de sa rémunération antérieure ainsi que, le cas échéant, des fautes qu'il a commises.

7. Mme A... était âgée de cinquante-neuf ans à la date de sa cessation de fonctions, qui doit être assimilée à un licenciement pour les motifs exposés au point 5, et avait treize ans d'ancienneté. Compte tenu des conditions dans lesquelles l'intéressée a été licenciée, de son ancienneté, de sa rémunération nette mensuelle de 1 100 euros à la date de son éviction et de ses difficultés à retrouver un emploi en raison de son âge, il sera fait une juste appréciation de son préjudice financier en lui allouant une somme de 8 000 euros à ce titre.

8. Si le centre hospitalier demande la réformation du jugement en ce qu'il a accordé à Mme A... la somme de 5 720 euros au titre de l'indemnité de licenciement, il n'apporte aucun élément en fait ou en droit de nature à remettre en cause le montant fixé par les premiers juges qu'il y lieu de confirmer par adoption des motifs exposés aux points 9 et 10 du jugement attaqué.

9. Il résulte de tout ce qui précède que le montant de la somme de 8 220 euros mise à la charge du centre hospitalier de Laon doit être portée à 16 220 euros.

Sur les frais liés au litige :

En ce qui concerne les frais exposés devant le tribunal administratif :

10. Par l'article 2 du jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a mis à la charge du centre hospitalier de Laon le versement à Mme A... d'une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il ne ressort pas des pièces du dossier que le tribunal administratif ait fait une inexacte appréciation du montant des frais exposés en première instance par l'intéressée.

En ce qui concerne les frais exposés devant la Cour :

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de Mme A... le versement au centre hospitalier de Laon d'une somme au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. En revanche, il y a lieu de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge du centre hospitalier de Laon la somme de 1 500 euros demandée par Mme A....

DÉCIDE :

Article 1er : La somme de 8 220 euros mise à la charge du centre hospitalier de Laon, par l'article 1er du jugement attaqué est portée à 16 220 euros.

Article 2 : Le centre hospitalier de Laon versera à Mme A... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le jugement n° 1602166 du 23 octobre 2018 du tribunal administratif d'Amiens est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête, l'appel incident du centre hospitalier de Laon et ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetés.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... A... et au centre hospitalier de Laon.

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N°19DA02593


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 18DA02593
Date de la décision : 02/04/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Fonctionnaires et agents publics - Agents contractuels et temporaires - Nature du contrat.

Fonctionnaires et agents publics - Contentieux de la fonction publique - Contentieux de l'indemnité.


Composition du Tribunal
Président : Mme Courault
Rapporteur ?: Mme Muriel Milard
Rapporteur public ?: Mme Leguin
Avocat(s) : CABINET ACG

Origine de la décision
Date de l'import : 18/04/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2020-04-02;18da02593 ?
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