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05/12/2019 | FRANCE | N°17DA02354

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1ère chambre, 05 décembre 2019, 17DA02354


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Me F... D..., mandataire-liquidateur de la société " Restau Soleil ", a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler pour excès de pouvoir la décision implicite par laquelle la maire de Lille a refusé d'abroger l'arrêté du 13 février 2015 ordonnant la fermeture de l'établissement le " Restau Soleil ".

Par un jugement n° 1509325 du 12 octobre 2017, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 12 déce

mbre 2017, Me D..., mandataire-liquidateur de la société " Restau Soleil ", représenté par Me C....

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Me F... D..., mandataire-liquidateur de la société " Restau Soleil ", a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler pour excès de pouvoir la décision implicite par laquelle la maire de Lille a refusé d'abroger l'arrêté du 13 février 2015 ordonnant la fermeture de l'établissement le " Restau Soleil ".

Par un jugement n° 1509325 du 12 octobre 2017, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 12 décembre 2017, Me D..., mandataire-liquidateur de la société " Restau Soleil ", représenté par Me C... A..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir le refus d'abrogation de l'arrêté du 13 février 2015 ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Lille la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la construction et de l'habitation ;

- l'arrêté du 25 juin 1980 portant approbation des dispositions générales du règlement de sécurité contre les risques d'incendie et de panique dans les établissements recevant du public ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Claire Rollet-Perraud, président-assesseur,

- les conclusions de M. Charles-Edouard Minet, rapporteur public,

- et les observations de Me B... G..., représentant la commune de Lille et de M. E... H..., ayant reçu mandat pour représenter Mme J... I....

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 13 février 2015, la maire de Lille a, d'une part, ordonné la fermeture administrative de l'établissement exploité à Lille par Mme I... sous l'enseigne " Restau Soleil " au motif que l'établissement n'était pas en conformité avec les prescriptions fixées par la règlementation en matière d'établissements recevant du public et, d'autre part, conditionné sa réouverture au respect des prescriptions des commissions de sécurité et d'accessibilité et au dépôt de demandes d'autorisation. Par deux lettres des 17 et 29 juillet 2015, Mme I... a demandé à la maire de Lille d'abroger l'arrêté du 13 février 2015. Par une lettre du 27 juillet 2015, confirmée par un courrier du 17 août 2015, la maire de Lille a indiqué à la requérante avoir transmis les documents produits à la commission communale de sécurité pour examen en séance plénière du 17 septembre 2015. Par un jugement du 5 janvier 2016, le tribunal de commerce de Lille a placé en liquidation judiciaire l'entreprise individuelle de Mme I... et a désigné Me F... D..., en qualité de mandataire-liquidateur. Me D... relève appel du jugement du 12 octobre 2017 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté la demande de Mme I... tendant à l'annulation de la décision implicite par laquelle la maire de Lille a refusé d'abroger l'arrêté du 13 février 2015.

Sur la fin de non-recevoir opposée par la commune de Lille :

2. La requête introduite par Me D... pour la société " Restau soleil ", qui ajoute à son mémoire de première instance des considérations sur la prescription de la commission communale de sécurité relative à l'aménagement de dégagements dans l'établissement, ne constitue pas la reprise intégrale et exclusive des écritures produites devant le tribunal administratif de Lille. Ainsi, cette requête satisfait aux exigences de motivation posées par l'article R. 411-1 du code de justice administrative. Par suite, la fin de non-recevoir opposée par la commune de Lille doit être écartée.

Sur la recevabilité de la demande de première instance :

3. Au regard des termes utilisés par Mme I... dans ses lettres des 17 et 29 juillet 2015, celle-ci doit être regardée comme ayant demandé à la maire de Lille d'abroger l'arrêté du 13 février 2015. Si dans ses réponses des 27 juillet et 17 août 2015, la maire de Lille n'a pas expressément opposé un refus à cette demande, il n'en demeure pas moins qu'une décision implicite de rejet de la demande d'abrogation présentée par Mme I... est née de l'absence de réponse. La demande de première instance de Mme I... était donc dirigée contre une décision faisant grief.

4. Par ailleurs, contrairement à ce que soutient la commune, la société " Restau soleil " ne conteste pas la légalité de l'arrêté du 13 février 2015, validée par le jugement n° 1501477 du tribunal administratif de Lille du 13 juillet 2017, devenu définitif, mais souhaite obtenir l'annulation du refus d'abrogation de cette décision devenue illégale selon elle à la suite de changements dans les circonstances de droit ou de fait postérieures à son édiction. Dès lors, la commune n'est pas fondée à soutenir que la requête serait irrecevable en ce qu'elle viserait à remettre en cause l'autorité de la chose jugée par le tribunal.

