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04/02/2020 | FRANCE | N°18DA00173

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1ère chambre, 04 février 2020, 18DA00173


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... a demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler la décision du 17 décembre 2014 par laquelle le maire d'Abbeville lui a délivré un certificat d'urbanisme négatif pour un projet de construction d'un bâtiment à usage d'habitation sur la parcelle cadastrée section AV n° 0045 située 137 chemin de Sur Somme à Laviers, d'enjoindre au maire d'Abbeville de réexaminer sa demande, sous astreinte de 200 euros par jour de retard à compter de la notification du jugement à intervenir, et d'ordonn

er l'exécution provisoire du jugement.

Par un jugement n° 1502343 du 21 nove...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... a demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler la décision du 17 décembre 2014 par laquelle le maire d'Abbeville lui a délivré un certificat d'urbanisme négatif pour un projet de construction d'un bâtiment à usage d'habitation sur la parcelle cadastrée section AV n° 0045 située 137 chemin de Sur Somme à Laviers, d'enjoindre au maire d'Abbeville de réexaminer sa demande, sous astreinte de 200 euros par jour de retard à compter de la notification du jugement à intervenir, et d'ordonner l'exécution provisoire du jugement.

Par un jugement n° 1502343 du 21 novembre 2017, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 22 janvier 2018, Mme B..., représentée par l'AARPI Dix-huit Boétie , demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir le certificat d'urbanisme négatif du 17 décembre 2014 ;

3°) d'enjoindre au maire d'Abbeville de réexaminer sa demande, sous astreinte de 200 euros par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de débouter la commune d'Abbeville de ses demandes reconventionnelles ;

5°) de mettre à la charge de la commune d'Abbeville la somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Jean-Pierre Bouchut, premier conseiller,

- et les conclusions de M. Charles-Edouard Minet, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Par décision du 17 décembre 2014, le maire d'Abbeville a délivré à Mme B... un certificat d'urbanisme négatif pour un projet de construction d'un bâtiment à usage d'habitation, sur une parcelle cadastrée section AV n° 0045 située 137 chemin de Sur Somme à Laviers. Mme B... relève appel du jugement du 21 novembre 2017 par lequel le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande.

Sur la régularité du jugement :

2. Il ressort des pièces du dossier que le jugement vise, par une erreur de plume, une clôture d'instruction au 18 octobre 2017 alors qu'une ordonnance de réouverture de l'instruction était intervenue, à la demande de Mme B..., et que le mémoire qu'elle avait versé au dossier la veille de la clôture de l'instruction a été visé et analysé par le tribunal administratif. Si l'appelante fait valoir qu'elle avait demandé cette réouverture de l'instruction pour pouvoir produire le cas échéant des pièces supplémentaires, elle ne démontre pas, ni même n'allègue, les avoir produites. Il n'est pas contesté que le dossier était en état d'être jugé et que Mme B... a été informée de la date à laquelle son affaire serait appelée par un avis d'audience qui lui permettait encore de produire ses pièces avant la clôture automatique de l'instruction résultant de l'enrôlement de l'affaire. Dès lors, l'appelante n'est pas fondée à soutenir que le principe du contradictoire aurait été méconnu.

3. Mme B... reproche encore au tribunal administratif d'avoir omis de statuer sur les moyens tirés de la présence de voies publiques à proximité du projet et de l'illégalité du plan de prévention des risques inondation, qu'elle avait soulevée par la voie de l'exception. Toutefois, l'invocation de la présence de ces voies publiques ne présentait pas le caractère d'un moyen mais d'un simple argument au soutien de l'exception d'illégalité visant le classement du terrain en zone naturelle au plan local d'urbanisme. Les premiers juges, qui ont écarté ce dernier moyen par des motifs précis, n'étaient donc pas tenus d'y répondre. Le deuxième motif de refus opposé à la demande de certificat d'urbanisme portait sur le classement du terrain d'assiette du projet en zone 1 du plan de prévention des risques d'inondation de la vallée de la Somme de ses affluents. Les premiers juges, qui se sont bornés à constater que le premier motif était de nature, à lui seul, à justifier la décision en litige, n'ont donc pas entaché leur jugement d'insuffisance de motivation en ne se prononçant pas sur l'exception d'illégalité de ce plan de prévention. Si le tribunal a rejeté comme irrecevable la demande d'exécution provisoire du jugement qui avait été présentée initialement par Mme B..., alors que cette demande ne figurait plus dans les conclusions de son dernier mémoire produit le 17 octobre 2017, le jugement n'est pas davantage entaché d'irrégularité dès lors que les premiers juges ont rejeté les dernières demandes de l'intéressée.

4. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de l'irrégularité du jugement doit être écarté.

Sur le bien-fondé du jugement :

5. Le maire d'Abbeville a pris l'arrêté en litige en se fondant sur les motif tirés de ce que la parcelle d'assiette du projet se situe, d'une part, en zone NA du plan local d'urbanisme de la commune, au sein de laquelle les constructions nouvelles sont interdites à l'exception des annexes aux constructions existantes, de l'implantation de services publics ou d'intérêt collectif, ainsi que des locaux d'hébergement d'animaux domestiques ou de loisirs ne constituant pas une activité agricole et, d'autre part, dans la zone 1 du plan de prévention des risques d'inondation de la vallée de la Somme, zone inondable d'aléas très faibles, au sein de laquelle n'est prévue que la possibilité de rénover ou d'aménager les constructions existantes ou de réaliser des extensions d'une emprise au sol inférieure à 20 m² et, enfin, de ce que la distance entre le réseau d'électricité existant et la parcelle ne permet pas un raccordement au réseau public de distribution d'électricité.

6. Aux termes de l'article R. 123-8 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction applicable à la date du certificat d'urbanisme en litige : " Les zones naturelles et forestières sont dites "zones N". Peuvent être classés en zone naturelle et forestière, les secteurs de la commune, équipés ou non, à protéger en raison : / a) Soit de la qualité des sites, milieux et espaces naturels, des paysages et de leur intérêt, notamment du point de vue esthétique, historique ou écologique ; / b) Soit de l'existence d'une exploitation forestière ; / c) Soit de leur caractère d'espaces naturels ". En vertu d'un principe général, il incombe à l'autorité administrative de ne pas appliquer un règlement illégal. Ce principe trouve à s'appliquer, en l'absence même de toute décision juridictionnelle qui en aurait prononcé l'annulation ou les aurait déclarées illégales, lorsque les dispositions d'un document d'urbanisme, ou certaines d'entre elles si elles en sont divisibles, sont entachées d'illégalité, sauf si cette illégalité résulte de vices de forme ou de procédure qui ne peuvent plus être invoqués par voie d'exception en vertu de l'article L. 600-1 du code de l'urbanisme. Ces dispositions doivent ainsi être écartées, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, par l'autorité chargée de délivrer des certificats d'urbanisme ou des autorisations d'utilisation ou d'occupation des sols, qui doit alors se fonder, pour statuer sur les demandes dont elle est saisie, sur les dispositions pertinentes du document immédiatement antérieur ou, dans le cas où celles-ci seraient elles-mêmes affectées d'une illégalité dont la nature ferait obstacle à ce qu'il en soit fait application, sur le document encore antérieur ou, à défaut, sur les règles générales fixées par les articles L. 111-1 et suivants et R. 111-1 et suivants du code de l'urbanisme.

7. Pour estimer que le classement de sa parcelle en zone NA est entaché d'illégalité, la requérante soutient que la parcelle pour laquelle elle demande un certificat d'urbanisme en vue de l'édification de deux constructions est d'une superficie trop faible pour être qualifiée de milieux et d'espaces naturels, qu'elle est desservie par les réseaux, qu'elle est enclavée par des infrastructures de transport, telles que la route départementale n° 40, une ligne ferroviaire, un canal maritime et l'autoroute A 28, chacune de ces infrastructures étant située à environ 500 mètres et qu'elle se trouve également à proximité d'une zone Ud, distante d'environ 600 mètres. Il ressort toutefois des pièces du dossier que la parcelle d'implantation du projet est située dans un secteur au sein duquel l'habitat est très dispersé, comportant de nombreuses et vastes prairies ainsi qu'un espace boisé. La zone NA délimite un secteur très faiblement urbanisé le long d'une route communale et est située au milieu d'une zone N, les deux zones étant en totalité inondables. Malgré la circonstance que des constructions existent à proximité, compte tenu de la localisation et des caractéristiques de la parcelle en cause, son classement en zone NA n'est pas entaché d'erreur manifeste d'appréciation et ne repose pas sur des faits matériellement inexacts. La circonstance que la parcelle est occupée par un remblai résultant du travail de l'homme et de nature différente des terrains avoisinants est sans influence sur la légalité du classement dans cette zone.

8. Il résulte de ce qui précède que l'exception d'illégalité du classement d'une partie de la parcelle AV45 en zone NA du plan local d'urbanisme de la commune doit être écartée.

