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17/12/2019 | FRANCE | N°17DA01907

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1ère chambre, 17 décembre 2019, 17DA01907


Vu la procédure suivante :

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 29 septembre 2017, le 13 septembre 2018 et le 19 juillet 2019, la société Supermarchés Match et la société Cora, représentées par Me Caroline Meillard, avocat, demandent à la cour :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 28 juillet 2017 par lequel le maire d'Hénin Beaumont a délivré à la société Lidl un permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale pour la création d'un ensemble commercial d'une surface de vente de 2 553 m², comprenant un supermarch

à l'enseigne " Lidl ", sur un terrain situé boulevard Salvador Allende ;

2°) de ...

Vu la procédure suivante :

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 29 septembre 2017, le 13 septembre 2018 et le 19 juillet 2019, la société Supermarchés Match et la société Cora, représentées par Me Caroline Meillard, avocat, demandent à la cour :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 28 juillet 2017 par lequel le maire d'Hénin Beaumont a délivré à la société Lidl un permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale pour la création d'un ensemble commercial d'une surface de vente de 2 553 m², comprenant un supermarché à l'enseigne " Lidl ", sur un terrain situé boulevard Salvador Allende ;

2°) de mettre à la charge de la commune d'Hénin-Beaumont et de la société Lidl une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elles soutiennent que :

- elles justifient d'un intérêt leur donnant qualité pour agir à l'encontre de l'arrêté attaqué ;

- l'arrêté du 28 juillet 2017 a été signé par une autorité incompétente ;

- l'arrêté en litige méconnaît les objectifs d'aménagement du territoire, de développement durable et de protection du consommateur, prévus par l'article L. 752-6 du code de commerce ;

- les classements du terrain concerné en zones urbanisées UE ou AU dans les plans locaux d'urbanisme de Montigny en Gohelle et de Hénin-Beaumont sont manifestement illégaux ;

- le projet est incompatible avec les dispositions du document d'orientation et d'objectifs du schéma de cohérence territoriale de Lens-Liévin et Hénin-Carvin relatives au rééquilibrage de l'offre commerciale en faveur d'une offre de proximité en ville et au respect du corridor écologique constitué par le cavalier d'Hénin-Beaumont.

Par un mémoire en défense, enregistré le 17 mai 2019, la commune d'Hénin-Beaumont, représentée par Me I... A..., conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge des sociétés Cora et Supermarchés Match de la somme de 1 000 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de commerce ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. H... C...,

- les conclusions de M. Charles-Edouard Minet, rapporteur public,

- et les observations de Me D... G..., représentant la société Supermarchés Match et la société Cora, et de Me B... J..., représentant la société Lidl.

Considérant ce qui suit :

1. Après avoir retiré sa première demande de permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale, pour laquelle la commission départementale d'aménagement commercial du Pas-de-Calais avait émis un avis favorable le 1er avril 2016, la société Lidl a présenté une seconde demande de permis de construire, le 4 juillet 2016, en vue de la création d'un ensemble commercial d'une surface de plancher de 2 553 m², comprenant un supermarché à l'enseigne " Lidl ", sur un terrain situé boulevard Salvador Allende à Hénin-Beaumont. La commission départementale d'aménagement commercial du Pas-de-Calais a émis un avis favorable le 7 octobre 2016. Les sociétés Cora et supermarchés Match ont saisi la commission nationale d'aménagement commercial d'un recours contre l'avis de la commission départementale, le 7 novembre 2016. La commission nationale a rendu, le 16 février 2017, un avis favorable au projet. Par un arrêté du 28 juillet 2017, le maire d'Hénin Beaumont a délivré à la société Lidl un permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale. La société Supermarchés Match et la société Cora demandent à la cour d'annuler cet arrêté pour excès de pouvoir.

Sur la compétence de l'auteur de l'arrêté en litige :

2. Il ressort de l'arrêté n° 2014-660 du 31 mars 2014 du maire d'Hénin Beaumont, transmis au contrôle de légalité et régulièrement publié, que M. F... E..., adjoint au maire, est " délégué pour remplir les fonctions suivantes, l'urbanisme et les travaux " et que délégation lui a été également donnée pour les autorisations d'urbanisme. M. E... était donc compétent pour signer l'arrêté de permis de construire attaqué.

