Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... D... a demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 5 avril 2016 du maire de Pontruet, en tant qu'il lui impose, ainsi qu'à Mme E... ou à leurs ayants droit, de démonter la charpente et un reste de couverture de leur immeuble situé 3 rue du Moulin, après avoir étayé le pignon voisin gauche ainsi que de démolir et déraser les murs et pignons à une hauteur de deux mètres par rapport au niveau du sol pour faire cesser le péril résultant d'une menace d'effondrement du bâtiment.
Par un jugement n° 1601801 du 15 juin 2017, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande et a mis à sa charge définitive les frais d'expertise.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 21 août 2017, et un mémoire ampliatif, enregistré le 17 octobre 2017, M. D..., représenté par Me C... B..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler l'arrêté du 5 avril 2016 en tant qu'il lui impose, ainsi qu'à Mme E... ou à leurs ayants droit, les travaux décrits ci-dessus ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Pontruet la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la construction et de l'habitation ;
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Claire Rollet-Perraud, président-assesseur,
- les conclusions de M. Charles-Edouard Minet, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M. D... et Mme E... sont propriétaires d'un terrain supportant un hangar situé 3 rue du moulin à Pontruet. Sur la base du rapport remis le 18 février 2016 par l'expert désigné par une ordonnance de la présidente du tribunal administratif d'Amiens, le maire de Pontruet a pris un arrêté de péril imminent, le 5 avril 2016, leur ordonnant de prendre toutes mesures pour garantir la sécurité publique dans un délai de deux mois. Ils devaient, pour ce faire, procéder au démontage de la charpente en place ainsi que du reste de la couverture en prenant soin d'étayer le pignon gauche voisin avant cette intervention, démolir et déraser les murs et pignons extérieurs à deux mètres par rapport au sol existant et, enfin, élaguer la haie d'arbres jouxtant la voirie communale pour éviter les désordres ou accidents avec le câble électrique alimentant les parcelles voisines. Par un arrêté du 12 mai 2016, le maire a modifié l'arrêté de péril du 5 avril 2016 en supprimant la prescription relative à l'élagage de la haie tout en confirmant ses autres dispositions. M. D... relève appel du jugement du 15 juin 2017 par lequel le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 5 avril 2016 en tant qu'il lui impose de démonter la charpente en place et le reste de la couverture après avoir étayé le pignon voisin gauche et de démolir et déraser les murs et pignons à une hauteur de deux mètres par rapport au niveau du sol.
2. Aux termes de l'article L. 2213-24 du code général des collectivités territoriales : " Le maire prescrit la réparation ou la démolition des murs, bâtiments, édifices ou monuments funéraires menaçant ruine dans les conditions prévues aux articles L. 511-1 à L. 511-4-1 du code de la construction et de l'habitation ". Aux termes de l'article L. 511-1 du code de la construction et de l'habitation : " Le maire peut prescrire la réparation ou la démolition des murs, bâtiments ou édifices quelconques lorsqu'ils menacent ruine et qu'ils pourraient, par leur effondrement, compromettre la sécurité ou lorsque, d'une façon générale, ils n'offrent pas les garanties de solidité nécessaires au maintien de la sécurité publique, dans les conditions prévues à l'article L. 511-2. Toutefois, si leur état fait courir un péril imminent, le maire ordonne préalablement les mesures provisoires indispensables pour écarter ce péril, dans les conditions prévues à l'article L. 511-3 / (...) ". L'article L. 511-3 du même code dispose que : " En cas de péril imminent, le maire, après avertissement adressé au propriétaire, demande à la juridiction administrative compétente la nomination d'un expert qui, dans les vingt-quatre heures qui suivent sa nomination, examine les bâtiments, dresse constat de l'état des bâtiments mitoyens et propose des mesures de nature à mettre fin à l'imminence du péril s'il la constate. / Si le rapport de l'expert conclut à l'existence d'un péril grave et imminent, le maire ordonne les mesures provisoires nécessaires pour garantir la sécurité, notamment, l'évacuation de l'immeuble. / Dans le cas où ces mesures n'auraient pas été exécutées dans le délai imparti, le maire les fait exécuter d'office. En ce cas, le maire agit en lieu et place des propriétaires, pour leur compte et à leurs frais / (...) ".
