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12/03/2020 | FRANCE | N°18DA00854

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2ème chambre, 12 mars 2020, 18DA00854


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C..., Mme D... H... épouse C..., agissant en leur nom personnel et en qualité de représentants légaux de leur fille mineure B..., et M. E... C... ont demandé au tribunal administratif de Rouen :

- de condamner l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) à verser à M. A... C... la somme totale de 257 648,40 euros, avec intérêts au taux légal, en réparation des préjudices résultant de sa contamination par l

e virus de l'hépatite C (VHC), avant déduction de la somme provisionnelle de 5 000 ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C..., Mme D... H... épouse C..., agissant en leur nom personnel et en qualité de représentants légaux de leur fille mineure B..., et M. E... C... ont demandé au tribunal administratif de Rouen :

- de condamner l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) à verser à M. A... C... la somme totale de 257 648,40 euros, avec intérêts au taux légal, en réparation des préjudices résultant de sa contamination par le virus de l'hépatite C (VHC), avant déduction de la somme provisionnelle de 5 000 euros déjà perçue ;

- de condamner l'ONIAM à verser à Mme D... C... la somme totale de 30 000 euros en réparation des préjudices résultant de cette contamination, à M. E... C... la somme de 5 000 euros, en réparation de son préjudice d'affection et à M. et Mme A... C... la somme de 5 000 euros en réparation du préjudice d'affection subi par leur fille mineure B..., avec intérêts au taux légal.

Par un jugement n° 1402557 du 28 février 2018, le tribunal administratif de Rouen a condamné l'ONIAM à verser à M. A... C... la somme de 46 711,75 euros, avant déduction de la provision de 5 000 euros allouée par le jugement avant dire droit du 17 mars 2016, avec intérêts au taux légal à compter du 16 octobre 2013. Il a également condamné l'ONIAM à verser à Mme D... C... la somme de 4 000 euros, à M. E... C... la somme de 2 500 euros et à M. et Mme A... C..., en qualité de représentants légaux de B... C..., la somme de 2 500 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 16 octobre 2013. Il a également mis à la charge de l'ONIAM les frais d'expertise taxés et liquidés à la somme de 3 503 euros et rejeté le surplus des conclusions de la requête.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 26 avril 2018, M. A... C..., Mme D... H..., épouse C..., agissant en leur nom personnel et en qualité de représentants légaux de leur fille mineure B..., et M. E... C..., représentés par Me F... G..., demandent à la cour :

1°) de réformer ce jugement ;

2°) de condamner l'ONIAM à verser à M. A... C... la somme totale de 257 648,40 euros, avec intérêts au taux légal, en réparation des préjudices résultant de sa contamination par le virus de l'hépatite C, sous déduction de la somme provisionnelle de 5 000 euros déjà perçue ;

3°) de condamner l'ONIAM à verser à Mme D... C... la somme totale de 30 000 euros en réparation des préjudices résultant de cette contamination, à M. E... C... la somme de 5 000 euros, en réparation de son préjudice d'affection et à M. et Mme A... C... la somme de 5 000 euros en réparation du préjudice d'affection subi par leur fille mineure B..., avec intérêts au taux légal à compter de leur demande préalable ;

4°) de mettre à la charge de l'ONIAM une somme de 3 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative et la somme de 3 503 euros au titre des entiers dépens.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de la sécurité sociale ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Muriel Milard, premier conseiller,

- et les conclusions de Mme Anne-Marie Leguin, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. A... C..., alors âgé de seize ans, victime d'un accident de la circulation sur la voie publique le 29 novembre 1986, a reçu plusieurs transfusions de concentrés globulaires et de plasma au cours des années 1986 et 1987 au centre hospitalier régional de Rouen. Le 27 août 1998, a été diagnostiquée une hépatite C chronique avec une activité minime et une fibrose portale. Par un jugement avant dire-droit du 17 mars 2016, le tribunal administratif de Rouen a estimé que la contamination de M. C... n'avait pas pu avoir une autre origine que les transfusions reçues, a mis à la charge de l'ONIAM une provision de 5 000 euros et ordonné une expertise à l'effet de préciser les préjudices résultant de cette contamination. Les consorts C... relèvent appel du jugement du 28 février 2018 du tribunal administratif de Rouen en tant qu'il n'a pas fait droit à l'intégralité de leurs prétentions indemnitaires. L'ONIAM, qui n'a jamais contesté devoir prendre en charge au titre de la solidarité nationale l'indemnisation des préjudices subis par l'intéressé et ses proches, conclut au rejet de la requête.

