Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
L'établissement public Voies navigables de France a déféré la SARL Transport Calyps'eau au tribunal administratif de Rouen, en application de l'article L. 774-2 du code de justice administrative, comme prévenue d'une contravention de grande voirie, et a demandé au tribunal, d'une part, de condamner cette société au paiement d'une amende de 12 000 euros, d'autre part, de lui enjoindre de nettoyer et de remettre en état le domaine public fluvial dans un délai de quinze jours, sous astreinte de 50 euros par jour de retard, enfin, de la condamner au paiement d'une somme de 250 euros au titre des frais d'établissement et de notification du procès-verbal et des frais de notification du jugement à intervenir par voie d'huissier de justice.
Par un jugement n° 1703853 du 13 mars 2018, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rouen a, au titre de l'action publique, condamné la SARL Transport Calyps'eau à payer une amende de 5 000 euros et, au titre de l'action domaniale, lui a enjoint, pour autant qu'elle ne l'ait pas déjà fait, de procéder au nettoyage et à la remise en état de la zone du domaine public fluvial que le naufrage du pousseur dénommé " Signal " a polluée, dans le délai de quinze jours à compter de la notification du jugement, sous astreinte de 50 euros par jour de retard, et autorisé l'établissement public Voies navigables de France, passé ce délai de quinze jours, à procéder d'office à ce nettoyage et à cette remise en état aux frais et risques de la société.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 14 juin 2018, la SARL Transport Calyps'eau, représentée par la SCP Dominique Levasseur, Virginie Levasseur, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de rejeter les demandes de l'établissement public Voies navigables de France ;
3°) de mettre à la charge de cet établissement la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général de la propriété des personnes publiques ;
- le code des transports ;
- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Jimmy Robbe, premier conseiller,
- et les conclusions de M. Charles-Edouard Minet, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Par un procès-verbal de contravention de grande voirie dressé le 13 juin 2017, notifié le 13 juillet suivant, un agent assermenté de l'établissement public Voies navigables de France a constaté que le bateau pousseur dénommé " Signal ", immatriculé P13537F, a coulé sur son côté tribord, en rive droite de la Seine, au point kilométrique 175,900 sur le territoire de la commune des Andelys, provoquant une pollution du fleuve par des hydrocarbures. Par un jugement du 13 mars 2018, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rouen a, à la demande de l'établissement public Voies navigables de France, substitué à l'Etat dans l'exercice des pouvoirs dévolus à ce dernier pour la répression des atteintes à l'intégrité et à la conservation du domaine public, condamné la SARL Transport Calyps'eau à payer une amende de 5 000 euros, lui a enjoint de procéder au nettoyage et à la remise en état de la zone du domaine public fluvial que le naufrage de ce pousseur a polluée, dans le délai de quinze jours à compter de la notification du jugement, sous astreinte de 50 euros par jour de retard, et autorisé l'établissement public Voies navigables de France, passé ce délai de quinze jours, à procéder d'office à ce nettoyage et à cette remise en état aux frais et risques de la SARL Transport Calyps'eau. Cette dernière relève appel de ce jugement.
Sur le bien-fondé de la contravention de grande voirie :
2. D'une part, aux termes de l'article L. 774-2 du code de justice administrative : " Dans les dix jours qui suivent la rédaction d'un procès-verbal de contravention, le préfet fait faire au contrevenant notification de la copie du procès-verbal. / Pour le domaine public défini à l'article L. 4314-1 du code des transports, l'autorité désignée à l'article L. 4313-3 du même code est substituée au représentant de l'Etat dans le département. (...) ". Aux termes de l'article L. 2132-7 du code général de la propriété des personnes publiques : " Nul ne peut, sous peine de devoir remettre les lieux en état ou, à défaut, de payer les frais de la remise en état d'office par l'autorité administrative compétente : / 1° Jeter dans le lit des rivières et canaux domaniaux ou sur leurs bords des matières insalubres ou des objets quelconques ni rien qui puisse embarrasser le lit des cours d'eau ou canaux ou y provoquer des atterrissements ; / (...) / Le contrevenant est également passible d'une amende de 150 à 12 000 euros ".
3. La pollution provoquée par le déversement des hydrocarbures consécutif au naufrage du pousseur dénommé " Signal ", constatée par le procès-verbal mentionné au point 1 et dont la réalité n'est au demeurant pas contestée par la société appelante, est assimilable au jet d'une matière insalubre dans le cours d'eau au sens des dispositions ci-dessus reproduites du 1° de l'article L. 2132-7 du code général de la propriété des personnes publiques. Ce fait est constitutif d'une contravention de grande voirie prévue et réprimée par ces mêmes dispositions.