3. L'article L. 425-4 du code de l'urbanisme dispose que : " Lorsque le projet est soumis à autorisation d'exploitation commerciale au sens de l'article L. 752-1 du code de commerce, le permis de construire tient lieu d'autorisation dès lors que la demande de permis a fait l'objet d'un avis favorable de la commission départementale d'aménagement commercial ou, le cas échéant, de la Commission nationale d'aménagement commercial ". L'article L. 422-1 du même code prévoit que : " L'autorité compétente pour délivrer le permis de construire, d'aménager ou de démolir et pour se prononcer sur un projet faisant l'objet d'une déclaration préalable est : / a) Le maire, au nom de la commune, dans les communes qui se sont dotées d'un plan local d'urbanisme (...) ". En vertu de l'article R. 423-1 de ce code, les demandes de permis de construire sont adressées par pli recommandé avec demande d'avis de réception ou déposées à la mairie de la commune dans laquelle les travaux sont envisagés.

4. Il ressort des pièces du dossier que le projet présenté par la société Lidl est situé sur le territoire de deux communes limitrophes, couvertes chacune par un document d'urbanisme : Hénin-Beaumont et Montigny-en-Gohelle. Le 4 juillet 2016, la société pétitionnaire a, conformément à l'article R. 423-1 du code de l'urbanisme, déposé une demande de permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale auprès de la mairie d'Hénin-Beaumont et auprès de celle de Montigny-en-Gohelle. Elle l'a complétée le 2 février et le 2 novembre 2016 puis l'a modifiée le 14 février 2017. Le maire d'Hénin-Beaumont et le maire de Montigny-en-Gohelle ont chacun délivré à la société pétitionnaire, tous deux le 28 juillet 2017, un permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale ; Aucune disposition ni aucun principe n'impose que ces deux permis prennent la forme d'un arrêté conjoint. Le moyen tiré de ce que le permis de construire en litige serait entaché d'incompétence en tant qu'il porte sur un projet situé en partie sur le territoire de la commune de Montigny-en-Gohelle manque en fait.

5. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de la décision attaquée doit être écarté.

Sur le caractère incomplet du dossier accompagnant la demande d'autorisation d'exploitation commerciale :

6. La composition du dossier accompagnant la demande d'autorisation d'exploitation commerciale est régie par les dispositions de l'article R. 752-6 du code de commerce, et notamment celles de son 5°, relatives aux éléments devant y figurer au titre des effets du projet en matière de développement durable, et notamment les flux de circulation engendrés par le projet du pétitionnaire.

7. Il ressort des pièces du dossier que la demande du pétitionnaire consiste à déplacer le magasin Lidl existant vers un nouvel emplacement situé de l'autre côté d'un rond-point de circulation routière, en prévoyant un agrandissement du magasin dont la surface de vente passera de 930 m² à 1 421 m², et en le modernisant. Le trafic induit par le futur magasin sera de 140 véhicules par heure en entrée et en sortie du parking. La fréquentation actuelle du magasin Lidl, situé de l'autre côté du même point giratoire, est de 100 véhicules par heure et par sens et la charge du giratoire principal est de 1 845 unités de véhicules particuliers par heure. En hypothèse maximale, le projet induira une hausse de la charge giratoire principale de 245 unités durant l'heure de pointe du soir, soit plus 13 % par rapport à la situation actuelle. Il est tenu compte de l'arrivée d'un bus à haut niveau de service et il est noté que les réserves de capacité du giratoire principal restent bien supérieures au seuil de confort de 20 % nécessaires pour un fonctionnement satisfaisant de l'intersection. Le surplus de trafic engendré par le projet n'aura pas d'impact sur les capacités du réseau viaire dans sa configuration adaptée au bus à haut niveau de service. Dans ces conditions et eu égard aux précisions ainsi apportées dans la demande, le moyen tiré du caractère incomplet du dossier quant aux flux de circulations manque en fait et doit être écarté.