Sur l'évaluation des préjudices de M. A... C... :

2. M. A... C..., qui exerçait initialement la profession de charpentier puis de soudeur, a présenté neuf périodes de déficit fonctionnel temporaire en lien avec sa contamination par le virus de l'hépatite C du 26 novembre 1986 au 9 décembre 2013, date de consolidation de son état de santé. Il demeure atteint d'un déficit fonctionnel permanent évalué à 5 % par l'expert désigné par le tribunal administratif de Rouen.

En ce qui concerne les préjudices patrimoniaux :

S'agissant des dépenses d'assistance par une tierce personne :

3. Il ressort du rapport d'expertise que M. C... a eu besoin de l'assistance d'une tierce personne assurée par son épouse à raison de deux heures par jour entre le 24 septembre 1998 et le 23 septembre 1999, première période de traitement antiviral et également de deux heures par jour entre le 6 décembre 2012 et le 30 juin 2013, seconde période de traitement. En se fondant sur un taux horaire de 13 euros, compte tenu des cotisations dues par l'employeur et des majorations de rémunération pour travail du dimanche, correspondant au coût de l'aide non médicalisée que nécessitait l'état de santé de M. C... du 24 septembre 1998 au 23 septembre 1999, soit trois cent soixante-quatre jours, à raison de deux heures par jour, sur une base annuelle de quatre cent douze jours, incluant les congés payés, le coût de l'assistance par une tierce personne pour la période concernée peut être évalué à la somme de 10 712 euros. En se fondant sur le même taux et le même nombre d'heures par jour, le coût de cette aide entre le 6 décembre 2012 et le 30 juin 2013, soit deux cent six jours, sur la même base annuelle de quatre cent douze jours, peut être évalué à la somme de 6 046,92 euros. Il y a lieu, par suite, de porter la somme allouée à M. C... par les premiers juges de 14 790 euros à 16 758,92 euros.

Quant à l'incidence professionnelle :

4. Il ressort du rapport d'expertise judiciaire que l'intéressé a totalisé quatre cent soixante-sept jours d'arrêts de maladie en lien avec sa contamination, soit du 27 novembre 1986 au 1er juillet 1987 et du 9 mai 2001 au 2 août 2013, comprenant les deux périodes de traitement antiviral qui ont généré une grande fatigue. Il résulte de ces éléments que cette asthénie chronique, qui a engendré de nombreux arrêts de travail, a conduit à une pénibilité accrue de son emploi de soudeur liée à cette asthénie chronique et aux effets secondaires des traitements antiviraux. En revanche, M. C... n'établit pas, alors qu'il était apprenti dans l'entreprise de son père et n'a connu que peu de périodes de chômage, avoir subi une dévalorisation sur le marché du travail, ni qu'il a été amené à abandonner sa profession pour en exercer une autre. En outre, l'intéressé est considéré comme guéri depuis 2013 avec un taux de déficit fonctionnel permanent de 5 % et exerce une activité professionnelle sans discontinuer depuis. Il a été fait une juste appréciation de ce préjudice par les premiers juges, en allouant la somme de 5 000 euros à M. C... au titre de l'incidence professionnelle temporaire et définitive.

En ce qui concerne les préjudices extra-patrimoniaux :

S'agissant des préjudices temporaires :

Quant au déficit fonctionnel temporaire :

5. Il résulte de l'instruction que M. C... a subi plusieurs périodes de déficit fonctionnel temporaire en lien avec sa contamination par le virus de l'hépatite C, du 12 février 1987 au 23 septembre 1998, soit une durée de quatre mille deux cent quarante-deux jours, ce déficit fonctionnel temporaire a été évalué à 10 %, puis à 50 % du 24 septembre 1998 au 23 septembre 1999, soit trois cent soixante-quatre jours, puis à 10 % du 24 septembre 1999 au 17 novembre 1999, soit cinquante-quatre jours, puis à 20 % du 18 novembre 1999 au 9 mars 2000, soit cent douze jours, puis à 10 % du 10 mars 2000 au 5 décembre 2012, soit quatre mille six cent cinquante-trois jours, puis à 50 % du 6 décembre 2012 au 30 juin 2013, soit deux cent six jours, et enfin à 10 % du 1er juillet 2013 au 8 décembre 2013, soit cent soixante jours. A ces périodes, doivent être soustraits trois jours de déficit temporaire total correspondant à la biopsie hépatique pratiquée le 24 août 1998, le 11 février 2000 et le 11 février 2005. Il sera fait une juste appréciation de ce poste de préjudice en ramenant la somme de 15 921,75 euros allouée par les premiers juges à la somme de 15 871,75 euros sur la base d'un tarif unitaire moyen journalier de 13 euros.

