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05/11/2019 | FRANCE | N°18DA00364

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1ère chambre, 05 novembre 2019, 18DA00364


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par une première demande enregistrée sous le n° 1401777, la société Electricité de France a demandé au tribunal administratif de Lille d'ordonner la restitution par l'établissement public Voies navigables de France de la somme totale de 520 420 569 euros correspondant aux montants de la taxe sur les titulaires d'ouvrages hydrauliques auxquels elle a été assujettie au titre des années 2009 à 2013.

Par une seconde demande enregistrée sous le n° 1603068, la société Electricité de France a dem

andé au tribunal administratif de Lille d'ordonner la restitution par l'établissement...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par une première demande enregistrée sous le n° 1401777, la société Electricité de France a demandé au tribunal administratif de Lille d'ordonner la restitution par l'établissement public Voies navigables de France de la somme totale de 520 420 569 euros correspondant aux montants de la taxe sur les titulaires d'ouvrages hydrauliques auxquels elle a été assujettie au titre des années 2009 à 2013.

Par une seconde demande enregistrée sous le n° 1603068, la société Electricité de France a demandé au tribunal administratif de Lille d'ordonner la restitution par l'établissement public Voies navigables de France de la somme totale de 227 127 204 euros correspondant aux montants de la taxe sur les titulaires d'ouvrages hydrauliques auxquels elle a été assujettie au titre des années 2014 et 2015.

Par un jugement nos 1401777,1603068 du 19 décembre 2017, le tribunal administratif de Lille, après avoir joint les deux demandes, les a rejetées.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 17 février 2018, et des mémoires, enregistrés les 24 mai 2019 et 9 septembre 2019, la société Electricité de France, représentée par Me B... C..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'ordonner la restitution par l'établissement public Voies navigables de France des montants de la taxe sur les titulaires d'ouvrages hydrauliques auxquels elle a été assujettie au titre des années 2009 à 2015 ;

3°) subsidiairement, d'ordonner la restitution par l'établissement public Voies navigables de France du montant de la taxe sur les titulaires d'ouvrages hydrauliques auquel elle a été assujettie au titre de la seule année 2011 ;

4°) de mettre à la charge de l'établissement public Voies navigables de France la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la Constitution, notamment son article 61-1 ;

- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, notamment ses articles 23-1 à 23-3 ;

- le code de l'environnement ;

- le code des transports ;

- la loi n° 90-1168 du 29 décembre 1990, notamment son article 124 ;

- la loi n° 2018-1317 du 28 décembre 2018 de finances pour 2019 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Jimmy Robbe, premier conseiller,

- les conclusions de M. Charles-Edouard Minet, rapporteur public,

- et les observations de Me B... C..., représentant la société Electricité de France, et de Me D... A..., représentant l'établissement public Voies navigables de France.

Considérant ce qui suit :

1. La société Electricité de France (EDF) a été assujettie, au titre des années 2009 à 2015, à la taxe sur les titulaires d'ouvrages hydrauliques, perçue par l'établissement public Voies navigables de France (VNF). Elle a adressé à cet établissement, le 19 décembre 2013, cinq réclamations tendant à la restitution des sommes versées au titre des années 2009 à 2013, et, le 21 décembre 2015, deux réclamations tendant à la restitution de celles versées au titre des années 2014 et 2015. Ces réclamations ayant été rejetées par VNF, la société EDF a saisi le tribunal administratif de Lille de deux demandes, tendant aux mêmes fins que ses réclamations, et subsidiairement à la restitution du montant versé au titre de la seule année 2011. La société EDF relève appel du jugement du 19 décembre 2017 par lequel le tribunal administratif de Lille, après avoir joint les deux demandes, les a rejetées.

2. Il résulte des dispositions combinées des premiers alinéas des articles 23-1 et 23-2 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel que la cour administrative d'appel, saisie d'un moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution présenté dans un écrit distinct et motivé procède à la transmission de cette question prioritaire de constitutionnalité au Conseil d'Etat, en vue de sa transmission au Conseil constitutionnel, si est remplie la triple condition que la disposition contestée est applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement de circonstances, et que la question ne soit pas dépourvue de caractère sérieux.