8. Selon les requérantes, le dossier de demande d'exploitation commerciale est insuffisant en ce qui concerne la préservation de l'environnement, et plus particulièrement d'un corridor biologique censé se trouver sur le terrain d'assiette du projet. Il ressort toutefois des pièces du dossier que celui-ci comporte des éléments substantiels en ce qui concerne l'objectif de développement durable et est accompagné d'une étude réalisée par un bureau d'études spécialisé portant sur la restauration du corridor écologique minier. Dans ces conditions, le moyen tiré du caractère incomplet du dossier en ce qui concerne la préservation de l'environnement manque également en fait et doit, par suite, être écarté.

Sur le moyen tiré de l'illégalité du classement des zones UE ou AU des plans locaux d'urbanisme :

9. Aux termes de l'article L. 600-1-4 du code de l'urbanisme : " Lorsqu'il est saisi par une personne mentionnée à l'article L. 752-17 du code de commerce d'un recours pour excès de pouvoir dirigé contre le permis de construire mentionné à l'article L. 425-4 du présent code, le juge administratif ne peut être saisi de conclusions tendant à l'annulation de ce permis qu'en tant qu'il tient lieu d'autorisation d'exploitation commerciale. Les moyens relatifs à la régularité de ce permis en tant qu'il vaut autorisation de construire sont irrecevables à l'appui de telles conclusions "

10. Il résulte des dispositions ci-dessus reproduites que, lorsque le juge est saisi par un professionnel, dont l'activité est susceptible d'être affectée par un projet d'aménagement commercial, d'un recours pour excès de pouvoir dirigé contre le permis de construire mentionné à l'article L. 425-4 du code de l'urbanisme, les moyens relatifs à la régularité de ce permis, en tant qu'il vaut autorisation de construire, sont irrecevables. Ainsi, le moyen tiré de l'illégalité du classement du terrain concerné en zones urbanisées dans les plans locaux d'urbanisme de Montigny-en-Gohelle et de Hénin-Beaumont est irrecevable.

Sur la compatibilité avec le schéma de cohérence territoriale :

11. Aux termes du I de l'article L. 752-6 du code de commerce : " L'autorisation d'exploitation commerciale mentionnée à l'article L. 752-1 est compatible avec le document d'orientation et d'objectifs des schémas de cohérence territoriale (...) ". Il appartient aux commissions d'aménagement commercial et au juge qui en est saisi d'apprécier la compatibilité du projet avec les orientations générales du schéma de cohérence territoriale prises dans leur ensemble, y compris ceux se présentant formellement comme régissant des actes distincts des autorisations d'exploitation commerciale, tels que par exemple des documents d'urbanisme.

12. Le projet porté par la société Lidl est implanté en bordure de l'ancienne route nationale 43, le long de laquelle le document d'orientation et d'objectifs du schéma de cohérence territoriale Lens-Liévin et Hénin-Carvin prévoit les prescriptions suivantes, sous l'intitulé " Favoriser une offre commerciale équilibrée " : la structuration " de l'offre du corridor de l'ex RN 43 entre Hénin Beaumont et Sallaumines dans le cadre de la recomposition urbaine le long de l'axe de TCSP et un travail sur la qualité et l'intégration des commerces existants qui doit être engagé. Sont privilégiées des regroupements des équipements commerciaux en tenant compte de l'existant ; cette restructuration pourra s'appuyer sur la définition de polarités commerciales stratégiques ou liées au TCSP (arrêts, pôles d'échanges...) afin de rythmer cette offre. Au vu des surcapacités identifiées du territoire en matière de commerce alimentaire, il s'agira d'adopter une approche prudente et très sélective dans le choix de développement des grandes et moyennes surfaces alimentaires (+ de 300m²) ".

