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26/12/2019 | FRANCE | N°18DA01497

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3ème chambre, 26 décembre 2019, 18DA01497


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Lille, d'une part, de condamner l'Etat à réparer le préjudice matériel subi du fait de l'absence de versement de l'indemnité de fidélisation en secteur difficile pour la période de 2010 jusqu'au jugement à intervenir, du fait de l'absence de versement de frais de mission pour la période de 2010 jusqu'au jugement à intervenir, assortie des intérêts au taux légal à compter de sa demande préalable, la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 2

000 euros en réparation du préjudice moral, assortie des intérêts au taux léga...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Lille, d'une part, de condamner l'Etat à réparer le préjudice matériel subi du fait de l'absence de versement de l'indemnité de fidélisation en secteur difficile pour la période de 2010 jusqu'au jugement à intervenir, du fait de l'absence de versement de frais de mission pour la période de 2010 jusqu'au jugement à intervenir, assortie des intérêts au taux légal à compter de sa demande préalable, la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 2 000 euros en réparation du préjudice moral, assortie des intérêts au taux légal à compter de sa demande préalable et d'autre part, d'annuler pour excès de pouvoir la décision refusant de lui attribuer ces indemnités pour l'avenir.

Par un jugement n° 1503391 du 22 mai 2018, le tribunal administratif de Lille a condamné l'Etat à verser à M. C... la somme de 33 914,28 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 16 avril 2015 et a rejeté le surplus des conclusions.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 18 juillet 2018 et le 3 décembre 2019, le ministre de l'intérieur demande à la cour :

1°) d'annuler les articles 1er et 2 du jugement du 22 mai 2018 du tribunal administratif de Lille ;

2°) de rejeter la demande de M. C... devant le tribunal administratif de Lille.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- les accords des 5 mars 2001 et 18 mars 2013 entre le gouvernement du Royaume de Belgique et le gouvernement de la République française relatifs à la coopération transfrontalière en matière policière et douanière ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- le décret n° 99-1055 du 15 décembre 1999 ;

- le décret n° 2006-781 du 3 juillet 2006 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Jean-Jacques Gauthé, premier conseiller,

- les conclusions de M. Hervé Cassara, rapporteur public,

- et les observations de Me B... D... représentant M. C....

Considérant ce qui suit :

1. M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Lille, d'une part, de condamner l'Etat à réparer le préjudice matériel subi du fait de l'absence de versement de l'indemnité de fidélisation en secteur difficile pour la période de 2010 jusqu'au jugement à intervenir, du fait de l'absence de versement de frais de mission pour cette même période, assortie des intérêts au taux légal à compter de sa demande préalable, la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 2 000 euros en réparation du préjudice moral, assortie des intérêts au taux légal à compter de sa demande préalable et d'autre part, d'annuler, pour excès de pouvoir, la décision refusant de lui attribuer ces indemnités pour l'avenir. Le ministre de l'intérieur relève appel du jugement du 22 mai 2018 du tribunal administratif de Lille en tant qu'il a condamné l'Etat à verser à M. C... la somme de 33 914,28 euros en réparation du préjudice matériel né de l'absence de versement des frais de mission pour les repas et les frais divers pour 1 382 jours de mission, assortie des intérêts au taux légal à compter du 16 avril 2015 et à lui verser la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Par la voie de l'appel incident, M. C... relève appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté ses conclusions tendant à réparer le préjudice matériel né de l'absence de versement de la prime de fidélisation en secteur difficile, du fait de l'absence de frais de transport et tendant à la réparation du préjudice moral subi. Il demande à ce que l'Etat soit condamné à lui verser la somme de 65 150,02 euros, assortie des intérêts moratoires à compter de sa demande préalable et la somme de 2 000 euros au titre du préjudice moral.

Sur l'appel principal du ministre :

2. Aux termes de l'article 1er du décret n° 2006-781 du 3 juillet 2006 fixant les conditions et les modalités de règlement des frais occasionnés par les déplacements temporaires des personnels civils de l'Etat : " Le présent décret fixe les conditions et les modalités de règlement des frais de déplacements temporaires des personnels civils à la charge des budgets des services de l'Etat ". Aux termes de l'article 2 du même décret : " Pour l'application du présent décret, sont considérés comme : 1° Agent en mission : agent en service, muni d'un ordre de mission pour une durée totale qui ne peut excéder douze mois, qui se déplace, pour l'exécution du service, hors de sa résidence administrative et hors de sa résidence familiale ; / (...) / 6° Résidence administrative : le territoire de la commune sur lequel se situe le service où l'agent est affecté ou l'école où il effectue sa scolarité. Lorsqu'il est fait mention de la résidence de l'agent, sans autre précision, cette résidence est sa résidence administrative ; / 7° Résidence familiale : le territoire de la commune sur lequel se situe le domicile de l'agent (...) ". Enfin, l'article 3 du même texte prévoit que : " Lorsque l'agent se déplace pour les besoins du service à l'occasion d'une mission, d'une tournée ou d'un intérim, il peut prétendre, sous réserve de pouvoir justifier du paiement auprès du seul ordonnateur : - à la prise en charge de ses frais de transport ; - à des indemnités de mission qui ouvrent droit, cumulativement ou séparément, selon les cas, au remboursement forfaitaire des frais supplémentaires de repas, au remboursement forfaitaire des frais et taxes d'hébergement et, pour l'étranger et l'outre-mer, des frais divers directement liés au déplacement temporaire de l'agent. (...) ".

