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19/11/2019 | FRANCE | N°18DA00291

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1ère chambre, 19 novembre 2019, 18DA00291


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par une requête, enregistrée le 7 février 2018, et des mémoires, enregistrés les 18 mai et 10 septembre 2018, la société de Distribution Noeuxoise, représentée par la SCP C... et associés, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 5 janvier 2018 par lequel le maire de Noeux-les-Mines a délivré à la SNC Lidl un permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale pour la construction d'un supermarché à l'e

nseigne " Lidl " sur un terrain situé rue Léon Blum ;

2°) de mettre à la charge de la SNC...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par une requête, enregistrée le 7 février 2018, et des mémoires, enregistrés les 18 mai et 10 septembre 2018, la société de Distribution Noeuxoise, représentée par la SCP C... et associés, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 5 janvier 2018 par lequel le maire de Noeux-les-Mines a délivré à la SNC Lidl un permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale pour la construction d'un supermarché à l'enseigne " Lidl " sur un terrain situé rue Léon Blum ;

2°) de mettre à la charge de la SNC Lidl et de la commune de Noeux-les-Mines la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de commerce ;

- le code de la construction et de l'habitation ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Claire Rollet-Perraud, président-assesseur,

- les conclusions de M. Charles-Edouard Minet, rapporteur public,

- et les observations de Me B... C..., représentant la société de Distribution Noeuxoise, et de Me D... A..., représentant la SNC Lidl.

Considérant ce qui suit :

1. La SNC Lidl a déposé, le 15 juin 2017, une demande de permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale pour la création d'un supermarché à dominante alimentaire à l'enseigne " Lidl ", sur le territoire de la commune de Noeux-les-Mines. Cette demande a donné lieu à un avis favorable de la commission départementale d'aménagement commercial le 19 septembre 2017, confirmé par un avis de la Commission nationale d'aménagement commercial le 21 novembre 2017. Par un arrêté du 5 janvier 2018, le maire de Noeux-les-Mines a délivré à la pétitionnaire le permis de construire sollicité. Par la présente requête, la société de Distribution Noeuxoise, qui exploite un supermarché concurrent dans la même zone de chalandise, demande à la cour d'annuler pour excès de pouvoir cet arrêté.

Sur la méconnaissance de l'article R. 752-4 du code de commerce :

2. Aux termes de l'article R. 752-4 du code de commerce : " La demande d'autorisation d'exploitation commerciale est présentée : / a) Soit par le ou les propriétaires du ou des terrains ou immeubles, par toute personne justifiant d'un titre du ou des propriétaires l'habilitant à exécuter les travaux ou par le mandataire d'une de ces personnes ; / b) Soit par une personne ayant qualité pour bénéficier de l'expropriation pour cause d'utilité publique (...) ".

3. Il n'est pas contesté que le terrain d'assiette du projet est la propriété de la société STCN. Le dossier de demande d'autorisation d'exploitation commerciale déposé par la pétitionnaire comportait l'autorisation qui lui avait été délivrée à cet effet par la propriétaire de cette parcelle. La société de Distribution Noeuxoise n'est, dès lors, pas fondée à soutenir que le permis de construire en litige aurait été délivré en méconnaissance des dispositions citées au point précédent.

Sur la méconnaissance de l'article R. 111-14-3-2 du code de la construction et de l'habitation :

4. D'une part, aux termes de l'article L. 111-8 du code de la construction et de l'habitation, dans sa rédaction en vigueur à la date de l'arrêté en litige : " Les travaux qui conduisent à la création, l'aménagement ou la modification d'un établissement recevant du public ne peuvent être exécutés qu'après autorisation délivrée par l'autorité administrative qui vérifie leur conformité aux règles prévues aux articles L. 111-7, L. 123-1 et L. 123-2. / Lorsque ces travaux sont soumis à permis de construire, celui-ci tient lieu de cette autorisation dès lors que sa délivrance a fait l'objet d'un accord de l'autorité administrative compétente mentionnée à l'alinéa précédent (...) ". Aux termes de l'article R. 111-19-14 du même code, dans sa version applicable au litige, l'autorisation de construire, d'aménager ou de modifier un établissement recevant le public prévue à l'article L. 111-8 " (...) ne peut être délivrée que si les travaux projetés sont conformes : / a) Aux règles d'accessibilité aux personnes handicapées prescrites, pour la construction ou la création d'un établissement recevant du public, à la sous-section 4 de la présente section ou, pour l'aménagement ou la modification d'un établissement recevant du public existant, à la sous-section 5 de la même section ; / b) Aux règles de sécurité prescrites aux articles R. 123-1 à R. 123-21 ".

