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26/12/2019 | FRANCE | N°17DA02101

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3ème chambre, 26 décembre 2019, 17DA02101


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... B... a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler, pour excès de pouvoir, la décision du 19 décembre 2014 du maire de Val-de-Reuil rejetant sa demande d'abrogation de l'arrêté du 10 février 2006 le radiant des effectifs de cette commune, de la condamner au paiement d'une somme de 200 000 euros en réparation des préjudices subis, d'enjoindre à cette commune de lui communiquer son relevé de situation individuelle et de procéder à la reconstitution de sa carrière.

Par un jugemen

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... B... a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler, pour excès de pouvoir, la décision du 19 décembre 2014 du maire de Val-de-Reuil rejetant sa demande d'abrogation de l'arrêté du 10 février 2006 le radiant des effectifs de cette commune, de la condamner au paiement d'une somme de 200 000 euros en réparation des préjudices subis, d'enjoindre à cette commune de lui communiquer son relevé de situation individuelle et de procéder à la reconstitution de sa carrière.

Par un jugement n° 1500497 du 13 juin 2017, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 6 novembre 2017, M. B..., représenté par Me F... C..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 13 juin 2017 du tribunal administratif de Rouen ;

2°) d'annuler la décision du 19 décembre 2014 du maire de Val-de-Reuil ;

3°) de condamner la commune de Val-de-Reuil au paiement d'une somme de 200 000 euros en réparation des préjudices subis ;

4°) d'enjoindre à cette commune de lui communiquer son relevé de situation individuelle et de rocéder à la reconstitution de sa carrière ;

5°) de mettre à la charge de la commune de Val-de-Reuil une somme de 3 000 euros sur le fondement des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Jean-Jacques Gauthé, premier conseiller,

- les conclusions de M. Hervé Cassara, rapporteur public,

- et les observations de Me D... A..., représentant la commune de Val-de-Reuil.

Considérant ce qui suit :

1. M. E... B... né le 13 octobre 1975, a été recruté à compter du 1er novembre 2004 comme gardien de police municipale par la commune de Val-de-Reuil (Eure) par mutation de la commune de Montargis (Loiret). M. B... a demandé le 22 novembre 2005 une mutation pour la commune d'Artannes-sur-Indre (Indre-et-Loire). Le 2 décembre 2005, le maire de Val-de-Reuil a donné un avis favorable à cette mutation. Le 20 janvier 2006, le maire d'Artannes-sur-Indre l'a nommé dans les mêmes fonctions de gardien de police municipale à compter du 17 février 2006. Un arrêté du 10 février 2006 du maire de Val-de-Reuil a alors rayé M. B... des effectifs de cette commune pour cause de mutation à compter du 17 février 2006. Le 12 mai 2006, le maire d'Artannes-sur-Indre a informé M. B... que le procureur de la République de Tours refusait de l'agréer. Par un arrêté du 18 mai 2006, après que M. B... ait pu présenter ses observations, le maire d'Artannes-sur-Indre a retiré son arrêté de nomination du 20 janvier 2006.

2. M. B... a alors saisi le tribunal administratif d'Orléans le 5 avril 2007 en lui demandant " de statuer sur sa situation ". Une ordonnance du 11 septembre 2009 du président de la 1ère chambre de ce tribunal a rejeté sa demande pour absence de moyens et de conclusions. Estimant qu'il aurait dû être réintégré dans les effectifs de la commune de Val-de-Reuil après le retrait de son arrêté de nomination à Artannes-sur-Indre, M. B... a demandé, le 25 février 2013, au maire de Val-de-Reuil à être réintégré dans les effectifs de cette commune, aux grade et échelon qui étaient les siens au 10 février 2006. Un jugement du 30 janvier 2014 du tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande d'annulation de la décision implicite de rejet du maire de Val-de-Reuil. M. B... relève appel du jugement du 13 juin 2017 par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 19 décembre 2014 du maire de Val-de-Reuil rejetant sa demande du 3 novembre 2014 tendant à l'abrogation de l'arrêté du 10 février 2006, de condamner la commune de Val-de-Reuil au paiement d'une somme de 200 000 euros en réparation des préjudices subis, d'enjoindre, à cette commune, de lui communiquer son relevé de situation individuelle et de procéder à la reconstitution de sa carrière.

