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25/02/2020 | FRANCE | N°18DA02359

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2ème chambre, 25 février 2020, 18DA02359


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... A... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler la décision du 23 février 2016 par laquelle le directeur du centre hospitalier de Roubaix a refusé la reconnaissance de l'imputabilité au service de l'accident survenu le 9 octobre 2012.

Par un jugement n° 1602261 du 27 septembre 2018, le tribunal administratif de Lille a annulé cette décision et a enjoint au centre hospitalier de Roubaix de prendre une décision reconnaissant l'imputabilité au service de l'accident survenu le 9 oc

tobre 2012, ainsi que des arrêts de travail prescrits, dans un délai de deux m...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... A... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler la décision du 23 février 2016 par laquelle le directeur du centre hospitalier de Roubaix a refusé la reconnaissance de l'imputabilité au service de l'accident survenu le 9 octobre 2012.

Par un jugement n° 1602261 du 27 septembre 2018, le tribunal administratif de Lille a annulé cette décision et a enjoint au centre hospitalier de Roubaix de prendre une décision reconnaissant l'imputabilité au service de l'accident survenu le 9 octobre 2012, ainsi que des arrêts de travail prescrits, dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 23 novembre 2018, le centre hospitalier de Roubaix, représenté par Me B... D..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de rejeter la demande présentée par Mme A... devant le tribunal administratif de Lille ;

3°) de mettre une somme de 1 800 euros à la charge de Mme A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;

- le décret n° 88-386 du 19 avril 1988 ;

- le décret n° 2008-1191 du 17 novembre 2008 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Muriel Milard, premier conseiller,

- les conclusions de Mme Anne-Marie Leguin, rapporteur public,

- et les observations de Me B... D..., représentant le centre hospitalier de Roubaix.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A..., aide-soignante en fonction au centre hospitalier de Roubaix depuis 1990, a fait l'objet d'un reclassement professionnel au mois d'octobre 2011 comme secrétaire médicale, à la suite d'une discopathie. Après avoir été affectée au service d'oncologie pour une durée de cinq mois puis au service de gastro-entérologie pour une durée de deux mois, elle a été affectée au service de réanimation au mois de juillet 2012. Elle a été victime d'une agression verbale de la part d'une collègue sur son lieu de travail le 9 octobre 2012 et a demandé que cet accident soit reconnu imputable au service. Par une première décision du 15 avril 2013, le directeur du centre hospitalier de Roubaix a refusé de reconnaître cette imputabilité. A la suite d'une nouvelle expertise médicale demandée par la commission de réforme hospitalière dans son avis du 18 juin 2013, le directeur de cet établissement a, par une nouvelle décision du 27 mars 2014, à nouveau refusé de reconnaître l'imputabilité au service de l'accident. Par un jugement n° 1404748 du 25 novembre 2015, devenu définitif, le tribunal administratif de Lille a annulé cette décision pour un vice de procédure et enjoint au centre hospitalier de réexaminer la demande de Mme A.... Le centre hospitalier de Roubaix relève appel du jugement du 27 septembre 2018 par lequel le tribunal administratif de Lille a annulé la décision du 23 février 2016, prise en exécution de ce jugement, refusant de reconnaître l'imputabilité au service de cet accident.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Aux termes de l'article 41 de la loi du 9 janvier 1986, dans sa rédaction applicable au présent litige : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) / 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants (...). / Toutefois, si la maladie provient (...) d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à sa mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident. / Dans le cas visé à l'alinéa précédent, l'imputation au service de la maladie ou de l'accident est appréciée par la commission de réforme instituée par le régime des pensions des agents des collectivités locales ".

3. D'une part, un accident survenu sur le lieu et dans le temps du service, dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice par un fonctionnaire de ses fonctions ou d'une activité qui en constitue le prolongement normal présente, en l'absence de faute personnelle ou de toute autre circonstance particulière détachant cet évènement du service, le caractère d'un accident de service. Il appartient dans tous les cas au juge administratif, saisi d'une décision de l'autorité administrative compétente refusant de reconnaître l'imputabilité au service d'un tel évènement, de se prononcer au vu des circonstances de l'espèce.

4. D'autre part, le droit, prévu par les dispositions précitées, de conserver l'intégralité du traitement est soumis à la condition que la maladie mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'accomplir son service soit en lien direct, mais non nécessairement exclusif, avec un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de ses fonctions.

5. Pour annuler la décision du 23 février 2016 en litige, le tribunal administratif de Lille a estimé que le directeur du centre hospitalier de Roubaix, en exigeant que soit établi un lien " direct et essentiel " entre l'état pathologique de Mme A... et l'accident survenu le 9 octobre 2012, avait entaché sa décision d'une erreur de droit et, au surplus, qu'il ressortait des pièces du dossier, notamment d'une expertise médicale du 27 janvier 2014, que la préexistence d'un état antérieur de Mme A... ne permettait pas de conclure à l'absence de lien direct entre les troubles observés et l'accident. Le centre hospitalier soutient qu'il a seulement fondé sa décision sur l'absence de lien direct entre la pathologie et l'accident dont elle a été victime et non sur l'existence d'un lien direct et exclusif. Il ressort des pièces du dossier que, si le centre hospitalier a pris en compte l'avis du médecin-expert du 27 janvier 2014 selon lequel le lien entre les troubles observés et l'activité dans le service n'est pas unique dans la mesure où il existe un état antérieur à l'accident, il s'est également fondé, pour prendre la décision en litige, sur les conclusions du précédent rapport d'expertise du 4 avril 2013 selon lesquelles l'imputabilité des troubles dont souffre Mme A..., soit un syndrome anxieux et dépressif, relatifs à l'arrêt de travail consécutif à l'altercation de l'intéressée avec une collègue, ne peut être établie, après avoir relevé que Mme A... présentait un état dépressif majeur remontant à l'époque de sa reconversion professionnelle. Il résulte de ces éléments que le centre hospitalier de Roubaix, en relevant qu'aucun lien " direct et essentiel " entre l'accident et le service n'était établi, s'est borné à rechercher l'existence d'un lien de causalité direct et certain entre les troubles psychologiques dont souffre Mme A... et l'accident déclaré le 9 octobre 2012, mais n'a pas exigé qu'un lien exclusif relie ces deux événements. Par suite, et sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre motif d'annulation retenu à titre surabondant par les premiers juges, le centre hospitalier de Roubaix est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Lille s'est fondé sur l'erreur de droit commise quant à la nature du lien de causalité exigé entre l'accident et les troubles psychologiques pour annuler la décision du 23 février 2016 en litige.

6. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme A... devant le tribunal administratif de Lille et devant la cour.

7. Aux termes de l'article 14 de l'arrêté du 4 août 2004 relatif aux commissions de réforme des agents de la fonction publique territoriale et de la fonction publique hospitalière : " Le secrétariat de la commission de réforme convoque les membres titulaires et l'agent concerné au moins quinze jours avant la date de la réunion. La convocation mentionne la liste des dossiers à examiner, les références de la collectivité ou de l'établissement employeur, l'objet de la demande d'avis ". Aux termes de l'article 16 du même arrêté : " La commission de réforme doit être saisie de tous témoignages, rapports et constatations propres à éclairer son avis. / Elle peut faire procéder à toutes mesures d'instructions, enquêtes et expertises qu'elle estime nécessaires. / Dix jours au moins avant la réunion de la commission, le fonctionnaire est invité à prendre connaissance, personnellement ou par l'intermédiaire de son représentant, de son dossier, dont la partie médicale peut lui être communiquée, sur sa demande, ou par l'intermédiaire d'un médecin ; il peut présenter des observations écrites et fournir des certificats médicaux. / La commission entend le fonctionnaire, qui peut se faire assister d'un médecin de son choix. Il peut aussi se faire assister par un conseiller ".

8. Il ressort des termes mêmes de la décision du 23 février 2016 refusant de reconnaître comme imputable au service l'accident du 9 octobre 2012 que celle-ci a été prise en exécution du jugement du 25 novembre 2015 du tribunal administratif de Lille, devenu définitif, selon lequel il ressortait des pièces du dossier et des allégations non contredites de Mme A..., que celle-ci n'avait pas été convoquée à la séance du 8 avril 2014 de la commission de réforme hospitalière, qu'elle n'a pas été à même de prendre connaissance de son dossier, de présenter des observations écrites et d'être entendue par les membres de la commission et qu'ainsi, Mme A... n'avait pas été en mesure de bénéficier des garanties prévues par les dispositions précitées de l'arrêté du 4 août 2004. Il ressort des termes mêmes de la décision du 23 février 2016 en litige que celle-ci se fonde à nouveau sur cet avis émis le 8 avril 2014 par la commission de réforme hospitalière sur l'imputabilité au service de l'accident du 9 octobre 2012, sans qu'il y ait pour autant eu de nouvelle consultation de cette commission, et encore moins de convocation de Mme A... devant celle-ci, afin de régulariser le vice de procédure tiré de la méconnaissance des dispositions précitées de l'arrêté du 4 août 2014. Ce vice de procédure, qui a privé Mme A... d'une garantie, est de nature à entraîner l'annulation de la décision du 23 février 2016.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

9. L'exécution du présent arrêt implique seulement que le centre hospitalier de Roubaix procède au réexamen de la demande de reconnaissance d'imputabilité au service de l'accident du 9 octobre 2012 de Mme A.... Il y a lieu de lui enjoindre d'y procéder dans un délai de quatre mois à compter de la notification du présent arrêt. Il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.

10. Il résulte de ce qui précède que le centre hospitalier de Roubaix n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a annulé la décision du 23 février 2016. Il est en revanche fondé à soutenir que c'est à tort que, par l'article 2 de ce jugement, les premiers juges, qui au demeurant ne pouvaient légalement fonder une injonction de reconnaissance de l'imputabilité au service de l'accident du 9 octobre 2012 en se fondant sur un motif retenu au surplus, l'ont enjoint de prendre une telle décision.

Sur les frais liés à l'instance :

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de Mme A..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que le centre hospitalier de Roubaix demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge du centre hospitalier de Roubaix la somme que Mme A... demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : L'article 2 du jugement n° 1602261 du 27 septembre 2018 du tribunal administratif de Lille est annulé.

Article 2 : Il est enjoint au centre hospitalier de Roubaix de procéder au réexamen de la demande de reconnaissance d'imputabilité au service de l'accident du 9 octobre 2012 de Mme A... dans un délai de quatre mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au centre hospitalier de Roubaix et à Mme C... A....

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N°"Numéro"


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 18DA02359
Date de la décision : 25/02/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-05-04-01-03 Fonctionnaires et agents publics. Positions. Congés. Congés de maladie. Accidents de service.


Composition du Tribunal
Président : M. Sorin
Rapporteur ?: Mme Muriel Milard
Rapporteur public ?: Mme Leguin
Avocat(s) : MARICOURT

Origine de la décision
Date de l'import : 03/03/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2020-02-25;18da02359 ?
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