13. Ainsi qu'il a été dit, le projet de la société Lidl se borne à déplacer une surface commerciale existante de l'autre côté de l'ancienne RN 43, axe routier majeur, en limitant l'augmentation de cette surface commerciale et en tenant compte de l'arrivée d'un bus à haut niveau de service sur cet axe routier. Il est situé en agglomération, en entrée de ville, et à proximité de zones d'habitation, le tout dans une zone commerciale existante, comportant notamment un autre supermarché à l'enseigne Intermarché, dans une commune identifiée comme l'un des pôles commerciaux d'envergure à préserver. Par suite, il n'est pas incompatible avec les orientations commerciales prévues par le schéma de cohérence territoriale.

14. Le document prévoit en ce qui concerne les orientations environnementales : " Les cavaliers des mines désaffectés, répertoriés comme supports d'un intérêt faunistique et floristique remarquable seront préservés et intégrés aux projets de valorisation du territoire (Vélo Route-Voie Verte, Trame Verte et Bleue Régionale, Trames Vertes Communautaires, le plan départemental des itinéraires de promenade et randonnées, les GR du Bassin Minier, ...). La continuité des corridors écologiques supportés par ces cavaliers sera assurée par un classement en zone N strict, un emplacement réservé ou une inscription dans les orientations d'aménagement des PLU ". Il ressort des pièces du dossier qu'une grande partie de l'ancien cavalier minier d'Hénin-Beaumont, traversant le site du projet, est déjà urbanisé et occupé par des constructions qui devront être démolies. Cet ancien tracé de cavalier minier n'est pas répertorié comme étant d'un intérêt floristique et faunistique remarquable. La société pétitionnaire a, en outre, proposé des aménagements paysagers visant à rétablir le corridor écologique identifié par le projet de schéma régional de cohérence écologique. Son occupation par le projet n'est donc pas incompatible, pour ce qui concerne les orientations environnementales, avec le document d'orientation et d'objectifs du schéma de cohérence territoriale.

15. Par suite, le moyen tiré de l'incompatibilité avec le schéma de cohérence territoriale de Lens-Liévin et Hénin-Carvin doit être écarté.

Sur le respect des objectifs de l'article L. 752-6 du code de commerce :

16. Aux termes du I de l'article L. 752-6 du code de commerce : " La commission départementale d'aménagement commercial prend en considération : /1° En matière d'aménagement du territoire : / a) La localisation du projet et son intégration urbaine ; / b) La consommation économe de l'espace, notamment en termes de stationnement ; / c) L'effet sur l'animation de la vie urbaine, rurale et dans les zones de montagne et du littoral ; / d) L'effet du projet sur les flux de transports et son accessibilité par les transports collectifs et les modes de déplacement les plus économes en émission de dioxyde de carbone ; / 2° En matière de développement durable : / a) La qualité environnementale du projet, notamment du point de vue de la performance énergétique, du recours le plus large qui soit aux énergies renouvelables et à l'emploi de matériaux ou procédés éco-responsables, de la gestion des eaux pluviales, de l'imperméabilisation des sols et de la préservation de l'environnement ; : b) L'insertion paysagère et architecturale du projet, notamment par l'utilisation de matériaux caractéristiques des filières de production locales ; /c) Les nuisances de toute nature que le projet est susceptible de générer au détriment de son environnement proche. "

17. Il appartient aux commissions d'aménagement commercial, lorsqu'elles statuent sur les dossiers de demande d'autorisation, d'apprécier la conformité du projet à ces objectifs, au vu des critères d'évaluation mentionnés à l'article L. 752-6 du code de commerce. L'autorisation d'exploitation commerciale ne peut être refusée que si, eu égard à ses effets, le projet contesté compromet la réalisation des objectifs énoncés par la loi.

En ce qui concerne l'objectif d'aménagement du territoire :

18. Il ressort des pièces du dossier que la surface de plancher totale du bâtiment affecté à usage de commerce est de 2 553 m², implanté sur un terrain d'assiette dont la superficie est de 25 222 m². Toutefois, seule une partie du terrain est occupée par la construction et les parkings. Le projet engendre près de 8 500 m² d'espaces verts, soit 48,8 % des surfaces utiles du terrain d'assiette. Il s'implante sur une parcelle partiellement artificialisée par le centre technique municipal de Montigny en Gohelle, qui doit être démoli, et sur la friche d'une ancienne usine détruite par un incendie et transformée depuis en décharge sauvage. La consommation d'espace par le projet ne peut, par suite, être regardée comme excessive.