3. Si ces dispositions prévoient qu'un agent peut être muni d'un ordre de mission pour une durée totale de douze mois et bénéficier, notamment, d'une indemnité de mission pour ses déplacements hors de ses résidences administrative et familiale, seuls les frais de déplacement exposés au titre de déplacements temporaires peuvent toutefois être pris en charge en application des dispositions précitées. Un agent affecté administrativement, sans limitation de durée, dans un service, situé en France, sur un poste de travail situé à l'étranger ne peut être regardé, lorsqu'il exerce ses fonctions sur ce lieu de travail, comme un agent effectuant des déplacements temporaires au sens du décret du 3 juillet 2006 et ne saurait, dès lors, solliciter une indemnité de mission au titre des repas pris et des frais divers exposés à l'étranger.

4. En vertu des stipulations de l'accord du 5 mars 2001 entre le gouvernement du Royaume de Belgique et le gouvernement de la République française relatif à la coopération transfrontalière en matière policière et douanière, un centre de coordination policière et douanière a été mis en place à Tournai (Belgique). Il regroupe, pour la partie française vingt-huit fonctionnaires de la police nationale, de la gendarmerie nationale et de la direction des douanes et droits indirects et pour la partie belge des fonctionnaires de la police locale, de la police fédérale et de l'administration des douanes et accises. Le centre de coordination policière et douanière vise à lutter contre l'immigration irrégulière, contre la délinquance transfrontalière, les trafics illicites, les faux documents. Il contribue à la prévention des menaces à l'ordre public par l'échange de renseignements, l'identification des véhicules et de leurs conducteurs, l'identification des détenteurs de lignes téléphoniques, la vérification de l'authenticité des documents d'identité. Ce centre de coordination policière et douanière est territorialement compétent en France dans les cinq départements frontaliers de l'Aisne, des Ardennes, du Nord, de la Meuse, et de la Meurthe-et Moselle. Il est territorialement compétent en Belgique dans les quatre provinces frontalières de la Flandre occidentale, du Hainaut, de Namur et du Luxembourg. Le centre de coordination policière et douanière est dirigé, pour la partie française, par un coordinateur, commissaire divisionnaire, placé sous l'autorité du préfet de la zone de défense et de sécurité Nord.

5. En l'espèce, il est constant que M. C..., capitaine de police en résidence administrative à la direction interrégionale de la police judiciaire à Lille, a été " mis pour emploi opérationnel ", à sa demande, à compter du 1er septembre 2010, au centre de coopération policière et douanière de Tournai. Il s'y rend chaque jour depuis son domicile situé à Warlaing (Nord) pour y prendre son service. Les déplacements quotidiens et permanents qu'il effectue ainsi ne présentent aucun caractère temporaire dès lors que cette affectation n'est pas limitée dans le temps. En dépit de la production d'ordres de mission mensuels prévoyant l'utilisation du véhicule administratif du centre de coordination policière et douanière et non l'utilisation de son véhicule personnel, ordres de mission faisant apparaître la résidence administrative de l'intimé, sa résidence personnelle et une mission de coordination police-douanes au centre de coordination policière et douanière de Tournai, sans qu'il soit, au demeurant, possible de déterminer si ce document autorise un déplacement entre la résidence personnelle de l'intimé et le centre de coordination policière et douanière, ou entre sa résidence personnelle et son service d'origine ou entre son service d'origine et le centre de coordination policière et douanière de Tournai, eu égard à l'absence de dimension temporaire de cette affectation et à son absence de limitation dans le temps, M. C... ne peut être regardé comme étant en mission temporaire à l'étranger. Il ne peut, par ailleurs, se prévaloir d'un jugement du 18 juillet 2017 du tribunal administratif de Lille passé en force de chose jugée, relatif à la situation personnelle d'un autre fonctionnaire du centre de coordination policière et douanière de Tournai, le décret précité du 3 juillet 2006 relatif au frais de déplacements temporaires des fonctionnaires de l'Etat n'ayant pas vocation à s'appliquer à la situation de fonctionnaires français affectés de façon permanente dans un tel centre de coordination policière et douanière. Par suite, le ministre de l'intérieur est fondé à soutenir que c'est à tort, que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a condamné l'Etat à verser à M. C... la somme de 33 914,28 euros avec intérêt au taux légal à compter du 16 avril 2015 en réparation du préjudice matériel né de l'absence de versement de frais de mission prévus par le décret précité du 3 juillet 2006. Dès lors, les articles 1er et 2 de ce jugement doivent être annulés.

