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28/11/2019 | FRANCE | N°18DA01045

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2ème chambre, 28 novembre 2019, 18DA01045


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler la décision du 1er septembre 2015 de la directrice du centre hospitalier intercommunal d'Elbeuf-Louviers/Val-de-Reuil prononçant son licenciement pour insuffisance professionnelle, ensemble la décision implicite de rejet de son recours gracieux formé à l'encontre de cette décision.

Par un jugement n° 1600964 du 29 mars 2018, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une r

equête et des mémoires, enregistrés le 24 mai 2018, le 5 avril 2019 et le 9 mai 2019, Mme ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler la décision du 1er septembre 2015 de la directrice du centre hospitalier intercommunal d'Elbeuf-Louviers/Val-de-Reuil prononçant son licenciement pour insuffisance professionnelle, ensemble la décision implicite de rejet de son recours gracieux formé à l'encontre de cette décision.

Par un jugement n° 1600964 du 29 mars 2018, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 24 mai 2018, le 5 avril 2019 et le 9 mai 2019, Mme A..., représentée par Me C... D..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler la décision du 1er septembre 2015 de la directrice du centre hospitalier intercommunal d'Elbeuf-Louviers/Val-de-Reuil, ensemble la décision implicite de rejet de son recours gracieux ;

3°) d'enjoindre au centre hospitalier de la réintégrer en tant qu'adjoint administratif hospitalier dans le délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou subsidiairement, de lui enjoindre de réexaminer sa demande, sous la même condition de délai et d'astreinte ;

4°) de mettre une somme de 1 500 euros à la charge du centre hospitalier intercommunal d'Elbeuf-Louviers/Val-de-Reuil au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;

- la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 ;

- le décret n° 91-155 du 6 février 1991 ;

- le décret n° 97-185 du 25 février 1997 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Muriel Milard, premier conseiller,

- et les conclusions de Mme Anne-Marie Leguin, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A... a été recrutée en qualité d'agent des services hospitaliers à partir du 5 août 1996 par le centre hospitalier intercommunal d'Elbeuf-Louviers/Val-de-Reuil par contrats à durée déterminée puis à compter du 1er janvier 2003 par un contrat à durée indéterminée. Exerçant les fonctions d'aide-soignante, elle a été victime d'un accident de service le 6 février 2010 ayant entraîné une entorse au poignet ainsi que d'une maladie reconnue comme professionnelle à raison d'une hernie discale avec sciatique. Le médecin du service santé au travail de l'établissement a préconisé le 18 janvier 2012, lors de la reprise d'activité de Mme A..., un reclassement professionnel sur un emploi administratif. Cette dernière a bénéficié, dans ce cadre, d'un congé de formation professionnelle. Par un avenant à son contrat du 16 juin 2014, Mme A... a été reclassée à compter du 1er juin 2014 comme adjoint administratif hospitalier avec une période probatoire d'un an et a été affectée à la direction de l'accueil, de la clientèle et de la qualité. Par une décision du 1er septembre 2015, la directrice du centre hospitalier intercommunal d'Elbeuf-Louviers/Val-de-Reuil a licencié l'intéressée pour insuffisance professionnelle. Mme A... relève appel du jugement du 29 mars 2018 par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.

Sur la légalité de la décision du 1er septembre 2015 de licenciement :

Sur la légalité externe :

Sur le défaut de motivation :

2. Aux termes de l'article 44 du décret n° 91-155 du 6 février 1991 relatif aux dispositions générales applicables aux agents contractuels des établissements mentionnés à l'article 2 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 dans sa version en vigueur à la date de la décision attaquée : " Lorsque l'autorité signataire du contrat envisage de licencier un agent contractuel, elle doit, avant toute décision, convoquer l'intéressé par lettre recommandée ou par lettre remise en main propre contre décharge, en lui indiquant l'objet de la convocation. Au cours de l'entretien, l'employeur est tenu d'indiquer le ou les motifs à la décision envisagée et de recueillir les explications du salarié. (...) ".

3. La décision du 1er septembre 2015 en litige vise les textes dont elle fait application, notamment le décret n° 91-155 du 6 février 1991, mentionne les différents entretiens qui se sont déroulés avec l'intéressée, et notamment l'entretien préalable au licenciement du 17 juin 2015 au cours duquel lui ont été exposés les motifs du licenciement envisagé, entretien dont le contenu a été repris dans un courrier du 22 juin 2015 exposant de manière détaillée ses difficultés d'adaptation sur un emploi administratif. Par suite, le moyen tiré du défaut de motivation doit être écarté.