5. D'autre part, aux termes de l'article L. 425-3 du code de l'urbanisme : " Lorsque le projet porte sur un établissement recevant du public, le permis de construire tient lieu de l'autorisation prévue par l'article L. 111-8 du code de la construction et de l'habitation dès lors que la décision a fait l'objet d'un accord de l'autorité administrative compétente qui peut imposer des prescriptions relatives à l'exploitation des bâtiments en application de l'article L. 123-2 du code de la construction et de l'habitation. Le permis de construire mentionne ces prescriptions. Toutefois, lorsque l'aménagement intérieur d'un établissement recevant du public ou d'une partie de celui-ci n'est pas connu lors du dépôt d'une demande de permis de construire, le permis de construire indique qu'une autorisation complémentaire au titre de l'article L. 111-8 du code de la construction et de l'habitation devra être demandée et obtenue en ce qui concerne l'aménagement intérieur du bâtiment ou de la partie de bâtiment concernée avant son ouverture au public ".

6. Il résulte des dispositions précitées que lorsque le projet porte sur un établissement recevant du public, le permis de construire, qui tient lieu de l'autorisation prévue par l'article L. 111-8 du code de la construction et de l'habitation dès lors que la décision a fait l'objet d'un accord de l'autorité administrative compétente, ne peut être légalement délivré qu'à la condition que ce projet respecte les dispositions du code de la construction et de l'habitation relatives, d'une part, à l'accessibilité aux personnes handicapées et, d'autre part, à la sécurité contre les risques d'incendie et de panique dans ces établissements. En revanche, les autres règles de construction prévues par ce code ne sont pas au nombre de celles dont le permis de construire vise à assurer le respect. Dès lors, et à supposer même qu'en l'espèce, le permis de construire en litige puisse être regardé comme tenant lieu d'autorisation au titre de la législation sur les établissements recevant du public, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article R. 111-14-3-2 du code de la construction et de l'habitation relatif à l'obligation, dans certaines circonstances, de création de places de stationnement permettant la recharge des véhicules électriques est inopérant.

Sur la compatibilité du projet avec le schéma de cohérence territoriale de l'Artois :

7. Aux termes du I de l'article L. 752-6 du code de commerce, dans sa version applicable au litige : " L'autorisation d'exploitation commerciale mentionnée à l'article L. 752-1 est compatible avec le document d'orientation et d'objectifs des schémas de cohérence territoriale (...) ".

8. Il appartient aux commissions d'aménagement commercial non de vérifier la conformité des projets d'exploitation commerciale qui leur sont soumis aux énonciations des schémas de cohérence territoriale, mais d'apprécier la compatibilité de ces projets avec les orientations générales et les objectifs qu'ils définissent.

9. Le document d'orientations générales du schéma de cohérence territoriale de l'Artois, approuvé par une délibération du 29 février 2008, énonce notamment, en son chapitre intitulé " optimiser le développement économique ", que les auteurs de ce schéma ont souhaité que le développement économique sur le territoire de l'agglomération soit rendu compatible avec les principes de gestion économe de l'espace, de maîtrise de la mobilité motorisée et de proximité entre les lieux d'emploi, d'habitat, de commerce et de services. Il s'agit notamment de rééquilibrer l'offre commerciale et de conforter son dynamisme. Dans cette optique, la maîtrise qualitative et quantitative du développement des espaces commerciaux périphériques se fera par la limitation de l'extension des zones périphériques au détriment des surfaces agricoles, le renforcement de l'accessibilité de ces zones et une meilleure intégration paysagère. Le document prescrit également le confortement du commerce de centre-ville et de proximité.

10. Le projet contesté porte sur la création d'un supermarché à l'enseigne " Lidl " d'une surface de vente de 1 286 m² dans la zone d'activités Loisinord, située en périphérie Est de la commune. Il sera implanté en lieu et place d'une usine de chaudronnerie et de tuyauterie existant au sein de la zone commerciale. Ainsi, le projet, qui réemploie une parcelle occupée par une entreprise industrielle, ne consommera pas de surfaces agricoles ou naturelles et ne contribuera pas à étendre la zone d'activités. La nouvelle surface commerciale viendra compléter l'offre dans cette zone et ainsi renforcer son attractivité. Il ne ressort pas des pièces du dossier que le projet viendrait déséquilibrer l'offre commerciale du centre-ville. Dans ces conditions, ce projet n'est pas incompatible avec les orientations du schéma de cohérence territoriale de l'Artois rappelées au point précédent.