19. Le projet de la SNC Lidl consiste à transférer et à agrandir un supermarché, jusqu'alors situé au nord du même rond-point de circulation, et disposant d'une surface de vente de 930 m², pour construire un nouveau bâtiment, situé au sud de ce même rond-point, et disposant d'une surface de vente de 1 421 m². Il ressort des pièces du dossier que le projet en litige prendra place, ainsi qu'il a été dit, au sein d'un environnement mixte d'habitats et de quelques activités commerciales dans un paysage urbain. Les sociétés requérantes n'établissent pas, par les éléments peu probants qu'elles versent aux débats, que le projet aura un effet négatif sur les commerces de proximité implantés sur le territoire des communes d'Hénin-Beaumont et de Montigny-en-Gohelle et sur l'animation urbaine de ces dernières, alors en outre que l'ancien supermarché est exploité depuis 2001 et que la loi n'implique pas que le critère de contribution à l'animation de la vie urbaine ne puisse être respecté que par une implantation en centre-ville.

20. La société Lidl estime à 140 véhicules / heure l'affluence de la clientèle au nouveau magasin avec une hausse de la charge giratoire principale de 245 unités durant l'heure de pointe du soir, soit une augmentation de 13 % par rapport à la situation actuelle. Il est tenu compte de l'arrivée d'un bus à haut niveau de service et il est noté que les réserves de capacité du giratoire principal restent supérieures au seuil de 20 % nécessaires pour un fonctionnement satisfaisant de l'intersection. S'il n'est pas contesté que la circulation sur la route départementale (ancienne RN 43) est assez chargée, il ne résulte d'aucune pièce du dossier, et notamment de l'étude de trafic réalisée par le pétitionnaire et des avis exprimés par les administrations concernées, que cet axe ne serait pas en mesure de prendre en charge l'augmentation relativement modeste du trafic automobile que pourrait entraîner le projet en litige. La seule circonstance que la desserte du supermarché nécessite la création d'une nouvelle entrée/sortie sur le giratoire de cette route départementale, cette création, autorisée par le département, étant d'ailleurs réalisée sur le terrain d'assiette du projet, ne suffit pas à établir la réalité du risque d'accidents invoqué par les sociétés requérantes, malgré la proximité de l'entrée/sortie du site sur lequel est implanté un magasin Intermarché. Le site est en outre desservi par les transports collectifs, comportant des arrêts à moins de 100 mètres du site, et est accessible à pied. Les hypothétiques risques qui résulteraient de la cohabitation des clients et des véhicules de livraison sur le parking du futur supermarché sont sans rapport avec l'objectif d'aménagement du territoire, et l'absence de piste cyclable ne saurait, à elle seule, caractériser une erreur d'appréciation du maire d'Hénin-Beaumont au regard des dispositions précitées.

21. Si les sociétés requérantes soutiennent que, l'ancien bâtiment étant laissé vacant, la SNC Lidl ne s'étant pas engagée à ce titre, le projet va créer une friche commerciale, cette seule circonstance, à la supposer établie, au regard des éléments mentionnés aux trois points qui précédent et de la circonstance que le projet de la société Lidl s'implante à la place d'une autre friche, ne suffit pas à caractériser une méconnaissance des critères du 1° du I de l'article L. 752-6 du code de commerce.