Sur le vice de procédure :

4. Aux termes de l'article 8 du décret du 25 février 1997 relatif au recrutement des travailleurs handicapés dans la fonction publique hospitalière pris pour l'application de l'article 27 de la loi du 9 janvier 1986 : " Au terme de la durée du contrat, l'appréciation de l'aptitude professionnelle de l'agent est effectuée par l'autorité disposant du pouvoir de nomination, au vu du dossier de l'intéressé et après un entretien avec celui-ci. (...) III. - Si l'appréciation de l'aptitude de l'agent ne permet pas d'envisager qu'il puisse faire preuve de capacités professionnelles suffisantes, le contrat n'est pas renouvelé, après avis de la commission administrative paritaire du corps concerné (...) ".

5. Mme A... a été recrutée en qualité d'agent des services hospitaliers qualifié par un contrat à durée indéterminée à compter du 1er janvier 2003. Son contrat a été modifié par un avenant conclu le 16 juin 2014 pour tirer les conséquences de son reclassement en qualité d'adjoint administratif. Par suite, Mme A... ne peut utilement se prévaloir des dispositions précitées du III de l'article 8 du décret du 25 février 1997 dès lors que celles-ci ne sont applicables qu'aux recrutements de travailleurs handicapés par la voie d'un contrat à durée déterminée.

Sur la légalité interne :

6. D'une part, il ressort tout d'abord des entretiens d'évaluation de Mme A... des 12 et 26 novembre 2014 que, si l'intéressée, qui était affectée du 1er juin 2014 au 31 août 2014 à l'accueil des consultations de chirurgie, puis à compter du 1er septembre 2014 au secrétariat du service social, a su s'intégrer aux deux équipes et a accepté les différentes tâches professionnelles confiées, il a été constaté que son rythme d'apprentissage n'avait pas été à la hauteur des attentes sur les deux postes et qu'après trois mois dans chacun de ceux-ci, elle n'a pas été en capacité d'exercer seule les missions qui lui étaient confiées. Il a également été constaté, pour le premier poste, que les compétences de l'intéressée correspondaient à peine aux acquis d'un nouveau recruté après trois semaines de formation. Il a aussi été relevé une incapacité d'absorption du flux des patients au mois d'août et une attitude d'accueil physique non adaptée au poste avec notamment une grande timidité. En outre, il a été constaté que les missions relatives au service social mentionnées dans la fiche de poste n'étaient pas acquises et que l'intéressée avait des difficultés en ce qui concerne l'accueil téléphonique. En conclusion, il a été relevé que le niveau de formation de base de Mme A... était insuffisant pour exercer les fonctions administratives qui lui ont été confiées.

7. D'autre part, il ressort de la dernière évaluation effectuée le 27 mai 2015 par la directrice accueil-clientèle qualité que, si Mme A... a acquis au terme d'une période de douze mois quelques connaissances utiles à un adjoint administratif, elle n'a cependant pas montré de capacités d'adaptation lui permettant d'être opérationnelle au poste d'agent d'accueil. Si certains des critères d'évaluation, comme celui de la conscience professionnelle, du comportement avec le patient, avec le public, avec l'équipe, avec l'encadrement et sa présence au travail étaient satisfaisants, ceux relatifs à la personnalité et à l'esprit d'initiative, aux capacités d'adaptation et aux capacités à évoluer ont été jugés insuffisants.

8. Mme A... soutient que, contrairement aux motifs sur lesquels est fondée la décision, elle n'a bénéficié d'aucun accompagnement individualisé dans le cadre de sa reconversion professionnelle à partir du 1er juin 2014, qu'elle est restée sans suivi pendant plusieurs mois et qu'elle a manqué de temps pour préparer son entretien du 27 mai 2015. Elle soutient également qu'elle a eu des évaluations satisfaisantes en particulier le 27 mai 2015. Elle fait également valoir qu'elle n'a pas disposé du matériel adapté à son handicap.

9. En premier lieu, il ressort des éléments précédemment examinés que Mme A... a fait l'objet d'un suivi avec une périodicité définie avec la responsable du service social et avec l'encadrante au service des consultations. Elle a en effet, bénéficié de rendez-vous réguliers avec la première les 11 août 2014, 12 novembre 2014 et 26 novembre 2014. En outre, Mme A... a été formée à l'accueil des consultations en chirurgie par une équipe de trois agents administratifs et au secrétariat du service social sur les sites de Louviers et d'Elbeuf par deux agents. Elle a ainsi bénéficié d'un suivi régulier et particulier de la part de son encadrement immédiat et d'une formation concrète assurée par les agents des deux services où elle a été affectée en surnombre. Par suite, Mme A... n'est pas fondée à soutenir qu'elle n'a bénéficié d'aucun accompagnement individualisé dans l'exercice de ses nouvelles fonctions.

10. En deuxième lieu, si Mme A... a été convoquée le 26 mai 2015 à un entretien d'évaluation prévu le 27 mai, aucune disposition n'impose le respect d'un délai particulier, comme l'ont estimé à bon droit les premiers juges.