Sur les conclusions aux fins d'annulation :

En ce qui concerne la légalité du refus d'abrogation de l'arrêté en tant qu'il prononce la fermeture de l'établissement :

5. Aux termes de l'article R. 123-52 du code de la construction et de l'habitation, dans sa rédaction applicable au litige : " Sans préjudice de l'exercice par les autorités de police de leurs pouvoirs généraux, la fermeture des établissements exploités en infraction aux dispositions du présent chapitre peut être ordonnée par le maire, ou par le représentant de l'Etat dans le département dans les conditions fixées aux articles R. 123-27 et R. 123-28. / La décision est prise par arrêté après avis de la commission de sécurité compétente. L'arrêté fixe, le cas échéant, la nature des aménagements et travaux à réaliser ainsi que les délais d'exécution ".

6. Par un avis du 5 février 2015, la commission communale de sécurité a retenu le classement de l'établissement " Restau Soleil " en 4ème catégorie, type L et N, a émis un avis défavorable à la poursuite de l'exploitation de l'établissement, a relevé son caractère dangereux et a formulé un certain nombre de prescriptions. La maire de Lille a, alors, ordonné sa fermeture sur le fondement de l'article R. 123-52 du code de la construction et de l'habitation cité au point précédent. Par un avis du 30 juin 2015, la sous-commission départementale de sécurité a, cette fois, validé le classement de l'établissement en 5ème catégorie, type N, émis un défavorable à la poursuite de son exploitation et formulé des prescriptions reprenant partiellement celles de l'avis du 5 février. Enfin, par un nouvel avis du 18 septembre 2015, la commission communale de sécurité a validé le classement en 5ème catégorie, sous réserve de la confirmation des surfaces accessibles au public, levé une des prescriptions émises par la sous-commission départementale, maintenu les autres prescriptions et émis un avis défavorable à l'exploitation de l'établissement.

7. Les prescriptions émises par les différentes commissions de sécurité l'ont été en application des articles PE de l'arrêté du 25 juin 1980 susvisé. En dépit des éléments versés par Me D... au débat, il ne ressort pas des pièces du dossier que toutes les prescriptions des commissions de sécurité ont été respectées. Il n'est notamment pas établi que l'isolation par rapport aux tiers ait été réalisée, en particulier sur la partie avant du bâtiment, que l'établissement justifie d'un accord contractuel pour l'utilisation de dégagements empruntant la propriété d'un tiers et que l'établissement dispose d'un téléphone. Dans ces conditions, et compte tenu du nombre et de la gravité des manquements constatés aux règles de sécurité qui sont opposables aux établissements de 5ème catégorie, contrairement à ce que soutient le requérant, la maire de Lille a pu légalement refuser d'abroger l'arrêté du 13 février 2015 en tant qu'il décide la fermeture de l'établissement.

En ce qui concerne la légalité du refus d'abrogation de l'arrêté en tant qu'il fixe les conditions de réouverture de l'établissement :

8. L'article 2 de l'arrêté du 13 février 2015 dispose que : " La réouverture des locaux ne pourra intervenir qu'après dépôt d'une autorisation de construire, aménager ou modifier un établissement recevant du public et réalisation des travaux dans le respect des prescriptions mentionnées dans les procès-verbaux établis par les commissions de sécurité et d'accessibilité, visites d'ouverture avec avis favorable de la commission communale de sécurité ou de son groupe de visite et de la commission communale d'accessibilité ou de son groupe de visite et l'autorisation d'ouverture délivrée par arrêté municipal ".

9. Aux termes de l'article L. 111-8 du code de la construction et de l'habitation, dans sa version applicable au litige : " Les travaux qui conduisent à la création, l'aménagement ou la modification d'un établissement recevant du public ne peuvent être exécutés qu'après autorisation délivrée par l'autorité administrative qui vérifie leur conformité aux règles prévues aux articles L. 111-7, L. 123-1 et L. 123-2. / (...) ".

10. Aux termes de l'article R. 123-14 du même code, dans sa version applicable au litige : " Les établissements dans lesquels l'effectif du public n'atteint pas le chiffre fixé par le règlement de sécurité pour chaque type d'établissement sont assujettis à des dispositions particulières déterminées dans le règlement de sécurité. / Le maire, après consultation de la commission de sécurité compétente, peut faire procéder à des visites de contrôle dans les conditions fixées aux articles R. 123-45 et R. 123-48 à R. 123-50 afin de vérifier si les règles de sécurité sont respectées. / Lorsque ces établissements disposent de locaux d'hébergement pour le public, les travaux qui conduisent à leur création, à leur aménagement ou à leur modification ne peuvent être exécutés qu'après délivrance de l'autorisation prévue aux articles L. 111-8 et suivants et après avis de la commission de sécurité compétente. (...) ".

