Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme H... E... a demandé au tribunal administratif de Rouen de condamner le centre hospitalier universitaire de Rouen à lui verser une somme totale de 316 579,49 euros, avec intérêts au taux légal et capitalisation de ceux-ci, en indemnisation des préjudices résultant de l'infection nosocomiale dont elle a été victime.
Par un jugement n° 1500081 du 18 mai 2017, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande, ainsi que les conclusions de la caisse des dépôts et consignations, agissant pour le compte de la caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales, demandant le versement d'une somme de 186 548,84 euros correspondant au montant capitalisé, actualisé au 1er mars 2015, de la pension anticipée et de la rente viagère d'invalidité versées à l'intéressée.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 16 juin et le 21 juin 2017, Mme E..., représentée par Me G... B..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de condamner le centre hospitalier universitaire de Rouen à lui verser une somme totale de 316 579,49 euros en indemnisation de l'ensemble des préjudices subis, avec intérêts au taux légal à compter du 27 juin 2014, date d'envoi de sa demande préalable, et capitalisation de ceux-ci ;
3°) de mettre à la charge du centre hospitalier universitaire de Rouen les entiers dépens dont les frais d'expertise ;
4°) de mettre à la charge du centre hospitalier universitaire de Rouen une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la santé publique ;
- le code de la sécurité sociale ;
- le décret n° 2003-1306 du 26 décembre 2003 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Muriel Milard, premier conseiller,
- les conclusions de Mme Anne-Marie Leguin, rapporteur public,
- et les observations de Me D... A..., représentant Mme E..., et de Me F... C..., représentant la caisse des dépôts et consignations.
Considérant ce qui suit :
1. Le 15 septembre 2009, Mme E..., alors âgée de quarante-huit ans, qui avait été victime le 13 mars 2002 d'un accident du travail ayant entraîné un traumatisme du genou gauche avec une lésion méniscale, a été admise au centre hospitalier universitaire de Rouen pour la pose, sur ce même genou, d'une prothèse totale. Après la survenue d'un écoulement purulent avec fistulisation profonde au niveau de la cicatrice de la prothèse le 23 décembre 2009, Mme E... a fait l'objet d'une reprise chirurgicale le 28 décembre 2009 consistant notamment en l'ablation de cette prothèse, en un nettoyage au sérum physiologique et en la réalisation de prélèvements. Les prélèvements profonds effectués ont révélé la présence d'un staphylocoque aureus multisensible. A la suite de l'infection dont elle a été victime, Mme E... a recherché la responsabilité du centre hospitalier universitaire de Rouen et saisi, le 20 avril 2012, la commission de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux de Haute-Normandie, qui, après avoir prescrit une expertise le 21 février 2013, a conclu, par une décision du 7 novembre 2013, au caractère nosocomial de l'infection contractée et à la mise à la charge du centre hospitalier universitaire de Rouen de l'indemnisation des préjudices subis par Mme E.... La société hospitalière d'assurances mutuelles, assureur du centre hospitalier universitaire de Rouen, ayant contesté, par un courrier du 28 mars 2014, ces conclusions, Mme E... a saisi, le 27 juin 2014, le centre hospitalier d'une demande préalable d'indemnisation. Mme E... relève appel du jugement du 18 mai 2017 par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'indemnisation de ses préjudices. La caisse des dépôts et consignations, agissant pour le compte de la caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales, demande également la condamnation du centre hospitalier universitaire de Rouen à lui verser une somme de 213 057,71 euros, correspondant au montant capitalisé, actualisé au 1er août 2017, de la pension anticipée et de la rente d'invalidité versées à Mme E....
Sur la responsabilité :
2. Aux termes de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : " I. - Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute. / Les établissements, services et organismes susmentionnés sont responsables des dommages résultant d'infections nosocomiales, sauf s'ils rapportent la preuve d'une cause étrangère (...) ". Doit être regardée, au sens de ces dispositions, comme présentant un caractère nosocomial une infection survenant au cours ou au décours de la prise en charge d'un patient et qui n'était ni présente, ni en incubation au début de celle-ci, sauf s'il est établi qu'elle a une autre origine que la prise en charge.
3. Mme E... soutient qu'elle a contracté une infection nosocomiale à la suite de la pose d'une prothèse au genou gauche réalisée le 16 septembre 2009 et qu'il ne s'agit pas d'une infection autonome superficielle apparue tardivement à compter du 1er décembre 2009.