3. Il résulte de ces dispositions que, si le maire peut ordonner la démolition d'un immeuble en application des dispositions de l'article L. 511-2 du code de la construction et de l'habitation, après accomplissement des formalités qu'il prévoit, il doit, lorsqu'il agit sur le fondement de l'article L. 511-3 afin de faire cesser un péril imminent, se borner à prescrire les mesures provisoires nécessaires pour garantir la sécurité. En présence d'une situation d'extrême urgence créant un péril particulièrement grave et imminent qui exige la mise en oeuvre immédiate d'une mesure de démolition, le maire ne peut l'ordonner que sur le fondement des pouvoirs de police générale qu'il tient des dispositions des articles L. 2212-2 et L. 2212-4 du code général des collectivités territoriales. Un arrêté ordonnant la démolition d'un immeuble sur le fondement de l'article L. 511-3 du code de la construction et de l'habitation est entaché d'une illégalité qui touche au champ d'application de la loi et doit, par suite, si elle n'a pas été invoquée par le requérant, être relevée d'office par le juge saisi d'un recours contre l'arrêté.
4. Il ressort des pièces du dossier, et notamment du rapport de l'expert désigné par la présidente du tribunal administratif d'Amiens dans le cadre de la procédure de péril imminent, que le hangar situé sur le terrain appartenant au requérant présente un état de délabrement avancé. L'expert indique notamment que la couverture a pratiquement disparu, que des éléments de la charpente sont manquants et que d'autres sont pourris ou en état de décomposition, que la porte de la façade n'est plus tenue, le linteau étant défectueux, que le mur pignon n'est plus contreventé, que son arase se délite du fait de l'absence de couverture qui cause également la disparition du lien entre les briques. La détérioration du bâtiment était ainsi susceptible de provoquer, à tout moment, son effondrement sur la voie ou sur la propriété voisine et constituait donc un péril grave et imminent. L'existence d'un précédent arrêté de péril n'est pas de nature à remettre en cause cette analyse dès lors qu'en l'absence de tous travaux de consolidation de la construction, l'état de cette dernière n'avait pu qu'empirer. Dans ces conditions, M. D... n'est pas fondé à soutenir que le caractère imminent du péril n'est pas démontré.
5. Toutefois, par l'arrêté contesté, le maire a prescrit le démontage de la charpente en place ainsi que du reste de la couverture en prenant soin d'étayer le pignon gauche voisin avant cette intervention ainsi que la démolition et le dérasement des murs et pignons extérieurs à une hauteur de deux mètres par rapport au niveau du sol existant. Par leur ampleur, ces mesures de démolition excédent les mesures provisoires que le maire peut ordonner en vertu de l'article L. 511-3 du code de la construction et de l'habitation. Ainsi, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens qu'il invoque, M. D... est fondé à demander l'annulation de l'arrêté contesté.
6. Il résulte de ce qui précède que M. D... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande.
Sur les dépens :
7. Les frais d'expertise, taxés et liquidés par ordonnance de la présidente du tribunal administratif d'Amiens du 23 février 2016 à la somme totale de 1 005,73 euros toutes taxes comprises doivent être mis à la charge définitive de la commune de Pontruet pour une somme de 500 euros et à la charge définitive de M. D... pour une somme de 505,73 euros.
Sur les frais liés au litige :
8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. D..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la commune de Pontruet réclame au titre des frais liés au litige. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de la commune de Pontruet la somme réclamée par M. D... sur le même fondement.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif d'Amiens du 15 juin 2017 et l'arrêté du 5 avril 2016 du maire de Pontruet sont annulés.
Article 2 : Les frais d'expertise de l'instance taxés et liquidés à la somme totale de 1 005,73 euros toutes taxes comprises sont mis à la charge définitive de la commune de Pontruet pour une somme de 500 euros et de M. D... pour une somme de 505,73 euros.
Article 3 : Les conclusions de la commune de Pontruet et celles de M. D... tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... D... et à la commune de Pontruet.
N°17DA01692 4