En ce qui concerne l'objectif de développement durable :

22. Les sociétés requérantes reprochent son caractère insuffisant à l'étude portant sur la restauration du corridor écologique, notamment s'agissant de la prise en compte du cavalier minier constituant ce corridor écologique. Il ressort des pièces du dossier qu'une grande partie de cet ancien cavalier minier, sur lequel s'implante le projet, est déjà urbanisée et occupée par des constructions qui devront être démolies, ainsi qu'il a été dit précédemment, et que la partie de ce cavalier concernée par le projet n'est pas répertoriée comme étant d'un intérêt floristique et faunistique remarquable. La société pétitionnaire a missionné un bureau d'étude spécialisé afin qu'il propose des aménagements paysagers destinés à restaurer le corridor. Si les sociétés requérantes soutiennent que les aménagements envisagés sont insuffisants, elles ne le démontrent pas. Il ressort également du dossier, et notamment de l'étude écologique, que toutes les espèces faunistiques recensées dans la zone arborée sont des espèces communes et très communes, dont sept espèces protégées dont il n'est pas établi que leurs habitats seront affectés par le projet. Enfin, le projet n'empiète pas sur la zone naturelle située à proximité.

23. Le projet prévoit l'emploi de matériaux ou procédés de construction écoresponsables avec, notamment, une charpente en bois, la lutte contre les déperditions énergétiques avec une ventilation mécanique à double flux avec récupération d'énergie et des installations frigorifiques de dernière génération équipées de portes permettant d'économiser 50 % d'énergie par rapport à des installations classiques, le recours aux énergies renouvelables avec l'installation d'une pompe à chaleur et de panneaux photovoltaïques sur la toiture et enfin l'utilisation rationnelle de l'éclairage avec l'éclairage naturel et l'utilisation de matériels LED. Le projet prévoit ainsi de nombreuses mesures de nature à lui conférer une réelle qualité environnementale. Si les sociétés requérantes soutiennent que l'architecture du bâtiment est " standardisée ", le site dans lequel il est destiné à être implanté, ne présente pas d'enjeux environnementaux ou architecturaux particuliers et, par ailleurs, le nouveau bâtiment, comportant un soubassement de couleur gris soutenu et une partie haute traitée en volets bois de manière à former un rythme, sera entouré au sud d'espaces végétalisés, le projet prévoyant la plantation de 49 arbres à haute tige, à l'arrière du bâtiment ainsi que des arbres dans l'espace de stationnement.

24. Les sociétés requérantes font également valoir que le parking va participer à l'artificialisation croissante des sols. Le projet prévoit cependant que les 132 places de stationnement seront réalisées en " evergreen ", donc perméables, et qu'un séparateur à hydrocarbures évitera la pollution des eaux pluviales. En outre, ces eaux pluviales seront récupérées en totalité et feront l'objet d'un traitement par infiltration sur le site par des noues avec massifs drainants.

25. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des critères du 2° du I de l'article L. 752-6 du code de commerce doit être écarté.

26. Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner les fins de non-recevoir opposées en défense, il y a lieu de rejeter les conclusions des sociétés Cora et Supermarchés Match dirigées contre l'arrêté du 28 juillet 2017 et, par voie de conséquence, celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge des sociétés Cora et Supermarchés Match la somme totale de 1 000 euros à verser à la commune d'Hénin-Beaumont et solidairement la somme de 1 500 euros à verser à la société Lidl sur le fondement des mêmes dispositions.

DECIDE

Article 1er : La requête des sociétés Cora et Supermarchés Match est rejetée.

Article 2 : Les sociétés Cora et Supermarchés Match verseront la somme totale de 1 000 euros à la commune d'Hénin-Beaumont et solidairement la somme de 1 500 euros à la société Lidl sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Supermarchés Match, à la société Cora, à la commune d'Hénin-Beaumont, à la société Lidl et à la commission nationale d'aménagement commercial.

2

N°17DA01907


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 17DA01907
Date de la décision : 17/12/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Commerce - industrie - intervention économique de la puissance publique - Réglementation des activités économiques - Activités soumises à réglementation - Aménagement commercial.

Urbanisme et aménagement du territoire - Autorisations d`utilisation des sols diverses - Autorisation d`exploitation commerciale (voir : Commerce - industrie - intervention économique de la puissance publique).


Composition du Tribunal
Président : M. Boulanger
Rapporteur ?: M. Jean-Pierre Bouchut
Rapporteur public ?: M. Minet
Avocat(s) : CABINET LUMEA

Origine de la décision
Date de l'import : 04/02/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2019-12-17;17da01907 ?
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