11. En troisième lieu, comme cela a été dit au point 8, il ressort des évaluations sus-évoquées que malgré l'accompagnement dont elle a bénéficié dans l'exercice de ses nouvelles fonctions sur un poste d'agent d'accueil, Mme A... n'a pu s'adapter à celles-ci et n'avait pas acquis au terme de sa période probatoire de douze mois les compétences nécessaires. Par suite, la directrice du centre hospitalier a pu sans commettre d'erreur d'appréciation, prononcer par la décision en litige le licenciement pour insuffisance professionnelle de Mme A....

12. Enfin, il n'est pas contesté que le médecin du service santé au travail a estimé lors de sa visite de reprise que Mme A... était apte au poste d'adjoint administratif avec préconisation d'un fauteuil avec accoudoirs adaptés et un dossier ergonomique, ce dont Mme A... n'a effectivement pas bénéficié. Cependant, il ne ressort pas des pièces du dossier que cette circonstance aurait eu une influence sur l'évaluation de ses capacités professionnelles en qualité d'adjoint administratif.

13. En dernier lieu, aux termes de l'article 1er de la loi du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations transposant en droit interne les dispositions de la directive 2000/78 du Conseil du 27 novembre 2000 portant création d'un cadre général en faveur de l'égalité de traitement en matière d'emploi et de travail : " Constitue une discrimination directe la situation dans laquelle, sur le fondement de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie ou une race, sa religion, ses convictions, son âge, son handicap, son orientation sexuelle ou son sexe, une personne est traitée de manière moins favorable qu'une autre ne l'est, ne l'a été ou ne l'aura été dans une situation comparable./ Constitue une discrimination indirecte une disposition, un critère ou une pratique neutre en apparence, mais susceptible d'entraîner, pour l'un des motifs mentionnés au premier alinéa, un désavantage particulier pour des personnes par rapport à d'autres personnes, à moins que cette disposition, ce critère ou cette pratique ne soit objectivement justifié par un but légitime et que les moyens pour réaliser ce but ne soient nécessaires et appropriés (...) ". Aux termes de l'article 4 de cette loi : " Toute personne qui s'estime victime d'une discrimination directe ou indirecte présente devant la juridiction compétente les faits qui permettent d'en présumer l'existence. Au vu de ces éléments, il appartient à la partie défenderesse de prouver que la mesure en cause est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination (...) ".

14. Il appartient au requérant qui s'estime lésé par une telle mesure de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer une atteinte à ce dernier principe, il incombe au défendeur de produire tous ceux permettant d'établir que la décision attaquée repose sur des éléments objectifs étrangers à toute discrimination. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si la décision contestée devant lui a été ou non prise pour des motifs entachés de discrimination, se détermine au vu de ces échanges contradictoires. En cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile.

15. Mme A... soutient que l'absence de mise en place des aménagements dont elle avait besoin en sa qualité de travailleur handicapé constitue une discrimination au regard de la jurisprudence de la cour de justice de l'Union européenne et que cette discrimination est à l'origine de son licenciement.

16. Mme A... s'est vu reconnaître la qualité de travailleur handicapé et avait une incapacité permanente partielle de 33 % à la suite de son accident de service du 6 février 2010 et de 17 % au titre de la maladie professionnelle dont elle est atteinte. Cependant, pour les mêmes motifs que ceux retenus au point 12, dans la mesure où Mme A... a bénéficié d'un reclassement dans des fonctions administratives sans port de charges lourdes à raison de son inaptitude à exercer ses fonctions d'aide-soignante, la seule circonstance qu'elle n'a pas bénéficié d'un fauteuil ergonomique adapté, ne permet pas de regarder l'intéressée comme ayant été victime de discrimination au sens des dispositions précitées. Mme A... se prévaut de recommandations émises par le défenseur des droits en matière de discrimination, cependant, les recommandations émises par cette autorité n'énoncent en principe pas de règles qui s'imposent aux personnes privées ou aux autorités publiques.

17. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte et celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de Mme A..., qui est la partie perdante dans la présente instance, le versement au centre hospitalier intercommunal d'Elbeuf-Louviers/Val-de-Reuil d'une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions du centre hospitalier intercommunal d'Elbeuf-Louviers/Val-de-Reuil présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et au centre hospitalier intercommunal d'Elbeuf-Louviers/Val-de-Reuil.

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N°18DA01045


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 18DA01045
Date de la décision : 28/11/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-10-06 Fonctionnaires et agents publics. Cessation de fonctions. Licenciement.


Composition du Tribunal
Président : Mme Courault
Rapporteur ?: Mme Muriel Milard
Rapporteur public ?: Mme Leguin
Avocat(s) : LANGUIL

Origine de la décision
Date de l'import : 16/12/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2019-11-28;18da01045 ?
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