Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. et Mme B... A... ont demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 28 septembre 2015 par laquelle le maire de Saint-Leu-d'Esserent a exercé le droit de préemption urbain sur les parcelles cadastrées sections AC nos 412, 415, 416, 1035 et 1164, situées 20 quai d'Aval.
Par un jugement n° 1503271 du 13 mars 2018, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté leur demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 25 avril 2018, et des mémoires, enregistrés les 18 juin et 26 juillet 2019, M. et Mme A..., représentés par Me D... F..., demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 28 septembre 2015 ;
3°) d'enjoindre à la commune de Saint-Leu-d'Esserent de proposer aux vendeurs puis à eux-mêmes d'acquérir le bien au prix auquel cette commune l'a acquis, dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de la commune de Saint-Leu-d'Esserent la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Jimmy Robbe, premier conseiller,
- les conclusions de M. Charles-Edouard Minet, rapporteur public,
- et les observations de Me D... F..., représentant M. et Mme A....
Considérant ce qui suit :
1. Les propriétaires des parcelles cadastrées section AC nos 412, 415, 416, 1035 et 1164, situées 20 quai d'Aval à Saint-Leu-d'Esserent, ont conclu, le 30 juillet 2015, une promesse de vente avec M. et Mme A.... Par une décision du 28 septembre 2015, le maire de Saint-Leu-d'Esserent a exercé le droit de préemption urbain sur ces parcelles, visées par une déclaration d'intention d'aliéner qui lui avait été notifiée le 7 août 2015. M. et Mme A..., acquéreurs évincés, relèvent appel du jugement du 13 mars 2018 par lequel le tribunal administratif d'Amiens a rejeté leur demande tendant à l'annulation de cette décision du 28 septembre 2015.
Sur le caractère exécutoire de la délibération en date du 10 février 2014 par laquelle le conseil municipal de Saint-Leu-d'Esserent a institué le droit de préemption urbain :
2. Aux termes de l'article L. 211-1 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction alors applicable : " Les communes dotées d'un plan d'occupation des sols rendu public ou d'un plan local d'urbanisme approuvé peuvent, par délibération, instituer un droit de préemption urbain sur tout ou partie des zones urbaines et des zones d'urbanisation future délimitées par ce plan (...) ". Aux termes de l'article R. 211-2 de ce code : " La délibération par laquelle le conseil municipal (...) décide, en application de l'article L. 211-1, d'instituer ou de supprimer le droit de préemption urbain ou d'en modifier le champ d'application est affichée en mairie pendant un mois. Mention en est insérée dans deux journaux diffusés dans le département. / Les effets juridiques attachés à la délibération mentionnée au premier alinéa ont pour point de départ l'exécution de l'ensemble des formalités de publicité mentionnées audit alinéa. Pour l'application du présent alinéa, la date à prendre en considération pour l'affichage en mairie est celle du premier jour où il est effectué ". Aux termes de l'article R. 211-3 de ce code, dans sa rédaction alors applicable : " Le maire (...) adresse sans délai au directeur départemental ou, le cas échéant, régional des finances publiques, au Conseil supérieur du notariat, à la chambre départementale des notaires, aux barreaux constitués près les tribunaux de grande instance dans le ressort desquels est institué le droit de préemption urbain et au greffe des mêmes tribunaux copie des actes ayant pour effet d'instituer ou de supprimer le droit de préemption urbain ou d'en modifier le champ d'application. Cette copie est accompagnée, s'il y a lieu, d'un plan précisant le champ d'application du droit de préemption urbain ". Enfin, l'article R. 211-4 dispose que : " La délibération prise en application du dernier alinéa de l'article L. 211-1 est affichée en mairie pendant un mois et prend effet le premier jour dudit affichage. (...) Copie en est en outre adressée aux organismes et services mentionnés à l'article R. 211-3 (...) ".