Sur l'appel incident de M. C... :

6. Ainsi qu'il vient d'être dit au point précédent, le décret n° 2006-781 du 3 juillet 2006 relatif aux conditions et les modalités de règlement des frais occasionnés par les déplacements temporaires des personnels civils de l'Etat ne s'applique pas à la situation administrative de M. C... dont la " mise pour emploi opérationnel " au centre de coordination policière et douanière de Tournai ne présente aucun caractère temporaire dès lors que son affectation n'est pas limitée dans le temps. Par suite, ses conclusions tendant à l'indemnisation du préjudice matériel né de l'absence de versement de frais de mission prévus par ce décret au titre du remboursement de ses frais de mission ne peuvent qu'être rejetées.

7. Aux termes de l'article 2 du décret n° 99-1055 du 15 décembre 1999 portant attribution d'une indemnité de fidélisation en secteur difficile aux fonctionnaires actifs de la police nationale : " Sont considérés comme affectés en secteur difficile au sens du présent décret les fonctionnaires actifs de la police nationale exerçant, de façon permanente, quel que soit leur service d'affectation, leurs attributions dans le ressort territorial des circonscriptions de sécurité publique dont la liste est fixée aux annexes I et II du présent décret ".

8. S'il est constant que la circonscription de sécurité publique de Lille figure dans les annexes du décret précité, ainsi qu'il est dit au point 4, la zone de compétence du centre de coordination policière et douanière de Tournai fixée par l'accord bilatéral du 5 mars 2001 entre le gouvernement du Royaume de Belgique et le gouvernement de la République française s'étend aux cinq départements français de l'Aisne, des Ardennes, du Nord, de la Meuse, et de la Meurthe-et Moselle et non au ressort de la circonscription de sécurité publique de Lille. M. C... n'exerce donc pas de façon permanente ses attributions dans une circonscription de sécurité publique figurant dans les annexes de ce décret. Par suite, ainsi que l'a jugé à bon droit le tribunal administratif de Lille, les conclusions de M. C... tendant à l'indemnisation du préjudice matériel né de l'absence de versement de l'indemnité prévue par le décret précité ne peuvent qu'être rejetées.

9. En l'absence de toute faute de l'Etat, les conclusions de M. C... tendant à l'indemnisation de son préjudice moral ne peuvent qu'être écartées.

10. Il résulte de ce qui précède que les conclusions d'appel incident de M. C... ne peuvent qu'être rejetées.

11. Il résulte de tout ce qui précède que, d'une part, le ministre de l'intérieur est fondé à soutenir que c'est à tort que par les articles 1er et 2 du jugement du 22 mai 2018, le tribunal administratif de Lille a condamné l'Etat à verser la somme de 33 914, 28 euros avec intérêt au taux légal à compter du 16 avril 2015, à M. C... et la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, et d'autre part, que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que par ce jugement, le tribunal administratif de Lille a rejeté le surplus des conclusions de sa demande. Par voie de conséquence, les conclusions de M. C... tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : Les articles 1er et 2 du jugement du 22 mai 2018 du tribunal administratif de Lille sont annulés.

Article 2 : Les conclusions d'appel incident de M. C... et sa demande au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative à l'encontre de l'Etat en cause d'appel sont rejetées.

Article 3 : La demande présentée par M. C... devant le tribunal administratif de Lille tendant à ce que l'Etat soit condamné à réparer son préjudice matériel résultant de l'absence de versement de frais de mission au titre des repas pris et des frais divers exposés à l'étranger, y compris la demande de versement d'intérêts, est rejetée.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. A... C....

Copie en sera adressée, pour information au préfet de la zone de défense et de sécurité Nord.

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N°18DA01497

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N°"Numéro"


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 18DA01497
Date de la décision : 26/12/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Fonctionnaires et agents publics - Rémunération - Indemnités et avantages divers.

Police - Personnels de police.


Composition du Tribunal
Président : M. Albertini
Rapporteur ?: M. Jean-Jacques Gauthé
Rapporteur public ?: M. Cassara
Avocat(s) : SCP MANUEL GROS HÉLOÏSE HICTER ET ASSOCIÉS

Origine de la décision
Date de l'import : 09/08/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2019-12-26;18da01497 ?
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