11. Aux termes de l'article R. 123-45 de ce code, dans sa version applicable au litige : " Au cours de la construction ou des travaux d'aménagement, des visites peuvent être faites sur place par la commission de sécurité compétente. / Avant toute ouverture des établissements au public ainsi qu'avant la réouverture des établissements fermés pendant plus de dix mois, il est procédé à une visite de réception par la commission. Celle-ci propose les modifications de détail qu'elle tient pour nécessaires. Lorsque le projet a fait l'objet d'une étude de sécurité publique en application de l'article R. 114-1 du code de l'urbanisme, un représentant au moins de la sous-commission départementale pour la sécurité publique de la commission consultative départementale de sécurité et d'accessibilité participe à la visite de réception. / L'exploitant demande au maire l'autorisation d'ouverture, sauf dans le cas des établissements visés au premier alinéa de l'article R. 123-14 qui ne comportent pas de locaux d'hébergement pour le public ".

12. Ainsi, d'une part, le code de la construction et de l'habitation, sur les dispositions duquel se fonde l'arrêté attaqué, ne prévoit pas que l'autorité administrative puisse soumettre la réouverture d'un établissement de 5ème catégorie au dépôt d'une autorisation de travaux. D'autre part, l'article R. 123-45 du même code, cité au point 11, n'impose pas davantage d'autorisation d'ouverture pour les établissements de 5ème catégorie qui ne comportent pas de locaux d'hébergement pour le public.

13. Or, ainsi qu'il a été dit au point 6, la sous-commission départementale de sécurité, dans son avis du 30 juin 2015, et la commission communale de sécurité, dans son avis du 18 septembre 2015, ont validé le classement du " Restau Soleil " en 5ème catégorie, circonstance qui n'est pas sérieusement contestée par la commune de Lille. Il est en outre constant que cet établissement ne comporte pas de locaux d'hébergement pour le public. Par suite, à la date de la demande d'abrogation, l'article 2 de l'arrêté du 13 février 2015 ne pouvait plus légalement prescrire que la réouverture de l'établissement ne pouvait intervenir qu'après dépôt d'une autorisation de construire, aménager ou modifier un établissement recevant du public et obtention d'une autorisation d'ouverture au titre de l'article R. 123-45 du code de la construction et de l'habitation. Ainsi, les conditions préalables à la réouverture de l'établissement imposées par l'arrêté contesté ne trouvant plus à s'appliquer du fait du changement de catégorie de l'établissement, la maire de Lille était tenue d'abroger l'arrêté en litige en tant qu'il fixe ses conditions de réouverture, mais sans préjudice toutefois de l'obligation qui pèse sur l'exploitant de réaliser les travaux nécessaires au respect des prescriptions qui s'imposent à lui en application de la réglementation en vigueur relative aux établissements recevant du public de 5ème catégorie, notamment ceux visés par la sous-commission départementale de sécurité, dans son avis du 30 juin 2015 et par la commission communale de sécurité, dans son avis du 18 septembre 2015, lesquels devront faire l'objet d'une visite d'ouverture avec avis favorable de la commission communale de sécurité ou de son groupe de visite et de la commission communale d'accessibilité ou de son groupe de visite.

14. Il résulte de tout de ce qui précède que la société " Restau soleil " est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation du refus d'abroger l'arrêté du 13 février 2015, uniquement en tant qu'il fixe à son article 2, deux des conditions de réouverture de son établissement, à savoir le dépôt d'une autorisation de construire, aménager ou modifier un établissement recevant du public et l'obtention d'une autorisation d'ouverture.

Sur les frais liés au litige :

15. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la société " Restau soleil ", qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la commune de Lille réclame au titre des frais liés au litige.

16. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Lille la somme réclamée par la société " Restau soleil " au titre des mêmes frais.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1509325 du 12 octobre 2017 du tribunal administratif de Lille est annulé en tant qu'il rejette la demande de la société " Restau soleil " tendant à l'annulation du refus d'abroger l'arrêté du 13 février 2015, uniquement en tant qu'il fixe en son article 2, deux des conditions de réouverture de son établissement.

Article 2 : Le refus d'abroger l'arrêté du 13 février 2015, en tant qu'il fixe en son article 2, deux des conditions de réouverture de l'établissement " Restau soleil ", est annulé dans les conditions prévues au point 14.

Article 3 : Le surplus des conclusions présentées en première instance et en appel par la société " Restau soleil " est rejeté.

Article 4 : Les conclusions présentées par la commune de Lille sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Me F... D..., mandataire liquidateur de la société " Restau Soleil " et à la commune de Lille.

N°17DA02354 6


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 17DA02354
Date de la décision : 05/12/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

49-05-003 Police. Polices spéciales.


Composition du Tribunal
Président : M. Boulanger
Rapporteur ?: Mme Claire Rollet-Perraud
Rapporteur public ?: M. Minet
Avocat(s) : RUEF

Origine de la décision
Date de l'import : 24/12/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2019-12-05;17da02354 ?
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