4. Il résulte de l'instruction, notamment du rapport des experts désignés par la commission de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux de Haute Normandie du 21 mai 2013, que Mme E... s'est vu poser une prothèse totale du genou gauche le 16 septembre 2009 et que les soins dispensés ont été conformes aux données acquises de la science. Cependant, après plusieurs pics fébriles survenus dès les 18 et 21 septembre 2009, une " désunion " avec une " large plaie sur la moitié de la cicatrice, bourgeonnante et fibrineuse " a pu être constatée au cours d'une consultation tenue le 3 novembre 2009 avec le praticien qui a opéré Mme E.... Bien qu'au cours de deux consultations ultérieures des 17 novembre et 1er décembre 2009, il a pu être constaté une évolution favorable de cette désunion des sutures, celle-ci, relevée par l'infirmière dès le 24 septembre 2009, constituait un signe annonciateur d'une infection profonde dont, selon les experts, les premiers signes manifestes (un écoulement purulent avec fistulisation profonde de la cicatrice de prothèse) ont été constatés le 23 décembre 2009. Un prélèvement bactériologique effectué le 24 décembre 2009 a révélé la présence d'un staphylocoque doré sensible à la méthicilline. Il résulte ainsi de ces éléments que cette infection, si elle a été formellement identifiée trois mois après la pose de la prothèse du genou, a commencé d'agir très peu de temps après cet acte de soins. Si le rapport critique établi le 15 mars 2014 par le docteur Tissot-Guérraz, expert près la cour d'appel de Lyon, et expert agréé par la Cour de cassation en infectiologie nosocomiale, établi à la demande de l'assureur des centres hospitaliers et soumis au débat contradictoire, évoque la possibilité d'une auto-contamination par l'intéressée qui aurait inoculé son propre staphylocoque aureus dans la plaie dès lors que le chirurgien aurait constaté lors de la consultation du 3 novembre 2009 que " Mme E... touche en permanence sa plaie pendant le pansement ", cette constatation ne présentait qu'un caractère ponctuel et selon les dires des experts de la commission de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux de Haute Normandie, l'infection profonde dont a été victime Mme E... ne serait pas survenue en dehors de son hospitalisation et aucune cause étrangère à cette infection n'a été retrouvée. Il résulte de l'ensemble de ces éléments, et quand bien même l'intéressée présentait un état antérieur important au niveau de son genou gauche en raison des quatre arthroscopies qu'elle a subies entre 2002 et 2008 et de nombreuses infiltrations, que l'infection dont a été victime Mme E..., identifiée le 23 décembre 2009, est en rapport direct avec la prise en charge médicale dont elle a fait l'objet au centre hospitalier universitaire de Rouen. Cette infection n'était ni présente, ni en incubation au début de celle-ci et n'a pas une autre origine que cette prise en charge. Par suite, et contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, elle présente un caractère nosocomial et est de nature à engager la responsabilité du centre hospitalier universitaire de Rouen.
Sur l'évaluation des préjudices de Mme E... :
5. Mme E..., adjoint titulaire de 2ème classe de la fonction publique territoriale exerçant ses fonctions au sein des cuisines de la restauration scolaire d'une commune, a présenté une incapacité temporaire totale de travail en lien avec l'infection du 23 décembre 2009 au 22 janvier 2010 et du 20 avril 2010 au 11 mai 2010, puis un déficit fonctionnel temporaire partiel en classe III du 23 janvier 2010 au 19 avril 2010 et du 12 mai 2010 au 21 avril 2011, date de consolidation de son état de santé. Elle a été mise en retraite pour invalidité à compter du 15 mai 2013.
En ce qui concerne les préjudices à caractère patrimonial :
S'agissant des dépenses d'assistance par une tierce personne :
Quant à la période avant consolidation :
6. Il ressort du rapport d'expertise judiciaire que Mme E... a eu besoin de l'assistance d'une tierce personne à raison d'une heure par jour entre le 17 mars 2010 et le 21 avril 2011, date de sa consolidation. De cette période, il convient d'exclure la période d'hospitalisation de Mme E... du 20 avril 2010 au 11 mai 2010, soit une période de 21 jours. En se fondant sur un taux horaire de 13 euros correspondant au coût de l'aide non médicalisée que nécessitait l'état de santé de Mme E... du 17 mars 2010 au 21 avril 2011, période d'hospitalisation exclue, soit trois cent soixante-quinze jours, et tenant compte de la valeur moyenne actualisée du salaire minimum interprofessionnel de croissance sur la période considérée, augmentée des charges sociales incombant à l'employeur, du coût des congés payés et de la majoration pour dimanche et jours fériés, à raison d'une heure par jour jusqu'à la date de consolidation de son état de santé, fixée au 21 avril 2011, et sur une base annuelle de quatre cent douze jours, le coût de l'assistance par une tierce personne pour la période concernée peut être évalué à la somme de 5 503,875 euros. Il y a lieu, par suite, d'allouer à Mme E... la somme de 5 503,88 euros au titre du préjudice lié aux besoins temporaires d'assistance par une tierce personne.