Sur la fin de non-recevoir opposée par la commune de Val-de-Reuil :

3. A la suite de sa demande d'aide juridictionnelle présenté le 4 août 2017, M. B... a bénéficié de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 4 septembre 2017 du bureau d'aide juridictionnelle de la cour administrative d'appel de Douai, qui lui a été notifiée le 25 septembre 2017. Par suite, la fin de non-revoir opposée par la commune de Val-de-Reuil, tirée de la tardiveté de la requête d'appel de M. B... enregistrée le 6 novembre 2017, doit être écartée.

Sur la régularité du jugement :

4. Pour rejeter la demande de M. B..., le tribunal administratif de Rouen s'est fondé sur le principe dégagé par l'arrêt du Conseil d'Etat n° 387763 du 13 juillet 2016 aux termes duquel, en règle générale, sauf circonstances particulières dont se prévaudrait le requérant, le délai de recours contre une décision administrative ne comportant pas la mention des délais et voies de recours, ne peut excéder un an à compter de la date à laquelle une décision expresse lui a été notifiée ou de la date à laquelle il en a eu connaissance. Toutefois, alors que ce moyen a été relevé d'office par le tribunal, l'application de ce principe au cas d'espèce n'a pas été soumis au contradictoire. Dès lors, ce jugement a été rendu dans des conditions irrégulières et doit être annulé, sans qu'il soit besoin d'examiner le second moyen d'irrégularité invoqué par M. B....

5. Il y a lieu, par la voie de l'évocation, de statuer sur la demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Rouen.

6. La décision contestée du 19 décembre 2014 du maire de Val-de-Reuil expose les motifs de fait et de droit qui en constituent le fondement pour lesquels cette autorité a refusé de faire droit à la demande de M. B.... Par suite, dès lors le moyen tiré du défaut de motivation de cette décision doit être rejeté comme manquant en fait.

7. L'autorité administrative n'est tenue d'abroger une décision administrative non réglementaire devenue illégale à la suite d'un changement de circonstances de droit ou de fait que lorsque la décision en question n'a pas créé de droits au profit de son titulaire et n'est pas devenue définitive.

8. Le principe de sécurité juridique, qui implique que ne puissent être remises en cause sans condition de délai des situations consolidées par l'effet du temps, fait obstacle à ce que puisse être contestée indéfiniment une décision administrative individuelle qui a été notifiée à son destinataire, ou dont il est établi, à défaut d'une telle notification, que celui-ci a eu connaissance. En une telle hypothèse, si le non-respect de l'obligation d'informer l'intéressé sur les voies et les délais de recours, ou l'absence de preuve qu'une telle information a bien été fournie, ne permet pas que lui soient opposés les délais de recours fixés par le code de justice administrative, le destinataire de la décision ne peut exercer de recours juridictionnel au-delà d'un délai raisonnable. En règle générale et sauf circonstances particulières dont se prévaudrait le requérant, ce délai ne saurait, sous réserve de l'exercice de recours administratifs pour lesquels les textes prévoient des délais particuliers, excéder un an à compter de la date à laquelle une décision expresse lui a été notifiée ou de la date à laquelle il est établi qu'il en a eu connaissance.

9. Il ressort des mentions mêmes de l'arrêté du 10 février 2006, acte non réglementaire non créateur de droit, dont M. B... invoque l'illégalité par voie d'exception, que celui-ci lui a été notifié le 1er avril 2006. Par suite, c'est à compter de cette date qu'a commencé à courir le délai d'un an évoqué au point précédent.