Quant aux souffrances endurées :

6. Les douleurs éprouvées par M. C... ont été estimées par le rapport d'expertise à 3 sur une échelle de 7. Compte tenu des effets secondaires subis par M. C... durant les deux périodes de traitement antiviral (syndrome pseudo grippal, douleurs multiples, poly-arthralgies, douleurs abdominales, aphtose buccale) et des contraintes liées aux examens médicaux subis sur une période de vingt-six ans, il y a lieu de porter la somme de 5 000 euros allouée par les premiers juges à 6 000 euros.

Quant au préjudice esthétique temporaire :

7. Il résulte de l'instruction que M. C... a perdu ses cheveux au moment des deux traitements anti viraux. Il a été fait une juste appréciation de ce poste de préjudice en allouant à M. C... une somme de 500 euros.

S'agissant des préjudices permanents :

Quant au déficit fonctionnel permanent :

8. Il ressort du rapport d'expertise que M. C... conserve, depuis la consolidation de son état de santé intervenue le 9 décembre 2013, un déficit fonctionnel permanent de 5 %. Il a été fait une juste appréciation de ce préjudice en allouant à M. C... une somme de 5 500 euros.

Quant au préjudice d'agrément :

9. M. C... demande une indemnisation à hauteur de 5 000 euros. Cependant, il ne justifie pas d'une pratique sportive ou de loisirs régulière antérieurement à sa contamination. Par suite, c'est à bon droit que les premiers juges ont écarté ce chef de préjudice.

Sur les préjudices de Mme C... :

10. Mme C... demande une indemnisation de son préjudice d'affection à hauteur de 20 000 euros et de son préjudice extrapatrimonial exceptionnel et permanent à hauteur de 10 000 euros. Il a été fait une juste appréciation du préjudice d'affection de Mme C... en l'évaluant à la somme de 4 000 euros. En revanche, il n'est pas établi que Mme C... aurait subi du fait de la contamination de son mari des bouleversements de mode de vie au quotidien tels qu'elle puisse prétendre à une indemnisation de ce chef de préjudice.

Sur les préjudices de Nicolas et B... C... :

11. Les deux enfants mineurs à l'époque de la contamination de M. C... demandent une indemnisation du préjudice représenté par le fait d'avoir vécu leur enfance avec un père malade à hauteur de 5 000 euros chacun. Il a été fait une juste appréciation par les premiers juges du préjudice moral subi par les deux enfants de M. C... en l'évaluant à la somme de 2 500 euros chacun.

12. Il résulte de ce qui précède que M. C... est seulement fondé à demander à ce que l'indemnité que l'ONIAM a été condamné à lui verser, par le jugement attaqué, d'un montant de 46 711,75 euros, avant déduction de la provision de 5 000 euros qui lui a été allouée par le jugement avant-dire-droit du 17 mars 2016, soit portée à la somme de 49 630,674 euros. Mme C..., Nicolas et B... C... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le même jugement, l'ONIAM a été condamné à leur verser les sommes respectives de 4 000 euros et 2 500 euros.

Sur les frais liés à l'instance :

13. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'ONIAM le versement aux consorts C... d'une somme globale de 1 000 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : La somme de 46 711,75 euros que l'ONIAM a été condamné à verser à M. A... C... par le jugement du 28 février 2018 est portée à 49 630,674 euros, avant déduction de la provision de 5 000 euros allouée par le jugement avant dire droit du 17 mars 2016.

Article 2 : L'ONIAM versera aux consorts C... une somme globale de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 4 : Le jugement n° 1402557 du 28 février 2018 du tribunal administratif de Rouen est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C..., à Mme D... H... épouse C..., à M. E... C..., à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales et à la caisse primaire d'assurance maladie de Rouen-Elbeuf-Dieppe-Seine-Maritime.

5

N°18DA00854


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 18DA00854
Date de la décision : 12/03/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-02-01 Responsabilité de la puissance publique. Responsabilité en raison des différentes activités des services publics. Service public de santé.


Composition du Tribunal
Président : Mme Courault
Rapporteur ?: Mme Muriel Milard
Rapporteur public ?: Mme Leguin
Avocat(s) : SELARL PATRICE LEMIEGRE, PHILIPPE FOURDRIN

Origine de la décision
Date de l'import : 18/04/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2020-03-12;18da00854 ?
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