Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La Société Biogaz Pévèle a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler l'arrêté du 2 juillet 2015 par lequel le maire de Willems s'est opposé à sa déclaration préalable pour l'installation d'un réservoir de stockage et la pose d'une clôture et la décision implicite de rejet de son recours gracieux.
Par un jugement n° 1510651 du 29 décembre 2017, le tribunal administratif de Lille a annulé cet arrêté.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 1er mars 2018, la commune de Willems, représentée par Me A... F..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de rejeter la demande de la société Biogaz Pévèle ;
3°) de mettre à la charge de la société Biogaz Pévèle la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi constitutionnelle n° 2005-205 du 1er mars 2005 relative à la Charte de l'environnement ;
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Jean-Pierre Bouchut, premier conseiller,
- les conclusions de M. Charles-Edouard Minet, rapporteur public,
- et les observations de Me B... D..., substituant Me A... F..., représentant la commune de Willems, et Me E... C..., représentant la société Biogaz Pévèle.
Considérant ce qui suit :
1. Le 4 juin 2015, la société Biogaz Pévèle a déposé, auprès de la commune de Willems, une déclaration préalable pour l'installation d'un réservoir de stockage de digestat et la pose d'une clôture sur un terrain situé lieu-dit le Fresnoy, à Willems. Par un arrêté du 2 juillet 2015, le maire de la commune s'est opposé à cette déclaration préalable. La société pétitionnaire a formé, le 2 juillet 2015, un recours gracieux à l'encontre de la décision d'opposition, auprès du maire de Willems. Une décision implicite de rejet est née du silence gardé par l'administration sur ce recours. La commune de Willems relève appel du jugement du 29 décembre 2017 par lequel le tribunal administratif de Lille a annulé l'arrêté du 2 juillet 2015 du maire de Willems.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article R. 741-2 du code de justice administrative : " La décision mentionne que l'audience a été publique, sauf s'il a été fait application des dispositions de l'article L. 731-1. Dans ce dernier cas, il est mentionné que l'audience a eu lieu ou s'est poursuivie hors la présence du public. /Elle contient le nom des parties, l'analyse des conclusions et mémoires ainsi que les visas des dispositions législatives ou réglementaires dont elle fait application. (...) ".
3. Il résulte de l'examen du jugement attaqué que celui-ci a répondu au moyen tiré de la proximité entre le projet et une zone inondable. Par suite, la commune de Willems n'est pas fondée à soutenir que le jugement du tribunal administratif de Lille est entaché d'irrégularité pour n'avoir pas visé ce moyen et à en demander pour ce motif l'annulation.
Sur le bien-fondé du jugement :
En ce qui concerne le moyen retenu par le tribunal tiré du défaut de motivation de la décision en litige :
4. Aux termes de l'article L. 424-3 du code de l'urbanisme dans sa rédaction alors en vigueur : " Lorsque la décision rejette la demande ou s'oppose à la déclaration préalable, elle doit être motivée. (...) ". L'article A. 424-3 du même code dispose que : " L'arrêté indique, selon les cas : / a) Si le permis est accordé ; / b) Si le permis est refusé ou si la déclaration préalable fait l'objet d'une opposition ; ". L'article A. 424-4 du même code prévoit que : " Dans les cas prévus aux b à f de l'article A. 424-3, l'arrêté précise les circonstances de droit et de fait qui motivent la décision et indique les voies et délais de recours. ".
5. L'arrêté en litige vise l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme et fait état, à ce titre, de l'existence de risques possibles pour la santé et l'environnement liés à l'implantation d'un réservoir de stockage d'effluent d'origine agricole. Cet arrêté mentionne également les dispositions de l'article A 11 du règlement du plan local d'urbanisme de la commune de Willems qui reprennent les dispositions de l'article R. 111-21 du code de l'urbanisme et la nécessité, en l'espèce, de protéger les lieux avoisinants de la base de loisirs de Willems. Enfin, les mentions d'un carrefour " accidentogène " et de l'existence d'une zone inondable à proximité ne peuvent être regardées comme des motifs insuffisamment étayés. L'arrêté en litige comporte donc un énoncé suffisamment précis de circonstances de droit et de fait permettant au pétitionnaire de comprendre les motifs pour lesquels le maire s'est opposé à la déclaration préalable.
6. Il résulte de ce qui précède que la commune de Willems est fondée à soutenir que c'est à tort que, dans le point 3 du jugement attaqué, le tribunal administratif a accueilli le moyen tiré de l'insuffisante motivation de l'arrêté du 2 juillet 2015.