3. Les obligations d'affichage et de publication par voie de presse de la délibération instaurant le droit de préemption urbain prévues aux articles R. 211-2 et R. 211-4 du code de l'urbanisme constituent des formalités nécessaires à l'entrée en vigueur d'une telle délibération. En revanche, les formalités de transmission d'une copie de la délibération aux personnes mentionnées à l'article R. 211-3, qui ont pour seul objet d'informer ces personnes, sont sans incidence sur le caractère exécutoire de cette délibération.
4. Par délibération du 10 février 2014, le conseil municipal de Saint-Leu-d'Esserent a institué, en application de l'article L. 211-1 du code de l'urbanisme, le droit de préemption urbain sur les zones urbaines et à urbaniser délimitées par le plan local d'urbanisme approuvé le même jour. Les parcelles préemptées se situent en zone urbaine de ce plan.
5. D'une part, la commune de Saint-Leu-d'Esserent verse au dossier un document qu'elle présente comme un extrait du registre chronologique d'affichage. Si M. et Mme A... remettent en cause la valeur probante de ce document, ils ne contestent pas sa nature d'extrait du registre d'affichage. Cet extrait fait apparaître que la délibération instituant le droit de préemption urbain a fait l'objet d'un affichage durant un mois en mairie à compter du 13 février 2014. Il ressort des pièces du dossier que la mention de cette délibération a été insérée dans deux journaux diffusés dans le département, " le Parisien libéré " et le " Courrier Picard ". Cette délibération, transmise au contrôle de légalité le 17 février 2014, a donc reçu la publicité requise par les dispositions combinées des articles R. 211-2 et R. 211-4 du code de l'urbanisme. En tout état de cause, le maire a certifié, sur cette délibération, son caractère exécutoire à compter du 17 février 2014, en application des dispositions de l'article L. 2131-1 du code général des collectivités territoriales, aux termes desquelles : " Les actes pris par les autorités communales sont exécutoires de plein droit dès qu'il a été procédé à leur publication ou affichage ou à leur notification aux intéressés ainsi qu'à leur transmission au représentant de l'Etat dans le département ou à son délégué dans l'arrondissement. (...) / (...) / Le maire peut certifier, sous sa responsabilité, le caractère exécutoire de ces actes (...) ".
6. D'autre part, il résulte de ce qui a été dit au point 3 que la circonstance alléguée qu'une copie de cette délibération n'aurait pas été adressée aux personnes mentionnées à l'article R. 211-3 du code de l'urbanisme est sans incidence sur le caractère exécutoire de cette délibération.
7. Le moyen tiré de ce que, cette délibération n'étant pas exécutoire, la décision de préemption en litige serait entachée d'un défaut de base légale doit, par suite, être écarté.
Sur la légalité de cette même délibération du 10 février 2014 :
8. La délibération du 10 février 2014 mentionne que la convocation des conseillers municipaux leur a précédemment été adressée le 4 février 2014, soit dans le délai de cinq jours francs prévu à l'article L. 2121-12 du code général des collectivités territoriales. M. et Mme A..., qui d'ailleurs se bornent soutenir qu'il appartient à la commune de " produire, pour établir le caractère régulier de cette délibération (...) la preuve de la convocation régulière de tous les élus trois jours avant la convocation du conseil municipal ", n'apportent aucun élément établissant le caractère erroné de la mention de la délibération relative à cette convocation. Le moyen doit, par suite, être écarté.
Sur la consultation du service des domaines :
9. Aux termes de l'article R. 213-21 du code de l'urbanisme : " Le titulaire du droit de préemption doit recueillir l'avis du service des domaines sur le prix de l'immeuble dont il envisage de faire l'acquisition dès lors que le prix ou l'estimation figurant dans la déclaration d'intention d'aliéner ou que le prix que le titulaire envisage de proposer excède le montant fixé par l'arrêté du ministre chargé du domaine prévu à l'article R. 1211-2 du code général de la propriété des personnes publiques. / (...) / L'avis du directeur départemental ou, le cas échéant, régional des finances publiques doit être formulé dans le délai d'un mois à compter de la date de réception de la demande d'avis. Passé ce délai, il peut être procédé librement à l'acquisition. (...) ". Il résulte de ces dispositions que le titulaire du droit de préemption doit avoir connaissance de l'avis du service des domaines, émis dans les conditions de délai précitées, avant d'exercer ce droit.
