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14/01/2020 | FRANCE | N°19DA00090

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1ère chambre, 14 janvier 2020, 19DA00090


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler l'arrêté du 19 septembre 2018 par lequel la préfète de la Seine-Maritime lui a refusé le renouvellement d'un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement.

Par un jugement n° 1803913 du 10 janvier 2019, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 12 janvier 2019, et d

es mémoires enregistrés les 2, 6 et 13 décembre 2019, Mme B..., représentée par Me C... A..., dem...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler l'arrêté du 19 septembre 2018 par lequel la préfète de la Seine-Maritime lui a refusé le renouvellement d'un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement.

Par un jugement n° 1803913 du 10 janvier 2019, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 12 janvier 2019, et des mémoires enregistrés les 2, 6 et 13 décembre 2019, Mme B..., représentée par Me C... A..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir cet arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Maritime de lui délivrer une carte de séjour temporaire d'un an, portant la mention " vie privée et familiale ", dans un délai d'un mois à compter de la décision à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) dans l'hypothèse d'une annulation de la décision en litige pour un motif d'illégalité externe, d'enjoindre au préfet de la Seine-Maritime de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans l'attente du réexamen de sa situation, dans un délai de huit jours à compter de la décision à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 31 juillet 1991, à verser à son avocat, sous réserve que ce dernier renonce au bénéfice de l'aide juridictionnelle.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile,

- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Jean-Pierre Bouchut, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B..., ressortissante sénégalaise, est entrée en France le 16 décembre 2013. Elle a, le 18 mai 2016, sollicité la délivrance d'un titre de séjour en qualité d'étranger malade, qui lui a été accordé. Ce titre expirait le 31 août 2017. Elle en a sollicité le renouvellement le 10 juillet 2017. Le 19 septembre 2018, la préfète de la Seine-Maritime a édicté un arrêté portant refus de renouvellement du titre de séjour, obligation de quitter le territoire dans les trente jours et fixant le pays de destination. Mme B... relève appel du jugement du 10 janvier 2019 par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur les conclusions aux fins d'annulation :

2. Aux termes du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. Les médecins de l'office accomplissent cette mission dans le respect des orientations générales fixées par le ministre chargé de la santé. (...) ". L'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile précise que : " Au vu du rapport médical mentionné à l'article 3, un collège de médecins désigné pour chaque dossier dans les conditions prévues à l'article 5 émet un avis, conformément au modèle figurant à l'annexe C du présent arrêté, précisant : a) si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ; b) si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; c) si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont le ressortissant étranger est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; d) la durée prévisible du traitement. Dans le cas où le ressortissant étranger pourrait bénéficier effectivement d'un traitement approprié, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, le collège indique, au vu des éléments du dossier du demandeur, si l'état de santé de ce dernier lui permet de voyager sans risque vers ce pays. Cet avis mentionne les éléments de procédure. Le collège peut délibérer au moyen d'une conférence téléphonique ou audiovisuelle. L'avis émis à l'issue de la délibération est signé par chacun des trois médecins membres du collège ".

3. Il ressort de l'avis du collège de médecins, rendu le 6 février 2018, que l'état de santé de Mme B... nécessite une prise en charge médicale, dont le défaut ne devrait pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qu'au vu des éléments du dossier et à la date de l'avis, l'état de santé de l'intéressée lui permet de voyager sans risque vers le pays d'origine. Toutefois, Mme B... produit un certificat d'un médecin spécialiste, en date du 8 octobre 2018, par lequel il " certifie suivre en consultation Mme B... depuis plus d'une année, dans le cadre de troubles psychiatriques chroniques, suffisamment graves pour avoir nécessité une prise en charge en affection longue durée et une demande d'allocation d'adulte handicapé.... La prise en charge spécialisée doit être poursuivie, au risque de complications graves si les soins étaient interrompus (risque suicidaire notamment). Les soins spécialisés ne peuvent pas être dispensés dans son pays d'origine, les médicaments prescrits n'étant pas, à ma connaissance, disponibles au Sénégal. ". Les certificats du 22 novembre 2018, du 11 février 2019 et du 7 novembre 2019 du même spécialiste mentionnent que " son état est relativement bien stabilisé avec son traitement, traitement qu'il ne faut pas modifier, substituer ou pire, interrompre, au risque de complications d'une exceptionnelle gravité (risque de passage à l'acte suicidaire) ". Les certificats des 8 octobre et 22 novembre 2018, qui se prononcent sur l'état de santé de l'intéressée peu de temps après la décision attaquée, sont de nature à contredire l'avis du collège des médecins émis plus de sept mois avant celle-ci. L'appelante produit également des ordonnances médicales des 14 juin et 20 septembre 2018 lui prescrivant de la fluoxétine et de la rispéridone, l'attestation du laboratoire pharmaceutique Lilly, producteur du Prozac (fluoxétine), en date du 19 novembre 2018, selon laquelle cette spécialité n'est pas commercialisée au Sénégal ainsi qu'une attestation d'un pharmacien de Dakar confirmant l'absence de commercialisation de la fluoxétine et indiquant que " la rispéridone est très rare sur le marché et difficile à avoir même sur commande ".

4. Il est donc établi que l'appelante suit de manière régulière, à raison de son affection, un traitement dont le défaut pourrait entraîner pour elle des conséquences d'une extrême gravité. Il ne ressort pas des pièces du dossier que ce traitement pourrait être assuré dans son pays d'origine. Par suite, la décision en litige a été prise en méconnaissance du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et doit être annulée.

5. Il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu d'annuler par voie de conséquence les décisions portant obligation de quitter le territoire et fixant le pays de destination.

6. Il résulte de tout ce qui précède et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que Mme B... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement du 10 janvier 2019, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 19 septembre 2018 par laquelle la préfète de la Seine-Maritime lui a refusé le renouvellement d'un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

7. L'annulation ainsi prononcée implique nécessairement que le préfet délivre le titre de séjour sollicité par la requérante en qualité d'étranger malade. Dès lors, il y a lieu d'enjoindre au préfet de la Seine-Maritime de délivrer ce titre dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, sans qu'il soit nécessaire d'assortir cette injonction de l'astreinte demandée par Mme B....

Sur les frais liés au litige :

8. Mme B... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me A..., avocat de Mme B..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me A... de la somme de 800 euros.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du 10 janvier 2019 du tribunal administratif de Rouen est annulé.

Article 2 : La décision du 19 septembre 2018 de la préfète de la Seine-Maritime est annulée.

Article 3 : Il est enjoint au préfet de la Seine-Maritime de délivrer un titre de séjour à Mme B..., en qualité d'étranger malade, dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 4 : L'Etat versera à Me A... une somme de 800 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me A... renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... B..., au ministre de l'intérieur, au préfet de la Seine-Maritime et à Me C... A....

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 19DA00090
Date de la décision : 14/01/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335 Étrangers.


Composition du Tribunal
Président : Mme Rollet-Perraud
Rapporteur ?: M. Jean-Pierre Bouchut
Rapporteur public ?: M. Minet
Avocat(s) : SOUTY

Origine de la décision
Date de l'import : 21/01/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2020-01-14;19da00090 ?
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