3. Aux termes de l'article 34 de la Constitution : " La loi fixe les règles concernant (...) l'assiette, le taux et les modalités de recouvrement des impositions de toutes natures (...) ". Il s'ensuit que, lorsqu'il définit une imposition, le législateur doit déterminer ses modalités de recouvrement, lesquelles comprennent les règles régissant le contrôle, le recouvrement, le contentieux, les garanties et les sanctions applicables à cette imposition. La méconnaissance, par le législateur, de l'étendue de sa compétence dans la détermination des modalités de recouvrement d'une imposition affecte par elle-même le droit à un recours effectif garanti par l'article 16 de la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen de 1789.

4. En vertu des dispositions alors en vigueur du I et du II de l'article 124 de la loi du 29 décembre 1990 de finances pour 1991, reprises aux articles L. 4316-3 à L. 4316-6 du code des transports, et désormais abrogées à compter du 1er janvier 2020 par l'article 26 de la loi du 28 décembre 2018 de finances pour 2019, l'établissement public Voies navigables de France perçoit une taxe " sur les titulaires d'ouvrages de prise d'eau, rejet d'eau ou autres ouvrages hydrauliques destinés à prélever ou à évacuer des volumes d'eau sur le domaine public fluvial qui lui est confié ".

5. Contrairement à ce que soutiennent la ministre de la transition écologique et solidaire et l'établissement public Voies Navigables de France, la société Electricité de France a spécialement désigné les dispositions législatives qu'elle estime applicables au litige et dont elle soulève l'inconstitutionnalité, en précisant qu'est en cause l'institution, par l'article 124 de la loi du 29 décembre 1990 de finances pour 1991, de la taxe sur les titulaires d'ouvrages hydrauliques, issue des seuls I et du II de cet article, et en reproduisant d'ailleurs, dans le corps de ses mémoires distincts, les seules dispositions de ces I et II de cet article 124.

6. La société électricité de France soutient que, faute de préciser les modalités de recouvrement de la taxe sur les titulaires d'ouvrages hydrauliques d'une part, et le fait générateur de cette taxe d'autre part, les I et II de l'article 124 de la loi du 29 décembre 1990 sont entachés d'une incompétence négative qui porte atteinte respectivement au droit à un recours effectif garanti par l'article 16 de la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen de 1789 et au droit de propriété garanti par les articles 2 et 17 de cette Déclaration.

7. Le I et le II de l'article 124 de la loi du 29 décembre 1990 de finances pour 1991 sont, dans leurs différentes versions, applicables au présent litige. Ils n'ont pas été déclarés conformes à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel. Le moyen tiré de ce qu'ils portent atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution, et notamment au droit à un recours effectif, n'est pas dépourvu de caractère sérieux. Par suite, il y a lieu de transmettre au Conseil d'Etat la question prioritaire de constitutionnalité invoquée.

DÉCIDE :

Article 1er : La question de la conformité à la Constitution des dispositions des I et II de l'article 124 de la loi du 29 décembre 1990 de finances pour 1991, dans leurs différentes versions applicables, et reprises avant leur abrogation le 1er janvier 2020 aux articles L. 4316-3 à L. 4316-6 du code des transports, est transmise au Conseil d'Etat.

Article 2 : Il est sursis à statuer sur la requête de la société Electricité de France jusqu'à la réception de la décision du Conseil d'Etat ou, s'il a été saisi, jusqu'à ce que le Conseil constitutionnel ait tranché la question de constitutionnalité ainsi soulevée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Electricité de France, à l'établissement public Voies navigables de France et à la ministre de la transition écologique et solidaire.

N°18DA00364 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 18DA00364
Date de la décision : 05/11/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. Boulanger
Rapporteur ?: M. Jimmy Robbe
Rapporteur public ?: M. Minet
Avocat(s) : CABINET D'AVOCATS ARAMIS

Origine de la décision
Date de l'import : 16/12/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2019-11-05;18da00364 ?
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