4. D'autre part, aux termes de l'article L. 4121-2 du code des transports : " Tout acte ou jugement translatif, constitutif ou déclaratif de propriété ou de droits réels sur un bateau mentionné à l'article L. 4111-1 est rendu public par une inscription faite à la requête de l'acquéreur ou du créancier, sur un registre tenu au greffe du tribunal de commerce du lieu de l'immatriculation. Il n'a d'effet à l'égard des tiers qu'à compter de cette inscription ".
5. Le récépissé de déclaration établi le 4 février 1953 par le bureau d'immatriculation de Paris du ministère de l'écologie, de l'énergie, de développement durable et de la mer désigne la société Transport Calyps'eau comme propriétaire du bateau dénommé " Signal ", immatriculé P13537F. Cette société, qui ne conteste pas en avoir été propriétaire, soutient, sans verser au dossier un acte de cession, que ce bateau aurait ensuite été acquis par la société Navig'Eure, et, sans l'établir, que cette dernière l'aurait scindé en deux parties au cours de l'année 2006, la partie " cale " devenant une simple barge dénommée " Signal ", immatriculée P13537F, l'autre partie, soit la partie arrière, dite pousseur, également dénommée " Signal ", n'étant pas immatriculée. La société Transport Calyps'eau soutient également que, toujours au cours de l'année 2006, elle a acquis cette barge non immatriculée, tandis que le pousseur dénommé " Signal " aurait été acquis par une personne dénommée M. A... le 30 janvier 2014. Cependant, cette dernière allégation est contredite par l'acte de vente du 30 janvier 2014 que la SARL Transport Calyps'eau verse elle-même au dossier, qui concerne le pousseur dénommé " Signal " et mentionne expressément l'immatriculation de celui-ci, sous la référence P13537F. Par ailleurs, par une lettre du 2 juillet 2015, le bureau administratif des autorisations de la direction régionale et interdépartementale de l'équipement et de l'aménagement d'Ile-de-France a rejeté la déclaration de mutation de propriété du bateau dénommé " Signal " au profit d'un nouvel acquéreur, le destinataire de cette lettre étant la SARL Transport Calyps'eau, et l'établissement public Voies navigables de France soutient, sans être contredit sur ce point, que c'est cette société qui, à l'occasion de cette déclaration, s'est présentée comme la propriétaire du bateau. En tout état de cause, la SARL Transport Calyps'eau, qui n'établit pas qu'auraient été accomplies les formalités prévues par les dispositions ci-dessus reproduites du code des transports lors des cessions alléguées du bateau, la première au bénéfice de la société Navig'Eure, et la seconde au bénéfice de M. A..., ne peut utilement se prévaloir de ce qu'elle n'en était plus le propriétaire lors de l'établissement du procès-verbal du 13 juin 2017 mentionné au point 1. Dans ces conditions, c'est à bon droit que ce procès-verbal a été dressé à son encontre.
6. Il résulte de tout ce qui précède que la SARL Transport Calyps'eau n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rouen l'a condamnée à verser une amende de 5 000 euros et lui a enjoint de nettoyer et de remettre en état la zone du domaine public fluvial que le naufrage du pousseur " Signal " a polluée.
Sur les frais exposés et non compris dans les dépens :
7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'établissement public Voies navigables de France, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que la SARL Transport Calyps'eau réclame au titre des frais du procès.
8. Si une personne publique qui n'a pas eu recours au ministère d'avocat peut néanmoins demander au juge le bénéfice de l'article L. 761-1 du code de justice administrative au titre des frais spécifiques exposés par elle à l'occasion de l'instance, elle ne saurait se borner à faire état d'un surcroît de travail de ses services et doit faire état précisément des frais qu'elle aurait exposés pour défendre à l'instance. En l'espèce, Voies navigables de France, établissement public dans les missions duquel entre celle de défendre les actions dont il est l'auteur, et qui dispose de services juridiques et contentieux organisés à cette fin, ne fait état devant la cour d'aucun frais spécifique lié à la présente instance, qui excèderait le coût normal de fonctionnement de ses services contentieux. Ses conclusions fondées sur article L. 761-1 du code de justice administrative doivent donc être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la SARL Transport Calyps'eau est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de l'établissement public Voies navigables de France présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Transport Calyps'eau et à l'établissement public Voies navigables de France.
N°18DA01238 2