En ce qui concerne le moyen retenu par le tribunal tiré de l'application du principe de précaution :
7. Aux termes de l'article 5 de la Charte de l'environnement : " Lorsque la réalisation d'un dommage, bien qu'incertaine en l'état des connaissances scientifiques, pourrait affecter de manière grave et irréversible l'environnement, les autorités publiques veillent, par application du principe de précaution et dans leurs domaines d'attributions, à la mise en oeuvre de procédures d'évaluation des risques et à l'adoption de mesures provisoires et proportionnées afin de parer à la réalisation du dommage. ". Les dispositions de l'article 5 de la Charte de l'environnement s'imposent aux pouvoirs publics et aux autorités administratives dans leurs domaines de compétence respectifs. S'il appartient, dès lors, à l'autorité administrative compétente de prendre en compte le principe de précaution lorsqu'elle se prononce sur l'octroi d'une autorisation délivrée en application de la législation sur l'urbanisme, les dispositions de l'article 5 de la Charte de l'environnement ne permettent pas, indépendamment des procédures d'évaluation des risques et des mesures provisoires et proportionnées susceptibles, le cas échéant, d'être mises en oeuvre par les autres autorités publiques dans leur domaine de compétence, de refuser légalement la délivrance d'une autorisation d'urbanisme en l'absence d'éléments circonstanciés faisant apparaître, en l'état des connaissances scientifiques, des risques, même incertains, de nature à justifier un tel refus.
8. Ainsi qu'il a été dit au point précédent, il appartient à l'autorité compétente de prendre en compte le principe de précaution lorsqu'elle se prononce sur l'octroi d'une autorisation délivrée en application de la législation sur l'urbanisme. La commune de Willems est, dès lors, fondée à soutenir que c'est à tort que, dans son point 4 du jugement attaqué, le tribunal administratif s'est fondé sur l'indépendance des législations pour juger que l'arrêté en litige était entaché d'une erreur de droit.
En ce qui concerne les autres moyens d'annulation retenus par le tribunal :
S'agissant de l'application des dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme :
9. Aux termes de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction alors applicable : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales s'il est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique du fait de sa situation, de ses caractéristiques, de son importance ou de son implantation à proximité d'autres installations. "
10. Il ne ressort pas des pièces du dossier que le carrefour à proximité duquel le projet est envisagé présenterait un risque particulier pour la sécurité de la circulation. En outre, il n'est pas établi que l'augmentation du mouvement de véhicules agricoles résultant de ce réservoir de stockage, dont les conséquences ne sont pas évaluées, serait de nature à porter atteinte à la sécurité ou à la salubrité publique et, par suite, à fonder une opposition à déclaration préalable.
11. La décision en litige ne mentionne aucun motif tenant à la salubrité publique, autre que celui du " choix de l'implantation du réservoir et de sa proximité avec la voirie ". Si la commune appelante soutient que l'implantation du projet à proximité de la base de loisirs de Willems est de nature à porter atteinte à la salubrité publique, elle n'assortit son moyen d'aucune précision permettant d'en apprécier le bien-fondé. En outre, la commune ne démontre pas que la proximité alléguée de l'ouvrage avec une zone inondable serait de nature à porter atteinte à la sécurité publique.
12. Par suite, le moyen tiré de ce que le refus en litige serait légalement fondé sur la méconnaissance des dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme doit être écarté.
S'agissant de l'application de l'article R. 111-21 du code de l'urbanisme et des dispositions de l'article 11 de la zone A du plan local d'urbanisme :
13. Aux termes de l'article 11 applicable à la zone A du plan local d'urbanisme de la commune de Willems et relatif à l'aspect extérieur des constructions, à l'aménagement des abords et à la protection des éléments de paysage : " En aucun cas les constructions et installations à édifier ou à modifier ne doivent, par leur situation, leur architecture, leurs dimensions ou leur aspect extérieur, porter atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains, ainsi qu'à la conservation des perspectives monumentales (R. 111-21 du code de l'urbanisme) .../... Les citernes à gaz ou à mazout ainsi que les installations similaires doivent dans toute la mesure du possible être placées en des lieux où elles ne seront pas visibles des voies publiques. " L'article R. 111-21 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction alors applicable, dispose que : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si les constructions, par leur situation, leur architecture, leurs dimensions ou l'aspect extérieur des bâtiments ou ouvrages à édifier ou à modifier, sont de nature à porter atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ainsi qu'à la conservation des perspectives monumentales. ".
