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02/04/2020 | FRANCE | N°18DA02563

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2ème chambre, 02 avril 2020, 18DA02563


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... D... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler la décision du 24 mars 2016 par laquelle le conseil départemental du Nord de l'ordre national des médecins a refusé de saisir la chambre disciplinaire de première instance du Nord-Pas de Calais de l'ordre des médecins afin qu'elle se prononce sur les faits reprochés à M. B....

Par un jugement n° 1604511 du 26 octobre 2018, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une r

equête, enregistrée le 18 décembre 2018, Mme D..., représentée par Me F... C..., demande à l...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... D... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler la décision du 24 mars 2016 par laquelle le conseil départemental du Nord de l'ordre national des médecins a refusé de saisir la chambre disciplinaire de première instance du Nord-Pas de Calais de l'ordre des médecins afin qu'elle se prononce sur les faits reprochés à M. B....

Par un jugement n° 1604511 du 26 octobre 2018, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 18 décembre 2018, Mme D..., représentée par Me F... C..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler cette décision ;

3°) d'enjoindre au conseil départemental du Nord de l'ordre national des médecins de transmettre sa plainte à la chambre disciplinaire de première instance du Nord-Pas de Calais du même ordre sous astreinte à déterminer par la cour ;

4°) de mettre une somme de 2 500 euros à la charge du conseil départemental du Nord de l'ordre national des médecins au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi qu'aux entiers dépens.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Muriel Milard, premier conseiller,

- les conclusions de Mme Anne-Marie Leguin, rapporteur public,

- et les observations de Me E..., substituant Me C..., représentant Mme D... et de Me G..., représentant le conseil départemental du Nord de l'ordre national des médecins.

Considérant ce qui suit :

1. Saisi d'une plainte de Mme D..., chirurgien de la main et du membre supérieur, praticien hospitalier contractuel en fonction au centre hospitalier de Valenciennes, contre un médecin spécialiste en anesthésie-réanimation exerçant dans ce même établissement, le conseil départemental du Nord de l'ordre des médecins a refusé, par une décision du 24 mars 2016, de de saisir la chambre disciplinaire de première instance de l'ordre de cette plainte. Mme D... relève appel du jugement du 26 octobre 2018 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.

Sur la fin de non-recevoir opposée par le conseil départemental du Nord de l'ordre des médecins :

2. Aux termes de l'article L. 4123-2 du code de la santé publique, dans sa rédaction applicable au présent litige : " Il est constitué auprès de chaque conseil départemental une commission de conciliation composée d'au moins trois de ses membres. (...) / Lorsqu'une plainte est portée devant le conseil départemental, son président en accuse réception à l'auteur, en informe le médecin (...) mis en cause et les convoque dans un délai d'un mois à compter de la date d'enregistrement de la plainte en vue d'une conciliation. En cas d'échec de celle-ci, il transmet la plainte à la chambre disciplinaire de première instance avec l'avis motivé du conseil dans un délai de trois mois à compter de la date d'enregistrement de la plainte, en s'y associant le cas échéant. / (...) / En cas de carence du conseil départemental, l'auteur de la plainte peut demander au président du conseil national de saisir la chambre disciplinaire de première instance compétente. Le président du conseil national transmet la plainte dans le délai d'un mois ".

3. Par dérogation à ces dispositions, l'article L. 4124-2 du code de la santé publique prévoit, s'agissant des " médecins (...) chargés d'un service public et inscrits au tableau de l'ordre ", qu'ils " ne peuvent être traduits devant la chambre disciplinaire de première instance, à l'occasion des actes de leur fonction publique, que par le ministre chargé de la santé, le représentant de l'Etat dans le département, le directeur général de l'agence régionale de santé, le procureur de la République, le conseil national ou le conseil départemental au tableau duquel le praticien est inscrit (...) ".

4. Il résulte de ces dispositions que les personnes et autorités publiques mentionnées à cet article ont seules le pouvoir de traduire un médecin chargé d'un service public devant la juridiction disciplinaire à raison d'actes commis dans l'exercice de cette fonction publique. En particulier, un conseil départemental de l'ordre des médecins exerce, en la matière, une compétence propre et les décisions par lesquelles il décide de ne pas déférer un médecin devant la juridiction disciplinaire peuvent faire directement l'objet d'un recours pour excès de pouvoir devant la juridiction administrative.

5. Par suite, la fin de non-recevoir opposée par le conseil départemental du Nord de l'ordre des médecins tirée du défaut d'intérêt à agir de Mme D... doit être écartée.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

6. Lorsque le médecin poursuivi exerce une mission de service public, comme en l'espèce dans le cadre du service public hospitalier, et que le conseil départemental de l'ordre des médecins est saisi d'une plainte d'une personne qui ne dispose pas du droit de traduire elle-même un médecin en chambre de discipline, il lui appartient de décider des suites à donner à la plainte. Il dispose, à cet effet, d'un large pouvoir d'appréciation et peut tenir compte notamment de la gravité des manquements allégués, du sérieux des éléments de preuve recueillis, ainsi que de l'opportunité d'engager des poursuites compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'affaire.