10. Il ressort des pièces du dossier que, consulté le 17 août 2015 par le maire de Saint-Leu-d'Esserent pour émettre un avis sur le prix figurant dans la déclaration d'intention d'aliéner des parcelles, le service des domaines a émis un avis le 14 septembre 2015, aux termes duquel ce prix " n'appelle pas d'observation et sera donc entériné ". Si M. et Mme A... soutiennent qu'il n'est pas établi que cet avis a préalablement été porté à la connaissance du maire, cette allégation est contredite par la circonstance que cet avis est expressément visé, y compris sa date, dans la décision en litige.
11. Le moyen tiré de ce que l'avis du service des domaines n'aurait pas été préalablement recueilli doit, par suite, être écarté.
Sur la notification de la décision de préemption :
12. Aux termes de l'article L. 213-2 du code de l'urbanisme, dans sa version alors applicable, issue de la loi du 24 mars 2014 pour l'accès au logement et un urbanisme rénové : " Toute aliénation visée à l'article L. 213-1 est subordonnée, à peine de nullité, à une déclaration préalable faite par le propriétaire à la mairie de la commune où se trouve situé le bien. / (...) / Le silence du titulaire du droit de préemption pendant deux mois à compter de la réception de la déclaration mentionnée au premier alinéa vaut renonciation à l'exercice du droit de préemption. / (...) / Lorsqu'il envisage d'acquérir le bien, le titulaire du droit de préemption transmet sans délai copie de la déclaration d'intention d'aliéner au responsable départemental des services fiscaux. La décision du titulaire fait l'objet d'une publication. Elle est notifiée au vendeur, au notaire et, le cas échéant, à la personne mentionnée dans la déclaration d'intention d'aliéner qui avait l'intention d'acquérir le bien (...) ". Aux termes du premier alinéa de l'article L. 2131-1 du code général des collectivités territoriales : " Les actes pris par les autorités communales sont exécutoires de plein droit dès qu'il a été procédé à leur publication ou à leur notification aux intéressés ainsi qu'à leur transmission au représentant de l'Etat dans le département ou à son délégué dans l'arrondissement (...) ". L'article L. 2131-2 du même code prévoit que cette obligation de transmission vaut également pour les décisions prises par délégation du conseil municipal en application de l'article L. 2122-22. Au nombre de ces dernières décisions figurent les décisions de préemption.
13. Il résulte de ces dispositions que les propriétaires qui ont décidé de vendre un bien susceptible de faire l'objet d'une décision de préemption doivent savoir de façon certaine, au terme du délai de deux mois imparti au titulaire du droit de préemption pour en faire éventuellement usage, s'ils peuvent ou non poursuivre l'aliénation entreprise. Dans le cas où le titulaire du droit de préemption décide de l'exercer, les mêmes dispositions, combinées avec celles précitées du code général des collectivités territoriales, imposent que la décision de préemption soit exécutoire au terme du délai de deux mois, c'est-à-dire non seulement prise mais également notifiée au propriétaire intéressé et transmise au représentant de l'Etat. La réception de la décision par le propriétaire intéressé et le représentant de l'Etat dans le délai de deux mois, à la suite respectivement de sa notification et de sa transmission, constitue, par suite, une condition de la légalité de la décision de préemption. Il n'en est cependant pas de même de la notification de la décision de préemption à l'acquéreur évincé qui a pour objet et pour effet de faire courir le délai de recours à l'encontre de la décision de préemption mais n'est pas une condition de sa légalité. Ainsi, la circonstance alléguée que la décision de préemption en litige ne leur aurait pas été notifiée est, contrairement à ce que soutiennent les époux A..., sans incidence sur sa légalité.