Sur le respect des objectifs de l'article L. 752-6 du code de commerce :

11. Aux termes de l'article L. 752-6 du code de commerce, dans sa version applicable au litige : " (...) / La commission départementale d'aménagement commercial prend en considération : / 1° En matière d'aménagement du territoire : / a) La localisation du projet et son intégration urbaine ; ; / b) La consommation économe de l'espace, notamment en termes de stationnement ; / c) L'effet sur l'animation de la vie urbaine, rurale et dans les zones de montagne et du littoral ; / d) L'effet du projet sur les flux de transports et son accessibilité par les transports collectifs et les modes de déplacement les plus économes en émission de dioxyde de carbone ; / 2° En matière de développement durable : / a) La qualité environnementale du projet, notamment du point de vue de la performance énergétique, du recours le plus large qui soit aux énergies renouvelables et à l'emploi de matériaux ou procédés éco-responsables, de la gestion des eaux pluviales, de l'imperméabilisation des sols et de la préservation de l'environnement ; / b) L'insertion paysagère et architecturale du projet, notamment par l'utilisation de matériaux caractéristiques des filières de production locales ; / c) Les nuisances de toute nature que le projet est susceptible de générer au détriment de son environnement proche. / Les a et b du présent 2° s'appliquent également aux bâtiments existants s'agissant des projets mentionnés au 2° de l'article L. 752-1 ; / 3° En matière de protection des consommateurs : / a) L'accessibilité, en termes, notamment, de proximité de l'offre par rapport aux lieux de vie ; / b) La contribution du projet à la revitalisation du tissu commercial, notamment par la modernisation des équipements commerciaux existants et la préservation des centres urbains ; / c) La variété de l'offre proposée par le projet, notamment par le développement de concepts novateurs et la valorisation de filières de production locales ; / d) Les risques naturels, miniers et autres auxquels peut être exposé le site d'implantation du projet, ainsi que les mesures propres à assurer la sécurité des consommateurs. / (...) ".

12. Il appartient aux commissions d'aménagement commercial, lorsqu'elles statuent sur les dossiers de demande d'autorisation, d'apprécier la conformité du projet à ces objectifs, au vu des critères d'évaluation mentionnés à l'article L. 752-6 du code de commerce. L'autorisation d'exploitation commerciale ne peut être refusée que si, eu égard à ses effets, le projet contesté compromet la réalisation des objectifs énoncés par la loi.

13. En premier lieu, au regard de la situation et des caractéristiques du projet, notamment compte tenu de sa faible surface totale de vente qui ne comporte pas de galerie commerciale, des commerces existants à Noeux-les-Mines, dont il n'est pas établi qu'ils connaîtraient des difficultés particulières, ainsi que de l'offre commerciale proposée par le projet, il ne ressort pas des pièces du dossier que celui-ci aura des effets négatifs sur l'animation de la vie urbaine, notamment de Noeux-les-Mines. En outre, la situation du projet, à proximité de plusieurs poches d'habitat à l'ouest, est susceptible d'avoir un effet positif sur l'animation de ces ensembles urbains. Enfin, il n'appartient pas à la Commission nationale d'aménagement commercial d'apprécier la densité des surfaces soumises à autorisation commerciale dans le secteur.

14. En second lieu, la superficie totale du bâti est de 1 958 m² dont 1 286 m² consacrés à la vente. Le projet prévoit la création de 130 places de stationnement dont 105 en matériaux perméables et 17 réservées au co-voiturage Le pourcentage d'espaces verts est de 44 % soit 13 091 m². Il n'existe pas de disproportion manifeste entre la surface occupée par les espaces extérieurs, celle des bâtiments et la fréquentation attendue qui correspond à celle d'une moyenne surface alimentaire. En outre, le projet a vocation à réutiliser un terrain déjà occupé et qui était intégralement imperméabilisé.

15. Par suite, le projet ne méconnaît pas le critère du 1° du I de l'article L. 752-6 du code de commerce relatif à l'aménagement du territoire.

16. Il résulte de tout ce qui précède que la société de Distribution Noeuxoise n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêté du maire de Noeux-les-Mines du 5 janvier 2018 délivrant un permis de construire à la SNC Lidl.

Sur les frais liés au litige :

17. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la commune de Noeux-les-Mines ou de la SNC Lidl le versement à la société de Distribution Noeuxoise des sommes qu'elle réclame sur ce fondement.

18. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société de Distribution Noeuxoise le versement de la somme de 2 000 euros à la SNC Lidl sur le même fondement.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société de Distribution Noeuxoise est rejetée.

Article 2 : La société de Distribution Noeuxoise versera la somme de 2 000 euros à la SNC Lidl au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société de Distribution Noeuxoise, à la commune de Noeux-les-Mines et à la SNC Lidl.

N°18DA00291 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 18DA00291
Date de la décision : 19/11/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Commerce - industrie - intervention économique de la puissance publique - Réglementation des activités économiques - Activités soumises à réglementation - Aménagement commercial.

Urbanisme et aménagement du territoire - Autorisations d`utilisation des sols diverses - Autorisation d`exploitation commerciale (voir : Commerce - industrie - intervention économique de la puissance publique).


Composition du Tribunal
Président : M. Boulanger
Rapporteur ?: Mme Claire Rollet-Perraud
Rapporteur public ?: M. Minet
Avocat(s) : CABINET D'AVOCATS COURRECH

Origine de la décision
Date de l'import : 04/02/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2019-11-19;18da00291 ?
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