14. Il ressort des pièces du dossier, et notamment des photographies produites, que le projet de réservoir envisagé est implanté sur une parcelle de nature agricole entourée d'autres parcelles agricoles ou boisées, dans un paysage agricole qui ne présente aucun caractère ou intérêt particulier, ni perspective monumentale. Par suite, il n'est pas établi que le réservoir de stockage envisagé porte atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants.
15. Le réservoir de stockage envisagé peut être regardé comme une installation similaire à une citerne, au sens des dispositions de l'article 11 de la zone A du plan local d'urbanisme. Toutefois, le réservoir sera séparé de la voie publique par une butte de terre en herbe et une clôture sera posée sur le pourtour de l'équipement afin de le dissimuler. Dès lors, ce réservoir ne sera pas visible de la voie publique.
16. Si la commune soutient que le projet se situe à 500 m d'une base de loisirs, dotée d'un lac et de nombreux espaces arborés, elle ne démontre pas par cette situation que le réservoir de stockage serait de nature à porter atteinte à l'intérêt de ces lieux et aux paysages naturels.
17. Il résulte de ce qui précède que le motif tiré de ce que l'opposition à déclaration préalable en litige serait légalement fondée sur les dispositions de l'article R. 111-21 du code de l'urbanisme et sur celles de l'article 11 de la zone A du plan local d'urbanisme doit être écarté.
En ce qui concerne les motifs invoqués en appel par la commune de Willems pour justifier l'arrêté en litige :
S'agissant de l'application du principe de précaution :
18. Alors que la société Biogaz Pévèle, exploitant une autre unité de méthanisation de sous-produits de catégorie 2 (fumiers et lisiers), verse au dossier un agrément sanitaire et des analyses biologiques de digestats de méthanisation démontrant que le procédé de méthanisation issue des effluents agricoles ne présente pas de danger sanitaire, la commune appelante ne produit aucun élément circonstancié et ne s'appuie pas sur des connaissances scientifiques précisément documentées, ni sur la législation en vigueur applicable à cette installation classée, pour établir que les risques à long terme résultant de l'implantation du projet de stockage envisagé, même incertains, seraient caractérisés et de nature à justifier le refus en litige. Dès lors, à supposer que la commune ait entendu demander une substitution de motif de l'arrêté en litige, celui-ci n'aurait pas pu être pris sur le fondement du motif tiré de ce que le projet présenterait un risque de nature à méconnaître le principe de précaution, énoncé par l'article 5 de la Charte de l'environnement.
S'agissant du motif tiré de la méconnaissance des articles 1et 2 du règlement de la zone A du plan local d'urbanisme de Willems :
19. Aux termes de l'article 1er du règlement de la zone A du plan local d'urbanisme de Willems : " tous les types d'occupation ou utilisations du sol sont interdits à l'exception de ceux prévus à l'article 2. ". L'article 2 du même règlement prévoit que : " Sont seuls sont autorisés (...) : / (...) les constructions nouvelles et installations classées pour la protection de l'environnement nécessaires à l'exploitation agricole. ".
20. Il ressort des pièces du dossier que la société intimée est détenue majoritairement par des exploitants agricoles en activité et que la provenance des matières devant être stockées dans le réservoir est issue des exploitations agricoles constituant la société. En outre, l'ouvrage à édifier est destiné à accueillir des effluents, certes déjà partiellement transformés, issus d'exploitations agricoles et destinés à l'épandage. Ainsi, cet ouvrage est nécessaire à l'activité de ces exploitations. Le réservoir de stockage envisagé remplit donc les conditions prévues par les dispositions précitées. Par suite, à supposer que la commune ait entendu demander une substitution de motif, cette demande ne peut être que rejetée.
21. Il résulte de tout ce qui précède que la commune de Willems n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement du 29 décembre 2017, le tribunal administratif de Lille a annulé la décision du 2 juillet 2015 par laquelle le maire de Willems s'est opposé à la déclaration préalable déposée par la société Biogaz Pévèle.
Sur les frais liés au litige :
22. En vertu des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, le juge ne peut pas faire bénéficier la partie perdante du paiement par l'autre partie des frais qu'elle a exposés à l'occasion du litige. Les conclusions présentées à ce titre par la commune de Willems doivent, dès lors, être rejetées. Il y a lieu, en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Willems la somme de 2 000 euros à verser à la société Biogaz Pévèle au titre des mêmes dispositions.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la commune de Willems est rejetée.
Article 2 : La commune de Willems versera à la société Biogaz Pévèle une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Willems et à la société Biogaz Pévèle.
N°18DA00459 6