Quant à la période après consolidation :
7. Il ressort du même rapport d'expertise que l'intéressée, atteinte d'un déficit fonctionnel permanent de 30 %, a besoin de l'assistance d'une tierce personne à raison de trois heures et demie par semaine pour les courses et le ménage depuis le 21 avril 2011, date de la consolidation de son état de santé. Cependant, l'infection nosocomiale étant responsable à hauteur de 20 % seulement du déficit fonctionnel permanent dont Mme E... est atteinte, les 10 % restants provenant de la limitation de la flexion du genou gauche et de son instabilité, le besoin en assistance par une tierce personne relevant de la responsabilité du centre hospitalier universitaire de Rouen s'élève à deux heures et demie par semaine. Compte tenu du taux horaire moyen de rémunération sus-évoqué fixé à 13 euros, et sur la base annuelle de quatre cent douze jours incluant les congés payés, soit cinquante-huit semaines, il sera fait une juste appréciation du coût de l'assistance par une tierce personne pour la période allant de la consolidation à la date du présent arrêt, en la fixant à la somme de 16 475,87 euros.
Quant aux besoins futurs :
8. L'expert a estimé le besoin d'assistance par une tierce personne après consolidation et à titre permanent à trois heures et demie par semaine. Cependant, compte-tenu de ce qui a été dit au point 7, le centre hospitalier universitaire de Rouen devra verser à Mme E..., à compter de la date de lecture du présent arrêt, une rente annuelle indemnisant l'aide d'une tierce personne pour les gestes de la vie quotidienne à raison de deux heures et demie par semaine, dont le montant payable à terme échu, fixé à 1 885 euros à cette même date, sera revalorisé par application des coefficients prévus à l'article L. 434-17 du code de la sécurité sociale.
S'agissant de l'incidence professionnelle :
9. Il résulte de l'instruction que si l'intéressée, qui reste atteinte d'un déficit fonctionnel permanent de 30 %, ne pouvait plus exercer ses fonctions à la restauration scolaire qui nécessitent une station debout prolongée et le port de charges lourdes, elle aurait pu cependant reprendre une activité professionnelle sur un poste aménagé à compter du 21 avril 2011, date de la consolidation de son état de santé. Au vu de l'ensemble de ces éléments, Mme E... n'était pas définitivement inapte à l'exercice de toute activité professionnelle. En outre, elle était proche de l'âge de la retraite et ne justifie ni d'une perte de chance professionnelle, ni d'une dévalorisation sur le marché du travail. Elle ne peut par suite prétendre à aucune indemnisation au titre de l'incidence professionnelle.
En ce qui concerne les préjudices extra-patrimoniaux :
S'agissant des préjudices temporaires :
Quant au déficit fonctionnel temporaire :
10. Comme il a été dit au point 5, Mme E... a subi une incapacité temporaire totale de travail en lien avec l'infection du 23 décembre 2009 au 22 janvier 2010 et du 20 avril 2010 au 11 mai 2010, puis un déficit fonctionnel temporaire partiel à 50 % du 23 janvier 2010 au 19 avril 2010 et du 12 mai 2010 au 21 avril 2011, date de consolidation de son état de santé. Il sera fait une juste appréciation de ce poste de préjudice en l'évaluant à la somme de 3 500 euros.
Quant aux souffrances endurées :
11. Les douleurs éprouvées par Mme E... ont été estimées par le rapport d'expertise à 3,5 sur une échelle de 7. Il sera fait une juste appréciation de ce poste de préjudice en allouant à Mme E... à ce titre une somme de 5 000 euros.
Quant au préjudice esthétique temporaire :
12. Mme E... a subi un préjudice esthétique temporaire en raison de ses cicatrices, du port d'une attelle et de la nécessité de recourir à l'usage de béquilles qui a été estimé par le rapport d'expertise à 3 sur une échelle de 7. Il sera fait une juste appréciation de ce poste de préjudice en allouant à Mme E... à ce titre une somme de 3 500 euros.
S'agissant des préjudices permanents :
Quant au déficit fonctionnel permanent :
13. Il ressort du rapport d'expertise, que Mme E... conserve, depuis la consolidation de son état de santé intervenue le 21 avril 2011, un déficit fonctionnel permanent de 30 % dont 10 % résultent de la limitation de la flexion du genou et de son instabilité, et 20 % de l'infection nosocomiale contractée. Il sera fait une juste appréciation de ce préjudice en allouant à Mme E... la somme de 25 000 euros qu'elle demande à ce titre.