7. Aux termes de l'article R. 4127-56 du code de la santé publique : " Les médecins doivent entretenir entre eux des rapports de bonne confraternité. / Un médecin qui a un différend avec un confrère doit rechercher une conciliation, au besoin par l'intermédiaire du conseil départemental de l'ordre. / Les médecins se doivent assistance dans l'adversité ". Aux termes de l'article R. 4127-1 du même code : " Les dispositions du présent code de déontologie s'imposent aux médecins inscrits au tableau de l'ordre, à tout médecin exécutant un acte professionnel dans les conditions prévues à l'article L. 4112-7 ou par une convention internationale, ainsi qu'aux étudiants en médecine effectuant un remplacement (...) / Conformément à l'article L. 4122-1, l'ordre des médecins est chargé de veiller au respect de ces dispositions. Les infractions à ces dispositions relèvent de la juridiction disciplinaire de l'ordre ".

8. Il est établi par les pièces du dossier et sans que cela soit d'ailleurs contesté, que le 31 juillet 2015, M. B..., médecin-anesthésiste, a fait irruption dans un bloc opératoire et a agressé verbalement Mme D... alors que celle-ci était en train d'opérer un patient, victime d'un écrasement de la main, en tenant des propos violents à l'égard de l'intéressée au motif qu'il y avait un manque d'organisation au bloc opératoire dès lors qu'un autre patient était en attente. Si l'organisation du service avait été modifiée compte tenu de l'admission de patients en urgence, cette circonstance ne saurait justifier que M. B... s'en prenne publiquement à sa consoeur qui, déstabilisée, a été contrainte d'interrompre pendant quelques minutes l'intervention qu'elle pratiquait sur un patient témoin de cette scène et angoissé par cette violence. Il y a ainsi un manquement de M. B... à l'obligation de confraternité. Dans ces conditions, quand bien-même ce dernier aurait présenté ses excuses par la suite à Mme D..., celles-ci ayant au demeurant été présentées quinze jours après les faits, et qu'il aurait été en situation de stress, les faits qui lui sont reprochés sont cependant susceptibles de faire l'objet d'une qualification disciplinaire. Enfin, Mme D... soutient sans être contestée que, contrairement à ce que fait valoir le conseil départemental de l'ordre des médecins, la collaboration avec M. B... ne s'est pas poursuivie dès lors qu'elle a été placée en arrêt de maladie à la suite de cet évènement, qu'elle a demandé ensuite à ne plus collaborer avec ce médecin dans un courrier adressé le 11 août 2015 au président de la commission médicale d'établissement et qu'enfin, il a été mis fin à ses fonctions par une décision du 20 avril 2016. Compte tenu de l'ensemble de ces éléments, la décision du 24 mars 2016 par laquelle le conseil départemental du Nord de l'ordre national des médecins a refusé de transmettre la plainte de Mme D... à la chambre disciplinaire de première instance du Nord-Pas de Calais du même ordre est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation, contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges et doit être annulée.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

9. Eu égard au motif retenu par le présent arrêt, celui-ci implique nécessairement que le conseil départemental du Nord de l'ordre national des médecins transmette la plainte de Mme D... à la chambre disciplinaire de première instance du Nord-Pas de Calais du même ordre dans un délai d'un mois.

10. Il résulte de tout ce qui précède que Mme D... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge du conseil départemental du Nord de l'ordre national des médecins le versement à Mme D... d'une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1604511 du tribunal administratif de Lille du 26 octobre 2018 et la décision du 24 mars 2016 du conseil départemental du Nord de l'ordre national des médecins sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au conseil départemental du Nord de l'ordre national des médecins de transmettre la plainte de Mme D... à la chambre disciplinaire de première instance du Nord-Pas de Calais du même ordre dans un délai d'un mois.

Article 3 : Le conseil départemental du Nord de l'ordre national des médecins versera à Mme D... une somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... D... et au conseil départemental du Nord de l'ordre national des médecins.

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N°18DA02563


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 18DA02563
Date de la décision : 02/04/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

55-01-02-01 Professions, charges et offices. Ordres professionnels - Organisation et attributions non disciplinaires. Questions propres à chaque ordre professionnel. Ordre des médecins.


Composition du Tribunal
Président : M. Sorin
Rapporteur ?: Mme Muriel Milard
Rapporteur public ?: Mme Leguin
Avocat(s) : PITCHO

Origine de la décision
Date de l'import : 18/04/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2020-04-02;18da02563 ?
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