14. La déclaration d'intention d'aliéner notifiée à la commune de Saint-Leu-d'Esserent, relative à la vente par Mme G... I..., M. J... C... et Mlle E... C... de leurs biens, comportait la seule indication de ce que les décisions relatives à l'exercice du droit de préemption devaient être notifiées à l'adresse de Me J... H..., notaire chargé de la vente, chez lequel les vendeurs faisaient élection de domicile. Il ressort des pièces du dossier que cette déclaration d'intention d'aliéner a été reçue en mairie le 7 août 2015. L'accusé de réception postal versé au dossier par la commune établit que la décision de préemption a été notifiée à ce notaire le 30 septembre 2015, soit dans le délai requis de deux mois courant à compter de la date de réception de la déclaration d'intention d'aliéner.
15. Le moyen tiré de ce que la décision de préemption a été notifiée tardivement doit, par suite, être écarté.
Sur la motivation de la décision de préemption et la réalité du projet la justifiant :
16. Aux termes de l'article L. 210-1 du code de l'urbanisme : " Les droits de préemption institués par le présent titre sont exercés en vue de la réalisation, dans l'intérêt général, des actions ou opérations répondant aux objets définis à l'article L. 300-1, à l'exception de ceux visant à sauvegarder ou à mettre en valeur les espaces naturels, ou pour constituer des réserves foncières en vue de permettre la réalisation desdites actions ou opérations d'aménagement. / (...) / Toute décision de préemption doit mentionner l'objet pour lequel ce droit est exercé (...) ". Il résulte de ces dispositions que les collectivités titulaires du droit de préemption urbain peuvent légalement exercer ce droit, d'une part, si elles justifient, à la date à laquelle elles l'exercent, de la réalité d'un projet d'action ou d'opération d'aménagement répondant aux objets mentionnés à l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme, alors même que les caractéristiques précises de ce projet n'auraient pas été définies à cette date, et, d'autre part, si elles font apparaître la nature de ce projet dans la décision de préemption. En outre, la mise en oeuvre de ce droit doit, eu égard notamment aux caractéristiques du bien faisant l'objet de l'opération ou au coût prévisible de cette dernière, répondre à un intérêt général suffisant.
17. La décision de préemption en litige indique que la commune doit acquérir les biens en cause " puisqu'ils seront utilisés dans le cadre de son projet de développement d'un port fluvial " et que " cette opération répond aux objectifs définis à l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme ". Cette décision, qui fait ainsi apparaître la nature du projet pour lequel le droit de préemption est exercé, n'est pas entachée d'insuffisance de motivation.
18. Il ressort des pièces du dossier que la commune de Saint-Leu-d'Esserent a pour projet le développement d'un complexe portuaire sur son territoire ainsi qu'en attestent le compte-rendu de la séance du conseil municipal du 28 novembre 2011, mais également l'étude réalisée sur ce projet et les brochures de présentations, établies antérieurement à la décision en litige. Ce projet comprend notamment la création d'un port dit " port étang " à proximité immédiate des parcelles préemptées. Si ces dernières se situent à l'extérieur du périmètre projeté de ce port, bien qu'à proximité, la commune fait valoir qu'elles sont destinées à accueillir la capitainerie, qu'implique normalement l'aménagement d'un port, et dont la réalisation était ainsi également projetée. Dès lors, la commune de Saint-Leu-d'Esserent doit être regardée comme justifiant, à la date de la décision attaquée, d'un projet entrant dans les prévisions de l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme et justifiant également la préemption des parcelles visées par cette décision.
19. Les moyens tirés de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 210-1 du code de l'urbanisme doivent, par suite, être écartés.
20. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme A... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté leur demande.
Sur les frais liés au litige :
21. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Saint-Leu-d'Esserent, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que M. et Mme A... réclament au titre des frais liés au litige.
22. En revanche, il y a lieu, sur le fondement de ces mêmes dispositions, de mettre à la charge de M. et Mme A... le paiement de la somme de 2 000 euros à verser à la commune de Saint-Leu-d'Esserent, au même titre.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. et Mme A... est rejetée.
Article 2 : M. et Mme A... verseront à la commune de Saint-Leu-d'Esserent une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme B... A... et à la commune de Saint-Leu-d'Esserent.
N°18DA00847 6