Quant au préjudice esthétique permanent :
14. Ce préjudice a été estimé par le rapport d'expertise à 3 sur une échelle de 7 compte tenu des cicatrices survenues après une greffe de peau, de la genouillère et des béquilles. Il sera fait une juste appréciation de ce poste de préjudice en allouant à Mme E... une somme de 3 500 euros.
Quant aux frais de véhicule adapté :
15. L'expert judiciaire précise que Mme E... a besoin d'une boîte automatique pour son véhicule. Mme E... demande une somme de 14 067,65 euros et produit un devis évaluant à 4 592,81 euros la pose d'une telle boîte. Compte tenu du déficit fonctionnel permanent de 30 %, dont seulement 20 % sont imputables à l'infection nosocomiale, dont Mme E... est atteinte, il sera fait une juste appréciation de ce chef de préjudice en allouant à Mme E... une somme de 3 061,87 euros. Il n'y a pas lieu d'accorder à Mme E... une indemnisation au titre des frais futurs de remplacement de son véhicule, ces frais ne présentant pas un caractère certain, l'acquisition d'un véhicule neuf équipé d'une boîte de vitesse automatique ne présentant pas systématiquement un coût supérieur à celui d'un véhicule équipé d'une boîte de vitesse manuelle.
Sur les conclusions présentées par la caisse des dépôts et consignations, agissant pour le compte de la caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales :
16. Aux termes de l'article 36 du décret du 26 décembre 2003 relatif au régime de retraite des fonctionnaires affiliés à la caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales : " Le fonctionnaire qui a été mis dans l'impossibilité permanente de continuer ses fonctions en raison d'infirmités résultant de blessures ou de maladies contractées ou aggravées, soit en service, soit en accomplissant un acte de dévouement dans un intérêt public, soit en exposant ses jours pour sauver la vie d'une ou plusieurs personnes, peut être mis à la retraite par anticipation soit sur sa demande, soit d'office, à l'expiration des délais prévus au troisième alinéa de l'article 30 et a droit à la pension rémunérant les services prévue au 2° de l'article 7 et au 2° du I de l'article L. 24 du code des pensions civiles et militaires de retraite. Par dérogation à l'article 19, cette pension est revalorisée dans les conditions fixées à l'article L. 341-6 du code de la sécurité sociale ". Aux termes de l'article 37 du même décret : " I. - Les fonctionnaires qui ont été mis à la retraite dans les conditions prévues à l'article 36 ci-dessus bénéficient d'une rente viagère d'invalidité cumulable, selon les modalités définies au troisième alinéa du I de l'article 34, avec la pension rémunérant les services prévus à l'article précédent. / Le bénéfice de cette rente viagère d'invalidité est attribuable si la radiation des cadres ou le décès en activité interviennent avant que le fonctionnaire ait atteint la limite d'âge sous réserve de l'application des articles 1er-1 à 1er-3 de la loi du 13 septembre 1984 susvisée et sont imputables à des blessures ou des maladies survenues dans l'exercice des fonctions ou à l'occasion de l'exercice des fonctions, ou résultant de l'une des autres circonstances énumérées à l'article 36 ci-dessus (...) ". Compte tenu des conditions posées à leur octroi et de leur mode de calcul, la pension de retraite anticipée pour invalidité et la rente viagère d'invalidité, prévues par ces dispositions doivent être regardées comme ayant pour objet exclusif de réparer, sur une base forfaitaire, les préjudices subis par la victime dans sa vie professionnelle en conséquence de l'accident, c'est-à-dire ses pertes de revenus professionnels et l'incidence professionnelle de son incapacité.