10. Pour établir la réalité de circonstances particulières qui auraient été de nature à justifier le dépassement du délai raisonnable de recours juridictionnel à l'encontre de l'arrêté du 10 février 2006 du maire de Val-de-Reuil et de celui du 18 mai 2006 du maire d'Artannes-sur-Indre, M. B... se limite à invoquer sa dépression et son état psychologique à l'issue de l'ordonnance du 11 septembre 2009 du président de la 1ère chambre du tribunal administratif d'Orléans. Il ne produit aucun élément médical de nature à établir la réalité de circonstances précises qui l'auraient contraint à différer la saisine du tribunal administratif à l'encontre de ces actes. Il est par ailleurs constant que M. B... a ensuite attendu encore plus d'un an, à la suite du jugement du 30 janvier 2014 du tribunal administratif de Rouen, rejetant sa demande d'annulation de la décision implicite du maire de Val-de-Reuil rejetant sa demande de réintégration dans les effectifs de cette commune, pour revenir le 17 février 2015 devant ce même tribunal en demandant l'annulation de la décision du 19 décembre 2014 du maire de Val-de-Reuil rejetant sa demande d'abrogation de l'arrêté du 10 février 2006 le radiant des effectifs de cette commune. Par suite, le moyen tiré de l'existence de circonstances particulières de nature à justifier un dépassement du délai raisonnable de recours à l'égard de l'arrêté du 10 février 2006 doit être écarté.

11. Si M. B... se prévaut d'un changement des circonstances de droit ou de fait constitué par l'intervention de l'arrêté du 18 mai 2006 du maire d'Artannes-sur-Indre retirant son arrêté de nomination du 20 janvier 2006, il ressort des mentions mêmes de cet arrêté que celui-ci lui a été notifié le 18 mai 2006. Dès lors, à supposer même que cet arrêté ait constitué un changement des circonstances de droit ou de fait, le délai précité d'un an courait jusqu'au 18 mai 2007.

12. Par suite, l'arrêté du 10 février 2006 étant devenu définitif à la date à laquelle le tribunal administratif de Rouen a été saisi, le 17 février 2015, le maire de Val-de-Reuil n'était pas tenu de l'abroger. Il s'ensuit que les conclusions de M. B... tendant à l'annulation de la décision du 19 décembre 2014 du maire de Val-de-Reuil doivent être rejetées comme irrecevables.

13. En l'absence de toute faute alléguée de la commune de Val-de-Reuil, constituée par le refus d'abroger l'arrêté du 19 décembre 2014 de son maire, les conclusions indemnitaires de M. B... ne peuvent qu'être rejetées.

14. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision du 19 décembre 2014 du maire de Val-de-Reuil et le paiement d'une somme de 200 000 euros en réparation des préjudices subis. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de la commune de Val-de-Reuil présentées sur le fondement de ces dispositions.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du 13 juin 2017 du tribunal administratif de Rouen est annulé.

Article 2 : Les demandes de M. B... devant tribunal administratif de Rouen et devant la cour administrative d'appel de Douai sont rejetées.

Article 3 : Les conclusions de la commune de Val-de-Reuil présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... B..., à la commune de Val-de-Reuil et à Me F... C....

Copie en sera adressée, pour information, au préfet de l'Eure.

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N°"Numéro"


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 17DA02101
Date de la décision : 26/12/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Actes législatifs et administratifs - Validité des actes administratifs - violation directe de la règle de droit - Principes généraux du droit - Principes intéressant l'action administrative.

Procédure - Pouvoirs et devoirs du juge - Questions générales - Moyens - Exception d'illégalité - Irrecevabilité.


Composition du Tribunal
Président : M. Albertini
Rapporteur ?: M. Jean-Jacques Gauthé
Rapporteur public ?: M. Cassara
Avocat(s) : SCP OMNIA LEGIS

Origine de la décision
Date de l'import : 09/08/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2019-12-26;17da02101 ?
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