9. Aux termes de l'article NA1 du règlement annexé au plan local d'urbanisme de la commune d'Abbeville : " OCCUPATIONS ET UTILISATIONS DU SOL INTERDITES " / " Toutes celles qui ne figurent pas à l'article NA2 ci-dessous : / DANS LES SECTEURS DE PRÉSERVATION DE LA RESSOURCE EN EAU FIGURANT AUX DOCUMENTS GRAPHIQUES / Sont interdits : / les constructions, / les décharges et stockages de matériau, / les affouillements de sol de plus de 1 m de hauteur, / les aires de stationnement de véhicules, / les dispositifs d'assainissement autonomes des eaux usées ou d'infiltration des eaux de ruissellement. / Et d'une façon générale toute occupation du sol pouvant conduire à un risque de pollution, même accidentel et les constructions autres que celles limitativement énumérées ci-après. / DANS LES SECTEURS DE RISQUE D'INONDATION D'ALÉA FAIBLE OU FORT FIGURANT AUX DOCUMENTS GRAPHIQUES / Les exhaussements de sol quelle qu'en soit la hauteur et la superficie. ". L'article NA2 du même règlement prévoit que : " OCCUPATIONS ET UTILISATIONS DU SOL SOUMISES À CONDITIONS " / " Les annexes des constructions existantes. / Les services publics ou d'intérêt collectif. / Les locaux d'hébergement d'animaux domestiques ou de loisirs ne constituant pas une activité agricole. / Les travaux, changements de destination et les extensions d'une construction existante, dans les conditions suivantes : / soit qu'ils n'induisent pas de changement de destination, / soit avec un changement de destination pour : Habitat agricole ou forestier, / services publics ou d'intérêt collectif, / activité et équipement de sports ou de loisirs fondés sur l'animal, la végétation ou la nature y compris ceux comportant des hébergements. / DANS LES SECTEURS DE ZONE HUMIDE / Les constructions et installations à condition qu'elles ne portent pas atteinte au milieu humide. / Toutefois restent admises les extensions des constructions existantes. ".

10. L'appelante soutient que la construction envisagée serait une extension d'une construction existante sans changement de destination. Or il ressort des termes mêmes de la demande de certificat d'urbanisme que le projet porte sur " la division d'une propriété permettant la création de deux parcelles en vue de construire un bâtiment à usage d'habitation " et non sur une extension d'une construction existante, le plan produit à l'appui de la demande étant sans ambiguïté sur ce point. Les dispositions précitées du règlement du plan local d'urbanisme interdisent la réalisation de toute construction nouvelle, seules les annexes aux constructions existantes étant autorisées. Le maire pouvait, par suite, se fonder sur les dispositions de l'article NA1 du règlement du plan local d'urbanisme pour délivrer un certificat d'urbanisme négatif.

11. Il résulte de ce qui précède que le maire d'Abbeville aurait pris la même décision s'il ne s'était fondé que sur le motif mentionné au point précédent, qui justifie à lui seul la délivrance d'un certificat d'urbanisme négatif à l'appelante. Il n'y a pas lieu, dès lors, d'examiner les moyens de Mme B... contestant la légalité des autres motifs du certificat en litige.

12. Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner la recevabilité de la demande de Mme B..., cette dernière n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement du 21 novembre 2017, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 17 décembre 2014 par laquelle le maire d'Abbeville lui a délivré un certificat d'urbanisme négatif.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

13. Le présent arrêt, qui se borne à rejeter la requête de Mme B..., n'implique aucune mesure d'exécution. Dès lors, les conclusions à fin d'injonction ne peuvent qu'être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

14. La commune d'Abbeville n'étant pas la partie perdante dans la présente instance, les conclusions de Mme B..., présentées au titre des frais liés au litige, doivent être rejetées. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme B... la somme de 1 500 euros à verser à la commune d'Abbeville au même titre.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : Mme B... versera à la commune d'Abbeville une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et à la commune d'Abbeville.

Copie en sera transmise pour information à la préfète de la Somme.

N°18DA00173 5


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 18DA00173
Date de la décision : 04/02/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-025 Urbanisme et aménagement du territoire. Certificat d'urbanisme.


Composition du Tribunal
Président : M. Boulanger
Rapporteur ?: M. Jean-Pierre Bouchut
Rapporteur public ?: M. Minet
Avocat(s) : DIXHUIT BOETIE

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2020-02-04;18da00173 ?
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