17. En l'espèce, il résulte de l'instruction, d'une part, que Mme E... a été admise à la retraite pour invalidité en lien avec l'accident de service survenu le 13 mars 2002 à compter du 1er mai 2013, et, d'autre part, qu'elle aurait été normalement admise à faire valoir ses droits à la retraite à compter du 16 mai 2016. Par ailleurs, il ressort des écritures non contestées de la caisse des dépôts et consignations, agissant pour le compte de la caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales, que la pension de Mme E..., qui avait droit à une retraite à taux plein, a été liquidée, dès le 1er mai 2013, à hauteur de 9 000 euros par an. Il résulte également de l'instruction qu'elle percevait avant sa mise à la retraite un revenu annuel imposable de 17 600 euros, subissant ainsi un préjudice financier annuel de 8 600 euros. Durant les trois années au cours desquelles Mme E... a été placée en retraite anticipée, elle a ainsi subi un préjudice de perte de revenus s'élevant à la somme de 25 800 euros. Il ne résulte en revanche pas de l'instruction qu'elle ait subi un quelconque préjudice de retraite que les prestations versées par la caisse des dépôts et consignations, agissant pour le compte de la caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales, en application des dispositions précitées des articles 36 et 37 du décret du 26 décembre 2003 (pension anticipée et rente viagère d'indemnité), auraient eu pour objet d'indemniser. La caisse des dépôts et consignations, agissant pour le compte de la caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales, est par suite subrogée dans les droits de Mme E... à hauteur de 25 800 euros. Par ailleurs, et ainsi qu'il a été dit, si l'état de santé de l'intéressée s'est aggravé en 2009 à la suite de l'infection nosocomiale qu'elle a contractée et si elle demeure atteinte d'un déficit fonctionnel permanent de 30 %, seuls 20 % sont imputables à cette infection, soit les deux tiers. Par suite, la caisse des dépôts et consignations, agissant pour le compte de la caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales, est seulement fondée à demander la condamnation du centre hospitalier universitaire de Rouen à lui verser une somme de 17 200 euros. Il n'y a, dans ces conditions, pas lieu de statuer sur la fin de non-recevoir tirée par le centre hospitalier universitaire de Rouen de l'irrecevabilité des conclusions d'appel de la caisse des dépôts et consignations, agissant pour le compte de la caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales, portant à la somme de 213 057,71 euros la somme de 186 548,84 euros demandée à ce titre en première instance.
18. Il résulte des points 6 à 15 que l'indemnité due par le centre hospitalier universitaire de Rouen à Mme E... s'élève à la somme totale de 65 541,62 euros, à laquelle doit s'ajouter la rente annuelle de 1 885 euros prévue au point 8 ci-dessus. Il résulte également du point précédent que le centre hospitalier universitaire de Rouen doit être condamné à verser à la caisse des dépôts et consignations, agissant pour le compte de la caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales, une somme de 17 200 euros.
19. Il résulte de tout ce qui précède que Mme E... et la caisse des dépôts et consignations, agissant pour le compte de la caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales, sont fondées à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté leurs demandes.
Sur les intérêts et la capitalisation des intérêts :
20. La requérante a droit aux intérêts au taux légal sur la somme de 65 541,62 euros allouée à compter du 27 juin 2014, date de sa demande préalable d'indemnisation.
21. La capitalisation des intérêts peut être demandée à tout moment devant le juge du fond, même si, à cette date, les intérêts sont dus depuis moins d'une année. En ce cas, cette demande ne prend toutefois effet qu'à la date à laquelle, pour la première fois, les intérêts sont dus pour une année entière. La capitalisation des intérêts a été demandée par le mémoire introductif d'instance du 6 janvier 2015. Il y a lieu de faire droit à cette demande à compter du 27 juin 2015, date à laquelle était due, pour la première fois, une année d'intérêts, ainsi qu'à chaque échéance annuelle à compter de cette date.
Sur les frais liés à l'instance :
22. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du centre hospitalier universitaire de Rouen le versement à Mme E... d'une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le centre hospitalier universitaire de Rouen versera également à la caisse des dépôts et consignations, agissant pour le compte de la caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales, la somme de 500 euros qu'elle demande au même titre.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1500081 du 18 mai 2017 du tribunal administratif de Rouen est annulé.
Article 2 : Le centre hospitalier universitaire de Rouen est condamné à verser à Mme E... une somme de 65 541,62 euros, à laquelle s'ajoute le versement d'une rente annuelle de 1 885 euros revalorisée par application des coefficients prévus à l'article L. 434-17 du code de la sécurité sociale. Ces sommes porteront intérêts au taux légal à compter du 27 juin 2014. Les intérêts échus à la date du 27 juin 2015, puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date, seront capitalisés à chacune de ces dates pour produire eux-mêmes des intérêts.
Article 3 : Le centre hospitalier universitaire de Rouen est condamné à verser à la caisse des dépôts et consignations, agissant pour le compte de la caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales, une somme de 17 200 euros.
Article 4 : Le centre hospitalier universitaire de Rouen versera à Mme E... une somme de 1 500 euros et à la caisse des dépôts et consignations, agissant pour le compte de la caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales, une somme de 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme H... E..., au centre hospitalier universitaire de Rouen et à la caisse des dépôts et consignations, agissant pour le compte de la caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales.
Copie sera adressée à la commune de Rouen, à la caisse primaire d'assurance maladie de Rouen-Elbeuf-Dieppe-Seine Maritime et à Mutame.
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N°17DA01165